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L’homoparentalité se définit comme toute situation familiale où au moins un parent légal est reconnu publiquement comme homosexuel (Robinson, 2001 ; Leroy-Forgeot, 1999). Tout en soulignant la diversité des familles homoparentales, cet article situe brièvement leur émergence dans l’historique des changements ayant affecté la famille depuis les dernières décennies. Il propose ensuite une typologie des recompositions familiales selon le sexe et l’orientation sexuelle des parents. Enfin, à partir d’une recension des études empiriques existantes, il compare les familles recomposées homoparentales et hétéroparentales sur quatre dimensions : a) l’expérience de la séparation et du divorce ; b) les rôles sociaux et les relations dans la famille ; c) l’affirmation de l’orientation sexuelle (coming out) vis-à-vis des enfants ; d) la santé et l’adaptation psychosociale.

La diversité des familles homoparentales

La diversification des types de familles résulte d’une série de mutations observées depuis une trentaine d’années : déclin et précarisation de l’institution du mariage, multiplication des options relatives à la vie en couple, dissociation entre conjugalité et parentalité, lesquelles se prêtent à diverses combinaisons, stables ou en alternance (Desrosiers, Le Bourdais et Laplante, 2000). Les formes familiales qualifiées de nouvelles (monoparentales, recomposées) ne sont pas aussi inédites qu’il y paraît à première vue, mais leur sens et leur légitimité expriment une conception différente de la vie familiale, où la primauté est accordée aux liens électifs et à la qualité des relations interpersonnelles, plutôt qu’à la conformité aux cadres traditionnels (Fine, 2001 ; Le Gall et Bettahar, 2001 ; Weeks, Heaphy et Donovan, 2001). En outre, des compositions et recompositions familiales apparemment similaires recouvrent des situations variées et de plus en plus complexes. Par exemple, la monoparentalité contemporaine peut résulter du décès du ou de la conjointe, d’un divorce ou d’une séparation, ou d’une option pour la maternité célibataire ; le parent unique peut avoir une relation amoureuse stable sans cohabitation, ou former une nouvelle unité biparentale dans laquelle il ou elle continuera d’assumer seul ou seule, dans les faits, les responsabilités à l’égard de l’enfant (Dandurand, 2002 ; Saint-Jacques et Parent, 2002). Les fluctuations actuelles dans la composition de la famille montrent une autonomisation croissante du lien parent-enfant par rapport à la dynamique conjugale.

Des clivages ont également surgi entre relation amoureuse et désir d’enfant, entre sexualité et procréation, entre parenté biologique et parenté sociale. Le choix d’avoir un enfant relève d’un projet d’accomplissement personnel qui peut être actualisé individuellement ou, le plus souvent mais pas nécessairement, en couple (Cadoret, 2002). Le droit à une sexualité non reproductive est acquis alors que la venue de l’enfant tend à être réfléchie et planifiée. Le recours aux technologies médicales par les couples qui ne parviennent pas à matérialiser leur dessein parental introduit une scission entre la composante biologique du parental et ses dimensions psychologique, sociale et juridique (Neyrand, 2001). La fragmentation de la fonction parentale (conception, mise au monde, soins et éducation, transmission d’une identité et inscription dans une chaîne de générations) soulève des questions sociales et juridiques complexes quant à la place à donner aux parentés additionnelles puisque notre système de filiation, basé sur la bilinéarité et les liens du sang, ne reconnaît pas plus de deux parents (Fine, 2001 ; Neyrand, 2001). En se multipliant, les situations de pluriparentalité biologique et / ou sociale remettent en question le modèle généalogique occidental qui amalgame couple conjugal (que l’on présuppose bisexué et procréateur) et couple parental. Dans un premier temps, les interprétations données à ces situations ont tenté de préserver une conformité apparente, voire « fictive », à ce modèle ancestral, en faisant « […] comme si les deux figures parentales de l’enfant pouvaient être ses géniteurs » (Cadoret, 2002 : 70). Ainsi, dans le contexte d’une procréation médicalement assistée, l’anonymat du don de sperme fait disparaître le lien de paternité biologique au profit d’une paternité sociale juridiquement instituée. Cependant, les solutions adoptées en vue de maintenir ce modèle sont questionnées, notamment au nom du droit des enfants à connaître leurs origines biologiques.

