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À l’été 2007, le mandat m’a été confié de constituer un index de mots clés de tous les articles, notes de recherche et textes de présentation de la revue Recherches féministes depuis 1988, en vue de transférer cet index sur un CD-ROM qui sera joint au numéro spécial du vingtième anniversaire de la revue. La présente note explique les principales étapes de ce travail d’indexation et les obstacles rencontrés. Elle contient aussi quelques propositions pour faciliter la recherche d’articles ou de thèmes particuliers sur les différentes plates-formes qui diffusent la revue.

La première étape a été la rencontre avec la secrétaire à l’édition du Service de la recherche et des développements numériques de la Bibliothèque de l’Université Laval. Le but était de préparer le travail à faire pour rendre opérationnelle la recherche par mots clés des articles du corpus. La méthode privilégiée a été d’inscrire dans un fichier Excel le titre de chaque article, son auteure ou auteur et son identifiant créé par Érudit.

La seconde étape a été l’indexation à proprement parler. Ce travail analytique consiste à décrire et à caractériser le contenu d’un texte ou d’un document à l’aide de mots clés, nommés aussi « descripteurs ». Les mots clés retenus représentent les concepts présents dans le texte. Un processus d’indexation comporte donc, d’une part, la reconnaissance et l’extraction des concepts et, d’autre part, la traduction de ces concepts dans un langage (dit « langage documentaire ») approprié à la classification et à la recherche de documents. La part analytique du travail d’indexation consiste à repérer des mots ou des expressions particulièrement significatifs (appelés « termes ») dans une discipline donnée et à créer un lien entre ces termes et le texte original. L’extraction du concept d’un texte implique ainsi une connaissance générale des enjeux théoriques liés au corpus (dans le cas qui nous occupe, les études féministes), de même que des termes théoriques admis dans le sous-champ dans lequel s’inscrit le texte (par exemple, la « division sexuelle du travail » ou la « socialisation différenciée »). Bien que le travail d’indexation comprenne, comme toute méthode d’analyse qualitative, une certaine subjectivité de la part de l’analyste, cette personne peut compter sur des outils de référence, notamment les moteurs de recherche déjà existants et pertinents, de même que sur les thésaurus. Pour ma part, j’ai consulté le moteur de recherche Repères[1], dans lequel plusieurs articles de la revue Recherches féministes avaient déjà été indexés. Toutefois, les termes descripteurs se sont avérés beaucoup trop précis (par exemple, « Femmes-Éducatrices-Garderies-Bas-Saint-Laurent » pour un seul descripteur), trop spécifiques pour arriver à regrouper plusieurs articles sous un même mot clé. Il a donc fallu séparer ces termes en plusieurs mots clés, soit « mot 1. Garderie », « mot 2. Bas-Saint-Laurent », etc., ce qui permettait ensuite de regrouper plusieurs articles sur le thème général « Garderie ». Quant à la région ou au pays, ils ont été mentionnés à titre de mots clés dans les cas où ils se présentaient comme essentiels à la problématique abordée dans un article donné. Par exemple, dans le cas de l’article intitulé « Le Centre de femmes du Témiscamingue : un acteur majeur dans le développement local », les mots clés choisis ont été, « Groupes de femmes, Femmes et développement, Économie sociale et Abitibi-Témiscamingue ». Le même procédé a été appliqué pour les noms propres. Par exemple, pour l’article ayant pour titre « La participation féministe au mouvement altermondialiste : une critique de l’Organisation mondiale du commerce », un des mots clés a été « Organisation mondiale du commerce (OMC) ». Cette règle concernant les noms propres et les lieux géographiques a été constante dans le travail d’indexation, le principe phare étant la systématisation.

Un autre outil s’est avéré essentiel, soit un thésaurus en études féministes : Canadian Feminist Thesaurus, Le thésaurus féministe du Canada (Toronto, OISE Press, 1990). Le thésaurus, outil majeur pour le travail d’indexation, est un dictionnaire hiérarchisé, c’est-à-dire un répertoire alphabétique présentant un vocabulaire normalisé sur la base de termes génériques et particuliers d’un domaine. Il ne fournit qu’accessoirement des définitions, car les relations des termes et leur choix l’emportent sur les significations. Il s’agit d’un outil de travail puisqu’il résulte d’un long processus de tri des mots, des appellations et des expressions employés de manière officieuse dans un domaine particulier. Un thésaurus doit périodiquement subir une phase de validation par la communauté visée. Le thésaurus féministe du Canada qui a été utilisé constitue, à ma connaissance, le seul outil de ce genre en français au Canada.

Les difficultés éprouvées lors de l’indexation des articles de la revue Recherches féministes ont été de deux ordres. D’une part, le dosage de la part de subjectivité inhérente à un tel travail analytique a été parfois problématique. Pour garder un équilibre constant entre les termes théoriques admis dans la discipline et la part de subjectivité de l’analyste, la lecture du résumé des articles figurant sur Érudit était cruciale. Ces résumés ont constitué un facteur facilitant de beaucoup le travail d’indexation de plus de 350 articles d’environ 25 pages chacun. De façon générale, le résumé d’un article scientifique présente le cadre conceptuel de l’auteur ou de l’auteure, sa problématique et les diverses sections de son argumentation, ce qui guide ensuite l’extraction de mots clés. D’autre part, une autre difficulté a été l’établissement d’une cohérence globale entre les termes pour éviter les répétitions ou les synonymes et pouvoir placer sous un même mot clé plusieurs articles. À titre d’illustration, pour l’article intitulé « L’État et les allocations familiales, une politique qui n’a jamais vraiment démarré », le choix d’un des descripteurs s’est arrêté sur « Néolibéralisme », à cause du contenu de l’article. Le descripteur aurait pu être plus précis, soit « Réforme de l’État », mais il n’aurait pu chapeauter d’autres articles. Le terme « Néolibéralisme », jugé rassembleur, a été choisi parce que plusieurs articles faisaient état de la privatisation des services publics, de la déréglementation, de l’État minimum et de l’idéologie liée à la valorisation du marché.

L’indexation des articles de la revue Recherches féministes pourrait être faite annuellement (deux numéros, soit environ 15 à 20 articles et notes de recherche) et fourni aux plates-formes qui diffusent la revue. Pour ce travail, il serait impératif de conserver la même base de mots clés par souci de cohérence et de systématisation. Autrement, des termes synonymes ou ne chapeautant qu’un seul article pourraient être choisis sans cohérence avec le travail déjà fait. Bien qu’il puisse être utile de demander aux auteures et aux auteurs de fournir des mots clés concernant leur article, ces termes ne pourraient être qu’indicatifs : une sélection devrait en être faite pour respecter la cohérence de l’ensemble des descripteurs. Il faudrait donc prévoir une révision des mots clés fournis par les auteures et les auteurs, travail qui serait accompli par une personne formée en matière d’indexation, afin de s’assurer que les termes s’intègrent de manière cohérente à la banque de descripteurs existante, et que cette dernière se voit enrichie de nouveaux termes à mesure que de nouvelles problématiques émergent en études féministes.