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Absence de cellules T naturelles dans la maladie de Purtilo

La maladie de Purtilo - encore appelée X-linked lymphoproliferative disease (XLP) - est un déficit immunitaire primitif caractérisé par une réponse cellulaire inadaptée à l'infection par le virus EBV (mononucléose fulminante). Cette maladie héréditaire, liée au chromosome X, touche les garçons et conduit à leur mort avant l'âge adulte. C'est en 1998 que le gène SH2D1A (SH2 domain protein 1A), responsable de cette affection, a été identifié. Il code pour une protéine appelée SAP (SLAM associated protein) qui sert d'adaptateur intracytoplasmique pour une famille de récepteurs dénommée SLAM (signaling lymphocyte activating molecule) qui transduit des signaux d'activation dans les cellules lymphoïdes où elle est exprimée. Malgré cette découverte et la réalisation d'un modèle de souris dont le gène codant pour SAP a été invalidé (souris SAP-/-), la physiopathologie de la maladie de Purtilo reste encore mal comprise. Comme dans la maladie humaine, les souris mutées ne produisent pas de réponses immunitaires cellulaire et humorale normales, à la suite d'infections par certains virus ou d'autres pathogènes. Comment SAP est-elle à l'origine des désordres profonds observés ? Une partie de la réponse vient d'être apportée par la publication quasi simultanée de trois équipes indépendantes, démontrant le rôle joué par SAP dans le développement de cellules NKT, également appelées lymphocytes T naturels (natural T cells) [1-3]. Ces cellules T particulières expriment, outre leur récepteur de l'antigène (TCRαβ), des marqueurs de cellules NK, notamment NK1.1, d'où leur nom de cellules NKT. Mais - fait plus important - leur TCR est constitué à partir de gènes variables canoniques, Vα24 et Vβ11 chez l'homme, qui limitent leur diversité de reconnaissance de l'antigène et les spécialisent pour la reconnaissance de glycolipides acides en association avec les molécules CD1d. Ces dernières présentent des homologies structurales avec les molécules de classe I du complexe majeur d'histocompatibilité de par leur association avec la β2-microglobuline. Ces trois équipes démontrent que les souris SAP-/-, tout comme les patients atteints de XLP, sont virtuellement dépourvues de cellules T naturelles. Bien qu'en faible proportion chez le sujet sain, les cellules T naturelles sont des lymphocytes T régulateurs importants pour la production de cellules B mémoires et de lymphocytes T cytotoxiques. Ce sont les principales cellules productrices d'interleukine-4 qui sécrètent également d'autres cytokines (interféron γ, IL-10, TGFβ), en réponse à des glycolipides (parois bactériennes, etc.). Comme les autres lymphocytes T, les cellules NKT sont produites dans le thymus. Elles sont issues d'une sélection positive par la reconnaissance d'un glycolipide endogène (iGb3) sur les thymocytes immatures CD4+CD8+ exprimant CD1d. C'est à cette étape de sélection, particulière aux cellules T naturelles, que la transduction du signal associé aux molécules SLAM nécessite impérativement l'intervention d'une protéine SAP intègre. En son absence, les cellules T Vα24-Vβ11 ne peuvent survivrent et terminer leur maturation en cellules T naturelles. Nul doute que ces importantes découvertes vont accélérer la recherche sur la maladie de Purtilo et aider à la compréhension du rôle physiologique de ces cellules NKT, pont entre l'immunité naturelle (innée) et acquise.