Les nouvelles compositions ou les recompositions familiales incluent des parents de même sexe ou de sexes opposés. L’émergence des familles dites « homoparentales » découle à la fois de la plus grande visibilité sociale des arrangements familiaux impliquant des parents homosexuels et du désir d’un nombre croissant de lesbiennes – surtout – et de gais, s’affirmant comme tels, de devenir parents (Chamberland, 2001 ; Ricard, 2001). Elle est indissociable de la tendance politique vers une reconnaissance de la diversité (culturelle, sexuelle, etc.) et des droits des minorités. L’homoparentalité se développe sous des figures multiples en reprenant des formes familiales déjà existantes auxquelles elles donnent de nouvelles expressions : la monoparentalité, dans le cadre d’une maternité célibataire ou à la suite de la rupture d’une union hétérosexuelle ; les familles recomposées avec des conjoints de même sexe ; ou encore un projet familial s’affichant d’emblée comme multiparental, par exemple lorsqu’un couple de lesbiennes envisage une garde partagée de l’enfant, ne serait-ce que par intermittence, avec le père gai biologique (et son conjoint actuel ou futur ; Cadoret, 2002 ; Julien et al., 2002b ; Tasker, 2002). Afin de devenir parents sans passer par la sexualité hétérosexuelle, les lesbiennes et les gais revendiquent et s’approprient les modes socialement admis d’accès à la parentalité tels que l’adoption, les familles d’accueil, l’insémination avec ou sans contrôle médical (Weeks, Heaphy et Donovan, 2001). Sauf pour la monoparentalité, les familles homoparentales se construisent selon une forme ou une autre de pluriparentalité, biologique et / ou sociale (Cadoret, 2002).

Tout comme d’autres situations de parentés plurielles, les familles homoparentales interrogent les représentations traditionnelles de la famille. Intentionnellement ou non, les parents homosexuels ont des pratiques qui manifestent ouvertement la volonté de sortir du cadre institué de la famille et de la parentalité puisqu’elles ne peuvent être interprétées comme une réparation ou une substitution au cadre biparental et bisexué (Neyrand, 2001). Même dans le cas où la fonction parentale est assumée par un couple de même sexe, celui-ci ne peut aucunement prétendre remplacer le couple reproducteur. Les procédés tels que l’anonymat du don de sperme ou les règles de substitution parentale régissant les processus d’adoption, employés jusque-là pour « bricoler » le modèle de référence et sauvegarder les apparences d’une famille reposant sur le socle d’un couple parental reproducteur (au moins fictivement ou potentiellement), apparaissent ici inutilisables (Cadoret, 2002). En ce sens, l’homoparentalité met à nu les disjonctions qui se sont opérées par rapport au modèle traditionnel (Iacub, 1999). En outre, elle rompt avec la conception patriarcale et hétérosexiste de la famille conjugale dans laquelle les statuts, les rôles et les fonctions de la parentalité se structurent autour de l’opposition père / mère (Neyrand, 2001). Conséquemment, son émergence suscite une forte résistance, en particulier chez les partisans d’un conservatisme familial et d’une différenciation accentuée des genres (Ricard, 2002).

