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1. Introduction

La production d’huile d’olive se concentre principalement dans les pays du pourtour méditerranéen : Espagne, Italie, Grèce, Turquie, Syrie, Tunisie et Maroc. La production de ces pays représente 94 % de la production mondiale. En 2001, la production mondiale atteignait les 2,5 millions de tonnes (COI, 2001).

Pour l’année 2003-2004, les estimations des productions d’olives et d’huile d’olives au Maroc sont de 1 000 000 tonnes et 100 000 tonnes respectivement pour une superficie de 580 000 ha.

En plus de sa production principale (huile d’olive vierge et huile de grignons) l’industrie oléicole génère deux résidus, l’un liquide (les margines) et l’autre solide (les grignons). Les huileries dotées d’équipements relativement modernes ont des productions de margines pouvant atteindre 150 kg/100 kg d’olives dont la quantité d’eau ajoutée est de 110 kg (VITOLO et al., 1999), tandis qu’avec des dispositifs d’extraction traditionnels la quantité des margines produites est de 40 kg/100 kg d’olives.

Les margines sont rejetées soit dans des cours d’eau, soit épandues sur le sol. Ces effluents, fortement chargés en matières organiques, affectent la qualité des eaux dans lesquelles elles sont déversées. En plus de la couleur (rouge brun), leur forte charge organique exige une forte consommation d’oxygène. Épandues sur les sols, les margines dégradent la qualité de ces derniers car elles contiennent des substances toxiques.

Différents procédés de traitements ont été proposés. D’une manière générale, ces traitements peuvent être subdivisés en trois grands groupes qui peuvent être utilisés séparément ou combinés :

  • Les procédés thermiques : évaporation naturelle (BALICE et al., 1986), évaporation forcée (FIESTAS ROS URSINOS et al., 1983), concentration thermique (AMIRANTE et MONTERVINO, 1996; VITOLO et al., 1999), séchage (RANALLI, 1991b) et incinération (BACCIONI, 1981).

  • Les procédés biologiques : traitement aérobie (BALICE et al., 1988; HAMDI et GARCIA 1991a; SAYADI et ELLOUZ, 1995), traitement anaérobie (FIESTAS ROS URSINOS et al., 1982a; HAMDI, 1992, 1993); HAMDI et GARCIA, 1991; SAYADI et al., 2000) et traitement biologique et physico-chimique (RANALLI 1991a; FLOURI et al., 1996; MANTZAVINOS et KALOGERAKIS, 2005).

  • Les procédés physico-chimiques : coagulation-floculation (KISSI, 2002; JAOUANI et al., 2005; SARIKA et al., 2005), neutralisation avec la chaux (AKTAS et al., 2001; FLOURI et al., 1996; KHOUFI et al., 2000; RANNALI, 1991b;), électro-coagulation (INAN et al., 2004), adsorption sur charbon actif (ERSOY et al., 1998; MORINO-CASTILLO et al., 2001) et adsorption sur l’argile (AL-MALLAH et al., 2000 AZZOUZI, 1997).

Parmi tous les procédés, testés pour la valorisation et le traitement des margines, très peu sont appliqués à l’échelle industrielle. Les traitements biologiques classiques aérobie ou anaérobie s’avèrent très difficiles en raison des teneurs élevées des margines en matières en suspension et en substances organiques comme les polyphénols, les sucres, les acides organiques et les tannins. Concernant les traitements thermiques, seuls quelques procédés utilisant les grignons comme source d’énergie ont été appliqués à l’échelle industrielle. Par contre, plusieurs technologies physico-chimiques connues ont déjà fait leurs preuves dans le domaine du traitement de ces effluents. Parmi celles-ci, figure la technique de coagulation-floculation avec différents coagulants chimiques (sulfate d’aluminium, chlorure ferrique, sulfate ferrique, chaux, etc.).

Le principe de la technique de la coagulation-floculation est basé sur la déstabilisation des particules en suspension par l’injection et la dispersion rapide de produits chimiques afin de favoriser leur agglomération et de permettre leur décantation. Les particules en suspension les plus difficiles à éliminer dans les eaux à traiter sont celles qui possèdent une très petite taille (particules colloïdales causant la turbidité) et celles qui sont dissoutes (matières organiques causant la coloration). Ces colloïdes portent habituellement une charge électrique négative qui empêche les particules de s’agglomérer les unes aux autres pour former des particules plus volumineuses (flocs) et faciliter leur élimination par sédimentation et filtration.

Le but de la coagulation est de neutraliser les charges de ces particules afin de favoriser la formation d’un agglomérat. Pour ce faire, on introduit habituellement dans l’eau à traiter un produit chimique nommé « coagulant », le plus souvent des sels d’aluminium ou de fer.

