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1. Introduction

L’exploitation des graviers dans le chenal et la plaine d’inondation des rivières induit des modifications de la faune macrobenthique par les changements granulométriques, l’enfoncement du chenal et l’augmentation des matières en suspension qu’elle entraîne (DELEUZE, 2004; DUBIEN et BOUNI, 1996; KONDOLF, 1997). Dans la perspective d’atteindre le « bon état écologique » selon les demandes de la Directive Cadre européenne (DCE 2000/60/CE), les anciennes zones d’exploitation méritent une attention particulière. En général, les zones d’extraction des granulats sont étudiées durant l’exploitation de la gravière, ou quand celle-ci est transformée en lac (BORCHERDING et STURM, 2002; BORCHERDING et al., 2002). En effet, ces gravières peuvent demeurer en marge du chenal avec ou sans connexion et devenir des lieux privilégiés de frayères (notamment pour Abramis brama), avec une forte production de plancton (GRIFT, 2001; JURAJADA et al., 2004; NEUMANN et al., 1996; STAAS, 1998; STAAS et NEUMANN, 1994). Durant la période d’exploitation, les impacts (érosion du lit de la rivière, modification de la ripisylve, etc.) sont différents selon que la gravière se trouve en lit mineur ou en lit majeur (DUBIEN et BOUNI, 1996; KONDOLF, 1997; RYAN, 1991) et dans de rares cas, le chenal peut faire l’objet d’une capture par une gravière. En effet, lors d’un épisode de crue, une gravière peut capturer le chenal lorsqu’elle est à proximité du lit mineur et qu’elle n’est séparée de ce dernier que par quelques mètres de terre. Si cette partie est érodée, elle cède et la gravière se trouve alors en lien direct avec le cours d’eau. Ainsi, la capture déplace dans le chenal l’ancienne zone d’extraction qui était située hors du chenal. Les rares études portant sur ce type de processus rapportent essentiellement les dommages sur l’érosion de berges (occasionnés en amont comme en aval), sur la destruction de ponts et de bâtiments (par travail de sape) et sur les frayères à saumons (KONDOLF, 1997). Pour répondre au manque d’information sur les effets d’une telle rupture sédimentaire sur les communautés benthiques, un tronçon de l’Allier, affluent de la Loire (France), a été choisi comme zone d’étude, en raison de la présence d’une ancienne gravière exploitée dans la convexité d’un méandre jusqu’à la capture du cours d’eau en 1989. L’étude des changements géomorphologiques survenus dans le secteur a montré que, depuis cette date, en piégeant la totalité de la charge de fond (graviers, galets), la gravière était à l’origine de perturbations profondes du transport solide (SIMONT, 2003). L’objectif de cette étude est d’étudier l’influence de cette rupture du continuum sur la distribution longitudinale de la macrofaune benthique au regard de la granulométrie du lit de la rivière, de la richesse taxonomique, de la densité des organismes et de Traits Biologiques, Écologiques et Physiologiques (TBEP) tels que mode d’alimentation, niveau trophique et valeur saprobiale, de manière à détecter les divers types de perturbations, incluant la pollution organique (CHARVET, 1999; TACHET et al., 2000).

2. Matériel et méthodes

En référence au suivi des conditions hydrologiques, effectué à la station de jaugeage de l’agence de l’eau Loire-Bretagne située à proximité du site, l’étude a été menée les 5 et 10 juin 2003 (printemps) et les 28 et 29 août 2003 (été), après deux périodes hydrologiquement stables (≥ 15 jours). Chaque série de mesures est ainsi affranchie des perturbations liées à des transports de sédiment et des dérives catastrophiques (le soutien d’étiage apporté par le barrage de Naussac, situé en amont, assurant la stabilité hydraulique observée en août).

2.1. Site d’étude

Le secteur d’étude (rang 6 selon STRAHLER, 1957) est situé dans le Massif central français à 160 km des sources de l’Allier. Il s’étend dans la partie sud d’une plaine sédimentaire appelée « petite Limagne de Brioude», qui a été remblayée de terrains oligocènes immédiatement en aval des gorges de l’Allier (Tableau 1, figure 1). Le bassin versant, principalement gneissique et granitique, est couvert de pâturages et de cultures et la pression urbaine est faible. La rivière méandre dans une large plaine alluviale et, selon la classification de ROSGEN (1996), cette morphologie correspond à une rivière transportant une charge de fond faite essentiellement de graviers (type C4). Sa puissance hydraulique implique un important transport potentiel de cette charge de fond en cas de crue, ce qui n’a pas été le cas au moment de l’étude, mais explique le processus antérieur de capture cité précédemment.

