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Comme nous nous y étions engagés dans notre précédente chronique ((→) m/s 2006, n° 2, p. 218) nous nous faisons immédiatement l’écho de la parution le 7 février 2006 du décret relatif à la recherche sur l’embryon humain et les cellules souches embryonnaires qui permet l’application de la loi de bioéthique du 6 août 2004.

Les termes de la loi

Rappelons les termes particulièrement complexes de la loi[1], qui interdit la recherche sur l’embryon humain[2], mais qui l’autorise, par dérogation et pour une période limitée à cinq ans à partir du décret : « les recherches peuvent être autorisées sur l’embryon et les cellules embryonnaires lorsqu’elles sont susceptibles de permettre des progrès thérapeutiques majeurs et à la condition de ne pouvoir être poursuivies par une méthode alternative d’efficacité comparable, en l’état des connaissances scientifiques »[3].

Les termes de la loi la rendent impossible à appliquer à la lettre. Comment déterminer en effet si la recherche permettra vraiment un progrès thérapeutique majeur ? Comment affirmer qu’il n’existe aucune autre méthode alternative d’efficacité comparable ? Mais ne boudons pas notre satisfaction. Comme le précise le communiqué publié par les ministères de la Santé et de la Recherche : « Ce décret permet aux chercheurs de créer et de travailler sur des lignées de cellules souches embryonnaires humaines issues d’embryons surnuméraires conçus in vitro dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation sur le territoire français et sur des lignées de cellules importées de pays étrangers et créées dans les mêmes conditions ».

Embryons sur lesquels peuvent porter les recherches

Le communiqué précise également les trois types d’embryons sur lesquels peuvent porter les recherches.

  • Embryons surnuméraires ne faisant plus l’objet de projet parental ; les parents doivent consentir par écrit au don de l’embryon à des fins de recherche, sans contrepartie financière. Ce consentement, donné une première fois, doit être renouvelé à l’issue d’un délai de réflexion de trois mois.

  • Embryons dont l’état ne permet pas la réimplantation ou la conservation à des fins de grossesse, sous réserve de l’autorisation des parents.

  • Embryons porteurs de l’anomalie recherchée dans le cadre d’un diagnostic pré-implantatoire (DPI), sous réserve d’autorisation du couple parental.

Les autorisations seront délivrées par l’Agence de la biomédecine, qui exercera également le contrôle et le suivi des recherches. Pour mener à bien cette mission, l’Agence de la biomédecine s’appuie sur son conseil d’orientation. Réunissant experts scientifiques et médicaux, experts en sciences humaines, représentants d’associations, parlementaires et représentants de diverses institutions[4], le conseil d’orientation examine chaque projet de recherche ou d’étude sur l’embryon et les cellules embryonnaires et donne un avis préalable à la décision d’autorisation.

La fin du dispositif transitoire

La publication du décret marque la fin du dispositif transitoire. De septembre 2004 à aujourd’hui, grâce à un comité ad hoc intérimaire, 40 autorisations ont été délivrées à une dizaine d’équipes pour des recherches portant sur des lignées de cellules souches embryonnaires créées hors de France : 14 autorisations d’importation de cellules souches embryonnaires humaines, 17 autorisations de protocole d’études ou de recherches et 9 autorisations de conservation de ces cellules. Les dossiers de demande d’autorisation pour un protocole de recherche doivent maintenant être adressés à la directrice générale de l’Agence de la biomédecine[5].

La France rejoint le peloton

La France rejoint ainsi 8 autres pays de l’Union Européenne où les recherches sur les cellules souches embryonnaires humaines sont autorisées (plus l’Allemagne qui autorise les recherches sur cellules importées seulement), tandis que seuls la Belgique, la Suède et le Royaume-Uni autorisent le transfert nucléaire (clonage thérapeutique). Sept pays au monde autorisent le clonage thérapeutique et les recherches sur les cellules souches embryonnaires (États-Unis, Chine, Israël, Singapour, Corée du Sud, Royaume-Uni). Parmi les pays non-membres de l’UE autorisant seulement la recherche sur les cellules souches embryonnaires avec interdiction du transfert nucléaire, citons le Canada, la Suisse, le Brésil, le Japon et l’Australie.

Après la longue attente, place maintenant à la science.