Les mécanismes conduisant à la déstabilisation des colloïdes ont été largement étudiés (AMIRTHARAJAH, 1988) et peuvent être récapitulés comme suit : la neutralisation des charges repose sur l’ajout suffisant de cations afin de neutraliser la charge négative des particules stables. Ce mécanisme de coagulation ne se rencontre qu’en pH acide (<5,5) où les espèces dominantes du coagulant sont chargées positivement (Al(OH)2+, Al(OH)2+, Al13(OH34)5+). Par contre, la surdose de coagulant, source de cations, peut causer une adsorption trop importante de cations et inverser la charge des particules qui devient alors positive. Les particules seraient ainsi restabilisées (AMIRTHARAJAH et O’MELIA, 1990).

L’emprisonnement et l’adsorption des colloïdes sur des flocs d’aluminium se font lorsque des quantités suffisantes de (Al2(SO4)3, 18H2O) sont ajoutées. Il se forme ainsi, en fonction du pH, un précipité Al(OH)3, la forme floculante du coagulant, possédant généralement des propriétés intéressantes d’adsorption. Le pH de l’eau à traiter doit se situer dans une plage du pH optimum où on a une coexistence entre les formes coagulantes et la forme floc. Le précipité formé, appelé floc, entre en contact avec les particules de charge négative et les emprisonne. Les particules sont ensuite entrainées lors de la décantation.

Les performances de la technique de coagulation-floculation ont été étudiées par plusieurs auteurs et sur différents coagulants (Tableau 1).

Tableau 1

Performances de différents coagulants dans l’élimination de la charge organique (MES, DCO, polyphénols et coloration).

Coagulants performances in the removal of organic loads (TSS, COD, polyphenols and color).

Effluents

Coagulants

DCO (%)

MES (%)

Polyphénols (%)

Coloration (%)

Références

Textile

Chaux

60

**

**

80

GEORGIUO et al., 2003

Sulfate ferrique

50

**

**

80

GEORGIUO et al., 2003

Margines

Chaux

**

63

65

**

AKTAS et al., 2001

Chaux

50

70

37

**

KISSI 2002

Chaux

40

**

70

**

JAOUANI et al., 2005

Sulfate d’aluminium

35

40

18

**

KISSI 2002

Sulfate d’aluminium

**

**

**

40-50

FLOURI et al., 1996

Chlorure ferrique

40

**

58

**

JAOUANI et al., 2005

-> Voir la liste des tableaux

La plupart de ces travaux ont utilisé un seul coagulant. Peu de travaux ont essayé la combinaison de deux coagulants. Pour le traitement des effluents de textile, GEORGIOU et al. (2003) ont montré qu’à une concentration de 0,8 g/L de chaux et 1 g/L de sulfate ferrique, le taux d’élimination de la coloration et de la DCO est de 95 % et 70 % respectivement.

Pour le traitement des effluents des margines, KHOUFI et al. (2002) ont montré qu’à une concentration de 7,5 g/L de chaux et 10 g/L de sulfate d’aluminium, le taux d’abattement de la DCO, des MES, de la coloration et des polyphénols est de 50 %, 95 %, 40 %, et 81 % respectivement.

L’objectif de cette étude est d’une part, de réaliser une caractérisation complète des margines brutes et décantées issues d’une huilerie moderne et d’autre part, de chercher les conditions optimales pour mettre en oeuvre deux différents coagulants chimiques (la chaux, le sulfate d’aluminium) et leur combinaison. Une attention particulière sera portée sur la quantité de boues produites après le traitement par l’action des différents coagulants.

2. Matériels et méthodes

2.1 Rejet industriel étudié

Les margines utilisées ont été prélevées dans une huilerie moderne à Marrakech. La caractérisation physico-chimique de ces eaux a été réalisée sur des margines brutes et décantées pendant trois mois.

2.2 Essais de traitement des margines

2.2.1 Méthodes de jar-test

Les essais de coagulation ont été réalisés au laboratoire à une température ambiante avec des échantillons de margines de la campagne oléicole 2004/2005. Ces essais ont été effectués en utilisant un ban de Jar-test.

Cette méthode consiste à introduire un coagulant dans une série de 6 béchers d’un litre contenant 500 mL de margines sous agitation pendant une courte durée (3 min) mais avec une vitesse très rapide (130 tr/min) permettant ainsi d’assurer une très bonne dispersion des réactifs et une bonne déstabilisation chimique des colloïdes. L’agitation rapide est suivie d’une agitation lente (30 tr/min) pendant 20 min par un agitateur à pales dans le but de favoriser la mise en contact des particules contigües et éviter de briser les flocs formés. Après une heure de décantation, le surnageant est siphonné afin d’être analysé. Les doses de sulfate d’aluminium (Al2(SO4)3, 18H2O) (solution 2 %) utilisées varient de 0 à 3 g/L avec et sans ajustement du pH. Cet ajustement a été effectué par l’ajout d’acide sulfurique (4N) ou d’hydroxyde de sodium (5N).

