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La mondialisation, vue comme contacts et échanges généralisés entre les différents points de la planète, est entrée dans notre quotidien.

Manzagol 2003 : 5

Ce petit livre de moins de deux cents pages s’adresse aux « étudiants de première année en géographie et relations internationales pour qui il vient en appui à une introduction à la géographie » (p. 7). L’objectif est clairement posé dès le départ et l’ouvrage s’organise conséquemment. Les onze chapitres s’arti-culent autour des modèles historiques du système-monde proposés par Lévy (Durand et al., 1993) : d’abord un « ensemble de mondes » (chapitres 1 et 2); les « champs de forces » (chapitres 3, 4 et 5), le « réseau hiérarchisé » (chapitres 6 à 9); la « société-monde » (chapitres 10 et 11). La lecture continue de l’ouvrage (chapitre après chapitre) butte quelquefois sur l’absence d’une réelle ligne directrice. Ceci dit, les chapitres, qui s’abordent très bien comme des thèmes distincts, constituent des leçons complètes en elles-mêmes. Relativement peu illustrés, ils sont fort bien appuyés par une série d’annexes (Documents et méthodes) qui proposent des explorations complémentaires, par exemple sur la question des diasporas, le phénomène des maquiladoras à la frontière entre le Mexique et les États-Unis, la narco-économie, etc. Une section Repères et outils complète le tout, fournissant des explications supplémentaires sur quelques notions plus théoriques : les quatre modèles du monde de Lévy (Durand et al., 1993), la diffusion spatiale, l’indice de développement humain, la courbe de Lorenz, etc.

Dans chacune des « leçons », le thème est introduit par un petit résumé et par les grands titres du chapitre; celui-ci s’organise autour de trois ou quatre idées clés, déclinées en plusieurs sous-thèmes; un résumé-synthèse clôt le tout, accompagné d’une ou deux références en lien avec le thème. Cette façon de faire a le mérite pédagogique d’insister sur les notions essentielles en les répétant, en les organisant de façon très structurée. Comme les thèmes abordés sont très nombreux, il arrive dans certains cas que le contenu de quelques-uns soit tellement épuré qu’il perde en clarté (les firmes, p. 60; volatilité des capitaux, p. 109) ou que l’on reste sur notre faim (le fardeau de la dette, p. 115). Dans un même ordre d’idées, et tout en gardant à l’esprit que l’on s’adresse avant tout à des néophytes, certaines notions sont abordées comme si elles étaient prises pour acquis, alors que quelques précisions additionnelles auraient été utiles (internationalisation du numéraire, p. 53; eurodollars, p. 54; l’affaire Ethyl, p. 94).

Ceci étant dit, l’ouvrage, bien qu’il n’apporte, de par sa nature, pas vraiment de nouvelles connaissances ou méthodes, présente tout de même plusieurs réflexions intéressantes. Il convient d’en souligner quelques-unes.

  1. « Les concepts simples de Nord et Sud se sont brouillés » (p. 75). Cette approche incite à considérer davantage les complexités internes des grandes régions développées et non développées.

  2. Dans la même veine, il évoque les liens entre les activités de la Silicon Valley qui ne pourraient être ce qu’elles sont sans les zones franches et la sous-traitance avec les pays en voie de développement (p. 80).

  3. Il souligne aussi comment la mondialisation « reconfigure » les territoires : « La logique de la globalisation est de lisser les différences, d’unir tous les points de la planète ». Et un peu plus loin : « L’État-nation […] ne se décompose-t-il pas par le bas alors que les régions affichent leur personnalité et qu’une multitude de collectivités affirment le dynamisme et les prétentions du local (p. 92) ».

  4. La partie sur les dérives criminelles et l’antimonde est particulièrement appréciée (pp. 110-113), puisqu’il est rarement question de cet aspect dans les manuels de géographie économique. Pourtant, dans un pays comme la Bolivie, l’économie ne survit que grâce aux activités souterraines, qui représentent environ 50 % du revenu national réel et touchent directement ou indirectement les deux tiers de la population.

  5. Enfin, la partie sur les tensions identitaires générées ou accompagnant la mondialisation est particulièrement bien construite (p. 120), autour de deux thèmes : d’une part, la dynamique d’émiettement et la prolifération étatique et, d’autre part, les fondamentalismes religieux.

Somme toute, l’ouvrage accompagne très bien un cours consacré à la mondialisation ou même à la géographie économique. Pour les novices, certains passages seront parfois plus difficiles à aborder seuls. Mais la structure et le contenu motivent et suscitent suffisamment d’intérêt pour donner le goût d’aller plus loin.