De l'amer au sucré

Les quatre saveurs principales sont le sucré, le salé, l'amer et l'acide, auxquelles il faut ajouter l'umami (mot japonais pouvant se traduire par « délicieux ») qui fut identifié en 1908 au Japon et inclus dans les saveurs en 1980. Il est apporté par le glutamate de sodium qui se substitue au sel dans la cuisine orientale. La saveur amère entraîne une aversion qui protège contre l'ingestion de substances toxiques auxquelles elle est souvent associée. Deux familles de récepteurs du goût ont été récemment identifiées, les récepteurs couplés aux protéines G (RCPG) de la famille T1R sont au nombre de trois et sont responsables de la détection des saveurs sucrées et de celle des acides aminés. Les RCPG de la famille T2R, probablement une trentaine, permettent la détection des saveurs amères. Ces deux familles de récepteurs convergent toutes deux vers une même voie de signalisation impliquant la phospholipase C-β2, mais ne sont pas exprimées dans les mêmes cellules gustatives. Une élégante étude utilisant des souris génétiquement modifiées précise maintenant les mécanismes de sélectivité et de sensibilité aux saveurs amères et sucrées [4]. Ainsi, la différence de réponse aux saveurs amères que l'on observe selon l'espèce considérée serait liée aux différences de séquences des récepteurs T2R : des souris transgéniques dont les cellules gustatives expriment les récepteurs humains T2R des β-glucopyranosides et PTC - deux composés « amers » chez l'homme, mais envers lesquels les souris sont normalement insensibles - développent une aversion pour ces composés. Inversement, des souris dont le gène codant pour le récepteur T2R du cycloheximide a été invalidé perdent leur aversion pour ce composé. Les auteurs montrent ensuite que c'est l'activation de telle ou telle population de cellules gustatives qui procure la sensation « amère » ou « sucrée ». Ils utilisent pour ceci des souris dont le gène codant pour la PLCβ2 a été invalidé, qui ne perçoivent donc ni le sucré, ni l'amer, ni l'umami. La restauration de l'expression de la PLCβ2 sous le contrôle d'un promoteur T2R, c'est-à-dire uniquement dans les cellules exprimant normalement les récepteurs T2R, restaure totalement la sensation amère, et cela pour tous les composés amers. En outre, il suffit d'exprimer un récepteur d'une substance amère dans les cellules normalement sensibles aux saveurs sucrées pour provoquer une attraction pour cette substance. Et inversement…

La chromatine : de l'intérêt d'un solide empaquetage…

Après la division cellulaire, les chromosomes se désordonnent en une multitude de filaments d'ADN. Ces filaments vont se réorganiser en s'enroulant autour de petites structures octamériques composées de paires d'histones (H2A/H2B et H3/H4) formant une succession d'unités, les nucléosomes, ce collier de perles s'enroulant lui-même autour d'un filament d'histones H1, 46 filaments au total, autant que de chromosomes, l'ensemble formant la chromatine. C'est la solidité de cet assemblage qui protège le génome des multiples agressions dont il peut faire l'objet, et notamment celles du stress oxydant. Il est cependant nécessaire de le dissocier pour permettre la transcription des gènes ainsi que leur réplication et leur réparation éventuelle. L'un des points clés de l'assemblage et du désassemblage est la liaison de l'ADN aux histones. Elle est facilitée par l'action de protéines chaperons, dont l'une d'entre elles, Asf1 (anti-silencing function), intervient avec d'autres aux toutes premières étapes du processus d'assemblage. Elles régulent l'accessibilité des gènes aux machineries de transcription. Des chercheurs du département Joliot-Curie du CEA de Saclay (France) [5] ont regardé, par RMN, les bases structurales, jusque-là inconnues, de l'interaction entre Asf1 et les histones H3/H4. Ils ont ensuite construit des mutants d'Asf1 de même structure tridimensionnelle, mais dont la zone d'interaction avec les histones est modifiée dans la levure Saccharomyces cerevisiae, très étudiée pour l'assemblage et le remodelage de la chromatine [6]. Ces mutants présentent un défaut, non seulement pour la répression de la transcription des gènes, mais encore pour la survie des cellules soumises à des agents génotoxiques. Ils ont constaté une corrélation remarquable entre la sévérité des phénotypes observés in vivo et la perte d'affinité de ces mutants pour les histones mesurée in vitro. L'interaction d'Asf1 avec les histones est donc un processus primordial qui intervient aussi bien dans le remodelage de la chromatine au cours de la division cellulaire et de la transcription des gènes que dans les processus de réparation de l'ADN endommagé par un stress génotoxique. Ce travail souligne l'intérêt de l'approche structurale par RMN de l'étude du nucléosome, cette unité de base de la chromatine, dont les troubles sont fréquemment retrouvés en pathologie humaine aussi bien génétique que cancéreuse [7].

Contre l'artériosclérose : fumez du haschich ?