En suivant les mêmes conditions d’agitation, la même série de béchers contenant la même suspension des margines (500 mL) est soumise à des doses croissantes de chaux vive, soit des doses de 0 à 30 g/L. Les flocons sont laissés au repos pendant une heure et le surnageant est siphonné pour être analysé.

L’influence de la combinaison des deux coagulants a aussi été étudiée sur la même suspension des margines et sous les mêmes conditions d’agitation par l’ajout :

  • des doses croissantes de sulfate d’aluminium (Al2(SO4)3, 18H2O) (0 à 3 g/L) avec fixation de la dose de la chaux à 15 g/L.

  • des doses croissantes de chaux (0 à 30 g/L) avec fixation de la dose de sulfate d’aluminium (Al2(SO4)3, 18H2O) à la dose optimale trouvée (1,5 g/L).

L’efficacité du traitement a été appréciée visuellement et analytiquement par le suivi du taux d’abattement des MES, de la DCO, de la coloration et des polyphénols. Le calcul du taux d’abattement d’un paramètre X, exprimé en pourcentage, est basé sur la formule suivante :

Ci

concentration initiale de X dans les margines.

Cf

concentration finale dans les margines traitées.

2.2.2 Quantification des boues

Le traitement par coagulation-floculation, utilisant le sulfate d’aluminium seul, la chaux seule et la combinaison de chaux et de sulfate d’aluminium, génèrent un précipité solide appelé « boues ».

Les boues produites sont déterminées par la mesure du poids du précipité solide restant dans un bécher après coagulation-floculation et selon trois répétitions. Le bécher contenant le précipité est séché à l’étuve à 100 °C pendant 4 h (Rodier, 1984) et pesé. La quantité des boues produites est calculée selon la formule suivante :

P1

poids du bécher avec le précipité solide (g)

P0

poids du bécher vide (g)

V

volume de la prise d’essai (L).

Concernant l’analyse statistique, nous avons adopté une analyse de la variance ANOVA à un seul critère au seuil de 5 %.

2.3 Méthodes de dosage utilisées

  • le potentiel d’hydrogène (pH) a été mesuré par un pH-mètre type 716 DMS Titrino.

  • la conductivité électrique (CE) a été mesurée à l’aide d’un conductivimètre de type Tacussel (RODIER, 1984).

  • les matières en suspension (MES) sont déterminées par filtration sur des membranes à 0,45 µm de diamètre de pore. La teneur en MES est déterminée par différence de poids du filtre avant et après filtration et séchage à l’étuve à 105°C pendant 4 h (AFNOR T 90-105).

  • les matières sèches totales (MST), les matières sèches minérales (MSM) et les matières sèches volatiles (MSV) ont été mesurées par les méthodes normalisées (RODIER, 1984).

  • la demande chimique en oxygène (DCO) a été déterminée selon la méthode standard (APHA 1992) par une oxydation de la matière organique contenue dans l’échantillon à 150°C par un excès de bichromate de potassium en milieu acide et en présence de sulfate d’argent. L’excès de bichromate de potassium est dosé par colorimétrie à 620 nm.

  • la demande biologique en oxygène (DBO5), intègre la fraction biodégradable de la matière organique des eaux, mettant en jeu les bactéries. Elle est déterminée selon la méthode respirométrique dans une enceinte thermostatée à 20°C (AFNOR, T 90-103), les échantillons de margines ont été préalablement dilués, ensemencés par des eaux usées urbaines et leur pH a été ajusté.

  • l’azote Kjeldahl (NTK) est déterminé par la minéralisation de l’azote organique des échantillons dans l’acide sulfurique en présence d’un catalyseur (K2SO4, sélénium). L’azote ammoniacal ainsi formé est ensuite dosé par acidimétrie, après distillation, en présence d’indicateur coloré (rouge de méthyle et bleu de méthylène), selon la norme (AFNOR T90-110).

  • l’orthophosphate (PO4) est déterminé selon la méthode colorimétrique, par la formation en milieu acide d’un complexe phosphomolybdique, qui se réduit par l’acide ascorbique en un complexe de coloration bleue dont l’intensité est déterminée par spectrophotométrie à 700 nm (AFNOR T 90-023).

