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Ethnologue du Québec et de l’Amérique française, Jean Simard a publié de nombreux livres sur l’art sacré et la religion populaire, dont plusieurs lui ont valu prix et reconnaissance. Le présent ouvrage rassemble une série d’articles et de textes inédits préparés pour la radio et les musées au cours des vingt-cinq dernières années. En choisissant comme sous-titre Itinéraire d’un missionnaire du patrimoine religieux, l’auteur insiste sur sa vocation pour l’ethnologie religieuse, un domaine qu’il n’a jamais abandonné au cours de toute sa carrière d’universitaire, conduisant ici et là des enquêtes sur les objets de piété, l’imagerie religieuse, les dévotions, les pratiques et autres activités cultuelles, toutes confessions confondues. Simard rend au passage très explicite la passion primordiale qui l’anime pour une ethnographie rigoureuse et la collecte des données, base indispensable pour la recherche.

Dans une brève introduction, il dresse d’abord avec un brin d’humour une apologie de ce qu’il nomme les sciences de l’observation contrôlée, rappelant combien ces dernières pratiquaient déjà l’interdisciplinarité dans les années 1950. Ce préambule s’achève avec les inquiétudes de l’auteur sur la muséification actuelle du patrimoine.

Le livre est ensuite divisé en cinq chapitres substantiels. Le premier chapitre est consacré à la religion populaire. L’auteur y présente différentes enquêtes auxquelles il a participé sur des objets aussi variés que les croix de chemin, Sainte-Anne-de-Beaupré, les objets religieux et les dévotions populaires. Les méthodes de travail et la fabrication des corpus sont brièvement présentées. Bien que ce chapitre comporte des données intéressantes, les textes ne s’enchaînent pas toujours bien et le lecteur ressort parfois frustré de ne pas avoir accès à plus de détails. Plus homogène, le chapitre 2 porte sur les questions d’appartenance religieuse et les rapports ethniques. L’auteur y traite de la question des frontières culturelles des francophones au Québec et au Canada, compare le Québec et la Bretagne catholiques, pour examiner ensuite les communautés protestantes chez les Canadiens français. La dernière section sur le patrimoine québécois vu du Mexique me semble la plus originale. L’auteur y oppose la sacralisation aujourd’hui obligée du patrimoine québécois à la culture vivante d’un pays indien qui vit pourtant sous une forte influence américaine.

Dans le chapitre 3, Jean Simard revient au Québec pour montrer comment la province gère avec plus ou moins de succès son patrimoine religieux, posant la question de l’avenir de ce patrimoine. L’auteur se saisit de plusieurs cas, en particulier du patrimoine immatériel des Augustines de l’Hôtel-Dieu de Québec, une communauté présente à Québec depuis 1639, et du tout nouveau musée des religions de Nicolet, fondé en 1986. Les six sections de ce chapitre m’apparaissent les plus riches du livre et donnent envie de poursuivre ces enquêtes. Les deux derniers chapitres consacrés à l’art populaire et aux pionniers de l’inventaire du patrimoine sont de tailles beaucoup plus courtes et manquent de dynamisme. L’index des lieux et des personnes constitue en revanche un outil indispensable pour naviguer dans ce paysage éclaté du religieux, des images, des objets et des pratiques.

En somme, si ce livre intéressera sans aucun doute les spécialistes des questions patrimoniales et de l’ethnologie religieuse au Québec, sa facture composite le rend plus difficile d’accès pour un public non averti.