L'artériosclérose, maladie chronique inflammatoire, est la principale responsable des coronaropathies et des accidents vasculaires cérébraux (AVC) dans les pays occidentaux. Or, il a été démontré que les dérivés des cannabinoïdes contiennent une substance, le Δ9-tétrahydrocannabinol (THC), capable de moduler les fonctions immunitaires, donc susceptible d'agir efficacement contre les maladies inflammatoires [8]. Le THC se lie à deux récepteurs : CB1, surtout présent dans les cellules cérébrales, et CB2, principalement présent dans les cellules du système immunitaire. Un groupe de chercheurs suisses et allemands vient de démontrer qu'effectivement le cannabis, ou plutôt le THC, administré par voie orale à des souris dont le gène codant pour l'apoprotéine E a été invalidé (ApoE-/-), entraînait une réduction des plaques d'athérome, et ceci à des doses faibles : 1 mg/kg/jour [9]. Après 11 semaines d'un régime riche en cholestérol, et alors que les souris témoins ApoE-/- – qui servent de modèle animal pour l'étude de l'artériosclérose – présentaient de nombreuses plaques d'athérome, les artères des souris traitées par THC présentaient peu de lésions. Les auteurs ont pu apporter la preuve que THC agissait par fixation sur le récepteur CB2, avec diminution de l'interféron γ, une cytokine impliquée dans l'artériosclérose. Ils ont aussi montré que l'adhérence des macrophages à l'endartère était diminuée. De là à recommander l'usage du haschich pour lutter -contre l'artériosclérose ou l'arthrite rhumatoïde [10], il n'y a qu'un pas qu'il serait imprudent de franchir. Car TCH se lie aussi aux récepteurs cérébraux CB1, ce qui entraîne une tachycardie avec élévation tensionnelle brutale, suivie éventuellement d'une chute posturale de la TA. Cette instabilité augmente les risques cardiovasculaires. De plus, quand la fumée est inhalée – si l'on pousse l'imagination jusqu'à envisager ce type d'administration du cannabis ! – l'augmentation de la carboxyhémoglobine dans le sang diminue aussi l'apport en oxygène. C'est du moins la conclusion de Michael D. Roth dans son analyse de cette récente étude sur la souris [11]. On le voit, la morale est sauve.

Un facteur de risque pour la dégénérescence maculaire liée à l'âge

La dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA) est une des principales causes de malvoyance profonde dans les pays économiquement développés (12 % de la population de plus de 65 ans) et son incidence croît parallèlement à l'augmentation de l'espérance de vie [12]. On estime à 3 millions le nombre de personne qui seront atteintes de DMLA aux États-Unis en 2020. Cliniquement, la maladie se manifeste par des dépôts lipidoprotéiques extracellulaires appelés drusen qui s'accumulent surtout dans la région de la macula avec, pour complications, une atrophie de l'épithélium pigmentaire (forme sèche) et/ou une néovascularisation anormale de la rétine avec exsudats (forme humide). Comme dans de nombreuses autres maladies chroniques, les facteurs de risque, encore mal connus, sont à la fois environnementaux et génétiques [13]. Les nombreuses recherches entreprises pour découvrir les facteurs génétiques viennent d'être couronnées de succès car trois publications émanant de trois équipes américaines différentes ont été publiées en avril 2005 dans la revue Science [14-16]. Elles parviennent aux mêmes conclusions : un variant dans le gène codant pour le facteur H du complément est fortement associé à la DMLA. Les études ont porté sur de grandes séries de malades et de témoins (plusieurs centaines) dans la population américaine, surtout originaires de l'Europe du Nord et de l'Ouest. Par des voies différentes – analyse de grandes familles, recherche de gènes candidats, exploration de l'ensemble du génome, SNP (single nucleotide polymophism), entre autres –, un locus a été trouvé en 1q25.3-31.3, puis la région a été réduite de 14 Mb à 388 kb. Parmi les gènes analysés se trouvait le gène CFH, codant pour le facteur H du complément. Un polymorphisme Tyr402His a été observé avec une grande fréquence chez les malades. Élément plus important encore, il semble que ce changement de résidu ait des conséquences fonctionnelles. Il pourrait donc fournir les premiers indices du mécanisme physiopathologique conduisant à la DMLA. En effet, ce variant en position 402 se situe dans le site de liaison à l'héparine, à la protéine C réactive (CRP), et à la protéine M [17]. Cette liaison pourrait être altérée du fait de la substitution d'une tyrosine, neutre, par une histidine, chargée positivement. La protéine C réactive est souvent augmentée chez les malades atteints de DMLA. La colocalisation de CFH, de CRP et de protéoglycanes dans la couche superficielle de l'intima artérielle suggère que CFH protégerait la paroi artérielle d'une activation excessive du complément. Le changement Y402H pourrait donc diminuer cette action protectrice et favoriser les lésions vasculaires engendrant le processus de néovascularisation observé dans la DMLA. La plus grande fréquence de la liaison Y402H dans les formes humides (avec néovascularisation) que dans les formes sèches plaide en faveur de cette hypothèse. Quoi qu'il en soit, dans les trois études, 50 % des sujets atteints de DMLA étaient porteurs de ce variant et, par rapport à la population témoin, le déséquilibre de liaison est considérable. Il est donc permis d'espérer la réalisation de tests présymptomatiques pour une détection précoce de la maladie et, par la suite, une compréhension des mécanismes pathogéniques ouvrant la voie à de nouvelles possibilités de traitement.