  • le phosphore total est obtenu après minéralisation en milieu acide, en présence de persulfate de sodium à 150°C pendant deux heures. Les formes organiques et combinées du phosphore sont ainsi transformées en orthophosphates solubles. Ces derniers sont dosés comme les orthophosphates.

  • les polyphénols ont été dosés selon la méthode élaborée par MACHEIX et al., (1990). En présence de polyphénols, le mélange d’acide phosphotungstique (H2PW12O40) et le réactif de Folin (H3PW12O40) est réduit en oxyde bleu tungsténe (W8O23), la coloration présente un maximum d’absorption à 760 nm. Les résultats sont exprimés en équivalent acide catéchique utilisé dans la gamme étalon.

  • les chlorures sont déterminés selon la norme (AFNOR T90-014), ils ont été dosés par la méthode de titrimétrie de Mohr avec le nitrate d’argent et les chromates de potassium.

  • le sodium (Na+), le potassium (K+) et le calcium (Ca2+) ont été dosés par spectrométrie à flamme (appareil type Jenway PFP7).

  • la coloration a été mesurée par spectrophotométrie à 395 nm.

  • les sucres totaux ont été dosés par la méthode DUBOIS et al., (1956). Les sucres simples, oligosaccharides, polysaccharides et leurs dérivées réagissent avec le phénol et l’acide sulfurique concentré et donnent une coloration jaune-orange. Le dosage se fait par colorimétrie à 490 nm.

  • l’alcalinité a été déterminée selon la norme (AFNOR T90‑036).

3. Résultats et discussion

3.1 Caractérisation physico-chimique des margines

Le tableau 2 présente les caractéristiques physico-chimiques moyennes des margines étudiées. Elles ont un pH acide (4,55); cette faible valeur rend le traitement biologique des margines brutes très difficile vu les conditions de développement des micro-organismes (KHOUFI et al., 2000). La valeur élevée de la conductivité électrique est due au salage pratiqué pour conserver les olives jusqu’à trituration. La concentration en matières sèches totales est relativement élevée, soit 56,75±2,51 g/L. Cette valeur reste moyenne en la comparant à la valeur maximale des margines de centrifugation rapportés par DI GIOVACCHINO et al. (1988), et qui est de 161,2 g/L. Ceci peut être expliqué par le fait que la dilution des pâtes d’olives avec de l’eau chaude, requises par le système de centrifugation, se traduit par une dilution des eaux de végétation produites. La matière polluante exprimée en termes de demande chimique en oxygène (DCO) et demande biologique en oxygène (DBO5) est de l’ordre de 71,56±2,31 g/L et 41,71±2,71 g/L respectivement. Enfin, la teneur en composés phénoliques est de l’ordre de 1,4±0,1 g/L. Cette valeur est dans la fourchette (0,4-7,1) rapportée par DI GIOVACCHINO et al. (1988) pour des margines de centrifugation.

Tableau 2

Composition physico-chimique moyenne des margines brutes et décantées (moyenne (3) ± écart type).

Physical-chemical characteristics of the raw and settled olive mill effluent (mean (3) ± standard deviation).

Paramètres

Unités

Margines brutes

Margines décantées (3mois)

pH

-

4,55

4,67

Conductivité

ms/cm à 20°C

8,4

9,6

Matière sèche totale

g/L

56,75 ± 2,51

32,29 ± 0,18

Matière sèche minérale

g/L

8,07 ± 0,37

7,15 ± 0,06

Matière sèche volatile

g/L

50,66 ± 2,31

26,28 ± 1,14

Alcalinité

g/L

3,72 ± 0,09

2,95 ± 0,03

NTK

g/L

1,40 ± 0,28

0,84 ± 0,28

Polyphénols

g/L

1,42 ± 0,10

1,39 ± 0,15

DCO brute

g O2/L

71,56 ± 2,31

65,31 ± 2,45

DCO dissoute

g O2/L

39,4 ± 2,00

36,8 ± 2,10

DBO5

g O2/L

41,82 ± 2,71

38,82 ± 2,35

Orthophosphate

mg/L

30,43 ± 1,43

26,99 ± 0,59

Phosphore total

mg/L

62,17 ± 3,70

60,46 ± 4,35

Chlorure

g/L

6,15 ± 0,74

5,68 ± 0,60

Potassium

g/L

2,97 ± 0,00

2,27 ± 0,00

Calcium

g/L

0,60 ± 0,00

0,55 ± 0,00

Sodium

g/L

0,37 ± 0,00

0,23 ± 0,00

Sucres totaux

g/L

0,22 ± 0,02

0,14 ± 0,03

Densité

g/L

1,1

1

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La comparaison entre les caractéristiques des margines brutes et celles décantées, montre que la concentration des matières sèches totales a diminué (tableau 2). Ceci serait du à l’adsorption des grosses molécules sur les particules qui décantent (AL-MALLAH et al., 2000).