Tableau 1

Principales caractéristiques de la rivière Allier au niveau du tronçon d’étude de la rivière Allier.

Main characteristics of the Allier River near the study reach.

Caractéristiques

Valeurs

Bassin versant

2750 km2

Débit annuel moyen

30 m3.s‑1

Crue décennale

498 m3.s‑1

Pente

0,0016 m.m‑1

Largeur du chenal

40 m

Puissance hydraulique au débit de plein bord

120 W.m‑2

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Figure 1

Carte du site d’étude. A Localisation de la rivière Allier. B Position du site d’étude sur la rivière Allier. C Position des trois seuils sur le tronçon d’étude.

Map of the study site. A Location of the Allier River. B Position of the study reach on the Allier River. C Position of the three riffle at the study reach.

Carte du site d’étude. A Localisation de la rivière Allier. B Position du site d’étude sur la rivière Allier. C Position des trois seuils sur le tronçon d’étude.

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La zone d’étude (altitude 404 m) s’étend sur 900 m. Elle est formée d’une succession de seuils et de mouilles coupés par l’ancienne zone d’extraction. Trois seuils successifs ont été étudiés : en amont de la gravière (seuil 1), en aval immédiat (seuil 2), et en aval éloigné (seuil 3). D’un point de vue géomorphologique, un seuil est composé de trois faciès d’écoulement : le radier, le plat et le rapide (CHURCH, 1996; PADMORE, 1998; PADMORE et al., 1998), dans lesquels divers habitats (pouvant être communs à plusieurs faciès) ont été différenciés. Utiliser comme unité de travail le seuil géomorphologique, unité caractéristique de toutes les rivières alluviales, permet ainsi d’avoir des conditions morphodynamiques tout à fait comparables le long d’un tronçon.

2.2. Habitat physique et échantillonnage de la macrofaune benthique

Avant d’échantillonner la macrofaune, de manière à caractériser les substrats composant ces trois géoformes fluviales, l’analyse granulométrique des trois faciès d’écoulement a été réalisée. Pour cela, des photographies numériques du lit de la rivière ont été prises à l’intérieur d’une boîte, munie d’un fond en plexiglas (0,25 m2) posé en miroir à la surface de l’eau (Figure 2). Ces photographies ont été réalisées en des points répartis de façon homogène dans le lit de la rivière, de manière à obtenir une vision détaillée de la granulométrie des trois seuils (l’échantillonnage de la macrofaune qui a suivi a été réalisé sur un certain nombre de ces points). Partant des photographies effectuées sous l’eau, les particules ont été mesurées selon leur plus petit axe, puis ordonnées selon les classes granulométriques suivantes <8, [8-16[, [16-32[, [32-64[, [64-128[, [128-256[, et >256 mm, correspondant à la nomenclature de MALAVOI et SOUCHON (2002) (Tableau 2). L’été 2003 ayant connu une forte période de sècheresse, en raison de la stabilité hydrologique (stabilité confortée en août par les lâchers de Naussac), cette analyse granulométrique n’a pas été renouvelée pour la deuxième période.

Figure 2

Exemple de processus de quantification de la granulométrie. A. Boîte munie d’un fond en plexiglass. B. Photographie du lit de la rivière. C. Digitalisation de la photographie sous MapInfo. D. Tableau de résultats issus de MapInfo.

Example of the process of the grain-size determination. A. Box with a plexiglass bottom. B. Riverbed photograph. C. Photograph digitalization using MapInfo. D. Results table obtained with MapInfo.

Exemple de processus de quantification de la granulométrie. A. Boîte munie d’un fond en plexiglass. B. Photographie du lit de la rivière. C. Digitalisation de la photographie sous MapInfo. D. Tableau de résultats issus de MapInfo.