Buvez quand vous courez, mais ne buvez pas trop

L'hyponatrémie, caractérisée par une concentration de sodium dans le plasma égale ou inférieure à 135 mMol/l, est la conséquence d'un déséquilibre entre les bilans d'eau et de sodium (surcharge relative d'eau ou perte relative de sodium). Elle conduit à un état d'hyperhydratation cellulaire et peut être asymptomatique ou, dans les formes sévères, associée à des troubles cérébraux allant parfois jusqu'au coma et à la mort. On sait maintenant qu'elle survient à la suite d'une ingestion exagérée d'eau ou de boissons hypotoniques chez les coureurs de marathon. C.S. Almon et al. [18] ont étudié son incidence chez les sujets ayant participé au marathon de Boston (USA) en 2002 et ont tenté de déterminer les principaux facteurs de risque. Ils ont pu obtenir un échantillon de sang utilisable à la fin de l'épreuve chez 488 coureurs (64 % de ceux enrôlés dans l'étude). Treize pour cent d'entre eux avaient une hyponatrémie dont 0,6 % une hyponatrémie sévère (120 mMol/l ou moins). Les coureurs furent pesés avant et après l'épreuve et remplirent un questionnaire sur les boissons ingérées et le nombre et l'abondance des mictions durant la course. L'analyse statistique montra que l'hyponatrémie était corrélée à l'augmentation de poids. Elle était plus fréquente chez les coureurs ayant, durant la course, ingéré plus de 3 litres de boissons, bu plus fréquemment, couru plus longtemps et uriné plus souvent. Ce dernier point tend à prouver qu'il ne s'agit pas de rétention de l'eau ingérée, mais bien d'un apport exagéré. Les femmes et les sujets maigres (index de poids corporel < 20) étaient plus fréquemment atteints. Les auteurs conseillent aux coureurs de fixer le volume de boissons optimal en déterminant, au cours des séances d'entraînement, quel est celui qui maintient un poids stable. Il paraît ainsi plus sage de se fier à sa soif que de la devancer.

Des ovules à fleur d'ovaire

Mai 68 avait inventé l'expression : « Sous les pavés la plage ». Un groupe de chercheurs américains vient d'inventer : « Sous l'épithélium, l'oeuf ». En récoltant des cellules de l'épithélium de l'ovaire chez 5 femmes de 39 à 52 ans au cours d'une laparotomie effectuée pour une raison médicale objective, Antony Bukovsky et al. (University of Tennessee, Knoxville, USA) [19] ont, semble-t-il, réussi à produire des cellules présentant un certain nombre de critères associés aux ovules matures. Les cellules prélevées (OSE, ovarian surface epithelium) ont été cultivées dans un milieu contenant ou non un oestrogène, en l'occurrence le rouge de phénol, durant 5 à 6 jours. Sans rouge de phénol, les cellules acquièrent un phénotype proche de petites cellules de 15 µm de diamètre avec des marqueurs les apparentant à des cellules de la granulosa, de cellules épithéliales, neurales et mésenchymateuses. Au contraire, en présence de rouge phénol, apparaissent de grosses cellules de 180 µm de diamètre qui ressemblent à des ovocytes avec vésicules germinales, globule polaire expulsé et protéines d'enveloppe les apparentant à un ovocyte de type 2. Dans la discussion de l'article, les auteurs remettent en cause la notion de stock ovarien potentiel d'ovules, fixé à la naissance (400 000 selon le chiffre actuellement communément admis). Au contraire, les travaux publiés depuis près de 10 ans suggèrent l'existence de cellules souches ovariennes au niveau de la paroi externe de l'ovaire, ayant la capacité d'interagir avec les cellules de la granulosa pour former des follicules ovariens tout au long de la vie, de la puberté à la ménopause. Il convient que ces travaux soient confirmés. Ils pourraient alors ouvrir la voie à de nouvelles techniques de préservation de la fertilité, en particulier dans le cadre des traitements anticancéreux nécessitant une ablation des ovaires et, bien sûr, devenir une source importante d'ovules pour les recherches sur le transfert nucléaire et les mécanismes de reprogrammation génétique.