Les familles recomposées homoparentales et hétéroparentales

Selon les données de l’Enquête sociale et de santé 1998, les familles recomposées (hétérosexuelles) représentent 10,4 % des familles québécoises comptant au moins un enfant (Saint-Jacques et Parent, 2002 : 20). Ces familles recouvrent une grande variété de situations familiales selon que la famille d’origine se soit réorganisée autour de la mère (8 familles recomposées sur 10 au Québec) ou du père, selon le mode de garde des enfants (permanente, partagée ou occasionnelle), selon qu’elle comprenne des enfants d’un seul conjoint ou des deux, auxquels peuvent s’ajouter un ou plusieurs enfants issus du nouveau couple (Saint-Jacques et Parent, 2002). Afin d’inclure les situations d’homoparentalité, il faudrait ajouter à cette matrice de possibilités le fait que le nouveau conjoint ou la nouvelle conjointe puisse être du sexe opposé ou du même sexe que le parent d’origine. Selon une analyse secondaire des données de l’Enquête sociale et de santé 1998 au Québec (Julien, Chartrand et Bégin, 2002), 26 % des femmes lesbiennes ou bisexuelles recensées dans cette enquête étaient parents d’enfants dont elles ont la garde, et 50 % d’entre elles vivaient avec une ou un conjoint au moment de l’enquête. Toutefois, il n’est pas possible présentement de départager les familles selon qu’elles procèdent d’une première ou d’une deuxième union. Selon le Recensement canadien de 2001, 15 % des couples féminins (3 % pour les couples masculins) cohabitent avec un ou plusieurs enfants mais aucune précision n’est fournie sur le type de familles (composée ou recomposée ; Statistique Canada, 2003).

Historiquement, la famille recomposée hétéroparentale, à la suite d’un veuvage par exemple, se construisait selon une logique de substitution : la nouvelle famille remplace la précédente et tend à se rapprocher de la norme de la famille nucléaire traditionnelle. Dans les recompositions familiales hétéroparentales actuelles qui suivent ce schéma classique, la famille se refaçonne à la manière de la précédente et le beau-parent prend la place du parent non gardien. De plus en plus, la recomposition s’effectue selon une logique de pérennité, selon laquelle les parents d’origine continuent d’assumer conjointement la garde et l’autorité parentale, selon des modalités variables, et qui implique qu’ils maintiennent un dialogue et coopèrent (Saint-Jacques et Parent, 2002). L’addition de un ou plusieurs acteurs nécessite alors de revoir l’organisation familiale selon des modèles inédits, notamment en ce qui concerne les devoirs et les obligations du beau-parent dans le foyer recomposé.

Du point de vue de l’enfant qui vit dans une famille recomposée, cela signifie qu’il s’y trouve en présence d’un parent (biologique et / ou juridique), d’un autre adulte avec qui ce parent a un lien de conjugalité (institué juridiquement ou de fait), et, selon le cas, de un ou plusieurs autres enfants considérés comme ses frères / soeurs, demi-frères / demi-soeurs (un parent commun) ou quasi-frères / soeurs (parents différents). Il arrive de plus en plus qu’il se déplace entre deux résidences familiales, sans compter que la composition de ces foyers se modifie à travers le temps. Dans une perspective longitudinale, la famille recomposée peut être définie comme « l’espace de circulation des enfants dans leur réseau de parenté, conciliant à la fois l’actualité des alliances et la pérennité des liens de filiation » (Cadolle, 2001 : 178).

Selon la théorie des systèmes familiaux (O’Connor, Hetherington et Reiss, 1998), les familles recomposées forment un système global constitué de sous-systèmes – couple, parent avec enfant(s), beau-parent avec enfant(s) et fratrie – comportant de multiples contextes en interaction tels l’école ou le réseau social, et déterminant l’adaptation psychologique des individus. Dans cette perspective, les familles homoparentales et hétéroparentales recomposées partagent beaucoup de leurs particularités. Par ailleurs, étant donné la composition sexuelle distincte des sous-systèmes parentaux dans les familles homoparentales et hétéroparentales, et étant donné les réactions sociales d’intolérance face à l’homosexualité susceptibles de se manifester aux divers paliers des systèmes entourant la famille, il est aussi probable que ces deux types de familles recomposées fassent l’expérience de dynamiques internes qui leur sont propres.

Similitudes et différences

Les chercheurs sur les familles recomposées hétéroparentales relèvent des traits spécifiques susceptibles de compliquer leurs dynamiques internes : leur structure plus ou moins complexe, notamment selon l’hétérogénéité des liens de filiation ; l’héritage d’un passé tant au niveau du vécu quotidien que de l’histoire familiale, qui inclut les pertes consécutives au divorce des parents d’origine ; des relations parent-enfant(s) qui précèdent la relation du couple et peuvent être à la source de tensions perturbatrices de la nouvelle union ; l’absence de modèles de fonctionnement et l’institutionnalisation incomplète (Saint-Jacques et Parent, 2002 ; Cadolle, 2001 ; Desrosiers, Le Bourdais et Laplante, 2000). Dans le cas des recompositions homoparentales s’ajoutent à cette complexité les défis liés à la transition qu’effectue le parent d’origine de l’hétérosexualité vers l’homosexualité et au dévoilement éventuel de l’orientation sexuelle aux enfants ainsi qu’à l’entourage familial et social (Ricard, 2001 ; Appleby et Anastas, 1998).