Les autres caractéristiques restent pratiquement similaires dans les deux cas avec un faible abattement dans le cas de la DCO et de la DBO5. La décantation passive durant 3 mois ne semble pas affecter les caractéristiques physico-chimiques moyennes des margines étudiées.

3.2 Essai de traitement des margines par coagulation-floculation

3.2.1 Application du sulfate d’aluminium

Optimisation de la dose sulfate d’aluminium

Les résultats des essais de coagulation utilisant le sulfate d’aluminium sont illustrés sur les figures 1 et 2. D’après la figure 1, on constate que l’addition progressive de sulfate d’aluminium aux margines décantées a provoqué une petite baisse du pH de 4,67 à 4,54.

Figure 1

Variation du pH en fonction de la concentration du sulfate d’aluminium.

pH variation as a function ofaluminium sulphate concentration.

Variation du pH en fonction de la concentration du sulfate d’aluminium.

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Figure 2

Evolution du pourcentage (%) de réduction des MES, de la DCO, des polyphénols et de la coloration en fonction de la concentration du sulfate d’aluminium sans ajustement du pH.

Percent removal of TSS, COD, polyphénols and color as a function of aluminium sulphate concentration, without pH adjustment.

Evolution du pourcentage (%) de réduction des MES, de la DCO, des polyphénols et de la coloration en fonction de la concentration du sulfate d’aluminium sans ajustement du pH.

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La figure 2 montre deux phases de variation : une phase d’augmentation du taux d’abattement de la charge polluante suivie d’une phase de diminution de ce taux.

L’augmentation du taux d’abattement de la charge polluante dans le domaine du pH obtenu (4,67-4,54) est expliquée par le phénomène de neutralisation de charge par les espèces cationiques de l’aluminium (Al3+, Al(OH)2+, Al(OH)2+) qui prédominent dans ce domaine du pH (figure 3). Tandis que la diminution du taux d’abattement pourrait être due à l’inversion de la charge des colloïdes qui devient positive lorsqu’on augmente la dose du coagulant, les particules seraient ainsi restabilisées.

Figure 3

Diagramme de répartition des espèces hydrolysées de l’aluminium en fonction du pH. Concentration totale en Al3+ = 1,85 x10-6 mol /L (0,5 mg/L) (BLACK et WILLEMS, 1961).

Aluminium hydrolysis species as a function of pH. Total Al concentration = 1.85 x10-6 mol/L (0.5 mg/L) (BLACK et WILLEMS, 1961).

Diagramme de répartition des espèces hydrolysées de l’aluminium en fonction du pH. Concentration totale en Al3+ = 1,85 x10-6 mol /L (0,5 mg/L) (BLACK et WILLEMS, 1961).

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La dose de 1,8 g/L de sulfate d’aluminium permet une meilleure élimination de la DCO (50 %). Par contre, l’optimum de l’élimination des polyphénols (23 %), des MES (24 %) et de la coloration (15 %), est obtenue à une dose de 1,5 g/L.

D’après les figures 1 et 2, on conclut que le domaine de pH obtenu ne permet pas d’avoir de très bonnes éliminations des charges polluantes, notamment pour les polyphénols.

Cette faible élimination dans ces conditions (faible concentration en Al3+ et un pH entre 4,67 et 4,54) pourrait être attribuée soit à l’absence de la forme floculante du coagulant Al(OH)3 qui emprisonnerait les espèces neutralisées, soit à la fonction OH liée aux polyphénols qui semble avoir tendance à diminuer le pouvoir complexant vis-à-vis de l’aluminium à pH=4,6. Le même phénomène a été remarqué par CHATALIFAUD et al. (1997). FEDERICO et al. (2004) ont attribué cette faible élimination aux conditions de répartition des ions Al3+ et à la concentration de phénoxide.

Optimisation du pH avec la dose optimale du sulfate d’aluminium

L’évolution des MES, de la DCO et des polyphénols des margines en fonction du pH à la concentration optimale de sulfate d’aluminium est représentée sur la figure 4.

Figure 4

Evolution du pourcentage (%) de réduction des MES, de la DCO, des Polyphénols et de la coloration en fonction du pH de coagulation par le sulfate d’aluminium à la dose optimale 1,5 g/L.

Percent removal of TSS, COD and polyphénols as a function of pH, using aluminium sulphate at the optimal concentration 1,5 g/L.

Evolution du pourcentage (%) de réduction des MES, de la DCO, des Polyphénols et de la coloration en fonction du pH de coagulation par le sulfate d’aluminium à la dose optimale 1,5 g/L.