Fermer la porte à Ebola

Le virus Ebola (EboV) est un virus à ARN de la famille des Filoviridae. Le traitement de l'infection par ce virus est purement symptomatique et la mortalité est de 50% à 90%. Le développement d'un traitement antiviral est donc une priorité. Le virus Ebola possède une protéine de surface GP modulant la fusion de la membrane virale avec celle de la cellule hôte. L'infection des cellules par le virus Ebola est bloquée par les inhibiteurs de l'acidification endosomique. Pour tester la possibilité que des protéases endosomiques acide-dépendantes permettent l'entrée des virus dans les cellules, des inhibiteurs de protéases ont été utilisés pour bloquer l'infection de cellules Vero de rein de singe par le virus VSV (vesicular virus stomatitis) portant la protéine EboV GP [20]. Ces inhibiteurs diminuent de 99% l'infection des cellules. Une ou des protéases sont donc nécessaires à l'entrée du virus dans la cellule. Les cystéine protéases, cathepsines B et L, sont présentes dans les endosomes et actives à pH acide. L'infection de fibroblastes dérivés de souris CatB-/- et CatL+/+, et de souris CatB-/- et CatL-/- par le virus VSV portant EboV GP, et l'infection de cellules Vero en présence d'inhibiteurs de CatB, et de CatB et CatL, montrent que CatB est nécessaire à l'entrée du virus dans la cellule, alors que CatL n'est ni nécessaire ni suffisante. En revanche, CatL augmente l'entrée CatB-dépendante. Cat B et surtout CatL permettent un premier clivage de la protéine EboV GP, puis CatB réalise un deuxième clivage nécessaire à l'entrée du virus dans la cellule. Ces digestions sont donc à l'origine de la fusion des membranes et de l'entrée du virus dans la cellule. L'infection de cellules Vero prétraitées avec des inhibiteurs des cystéine protéases par le virus Ebola montre que la multiplication du virus Ebola dans les cellules Vero est sensible à ces inhibiteurs. Des investigations complémentaires sur ces antiviraux sont nécessaires, mais on peut y voir une perspective thérapeutique des infections liées au virus Ebola.

Être joué sur Broadway et publier dans Science, même combat ?