Afin de définir les repères qui ont guidé notre analyse dans le réseau des figures multiples de la famille recomposée hétéroparentale et homoparentale, le tableau 1 expose quatre types théoriques de familles recomposées en fonction du sexe du parent qui a la garde des enfants et de l’orientation sexuelle des parents ou beaux-parents : 1) parents hétérosexuels qui se séparent et forment une nouvelle relation hétérosexuelle (situation A et A' suivant le sexe du parent qui a la garde) ; 2) au moins un des parents découvre son homosexualité après avoir fondé une famille et forme alors une famille recomposée avec un conjoint de son sexe (B et B') ; 3) familles dont les deux parents légaux ou de fait, qui sont gais ou lesbiennes, se séparent pour former une nouvelle relation homosexuelle (C et C') ; et enfin 4) familles fondées initialement par deux parents de même sexe qui se séparent et où l’un des parents établit une relation avec une personne du sexe opposé (D et D'). Bien que les termes de coparent (ou comère, copère) soient souvent utilisés pour désigner le parent social non biologique dans les familles homoparentales composées et recomposées, pour des fins de clarté, on réservera ici ce terme à la première composition familiale et l’on emploiera celui de beau-parent (ou belle-mère, beau-père) pour désigner le parent qui s’ajoute à la suite de la nouvelle alliance.

Tableau 1

Différentes configurations familiales recomposées, en fonction du sexe du parent qui a la garde de l’enfant et de son orientation sexuelle avant et après la rupture d’union

Différentes configurations familiales recomposées, en fonction du sexe du parent qui a la garde de l’enfant et de son orientation sexuelle avant et après la rupture d’union

 * Le terme biologique peut être remplacé par adoptif(ve).

** Ce sigle désigne les personnes lesbiennes, gaies et bisexuelles.

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Comparées aux familles de plus en plus visibles A et A', la proportion des familles D et D' est probablement très petite et ces familles ne sont donc pas étudiées. Les familles C et C' sont les équivalents homosexuels des familles A et A' mais encore largement méconnues, tandis que les familles B et B' sont les plus étudiées parmi celles dont les parents sont homosexuels. Il reste néanmoins difficile pour le moment d’estimer les similitudes et différences entre les familles recomposées hétéroparentales et homoparentales, car seules de très rares études empiriques ont comparé ces deux types de familles. Dans la plupart des cas, ces études sont exploratoires ou peu contrôlées méthodologiquement (échantillons de petites tailles, non représentatifs, non comparables, absence de groupe de comparaison). À notre connaissance, une seule étude (Gottman, 1989) a comparé systématiquement des familles recomposées hétéroparentales et homoparentales de type B quant à leur impact sur la santé et l’adaptation psychologique et sociale des enfants et des parents et quant à la qualité des relations dans la famille. Quelques recherches ont comparé des familles homoparentales et hétéroparentales sans tenir compte du statut conjugal actuel du parent qui a la garde des enfants (Javaid, 1993 ; Huggins, 1989) ; d’autres ont comparé des familles hétéroparentales à des familles homoparentales dans lesquelles les parents vivaient en couple ou non (familles recomposées ou non) et dont les enfants étaient nés au sein d’une précédente relation hétérosexuelle ou dans le contexte d’une relation gaie ou lesbienne (Tasker et Golombok, 1997, 1995 ; Golombok et Tasker, 1996 ; Golombok, Spencer et Rutter, 1983 ; Kirkpatrick, Smith et Roy, 1981). Par ailleurs, certaines études ont décrit des familles recomposées homoparentales sans les comparer systématiquement à leurs homologues hétéroparentaux (Le Gall, 2001 ; Lynch, 2000 ; Lynch et Murray, 2000 ; Berger, 1998 ; Crosbie-Burnett et Helmbrecht, 1993 ; O’Connell, 1993 ; Lewis, 1980) et de nombreuses études descriptives englobent des familles homoparentales à la fois recomposées et monoparentales en contrôlant ou non le contexte de naissance de l’enfant (Dundas et Kaufman, 2000 ; Hare, 1994 ; Hare et Richards, 1993 ; Turner, Scadden et Harris, 1990 ; Rand, Graham et Rawlings, 1982). Étant donné que les recherches sur les parents gais ou lesbiennes ont jusqu’à récemment principalement été motivées par le besoin de documenter le développement des enfants lors de contestations, par le père, de la garde des enfants par la mère, ces recherches ont sélectionné, pour la plupart, des familles dont les mères se sont déclarées lesbiennes au moment du divorce, sans contrôler le statut conjugal actuel des mères (Brewaeys et van Hall, 1997). Vu le manque de données empiriques sur les autres configurations familiales et bien que les familles C et C' soient méthodologiquement les familles les plus comparables aux familles A et A', notre examen se centrera sur les familles A et B. Les familles recomposées dont le chef de famille est le père biologique sont beaucoup plus rares et donc moins étudiées, c’est pourquoi elles seront citées lorsque la recherche le permet. Malgré de nombreuses limites méthodologiques, certaines caractéristiques de ces deux grandes catégories de familles peuvent être mises en évidence.