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L’analyse des résultats obtenus montre que la correction du pH apporte une légère amélioration du pourcentage de réduction des MES (27 %) et de la DCO (40 %). Cela pourrait être du à la dominance des fractions colloïdales dans les matières en suspension et des fractions dissoutes de la DCO totale qui représente 56 % (tableau 1), tandis que le taux d’abattement des polyphénols passe de 23 % à 41 % pour un pH entre 6,31‑7,08. Ceci peut être attribué au changement de mécanisme de coagulation; il passe d’un phénomène de neutralisation de charge négative à un phénomène d’adsorption des colloïdes sur des flocs Al(OH)3. À un pH entre 6,31-7,08, les mécanismes d’adsorption sont favorisés en raison de l’espèce Al(OH)3 qui prédomine dans ce domaine du pH (figure 3).

Au delà de ce domaine du pH (Figure 3), la présence de la forme Al(OH)4- et l’absence des espèces polychargées positivement limitent probablement le phénomène d’adsorption.

3.2.2. Application de la chaux

La figure 5 montre que l’augmentation de la concentration de la chaux entraîne une augmentation du pH jusqu’à une dose de 15g/L de la chaux. Après le pH se stabilise autour de 12.

Figure 5

Évolution du pH en fonction de la dose de la chaux ajoutée.

Changes in pH as a function of the quantity of lime added.

Évolution du pH en fonction de la dose de la chaux ajoutée.

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La figure 6 montre que pour une concentration de chaux de 20 g/L, l’élimination des MES, de la DCO et de la coloration devient optimale. Elle est de l’ordre de 50 %, 43 % et 50 % respectivement. Cette même dose permet d’éliminer un taux très important des polyphénols (75 %). Cette élimination se fait par une précipitation en présence de Ca(OH)2 par emprisonnement et adsorption de la matière dissoute sur les flocs.

Figure 6

Évolution du pourcentage (%) de réduction des MES, de la DCO et des polyphénols en fonction de la concentration de la chaux.

Percent removal (%) of TSS, COD, and polyphénols as a function of the lime concentration.

Évolution du pourcentage (%) de réduction des MES, de la DCO et des polyphénols en fonction de la concentration de la chaux.

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L’étude chromatographique faite par AKTAS et al. (2001) a montré que l’application de la chaux à 20 g/L permet d’éliminer 28 % des phénols volatile responsables de la toxicité des margines et de la forte concentration de la DCO, alors que les phénols qui ont deux fonctions OH en position ortho sont éliminés totalement (catéchine), les phénols qui ont une fonction OH et une fonction carboxylique sont éliminés partiellement (acide vanilique, acide syringique) et les phénols qui ont soit une fonction OH soit une fonction carboxylique ne sont pas affectés par la chaux (tyrosol, acide veratrique).

3.2.3. Application de la combinaison de la chaux et du sulfate d’aluminium

Variation du sulfate d’aluminium avec une dose constante de chaux (15 g/L)

Dans le but de minimiser la quantité des boues produites, on fixe la dose de chaux à 15 g/L au lieu de la dose optimale qui est de 20 g/L. Le pourcentage de la réduction des MES, de la DCO, des polyphénols et de la coloration est calculé par rapport aux teneurs des margines non traitées à pH initial 4,67.

La figure 7 montre que l’addition de sulfate d’aluminium entraine une faible variation du pH du mélange, et que l’augmentation de la dose de sulfate d’aluminium affecte peu le pH du mélange. La figure 8 indique que l’optimum de traitement par coagulation se situe autour de 3 g/L de sulfate d’aluminium. À cette concentration, on obtient une très importante élimination de la coloration qui est de l’ordre de 70 % et une réduction de l’ordre de 48 %, 36 % et 35 % des MES, de la DCO et des polyphénols respectivement.

Figure 7

Variation du pH en fonction de la concentration du sulfate d’aluminium (chaux 15 g/L).

pH variation as a function of the aluminium sulphate concentration (lime 15 g/L).

Variation du pH en fonction de la concentration du sulfate d’aluminium (chaux 15 g/L).

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Figure 8

Evolution du pourcentage (%) de réduction des MES, de la DCO, des polyphénols et de la coloration en fonction de la concentration du sulfate d’aluminium (chaux 15 g/L).

Percent removal (%) of TSS, COD, polyphenol and color as a function of the aluminium sulphate concentration (lime 15 g/L).

Evolution du pourcentage (%) de réduction des MES, de la DCO, des polyphénols et de la coloration en fonction de la concentration du sulfate d’aluminium (chaux 15 g/L).

