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Les lecteurs auront attendu cinq ans ce second volume, un délai qu’explique l’ampleur de la tâche. Les Cahiers de géographie du Québec avaient rendu compte du premier tome (vol. 43, no 118, 1999) en soulignant les qualités et l’importance de l’apport. On attendait avec impatience de porter un regard global sur ce vaste travail consacré à la production des espaces économiques par Christian Vandermotten et ses collaborateurs. L’attente n’est pas déçue.

Le premier volume était dévolu à la production de l’espace économique dans les pays développés, reconstituée en profondeur pour la Belgique et l’Europe. Le second s’ouvre sur un chapitre consacré aux États-Unis, qui aurait été plus à sa place dans le précédent (contraintes éditoriales mises à part) puisque le reste du travail est consacré à la périphérie. La progression n’est cependant pas linéaire; deux chapitres sont dévolus aux conditions socio-économiques dans les périphéries et à l’analyse des rapports entre croissance démographique et développement. Les auteurs convient le lecteur à un long retour sur la formation du système de l’économie-monde avant de traiter des structures spatiales des pays de la périphérie – du Congo au Brésil, de l’Iran à la Chine –, où ils voient autant de «reflets de leurs modalités d’insertion dans l’économie-monde».

On retrouve dans cette seconde livraison les mêmes qualités qui faisaient l’intérêt de la première. Une ample documentation est mise à contribution, qui nourrit la réflexion, la discussion, une abondante cartographie et de multiples et précieux tableaux statistiques; le chapitre 8 notamment, qui traite de la «formation du système de l’économie-monde», emprunte aux historiens de l’économie comme aux spécialistes de diverses sciences sociales pour la période contemporaine. L’option «radicale» des auteurs ne les empêche nullement de nuancer finement leurs diagnostics sur le rôle de la colonisation. Sans doute, certaines argumentations n’emporteront-elles pas la conviction de tous les lecteurs; certains regretteront un excès de dialectique. Telle formulation pourra paraître maladroite (la décolonisation comme première évocation des conséquences du fordisme, p. 156) ou incomplète (le raisonnement sur la détérioration des termes de l’échange aurait bénéficié de mieux prendre en compte les travaux de Paul Bairoch). Le pronostic des auteurs sur les aptitudes au rattrapage des pays de la périphérie peut paraître un peu pessimiste – le groupe des pays les moins avancés mis à part –, comme en témoigne l’évolution récente de l’Inde; ces réserves n’entament toutefois pas la solidité de l’ensemble.

Il faut saluer sans réserve une entreprise de cette envergure. Tout en en offrant une synthèse vaste et stimulante, elle livre un formidable matériel (graphiques, cartes, études de cas, etc.) dont les enseignants, en particulier, tireront grand parti.