La séparation et le divorce

Ces familles ont d’abord en commun l’expérience du stress de la séparation et du divorce qui entraînent des conséquences marquées à plusieurs niveaux : économique, légal, relocalisation géographique, composition du réseau social, etc. (O’Connor et al., 1998 ; Amato et Keith, 1991). Dans les deux types de familles, recomposées hétéroparentales et homoparentales, les enfants se voient imposer non seulement la séparation de leurs parents mais aussi la création d’une relation avec leur beau-père ou belle-mère. De même, le nouveau conjoint ou la nouvelle conjointe amorcent parallèlement une nouvelle étape de relation conjugale (cohabitation) en même temps qu’une nouvelle expérience parentale, dans un contexte où les rôles de beaux-parents demeurent culturellement et légalement non encore définis. En conséquence, plusieurs enfants et beaux-parents rapportent des difficultés à construire une nouvelle relation (Julien et al., 2002 ; Lynch, 2000 ; Erera et Fredriksen, 1999).

En se référant aux connaissances acquises avec les familles recomposées hétéroparentales et non sur un groupe de comparaison hétéroparental, l’étude qualitative de Le Gall dresse un parallèle entre les deux types de familles recomposées ayant en commun que l’un des adultes parents a vécu en couple hétérosexuel avec enfants (Le Gall, 2001). Il s’est intéressé plus particulièrement aux transitions familiales dans le cas de recompositions féminines (autour de la mère). Le Gall relève quelques similarités en ce qui a trait au poids des représentations traditionnelles sur le processus de recomposition : moins l’image traditionnelle de la famille s’impose comme norme contraignante, plus les individus parviennent à développer des modèles nouveaux permettant aux ex-conjoints de préserver un lien amical et de maintenir le lien parental initial au-delà du lien conjugal rompu, ce qui les amènera à réorganiser l’ensemble de la vie familiale. En outre, la transition fera davantage appel à l’autorégulation, c’est-à-dire à la communication et à la négociation directe entre les partenaires, plutôt qu’au droit et aux cours de justice. La seule difficulté, note l’auteur, est d’expliquer aux enfants les raisons de la séparation de leurs parents alors qu’ils continuent de bien s’entendre. En revanche, la comparaison de 23 familles américaines homoparentales aux données de recherches sur les familles hétéroparentales (Lynch, 2000) fait ressortir des difficultés qui leur sont communes : 1) créer des liens entre les différents membres ; 2) passer d’une identité de parent célibataire à celle de parent en couple, ou du rôle de célibataire à celui de parent ; 3) définir les rôles spécifiques de parent et de partenaire de couple, ou définir le rôle de beau-parent ; et enfin, 4) accepter et comprendre les attitudes des partenaires à l’égard des enfants.