-> Voir la liste des figures

La comparaison entre la coagulation par le sulfate d’aluminium seul (figure 4) et le sulfate d’aluminium ajusté par la chaux (figure 8) montre que la correction du pH par la chaux n’affecte pas le taux d’abattement de la DCO et des polyphénols mais améliore la réduction des MES d’un pourcentage de l’ordre de 21 %.

La comparaison entre la coagulation par la chaux seule (figure 6) et le sulfate d’aluminium ajusté par la chaux (figure 8) montre que la correction du pH par la chaux n’affecte pas le taux d’abattement de la DCO et des polyphénols mais améliore la réduction des MES et de la coloration d’un pourcentage de l’ordre de 16 % et 35 % respectivement.

Variation de la chaux combinée à une dose constante de sulfate d’aluminium (1,5 g/L)

Le pourcentage de la réduction des MES, de la DCO, des polyphénols et de la coloration est calculé par rapport aux teneurs des margines non traitées à pH initial de 4,67. Les résultats de cette combinaison permettent de constater une évolution importante du pH à partir d’une dose de 10 g/L de la chaux (figure 9) et une élimination très importante des MES (70,5 %) ainsi une réduction de la DCO, des polyphénols et de la coloration de l’ordre de 38 %, 54 % et 61 % respectivement à une dose de 20 g/L de la chaux (figure 10).

Figure 9

Évolution du pH en fonction de la dose de la chaux ajoutée (Al2 (SO4)3, 18H2O = 1,5 g/L).

pH variation af a function of the lime concentration (Al2 (SO4)3,18H2O = 1,5 g/L).

Évolution du pH en fonction de la dose de la chaux ajoutée (Al2 (SO4)3, 18H2O = 1,5 g/L).

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Figure 10

Évolution du pourcentage (%) de réduction des MES, de la DCO, des polyphénols et de la coloration en fonction de la concentration de la chaux ajoutée (Al2 (SO4)3, 18H2O = 1,5 g/L).

Percent removal (%) of TSS, COD, polyphenol and color as a function of the lime concentration (Al2 (SO4)3, 18H2O = 1,5 g/L).

Évolution du pourcentage (%) de réduction des MES, de la DCO, des polyphénols et de la coloration en fonction de la concentration de la chaux ajoutée (Al2 (SO4)3, 18H2O = 1,5 g/L).

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La comparaison entre la coagulation par le sulfate d’aluminium (figure 4) seul et la chaux avec le sulfate d’aluminium (figure 10) montre que la correction du pH par la chaux n’affecte pas le taux d’abattement de la DCO et des polyphénols mais améliore la réduction des MES d’un pourcentage de l’ordre de 43 %.

La comparaison entre la coagulation par la chaux seule à une dose de 20 g/L (figure 6) et la chaux avec le sulfate d’aluminium (figure 10) montre que la correction du pH par la chaux n’affecte pas le taux d’abattement de la DCO et des polyphénols mais améliore la réduction des MES et de la coloration d’un pourcentage de l’ordre de 30,5 % et 11 % respectivement.

Il ressort de l’ensemble des résultats obtenus que la correction du pH par la chaux pour les deux combinaisons n’affecte pas la réduction de la DCO et des polyphénols par coagulation-floculation. La concentration de la DCO reste constante dans tous les cas de traitement et l’optimum d’abattement des polyphénols est obtenu dans le cas de la chaux seule à une dose de 20 g/L. Étant donné que l’intérêt de la coagulation porte essentiellement sur la séparation des particules fines ou extra-fines et des colloïdes de la phase interstitielle par précipitation, les faibles taux d’abattement de la DCO qui ne dépassent pas 43 % dans tous les cas de traitement, peuvent être expliqués par la dominance de la fraction soluble qui représente 56 % de la DCO totale (tableau 2).

La comparaison entre les deux combinaisons concernant l’évolution de la réduction des MES permet de conclure que la meilleure combinaison est obtenue pour une dose de 1,5 g/L de sulfate d’aluminium et de 20 g/L de chaux. Tandis que dans le cas de l’élimination de la coloration, la meilleure combinaison est obtenue pour une dose de 3 g/L de sulfate d’aluminium et de 15 g/L de chaux.

En résumé, les résultats obtenus montrent que le traitement par la chaux seule et la combinaison de 1,5 g/L de sulfate d’aluminium avec 20 g/L de chaux est le meilleur traitement par coagulation-floculation qui donne une meilleure élimination des particules colloïdales causant la turbidité, une bonne réduction des matières organiques causant la coloration et des substances toxiques responsable de l’effet inhibiteur des margines.