En ce centième anniversaire de la théorie de la relativité restreinte (et de la mort de Jules Verne), la vision traditionnelle du savant/artiste génial et solitaire est largement diffusée dans le grand public, mais un article récent, en appliquant la théorie des réseaux à la production artistique et scientifique, semble indiquer que cette image n'est plus vraiment d'actualité [21]. Les auteurs ont analysé les équipes de création des comédies musicales de Broadway sur les cent dernières années (2 258 productions de 1877 à 1970, jouées au moins une fois), ainsi que les signataires des publications en psycho-sociologie, économie, écologie et astronomie pendant la même période. La taille des équipes de Broadway (compositeur, parolier, chorégraphe, metteur en scène et producteur) augmente jusqu'aux années 1930 pour atteindre une valeur moyenne de 7 personnes. En revanche, le nombre de signataires des publications scientifiques continue à croître, modestement il est vrai, de 1,5 à 2,5 en psychosociologie et plus nettement, de 1,3 à 4,0, en astronomie. Le modèle de R. Guimera et ses trois (seuls) collaborateurs s'applique aussi bien aux comédies musicales qu'aux publications scientifiques. Il est fondé sur trois paramètres : la taille de l'équipe, le pourcentage de « petits nouveaux » et la tendance des membres à répéter des collaborations antérieures. Il différencie les « vétérans » qui ont déjà participé aux collaborations et les « petits nouveaux » dont c'est la première contribution. Deux paramètres sont particulièrement importants : le taux de vétérans dans la nouvelle équipe et leur capacité à intégrer dans l'équipe leurs anciens collaborateurs, afin de former un nouveau réseau. Ce processus d'attachement préférentiel a été précédemment décrit dans la théorie des réseaux. Il a cependant ses limites car l'étude montre également que si les équipes comportent trop d'individus ayant déjà collaboré, les publications sont d'un niveau inférieur (évalué sur le facteur d'impact des journaux). En fait, les équipes publiant dans les journaux de facteur d'impact élevé appartiennent à un « super-réseau » de grande taille alors que les autres font plutôt partie de petits réseaux isolés les uns des autres. Les auteurs rapprochent le super-réseau du concept du « collège invisible » réunissant les participants par des liens professionnels et sociaux entre différentes institutions [22]. La recette du succès est donc très simple : collaborer avec les personnes les plus expérimentées, que vous l'ayez déjà fait avant ou non, mais ne pas le faire trop souvent sinon votre niveau de publication diminuera. Il existe cependant un biais de taille dans l'analogie entre être joué sur Broadway et la qualité des publications scientifiques telle qu'elle est évaluée dans cette étude… à moins de considérer qu'être joué au moins une fois sur Broadway et de publier dans un journal à fort impact de citation est une fin en soi et non un moyen de faire progresser son art ou sa discipline scientifique. Il aurait été plus judicieux de comparer le nombre de représentations ou de spectateurs des comédies musicales avec celui des citations ou des lecteurs des articles. Mais une telle étude sera peut-être publiée prochainement, en collaboration au sein d'un réseau, à moins qu'elle ne fasse l'objet d'une comédie musicale…

Une alternative aux β-bloquants dans l'insuffisance cardiaque ?

Le bloquage de la voie β-adrénergique est l'un des piliers du traitement de l'insuffisance cardiaque. La stimulation excessive et prolongée du coeur par les catécholamines joue en effet un rôle majeur dans la physiopathologie des cardiopathies. À ce jour, le blocage de cette voie se fait en amont, au niveau des récepteurs membranaires (β-bloquant), alors qu'il y aurait probablement tout intérêt à agir sur des effecteurs distaux plus spécifiquement impliqués dans le remodelage myocardique, afin de préserver certains effets essentiels de cette voie de régulation du coeur. Les protéine kinases dépendantes du complexe calcium-calmoduline, CaMK-II, dont l'activation dépend des variations cycliques du Ca2+ intracellulaire, c'est-à-dire indirectement de la stimulation β-adrénergique, sont mises en jeu dans l'insuffisance cardiaque et pourraient être ces cibles distales. C'est en tout cas la conclusion de l'étude de R. Zhang et al. [23]. Ils montrent que, chez les souris transgéniques exprimant une séquence peptidique capable d'inhiber une région régulatrice des CaMK-II (souris AC3-I), les conséquences de la création d'un infarctus du myocarde sont moindres que chez les animaux témoins : plus faible dilatation cardiaque, conservation de la fonction systolique et, à l'échelon cellulaire, préservation du couplage excitation-contraction. Cette amélioration de la cardiopathie est très similaire à celle observée avec un β-bloquant. L'inhibition des CaMK-II prévient aussi le remodelage myocardique induit par la stimulation chronique du coeur avec un agoniste β1-adrénergique. Le phospholamban, une protéine du réticulum sarcoplasmique, possède des sites de phosphorylation distincts pour les CaMK-II et la PKA (une autre protéine kinase couplée à la voie β-adrénergique). Chez la souris AC3-I stimulée par les catécholamines, seul le site de la PKA est phosphorylé. Le canal calcique de type L, une autre cible commune aux PKA et aux CaMK-II, est aussi, chez la souris AC3-I, insensible aux CaMK-II mais toujours régulé par les catécholamines. Ces expériences démontrent l'indépendance entre ces deux effecteurs couplés à la voie β-adrénergique. Il est trop tôt pour dire si l'inhibition des CaMK-II créera une brèche dans la citadelle des β-bloquants dans l'insuffisance cardiaque, mais, incontestablement, cette équipe a ouvert un nouvel axe de recherche pour le traitement toujours très complexe de cette maladie.