L’étude de Lewis (1980) sur des enfants (9 à 26 ans) de mères lesbiennes montre que, du point de vue des enfants, la séparation de leurs parents était beaucoup plus difficile à vivre que l’orientation sexuelle de leur mère. Cette étude ne peut distinguer l’impact du divorce de celui de la découverte du lesbianisme de la mère puisqu’il n’y a pas de groupe de comparaison, mais plusieurs réactions des enfants sont similaires à celles des familles recomposées hétérosexuelles, comme, par exemple, le fait que le nouveau partenaire soit vu comme un intrus et qu’il soit rejeté s’il tente de faire de la discipline. Les mères lesbiennes ex-hétérosexuelles exposent également des problèmes similaires à ceux des parents hétérosexuels divorcés : disputes pour la garde de l’enfant, difficultés de l’enfant à accepter la séparation et proposition d’« une famille à trois », relations difficiles avec l’ex-conjoint et entre les enfants et la belle-mère (Julien et al., 2002).

Rôles sociaux et relations dans la famille

Comme pour les familles recomposées hétéroparentales (Desrosiers, Le Bourdais et Laplante, 2000), la transition vers la recomposition homoparentale s’effectue plus aisément pour les enfants lorsque ceux-ci sont en bas âge (Tasker, 2002 ; Le Gall, 2001 ; Appleby et Anastas, 1998). Aussi, comme dans les reconstitutions hétéroparentales, les enfants s’adaptent plus volontiers lorsque le passage vers l’homoparentalité ne se traduit pas par un conflit ou une rupture entre les personnes qui composent leur environnement familial, notamment les grands-parents (Le Gall, 2001). Par ailleurs, les études rapportent des résultats contradictoires quant au contact des enfants avec leurs pères. Une étude de Golombok et al. (1983) a mis en évidence que les mères et les enfants de familles monoparentales ou recomposées lesbiennes ont des contacts plus fréquents avec le père des enfants que dans les familles monoparentales hétérosexuelles. Par ailleurs, une étude de Kirkpatrick et al. (1981), comparant les mêmes types de familles, indique que les pères s’impliquent autant auprès de leurs enfants dans le cas de familles monoparentales hétérosexuelles que dans des familles monoparentales ou recomposées lesbiennes. Enfin, Hotvedt et Mandel (1982) montrent que les mères lesbiennes et hétérosexuelles encouragent le contact père-enfant et que les enfants sont en contact avec leur père pendant environ 25 % ou moins de leur temps. Si les enfants n’avaient pas de contact avec leur père, les mères, peu importe leur orientation sexuelle, cherchaient des modèles masculins pour eux. Ces études ne permettent donc pas de conclure que les enfants vivant dans des familles recomposées homoparentales sont plus ou moins en contact avec leur père que les enfants de familles recomposées hétéroparentales, puisque les recherches se contredisent et qu’elles comparent des familles monoparentales hétérosexuelles à des familles recomposées et monoparentales homosexuelles.

D’après de Singly et Descoutures (2000 : 202), le second « parent » de même sexe n’est pas perçu comme se substituant au parent de l’autre sexe. Il doit se placer ailleurs, car il apparaît plus clairement comme une « parenté additionnelle ». Dans les recompositions homoparentales féminines, comparées aux recompositions hétéroparentales, il y aurait moins d’ambiguïté ou de confusion possible autour du rôle parental de la nouvelle compagne de la mère biologique et une plus grande flexibilité dans la manière dont cette partenaire se joint à la vie de famille. Elle est acceptée comme un membre additionnel, dans un rôle que l’enfant construit comme celui d’une seconde mère, d’une grande soeur ou d’une amie très proche (Tasker, 2002 ; Kirkpatrick et al., 1981). Le Gall qualifie « d’amical parrainage » ce lien inédit qui émerge progressivement sur un mode électif (Le Gall, 2001 : 227). Le manque de définition, de rôle socialement prescrit faciliterait la transition, car les relations entre l’enfant et la nouvelle partenaire de la mère peuvent évoluer de la manière et au rythme que souhaitent les membres de la famille. En revanche, l’absence de modèle peut poser des difficultés aux enfants pour décrire leurs relations familiales à l’extérieur de la famille (Tasker, 2002).