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Tableau 2

Nombre d’échantillons collectés par classe de granulométrie pour chaque seuil du tronçon d’étude de la rivière Allier au printemps et en été.

Number of samples collected per grain-size class on each riffle of the study reach of the Allier River in spring and in summer.

 

 

PRINTEMPS

ÉTÉ

Substrats

Classes granulométriques (mm)

Seuil 1

Seuil 2

Seuil 3

Seuil 1

Seuil 2

Seuil 3

Sable

< 16

 

 

2

 

 

 

Cailloux fins

[16-32[

3

3

1

3

2

1

Cailloux grossiers

[32-64[

3

2

3

4

3

3

Pierres fines

[64-128[

4

3

5

4

4

3

Pierres grossières

[128-256[

5

 

1

4

2

6

Blocs

>256

2

 

 

2

1

1

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En référence à l’analyse précédente, les macroinvertébrés ont été collectés dans chacune des classes granulométriques à l’aide d’un filet Surber (surface d’échantillonnage 0,05 m2), en effectuant le maximum possible de prélèvements dans chacune des classes granulométriques présentes (Tableau 2). Les animaux vivants ont été récupérés, in situ, dans des tamis permettant de collecter également les larvules, puis conditionnés dans du formaldéhyde à 10 %. Au laboratoire, les organismes ont été identifiés conformément à la nomenclature de TACHET et al. (2000) : genre pour les insectes, à l’exception des Diptères (identifiés de la tribu à la famille), genre ou famille pour les autres groupes (Mollusques, Achètes, Oligochètes etc.).

2.3. Analyses statistiques

De manière à obtenir le pourcentage de chaque classe de granulométrie caractérisant la rivière, les photographies numériques ont été digitalisées avec le logiciel MapInfo (MapInfo, 2005) communément utilisé en cartographie (DOWNWARD, 1995), (Figure 2). Les médianes, déterminées à partir des courbes granulométriques, ont été analysées à l’aide du test de Kolmogorov-Smirnov suivi d’une ANOVA à un facteur. Pour étudier la distribution des taxons sur les 3 seuils successifs, la richesse totale, la richesse en EPT (Ephémèroptères+Plécoptères+Trichoptères) et la densité totale, calculées pour chaque prélèvement, ont été analysées à l’aide d’une ANOVA à un facteur. Afin de comparer les différences taxonomiques des trois seuils consécutifs, les listes de taxons ont été analysées à l’aide de l’indice de Jaccard.

De manière à détecter l’impact éventuel de la gravière sur certains taxons, une comparaison de la densité d’un taxon i collecté sur le seuil 2 (sensé être le plus impacté) par rapport à celle obtenue sur les seuils 1 et 3 a été réalisée par approches successives. S’il n’y a pas d’impact, la valeur observée de la densité du taxon i sur le seuil 2 doit théoriquement être équivalente à la moyenne de la densité du taxon i sur les seuils 1 et 3. La « formule de détection de l’impact » (FDI) suivante a été établie:

S1 = Densité du taxon i du seuil 1, S2 = Densité du taxon i du seuil 2 et S3 = Densité du taxon i du seuil 3.

Telle que l’équation est construite, la valeur tend vers 0 s’il n’y a pas d’impact, et plus la valeur est éloignée de 0, plus l’impact est fort. Le résultat de l’équation est positif pour les fortes augmentations de densités de taxons au niveau du seuil 2 mais aussi dans le cas où un taxon a seulement été collecté sur ce seuil. Il est négatif si la densité d’un taxon diminue fortement. Les taxons, représentés par une densité moyenne ≤ 20 ind.m‑2 sur l’ensemble des trois seuils, n’ont pas été retenus dans le calcul de l’équation.

Les pourcentages de chaque TBEP ont été obtenus en appliquant la base de données EMA. Cette base de données EMA intègre les notes d’affinité des modalités de chaque TBEP pour chaque taxon et permet le calcul de chacune d’entre elle en pondérant par la densité. L’étude granulométrique permettant une approche écologique de l’habitat, seuls trois TBEP (degré de trophie, valeur saprobiale et mode d’alimentation) ont été retenus en raison de leur capacité à représenter l’impact physiologique et biologique de la gravière sur la composition faunistique. Dans la présente étude, ces TBEP ont été calculés pour chaque échantillon en pondérant les notes d’affinité de chaque modalité par la densité log-transformée de chaque taxon. Une ACF (Analyse des Correspondances Floues) a été réalisée sur les données ainsi obtenues à chacune des saisons.