3.3 Production de la boue

La coagulation-floculation des margines permet d’éliminer une bonne part des charges polluantes des margines, mais elle génère une boue physico-chimique qu’il faudra sécher et éliminer par la suite. La quantité des boues produites par les différents coagulants est représentée sur le tableau 3:

Tableau 3

Boues produites (g/L) par les différents coagulants et pourcentage d’abattement de chaque paramètre.

Sludge produced (g/L) from different coagulants and percent removal for each parameter.

sulfate d’aluminium (g/L)

chaux

(g/L)

pH

DCO

(%)

polyphénols

(%)

MES

(%)

coloration

(%)

boues produites (g/L)

1,5

0

6,31‑7,08

40

41

27

****

26

0

20

12,74

43

75

50

50

35

1,5

20

12,76

38

54

70,5

61

40

3

15

11,78

36

35

48

70

30

-> Voir la liste des tableaux

Les résultats montrent que l’application de sulfate d’aluminium seul ne génère qu’une faible quantité des boues mais ne permet d’avoir qu’un faible taux d’abattement des MES (27 %) malgré l’optimisation du pH.

L’application de la chaux seule permet d’avoir une meilleure élimination des polyphénols (75 %) et des MES (50 %) par adsorption de la matière dissoute sur les flocs avec une production de 35 g/L des boues.

La combinaison des deux coagulants montre que le meilleur taux d’élimination des MES (70,5 %) et des polyphénols (54 %) est donné par une dose de 1,5 g/L de sulfate d’aluminium et de 20 g/L de chaux mais avec une production de 40 g/L des boues.

Le choix de la chaux à une dose de 20 g/L ou la combinaison de 1,5 g/L de sulfate d’aluminium avec 20 g/L de chaux comme meilleurs coagulants pour le traitement des margines présentent presque les mêmes quantités de boues. La quantité de boues produites dans le cas de la chaux seule est de 35 g/L et dans le cas de la combinaison de chaux et de sulfate d’aluminium, elle est de 40 g/L. Le test ANOVA montre que la production de boues pour les deux coagulants ne présente pas de différences statistiquement significatives (p>0,05).

Les boues produites contiennent en plus d’une quantité de réactifs chimiques utilisés sous forme de précipité, une fraction particulaire et colloïdale décantable enlevée des margines, notamment de la matière organique et des polyphénols (substances toxiques). Une valorisation en agriculture s’avérant très difficile, il faudrait envisager d’autres modes d’élimination comme l’incinération et la mise en décharge. Bien que l’incinération aboutisse à une réduction optimale des boues tant en volume qu’en poids et l’obtention d’un produit inerte (cendre), elle nécessite une déshydratation plus poussée et par conséquent une forte consommation d’énergie, d’où le problème du coût et des moyens à mettre en oeuvre. Concernant la mise en décharge, elle peut se heurter aux problèmes de siccité qui risquent d’être imposés aux produits réceptionnés en décharge.

4. Conclusion

La caractérisation physico-chimique des margines étudiées montre qu’il s’agit d’un effluent acide fortement polluant et nuisible. En effet, des valeurs élevées en matière organique polluante (DCO et DBO5) et des concentrations importantes en composés phénoliques ont été obtenues. Ces derniers constituent de forts inhibiteurs de la flore d’où la toxicité élevée de ces rejets.

Les essais de traitement par coagulation-floculation ont montré que les quatre essais de coagulations utilisés permettent de débarrasser les margines brutes de leurs matières en suspension et de diminuer leur charge organique en DCO et en polyphénols. Le meilleur traitement est enregistré avec de la chaux seule à une dose de 20 g/L ainsi que la combinaison de 1,5 g/L de sulfate d’aluminium et de 20 g/L de chaux.

Le traitement par la chaux seule aboutit à des abattements de respectivement 75 %, 50 %, 43 % et 50 % pour les polyphénols, les MES, DCO et la coloration avec une production de 35 g/L des boues.

Le traitement par combinaison de chaux et de sulfate d’aluminium aboutit à des abattements de respectivement 71 %, 61 %, 38 % et 54 % pour les MES, la coloration, DCO et les polyphénols avec une production de 40 g/L des boues.

Si l’on tient compte du coût de traitement, on constate que le choix de la chaux pour un traitement complémentaire des margines décantées constitue une solution praticable vu son pouvoir épurateur et sa disponibilité. En plus, son avantage est lié au fait que le chaulage entraîne une élévation du pH et par conséquent l’arrêt de la croissance bactérienne assurant ainsi une inhibition du pouvoir fermentescible des boues. Ceci limiterait considérablement les odeurs dégagées par les boues produites et augmenterait leur aptitude à subir une déshydratation mécanique.

Malgré ce résultat, la coagulation-floculation reste un traitement partiel qui pourrait être complété par un traitement secondaire permettant de réduire la charge polluante au maximum.