Selon Appleby et Anastas (1998), que les parents soient de même sexe ou de sexe différent, les familles recomposées discutent et définissent les rôles parentaux de manière fort variable. À cet effet, plusieurs recherches indiquent que les couples gais et lesbiens (avec ou sans enfants) partagent plus équitablement les tâches domestiques et, s’il y a lieu, l’éducation des enfants que les couples hétérosexuels (voir Patterson, 2000, pour une revue). Si le coparent homosexuel est plus impliqué dans les familles ayant donné naissance ou ayant adopté un enfant que dans les familles recomposées avec des enfants issus d’un précédent mariage, plusieurs études montrent néanmoins qu’en général les gais et les lesbiennes s’engagent auprès des enfants de leur partenaire et contribuent activement à leur éducation. Bien qu’il n’y ait aucune donnée comparative relativement au partage des tâches dans le contexte des familles recomposées homoparentales et hétéroparentales, Lynch (2000) indique qu’en comparaison avec les données empiriques sur les familles recomposées hétérosexuelles les familles recomposées homoparentales adoptent des rôles flexibles et divisés sur une base plus équitable. Les belles-mères semblent s’impliquer davantage auprès des enfants lorsqu’elles sont elles-mêmes mères (Hare et Richards, 1993). Cela est en partie facilité par le fait que ces familles n’ont pas de rôles dictés par les normes liées aux genres. À ce sujet, il est important de signaler que plus de mères hétérosexuelles que de mères lesbiennes restent à la maison (Miller, Jacobsen et Bigner, 1981).

L’étude de Tasker et Golombok (1995) comparant des familles hétérosexuelles et lesbiennes ayant vécu un divorce indique que les jeunes adultes dont la mère est lesbienne décrivent leur relation avec la conjointe de leur mère de façon plus positive que les jeunes de mère hétérosexuelle avec leur beau-père, ce qui est probablement en lien avec l’implication parentale marquée des beaux-parents homosexuels. Ils évaluent aussi les relations atypiques de leurs mères de façon plus positive que les jeunes de familles hétérosexuelles envers les relations de leurs mères et expriment davantage de fierté relative au choix de vie (divorce, lesbianisme) de leur mère. La meilleure qualité des relations entre les jeunes et leur belle-mère lesbienne dans cette étude, comparée à celle des relations des jeunes avec leur beau-père hétérosexuel, semble se traduire par ces perceptions différentes des jeunes dans les deux types de famille.

Lynch (2000) a voulu vérifier si la composition du nouveau couple avait un impact sur la restructuration familiale en comparant des couples lesbiens et gais aux résultats de recherches empiriques sur la recomposition familiale chez les couples hétérosexuels. Elle a ainsi relevé que les parents gais et lesbiens, tant les parents biologiques que les nouveaux conjoints et conjointes, accordent la primauté à leur enfant sur leur couple, alors que les couples recomposés hétéroparentaux accorderaient une importance plus grande au nouveau couple. Le contexte homophobe et hétérosexiste dans lequel les familles homoparentales se recomposent est invoqué comme motif de cette plus grande valorisation du rôle parental par rapport au rôle conjugal. Il est possible que la décision de recomposer une famille dans un contexte de discrimination se traduise par une motivation particulièrement élevée à réussir le projet familial, ce qui serait moins le cas chez des familles hétéroparentales n’appartenant à aucun groupe marginalisé.

L’affirmation de l’orientation sexuelle (coming out)