Les analyses statistiques ont été effectuées au moyen des logiciels SPSS 10.0 (SPSS Inc., 1999), PAST 1.38 (HAMMER et al., 2006) et ADE4 pour Windows (THIOULOUSE et al., 1997).

3. Résultats

3.1. Caractéristiques physico-chimiques de la zone d’étude

Le printemps et l’été 2003 ont été exceptionnellement chauds et secs et la période d’étude n’a pas été perturbée par des crues. En effet, au printemps, le débit a varié entre 8 et 12 m3 s-1. En été, de début juillet à mi-août, la rivière n’a pas connu d’étiage sévère, le débit ayant été maintenu à 15 m3 s‑1 par les lâchers d’eau du barrage de Naussac. Le pH et la conductivité étaient plus élevés au printemps, par rapport à l’été et la conductivité en aval de la gravière plus importante (Tableau 3).

Tableau 3

Caractéristiques physico-chimiques du tronçon d’étude de la rivière Allier en amont et en aval de la gravière.

Physico-chemical characteristics of the study reach of the Allier River upstream and downstream of the gravel pit.

 

PRINTEMPS

ÉTÉ

2003

5 juin

10 juin

28 août

29 août

 

Amont

Aval

Amont

Aval

Débit (m3.s‑1)

10

8

15

15

pH (unité pH)

8,3

7,5

6,6

7,1

Concentration en oxygène dissous (%)

87

73

73

76

Température de l’eau (°C)

22,2

22,2

20,3

19,9

Conductivité (µS cm‑1)

96

103

75

75

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Quarante-cinq points ont été photographiés et analysés, sur lesquels 35 séries de macroinvertébrés ont été analysées. Les pourcentages de chaque classe de granulométrie révèlent une distribution contrastée d’un seuil à l’autre. La classe [64‑128[ mm est prédominante en amont de la gravière, alors qu’en aval c’est la classe de taille [32-64[ mm. Les sédiments les plus fins (sables et grains de 32 mm) augmentent du seuil 1 au seuil 2, ils sont moins denses sur le seuil 3 où les particules de taille [32-128[ mm sont les plus nombreuses. Cette différence amont-aval (statistiquement significative à p < 0,05) est confirmée avec les médianes qui sont de 28,6 mm (± 7,4) pour le seuil 1, de 16,6 mm (± 4,7) pour le seuil 2 et de 20,7 mm (± 3,9) pour le seuil 3 (Figure 3).

Figure 3

Histogramme des pourcentages de chaque classe de granulométrie obtenu pour chaque seuil du tronçon d’étude de la rivière Allier.

Percentage histogram of each grain-size class obtained for each riffle of the study reach on the Allier River.

Histogramme des pourcentages de chaque classe de granulométrie obtenu pour chaque seuil du tronçon d’étude de la rivière Allier.

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3.2. Distribution des macroinvertébrés sur les trois seuils successifs

Sur l’ensemble de cette étude, 50 taxons ont été inventoriés au printemps et 64 en été (Tableau 4). Si, globalement, le milieu est plus riche et plus densément peuplé en été qu’au printemps, la richesse en EPT est plus faible. La richesse totale et la richesse en EPT (Tableau 5) diminuent de l’amont à l’aval de la gravière aux deux saisons, mais cette diminution est plus prononcée au printemps, saison où la différence de richesse en EPT est statistiquement significative (p < 0,05) (Tableau 6). La densité est nettement plus faible en aval immédiat de la gravière aux deux saisons; elle demeure faible au printemps en aval éloigné, alors qu’elle est particulièrement forte en été. Ces différences sont statistiquement significatives (p < 0,05) uniquement pour le printemps.

Tableau 4

Groupes taxonomiques et abondances relatives de chaque taxon du tronçon d’étude de la rivière Allier au printemps et en été (les chiffres correspondant à l’été sont en gras).

Taxonomic groups and relative abundances of each taxon in the study reach of the Allier River in spring and summer (the values for summer are in bold).

