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Parus au cours de l’été 2005 dans le journal québécois Le Devoir, les dix textes regroupés dans cet ouvrage parcourent quatre siècles d’histoire du Québec. Dix textes pour dix personnalités qui ont marqué le Québec.

Ces courtes biographies, seize petites pages pour la plus longue, cherchent certainement à rendre attendrissants des personnages, à révéler tel ou tel trait de leur personnalité qui serait resté méconnu. Mais le but recherché par les auteurs, sous la direction du sociologue Philippe Warren, est peut-être aussi ailleurs. Parce que, si panégyrique il y a, c’est bien celui du Québec qui se dessine peu à peu. Un Québec qui, au fil des pages et des personnes, devient la terre de toutes les utopies possibles.

Ainsi, en est-il de Louis-Joseph Papineau et du Mouvement patriote qui visait entre 1800 et 1838 à l’établissement dans le Bas-Canada.d’une république libre et démocratique. Et de rappeler que l’héritage de ce qui fut son échec, celui des Rébellions a été l’« empreinte durable d’une élite bien-pensante et malfaisante qui a travesti le matériau qui aurait pu nourrir ici […] un imaginaire du redressement et de l’affirmation […] » (p 47).

Ou encore Marie Guyart de l’Incarnation (XVIIe), qui portait la réflexion de la solidarité sociale. Ou Nicolas Vincent, grand chef traditionnel de la nation huronne-wendat (1810-1844) voulant la reconnaissance des droits territoriaux de sa nation, préfigurant les recommandations de la Commission royale sur les peuples autochtones de 1996. Et encore Eva Circé-Côté, fondatrice au début du XXe siècle de la bibliothèque technique de Montréal, féministe, libre-penseuse, journaliste, voulant libérer les Canadiens-français de leur « arriération » par l’éducation. Mais aussi le controversé chanoine Lionel Groulx qui dans la première moitié du XXe siècle se voua à reconstituer « la plénitude de la vie française », d’une Amérique française. On ne les citera pas bien sûr les dix ici mais nous terminerons par Marcel Rioux en ce que, sa « biographe », Diane Lamoureux, considère que dans sa pensée indépendance – il fut membre du Parti québécois – socialisme et autogestion sont moins des utopies que des « possibles » qui n’ont pas vu le jour.

Mais dans le prélude à cette galerie, Philippe Warren se défend de vouloir faire de ces figures du passé les fondateurs mythiques d’une nation qui serait en construction, de ce « pays incertain » dont il emprunte l’expression à Jacques Ferron. Témoins de leur époque, ils ont été porteurs d’un projet pour leur nation, d’un possible tellement rêvé que l’Histoire aurait pu le consacrer. Pour qui le voudrait, ce serait la leçon à retenir : faire que la société québécoise continue à vivre ses utopies.