Un gène impliqué dans l'immunité anti-tuberculeuse

La tuberculose reste une des premières causes de mortalité dans le monde et son agent Mycobacterium tuberculosis (MT) est très répandu puisqu'on estime qu'un tiers de la polulation est porteur de cette mycobactérie. Pourtant, un sujet seulement sur dix développera une tuberculose évolutive. Il est depuis longtemps admis que des facteurs génétiques interviennent dans cette capacité à contenir l'infection, probablement par des mécanismes de défense immune. Chez la souris, I. Kramnik et al. avaient réussi à identifier sur le chromosome 1 murin un locus appelé sst1(super-susceptibility tuberculosis 1) [24]. La même équipe vient de trouver un gène de susceptibilité porté par ce locus [25]. Les souris consanguines CBHeB/FeJ, très sensibles à MT, développent, après infection, une maladie pulmonaire rapidement mortelle. En revanche, les souris C57BL/6J sont résistantes à MT. La substitution du locus sst1 de souris C3HeB/FeJ par celui de souris C57BL/6J confère à ces dernières une résistance à MT. Après infection, les nouvelles lignées créées [CBH.B6-sst1(sst1R)] ont une survie significativement plus longue que celle des souris congéniques témoins [C3H.B6-sst1(sst1S)]. Les auteurs de ce travail ont montré que la résistance, chez les souris [CBH.B6-sst1(sst1R)], est associée à la capacité qu'ont les macrophages dérivés de la moelle osseuse provenant de ces animaux de limiter la multiplication intracellulaire de MT. La recherche de gènes candidats au niveau du locus sst1 a ensuite permis d'identifier un gène appelé Ipr1 (intracellular pathogen resistance 1). Ce gène est exprimé dans les macrophages sst1R et absent dans les macrophages sst1S. La sensibilité des souris C3HeB/FeJ à la tuberculose pourrait donc être en rapport avec une mutation de novo responsable d'un défaut d'expression d'Ipr1. Cette hypothèse est confortée par le fait que la réintroduction, non plus du locus sst1R, mais seulement du gène Ipr dans des souris C3HeB/FeJ supprime partiellement la multiplication pulmonaire de MT in vivo, ainsi que dans les macrophages infectés in vitro. Ipr1 code pour une protéine, Ifr75, partiellement homologue à la protéine humaine SP110. Celle-ci, découverte depuis plus de 10 ans, est un possible régulateur de la transcription des gènes modulés par les interférons et interagissant avec certaines protéines virales [26]. Elle pourrait ainsi participer à l'activation transcriptionnelle dans les macrophages en réponse aux pathogènes intracellulaires. On ignore encore le mécanisme précis de cette résistance à la réplication des agents bactériens, en particulier s'il s'agit d'une activation de l'inflammation ou de l'induction de l'apoptose, mais il est clair que cette résistance s'étend à d'autres agents (Listeria monocytogenes entre autres). Le gène humain codant pour SP110 représenterait donc un gène candidat possible de susceptibilité à la tuberculose, qui pourrait être testé dans les populations humaines et ouvrir des perspectives thérapeutiques intéressantes.

Chez le python, l'hypertrophie cardiaque suit de très près le repas

Le coeur est un organe remarquablement adaptable, et la pratique régulière d'un sport entraîne, on le sait, une hypertrophie ventriculaire bénéfique. L'alimentation peut aussi intervenir, et tous les carnivores, en effet, augmentent leur consommation d'oxygène après un repas abondant. Le python birman (Python molurus) s'avère un modèle de choix dans la mesure où ce processus de régulation est chez lui exceptionnellement rapide [27]. Dès qu'il a fait un repas abondant – des rats, correspondant à environ 25 % de sa masse corporelle – son métabolisme est 40 fois plus élevé, et cette élévation peut durer jusqu'à 14 jours. La question se posait, cependant, d'une réelle synthèse protéique ou seulement d'une augmentation des fluides. Les auteurs ont, dans ce but, étudié différents paramètres dans trois groupes de pythons : à jeun, en cours de digestion, et après cette digestion. Une première constatation a été l'augmentation de la consommation d'oxygène (x 7) et celle de la masse ventriculaire (40 %, p < 0,003) avec retour après la période de digestion aux taux observés à jeun. L'examen des ventricules ne montrait aucune modification du rapport entre masse sèche et humide. Il ne s'agissait donc pas d'un mouvement hydrique, mais d'une croissance rapide du tissu ventriculaire. En séquençant les différentes isoformes des chaînes lourdes de la myosine cardiaque, les auteurs ont pu montrer, par PCR inverse, et par Northern blot, une augmentation de l'expression d'ARN (p < 0,0001), et donc de la transcription de la chaîne lourde de la myosine cardiaque, aboutissant rapidement à l'ajout de cardiomyocytes. Cette hypertrophie cardiaque a certainement des conséquences au niveau de la consommation d'oxygène, 50% supérieure à ce que provoque un exercice maximal chez l'animal à jeun. Le python birman pourrait donc se présenter comme un modèle : ce processus observé chez lui en 48 heures nécessite plusieurs semaines chez les mammifères. Il permettrait d'explorer les mécanismes fondamentaux de croissance et de remodelage ventriculaires dont les stimulus physiologiques sont encore mal connus.