Taxon

%

%

Taxon

%

%

Taxon

%

%

TURBELLARIA

Plecoptera

Trichoptera

Dugesia

 

1,8

Leuctra sp

1,1

15,1

Rhyacophilidae

0,5

0,1

Polycelis nigra

 

<0,1

L. geniculata

3,1

 

Rhyacophila s.s.

1,6

0,3

ANNELIDA

Protonemura

0,2

 

Chimarra marginata

 

6,7

Lumbriculidae

 

0,1

Dinocras

<0,1

 

Hydropsyche

6,5

10,2

Eiseniella

 

0,3

Perla

 

<0,1

Cheumatopsyche lepida

0,3

10,6

Enchytraeidae

0,1

<0,1

Perlodidae

 

0,1

Polycentropus

<0,1

 

Tubificidae ASC

 

<0,1

Isoperla

<0,1

0,1

Psychomyidae

 

0,1

MOLLUSCA

Perlodes

 

<0,1

Psychomyia pusilla

3,6

1,4

Pisidium

<0,1

 

Odonata

Agapetus

6,8

 

Ancylus fluviatilis

0,2

1,3

Calopteryx

 

<0,1

Glossossoma

0,6

 

CRUSTACEA

Gomphidae

 

0,1

Brachycentrus subnubilus

2,9

0,4

Asellus aquaticus

<0,1

<0,1

Onychogomphus

0,1

0,1

Leptoceridae

 

<0,1

HYDRACARIENS

0,1

0,1

Gomphus

 

<0,1

Setodes

0,4

<0,1

INSECTA

Heteroptera

Mystacides

 

<0,1

Ephemeroptera

Aphelocheirus

0,1

0,4

Orthotrichia

 

<0,1

Baetis

7,4

18,6

Micronecta

2,1

0,1

Polycentropus

<0,1

 

Cloëon

0,1

 

Coleoptera

Diptera

Caenis

<0,1

 

Dryops

<0,1

 

Blepharicera

1,3

1,3

Serratella ignita

10,6

0,5

Elmidae

 

<0,1

Ceratopogoninae

0,1

 

Ephemera

0,4

 

Oulimnius

0,1

3,8

Orthocladiinae

16,26

9,4

Heptageniidae

 

0,3

Esolus

0,9

5,9

Tanytarsini

0,8

1,1

Ecdyonurus

1,1

0,6

Stenelmis

 

0,1

Chironomini

3,1

1,0

Epeorus

0,9

 

Elmis

0,2

0,4

Tanypodinae

0,2

0,1

Heptagenia

0,7

0,8

Limnius

0,1

0,1

Simuliini

11,2

5,4

Rhithrogena

9,9

0,3

Riolus

 

<0,1

Atherix

0,1

<0,1

Leptophlebiidae

<0,1

<0,1

Macronychus

 

<0,1

Hexatomini

 

<0,1

Leptophlebia

 

<0,1

Potamophilus

 

<0,1

Pediciini

 

<0,1

Oligoneuriella rhenana

1,2

<0,1

Gyrinidae

 

0,1

Tabanidae

 

<0,1

Ephoron virgo

1,2

 

Orectochilus

<0,1

 

 

 

 

Potamanthus luteus

1,6

<0,1

Hydrochus

 

<0,1

 

 

 

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Tableau 5

Richesse totale, richesse en EPT et densité totale des macroinvertébrés des trois seuils du tronçon d’étude de la rivière Allier.

Total richness, EPT richness and total density in macroinvertebrates in the three riffles of the study reach of the Allier River.

 

 

Seuil 1

Seuil 2

Seuil 3

PRINTEMPS

Richesse totale

16

13

14

Richesse en EPT

12

9

9

Densité (ind.m‑2)

2 969

1 417

1 700

ÉTÉ

Richesse totale

18

16

17

Richesse en EPT

9

8

9

Densité (ind.m‑2)

4 087

3 891

4 432

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Tableau 6

Résultats de l’ANOVA à un facteur effectuée sur la richesse totale, la richesse en EPT et la densité totale des macroinvertébrés du tronçon d’étude de la rivière Allier.

Results of the one-way ANOVA performed on the total richness, EPT richness and total density of macroinvertebrates in the study reach of the Allier River.

