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La maladie de Parkinson est une maladie neurodégénérative invalidante. Elle se caractérise par une rigidité musculaire, une lenteur des mouvements (bradykinésie) et un tremblement de repos auxquels s’ajoutent parfois d’autres manifestations neurologiques telles que des troubles cognitifs. Cette maladie est due à une perte progressive et sélective des neurones dopaminergiques, situés dans la substantia nigra.

La maladie de Parkinson a longtemps été considérée comme une maladie neurodégénérative purement idiopathique. Le rôle des facteurs environnementaux semble modeste et une contribution génétique est suspectée depuis longtemps. Ainsi, dès 1900, Gowers rapportait que 15 % de ses patients présentaient une histoire familiale. Au cours des dix dernières années, l’existence de rares formes familiales compatibles avec une transmission mendélienne, et surtout l’identification de mutations délétères qui co-ségrégeaient avec la maladie dans les familles, ont permis des avancées spectaculaires dans la compréhension de la physiopathologie de la maladie de Parkinson, une meilleure définition du phénotype associé et le développement d’outils pronostiques et diagnostiques. Ainsi, des mutations dans le gène de la parkine (près d’une centaine différentes identifiées à ce jour) rendent compte d’environ 50 % des formes autosomiques récessives avec un début de la maladie avant 40 ans, alors que les mutations des gènes de PINK1 (PTEN-induced putative kinase) et de DJ-1 sont beaucoup moins fréquentes [1]. Les mutations dans les gènes α-synucléine et UCHL1 (ubiquitin carboxy-terminal hydrolase L1) n’expliquent que 2 % des formes autosomiques dominantes de la maladie de Parkinson. La découverte récente du gène LRRK2 (leucine-rich repeat kinase 2) qui code la dardarine, a révolutionné la génétique de la maladie de Parkinson puisqu’une seule mutation, G2019S, explique à elle seule une proportion importante des formes autosomiques dominantes de la maladie de Parkinson et aussi, de façon très intéressante, des formes communes idiopathiques, dans certains sous-groupes de patients parkinsoniens.

La mutation G2019S est localisée dans l’exon 41 du gène LRRK2, dont la taille est de 144 kb avec 51 exons codants. Cette mutation a été initialement associée à 6-7 % des formes familiales de la maladie de Parkinson d’origine européenne [2, 3] et à 2 % des cas apparemment isolés [4]. Depuis, de nombreuses études montrent que la fréquence de la mutation G2019S varie considérablement selon l’origine géographique et ethnique des populations étudiées (Figure 1) [5]. Très rare en Asie (<0,1%) [5], elle explose en Afrique du Nord où elle atteint 37 % dans les formes familiales de la maladie de Parkinson [6] contre 3 % des cas familiaux d’origine européenne [7]. De manière intéressante et inattendue, cette mutation a également été retrouvée chez 41 % de cas apparemment isolés d’origine maghrébine contre 1 % chez des témoins sains appariés sur l’origine géographique, soit un risque relatif de 48,6 [6]. Chez tous les patients, la mutation G2019S de LRRK2 est portée par le même haplotype, indiquant l’existence d’un effet fondateur unique. Le tableau clinique est superposable chez les patients parkinsoniens porteurs de la mutation G2019S et chez les non-porteurs [6]. Aussi remarquable est l’absence « d’effet dose » chez 3 patients nord-africains porteurs de 2 allèles mutés, qui présentent un tableau de maladie de Parkinson idiopathique. Ce résultat a été confirmé dans une étude récente où l’âge de début de la maladie varie entre 28 et 86 ans chez les porteurs hétérozygotes de la mutation G2019S et entre 30 et 82 ans chez les porteurs homozygotes [8]. Enfin, le phénotype n’est pas plus sévère chez 2 patients porteurs à la fois de la mutation G2019S et de mutations dans le gène de la parkine [6].

Figure 1

Répartition mondiale de la mutation G2019S du gène LRRK2.

Répartition mondiale de la mutation G2019S du gène LRRK2.

Les données sont exprimées en fréquence relative : en bleu (S-) les cas « sporadiques », et en rose (F-) les formes familiales de la maladie de Parkinson. Pour certains pays ou continents, les valeurs extrêmes sont indiquées, si ces fréquences concernent plusieurs études.

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La mutation G2019S joue un rôle important non seulement en Afrique du Nord mais aussi chez des patients d’origine juive. En effet, notre étude, bien que réalisée sur un très petit échantillon, a détecté la mutation G2019S chez un des six parkinsoniens juifs Sépharades testés (17 %) [6]. Une autre étude rapporte aussi une fréquence élevée de la mutation G2019S chez des parkinsoniens américains d’origine juive Ashkénaze : 29,7 % chez des cas familiaux et 13,3 % chez des cas isolés contre 1 % chez des témoins appariés sur l’origine ethnique [9].

L’ensemble de ces résultats montre que, même en l’absence d’une histoire familiale, probablement en raison d’un phénomène de censure ou d’une pénétrance incomplète, une proportion importante de cas apparemment isolés de maladie de Parkinson résulte d’une mutation dominante du gène LRRK2, sans qu’aucune particularité phénotypique n’ait permis d’anticiper de tels résultats. Ses implications sont importantes en termes de conseil génétique, particulièrement pour les cas sans histoire familiale de maladie de Parkinson. En effet, la détection de cette mutation dominante du gène LRRK2 implique un risque élevé de récurrence chez les descendants.

La protéine LRRK2 appartient à la famille des ROCO, qui sont des Ras-GTPases comprenant de multiples domaines hautement conservés à travers les espèces. Cette protéine est remarquable par la dualité de ses fonctions car c’est à la fois une GTPase par son domaine Roc (Ras of complex proteins) et une kinase par son domaine MAPKKK (mitogen activated kinase kinase kinase), ce qui suggère un rôle de cette protéine dans une ou plusieurs voies de signalisation intracellulaire. De récentes études fonctionnelles réalisées in vitro utilisant des cultures de cellules transfectées avec le mutant G2019S, montrent une augmentation de l’activité d’autophosphorylation [10], suggérant un mécanisme « gain de fonction ». Néanmoins, la dominance complète observée au plan phénotypique n’est pas en faveur d’une telle hypothèse.