Le PACAP, une nouvelle cible dans les troubles bipolaires ?

Les troubles bipolaires se caractérisent par des épisodes réccurents dépressifs et maniaques avec une prévalence qui varie entre 0,3 (Éthiopie) et 5,1 % (Hongrie), les taux médians étant d'environ 1 % [28]. Les thymorégulateurs, en particulier les sels de lithium, stabilisent l'humeur des patients mais l'étiologie et les mécanismes pathogéniques de la maladie restent encore à découvrir. Ces médicaments régulent en effet pratiquement la totalité des voies de signalisation intracellulaire (AMP cyclique, [Ca2+]i, phospho-inositides, tyrosine kinases, glycoprotéines…). Il paraissait donc opportun d'appliquer aux effets du lithium une analyse transcriptionnelle à haut débit afin d'identifier un profil de réponse plus spécifique parmi ce foisonnement transductionnel. Une telle analyse vient d'être publiée et semble aller dans le sens de l'hypothèse de la déplétion en inositol [29]. Les auteurs ont utilisé des tranches de cortex de rat maintenues en survie pendant 24 heures et mesuré les concentrations de cytidine-diphosphoryl-diacylglycérol (CDP-DAG), un métabolite qui s'accumule quand l'activation du métabolisme des phospho-inositides induit par un agoniste (les auteurs ont utilisé le carbachol, un agoniste muscarinique) est bloqué sous l'effet du lithium. Ainsi, des concentrations thérapeutiques de lithium (2 mM) en présence de carbachol (50 µM) ont entraîné une accumulation importante de CDP-DAG, totalement bloquée par l'ajout d'inositol (10 mM). Les ARN totaux furent donc isolés à partir de tranches provenant de deux animaux et incubées en présence de lithium seul, de lithium + carbachol, et de lithium + carbachol + inositol. Trois critères furent utilisés pour définir un gène d'intérêt : (1) une « significativité » inférieure à 0,05 entre groupes pour les données combinées des deux animaux ; (2) une significativité inférieure à 0,224 (la racine carrée de 0,05) entre groupes pour les données individuelle pour chacun des animaux ; et (3) une modification d'au moins 30 % (mais dans le même sens) entre groupes pour les données combinées des deux animaux. Ces critères mirent en évidence 171 gènes dont 60 purent être annotés grâce à des banques de données. Une expérience identique fut réalisée afin de confirmer les résultats par RT-PCR quantitative. Seuls 20 gènes furent confirmés, mais les auteurs attribuent ce résultat modeste à la faible stringence délibérement choisie dans le microarray. Quoiqu'il en soit, les 20 gènes confirmés subissaient tous une régulation haute par la déplétion d'inositol et une régulation basse en sa présence. Les auteurs s'attardent sur le gène ADCYAP1, identifié précédemment comme l'un des six gènes de prédisposition au trouble bipolaire de type 1 dans une population costaricienne [30]. Ce gène code pour un neuropeptide, le PACAP (pituitary adenylate cyclase activating polypeptide) et les auteurs ne manquent pas de rappeler qu'une des souches de souris invalidées pour ce gène présente une forte mortalité périnatale et que les survivants sont hyperactifs avec un comportement exploratoire accru, une anxiété réduite et des altérations des comportements circadiens. Malgré son nom, le PACAP agit également via le métabolisme des phospho-inositides et du [Ca2+]i et des données obtenues par microarray et hybridation soustractive montrent que la grande majorité des gènes régulés par ce peptide sont impliqués dans la prolifération, la survie et la différenciation cellulaire [31]. Du travail en perspective pour les neuropeptidologues…