 

PRINTEMPS

ÉTÉ

 

F

Signification

F

Signification

Richesse

3,04

0,06

1,44

0,25

Richesse EPT

3,51

0,04

1,66

0,20

Densité

3,58

0,04

0,40

0,67

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Au printemps Protonemura, Dinocras ou Isoperla, sont absents des deux seuils situés en aval de la gravière, et en été, des taxons tels que Perla, Isoperla ou Perlodes sont présents majoritairement sur les seuils 1 et 3 et en moindres proportions sur le seuil 2. Au printemps, le coefficient de Jaccard indique une similarité assez forte entre les seuils 1 et 3 (65 %) comparativement aux seuils 1 et 2 (57 %). En été, le coefficient est assez similaire quel que soit le couple de seuils (58 % à 62 %). Au printemps, la « formule de détection de l’impact », appliquée aux différents taxons présents indique que Brachycentrus, Hydropsyche, Cheumatopsyche lepida, Psychomyia pusilla, Rhyacophila s.s., Baetis, Serratella, Ecdyonurus, Epeorus, Oligoneuriella rhenana, Blepharicera et Simuliini sont très impactés au niveau du seuil 2 (valeur < -2). Par contre, Potamanthus luteus, Leuctra et Ancylus fluviatilis augmentent sur le seuil 2 (valeurs > 2). En été, la densité des Hydropsyche, C. lepida, Chimarra marginata, Rhyacophila s.s., Ecdyonurus, Heptagenia, Rhithrogena chute au niveau du seuil 2. Par contre, la valeur de la « formule de détection de l’impact » est > 2 pour Aphelocheirus aestivalis, Oulimnius et Esolus indiquant une forte augmentation de densité au niveau du seuil 2.

Globalement, sur la période d’étude, les TBEP révèlent des eaux oligo-mésotrophes, de qualité ß-mésosaprobe; cependant, des différences saisonnières amont – aval apparaissent. Au printemps, les deux premiers axes factoriels de l’ACF représentent 77 % de l’inertie totale (Figure 4). Les centres de gravité des échantillons, représentant les trois seuils, révèlent que les seuils 1 et 3 sont très proches par rapport au seuil 2. Les modes d’alimentation indiquent que le seuil amont abrite essentiellement des filtreurs, des prédateurs et des mangeurs de sédiments (Figure 4A). En aval (seuils 2 et 3), les racleurs - brouteurs ainsi que les broyeurs sont beaucoup mieux représentés. Le TBEP «degré de trophie» (Figure 4B) indique que le seuil 1 présente une tendance à la mésotrophie, alors que le seuil 2 est caractérisé par une eau à tendance oligotrophe, le seuil 3 se trouvant en position intermédiaire. Au regard des valeurs saprobiales, le seuil 1 est à tendance β à α-mésosaprobe (Figure 4C), le seuil 2 est à tendance xéno- à oligosaprobe, le seuil 3 étant également en position intermédiaire. En été (avec 66 % de l’inertie totale rassemblée dans les deux premiers axes), la situation est comparable bien que les seuils 2 et 3 soient plus proches; cependant, les différences sont atténuées par rapport au printemps (Figure 5).

Figure 4

Analyse des Correspondances Floues réalisée sur le tableau des Traits Biologiques Écologiques et Physiologiques : A = mode d’alimentation; B = degré de trophie; C = Valeur saprobiale. Positions des 3 seuils (S1, S2, S3) (disque) au centre de gravité des relevés (petits carrés) en fonction des modalités selon le plan factoriel F1-F2 au printemps, une enveloppe convexe entourant tous les points du nuage.

Factorial Correspondence Analysis done on the Biological Ecological and Physiological Traits: A = feeding habits; B = trophic degree; C = saprobity. Distribution of the three riffles (S1, S2, S3) (disc) at the center of gravity of the samples (small square) as a function of the modalities on the F1*F2 factor plan in the spring. A convex envelope surrounds all the points.

Analyse des Correspondances Floues réalisée sur le tableau des Traits Biologiques Écologiques et Physiologiques : A = mode d’alimentation; B = degré de trophie; C = Valeur saprobiale. Positions des 3 seuils (S1, S2, S3) (disque) au centre de gravité des relevés (petits carrés) en fonction des modalités selon le plan factoriel F1-F2 au printemps, une enveloppe convexe entourant tous les points du nuage.

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Figure 5

Analyse des Correspondances Floues réalisée sur le tableau des Traits Biologiques Écologiques et Physiologiques : A = mode d’alimentation; B = degré de trophie; C = Valeur saprobiale. Positions des 3 seuils (S1, S2, S3) (disque) au centre de gravité des relevés (petits carrés) en fonction des modalités selon le plan factoriel F1-F2 en été, une enveloppe convexe entourant tous les points du nuage.

Factorial Correspondence Analysis done on the Biological Ecological and Physiological Traits: A = feeding habits; B = trophic degree; C = saprobity. Distribution of the three riffles (S1, S2, S3) (disc) at the center of gravity of the samples (small square) as a function of the modalities on the F1*F2 factor plan in the summer. A convex envelope surrounds all the points.

Analyse des Correspondances Floues réalisée sur le tableau des Traits Biologiques Écologiques et Physiologiques : A = mode d’alimentation; B = degré de trophie; C = Valeur saprobiale. Positions des 3 seuils (S1, S2, S3) (disque) au centre de gravité des relevés (petits carrés) en fonction des modalités selon le plan factoriel F1-F2 en été, une enveloppe convexe entourant tous les points du nuage.

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4. Discussion

Comme nous l’avons évoqué en introduction, la majorité des études portant sur les zones d’extraction des granulats se déroulent lors de la phase d’exploitation, avec les conséquences que cela implique sur le lit de la rivière. Par contre, à notre connaissance, aucune étude portant sur l’impact de la rupture sédimentaire due à la capture d’un chenal par une ancienne gravière n’a été réalisée sur la macrofaune benthique. C’est ce type de phénomène qui s’est produit dans ce secteur impacté de la rivière Allier. La gravière, en phase de comblement, piégeant entre 1,7 et 1,9 t.km-2.an-1 de charge de fond (SIMONT, 2003) et modifiant la granulométrie de l’aval immédiat de la rivière, il convenait de nous interroger sur ses conséquences sur les peuplements macrobenthiques.

Dans un précédent travail (BEAUGER et al., 2006), nous avons montré que les seuils, unités géomorphologiques caractéristiques des rivières alluviales, sont de bons outils pour analyser la macrofaune benthique, d’autant qu’ils se retrouvent partout. Leurs substrats minéraux, dont l’avantage est leur pérennité comparativement aux substrats végétaux, sont occupés par une macrofaune diversifiée qui regroupe des taxons polluo-sensibles en quantité suffisante pour caractériser de manière pertinente l’état du milieu, sans devoir analyser l’ensemble des habitats (dont ceux des mouilles, souvent difficiles d’accès). Partant de ce résultat, la présente étude a été organisée autour de trois seuils successifs, le seuil 1 servant de témoin. Au niveau du seuil 2, le lit de la rivière se trouvait érodé, exondant les couches profondes alluvionnaires à composantes sédimentaires plus fines, une bonne part de la composante la plus grossière étant piégée dans la gravière. L’augmentation des classes granulométriques au niveau du seuil 3 est probablement due à la recharge sédimentaire de la rivière liée à l’érosion des berges de cette zone alluviale. En conséquence, cette rupture de la continuité sédimentaire a modifié partiellement les habitats des macroinvertébrés dans la partie aval de la zone d’étude, avec ses conséquences sur leur distribution.

Le printemps et l’été 2003 ont été exceptionnellement chauds et secs et la période d’étude n’a pas été hydrologiquement perturbée. Le pH et la conductivité étaient plus élevés au printemps, par rapport à l’été, en raison probable du soutien d’étiage lié à des eaux moins minéralisées provenant du barrage (bassin versant granitique et gneissique). Au printemps, en raison de la plus forte minéralisation (>120 µS.cm-1) d’un bras mort situé à proximité et davantage connecté à cette saison, la conductivité était plus élevée en aval de la gravière.

Les macroinvertébrés sont à la fois plus nombreux et plus diversifiés en amont (seuil 1), mais aussi en aval éloigné (seuil 3). Leur moindre présence au niveau du seuil 2, peut s’expliquer par la faible représentation des substrats grossiers (> 64 mm) que nous avons constatée, ceux-ci favorisant de fortes densités faunistiques (GILLER et MALMQVIST, 1998; MINSHALL, 1984). Ainsi des taxons tels que Hydropsyche, C. lepida, Baetis, Serratella ou encore O. rhenana, Ecdyonurus et Heptagenia, sensibles à leur habitat et majoritairement présents sur les substrats grossiers de taille > 64 mm, ont fortement diminué (BEAUGER et al., 2006). Parallèlement, l’augmentation de densité des A. fluviatilis et Esolus peut s’expliquer par une libération de place et/ou de nourriture. Les différences moins marquées entre le seuil 1 et le seuil 3 seraient liées en partie au rétablissement progressif de l’habitat qui se produit classiquement par érosion des berges en période de crue.

L’ancienne gravière agit comme un bassin de décantation temporaire pour les matières en suspension, qu’elles soient organiques ou minérales, avec ses conséquences indirectes sur les peuplements d’invertébrés, en particulier au printemps. Cette modification de la teneur en matières nutritives dans l’eau, démontrée par les TBEP, peut expliquer la diminution de la richesse et de la densité des macroinvertébrés benthiques en aval. En effet, au regard des modes d’alimentation, la présence de filtreurs en amont reflète la présence d’éléments nutritifs en suspension dans l’eau. En aval, la diminution de la densité de taxons filtreurs tels que Hydropsyche, C. lepida ou encore Simuliini est à rapprocher de ce phénomène, ceci pouvant aussi expliquer la diminution de Rhyacophila s.s. dont les proies potentielles sont en densité très faible (CUSHING et ALLAN, 2001). De plus, en aval, certains organismes, tels que les taxons racleurs-brouteurs A. fluviatilis ou Esolus, etc., peuvent se nourrir aussi du biofilm algal qui recouvre visiblement les sédiments à cet endroit. Des broyeurs comme P. luteus ou Leuctra ont à leur disposition les apports de la ripisylve (CUSHING et ALLAN, 2001; TACHET et al., 2000). Le passage d’une eau de tendance mésotrophe (seuil 1) à oligotrophe (seuil 2), indique qu’il s’est produit en aval immédiat de la gravière une diminution de la quantité de substances organiques issues de la photosynthèse, puis un retour proche de la « normale amont » (seuil 3) comme le suggère la présence de taxons polluo-sensibles tels que Perla, Isoperla et Perlodes aux deux seuils aval. La valeur saprobiale illustre le phénomène de rétention des éléments nutritifs dans la gravière, le seuil 2 présentant une eau à tendance xéno- à oligosaprobe (particulièrement nette au printemps), alors que le seuil 1 est à tendance β à α-mésosaprobe, le seuil 3 reflétant une tendance de retour à la « normale amont ». L’atténuation des différences entre le printemps et l’été, nettement visible en considérant la liste taxonomique, sont à relier au cycle de vie des organismes, voire au soutien d’étiage du barrage de Naussac.

5. Conclusion

Cette étude, réalisée sur un tronçon de rivière alluviale impacté par une gravière, démontre qu’en piégeant la charge de fond et en agissant comme un bassin de décantation, la gravière modifie l’habitat des macroinvertébrés, induit une diminution de la richesse et de la densité du peuplement et souligne une fois de plus leur sensibilité aux changements des caractéristiques de leur habitat. Ces résultats illustrent aussi le pouvoir résilient de ces organismes dont la restructuration s’est dessinée en moins d’un kilomètre. Dans la mesure où la DCE vise à prévenir de nouvelles détériorations, à protéger et améliorer le statut des écosystèmes aquatiques (IRVINE, 2004; LOGAN et FURSE, 2002), ces résultats montrent la nécessité de travailler dans des habitats physiques analogues de manière à obtenir, sans biais, une bonne estimation de l’état du milieu. Comme nous l’avons montré précédemment (BEAUGER et al., 2006), c’est ce qu’offrent les seuils géomorphologiques présents dans toutes les rivières alluviales. De plus, ce sont bien des outils pertinents permettant d’analyser les changements de biodiversité de milieux, même légèrement modifiés comme celui que nous venons d’analyser.