Bien que l’ensemble des familles recomposées hétérosexuelles puissent ressentir encore aujourd’hui un manque de normes sociales et légales établies en ce qui concerne le fonctionnement de leurs familles, leurs homologues homosexuels vivent la stigmatisation liée à leur orientation sexuelle en plus d’une stigmatisation liée à leur appartenance à un type de famille marginale (Lynch, 2000 ; Berger, 1998). Une particularité des familles recomposées homoparentales est assurément que les parents qui découvrent ou dévoilent leur orientation sexuelle après avoir eu des enfants doivent faire leur coming out dans un contexte déjà stressant de rupture, ce qui pose la question des effets cumulatifs ou d’interaction entre le stress relié à l’affirmation de leur orientation sexuelle et celui relié à la séparation et à la recomposition familiale. Les recherches ont montré que l’affirmation de l’orientation sexuelle est un processus non linéaire qui passe par des périodes d’acceptation et de rejet de sa propre identité homosexuelle. L’homophobie sociale et l’homophobie intériorisée – peur exagérée de l’homosexualité vécue par la personne gaie ou lesbienne elle-même (Green, 1987) – rendent souvent ce processus encore plus difficile pour les mères ex-hétérosexuelles. Celles-ci font leur coming out à leurs enfants bien après s’être identifiées comme lesbiennes (Green, 1987) et à des périodes différentes les unes des autres. En effet, certaines mères en parlent à leur enfant peu avant que celui-ci ne fasse connaissance avec leur petite amie, tandis que d’autres attendent que l’enfant ait atteint l’âge d’environ 10 ans ou même l’âge adulte (Lynch et Murray, 2000). Les raisons invoquées pour le non-dévoilement sont principalement : protéger leur enfant des critiques, préserver leur emploi, peur de perdre la garde des enfants et peur de mettre un stress inutile sur les épaules de leurs enfants (Lynch et Murray, 2000 ; Hare, 1994). Lorsque les processus de rupture de l’union hétérosexuelle, d’affirmation de son homosexualité et de reconstruction d’une nouvelle entité familiale se chevauchent, il devient malaisé de démêler les réactions tant des enfants que de la famille étendue à ces changements qui s’entrecroisent. Selon Appleby et Anastas (1998), si un enfant connaît déjà le partenaire du parent ex-hétérosexuel, sa réponse au dévoilement de l’homosexualité et à la signification de la présence de cette personne dépendra presque entièrement de la qualité de son interaction avec elle. Par ailleurs, au début de l’adolescence, les difficultés d’adaptation à l’homosexualité des parents seraient en bonne partie liées au désir des enfants d’une conformité sociale étant donné la pression exercée par les pairs du même groupe d’âge et les enjeux liés à la consolidation de leur propre identité sexuelle.

La négociation du processus de coming out vis-à-vis de ses enfants par le parent ex-hétérosexuel doit aussi tenir compte d’une série d’enjeux dont ceux reliés aux rapports avec l’ex-conjoint et à l’attribution de la garde légale (Appleby et Anastas, 1998). Selon Le Gall (2001), lorsque le conflit menant à la séparation du couple hétérosexuel naît avec le dévoilement de l’homosexualité de la conjointe, il arrive que l’ex-conjoint, s’il est lui-même homophobe, en fasse un obstacle majeur à une entente à l’amiable, excluant toute possibilité de dialogue et de solution négociée. La discorde s’étend à l’entourage familial, incluant les enfants, et social, et engendre un climat de tensions exacerbées qui peut se prolonger pendant des années.

La santé et l’adaptation psychosociale

Les recherches sur les familles hétéroparentales recomposées montrent que des difficultés d’adaptation sont reliées à la recomposition (Dunn et al.,1998 ; O’Connor et al., 1998) mais aussi que certains facteurs modèrent les effets négatifs du stress associé au divorce et à la recomposition familiale, comme la qualité des relations (couple, parents-enfants) avant le divorce, le niveau de stress (autre que lié au divorce), le soutien social et la cohabitation (O’Connor et al., 1999). Le modèle théorique qui se dégage de ces recherches permet d’avancer des hypothèses pour comprendre les résultats d’études qui montrent que les enfants élevés par des mères lesbiennes ex-hétérosexuelles présentent parfois moins de problèmes d’adaptation que les enfants d’autres familles divorcées (Tasker et Golombok, 1995 ; Gottman, 1989 ; Huggins, 1989 ; Golombok et al., 1983 ; Kirkpatrick et al., 1981). Ainsi, l’étude de Kirpatrick et al. (1981) comparant des familles hétéroparentales et homoparentales ayant vécu un divorce révèle que les femmes hétérosexuelles de son échantillon avaient divorcé pour des motifs plus graves (par exemple de la violence conjugale) que les lesbiennes. Dans le cas où ces dernières divorçaient principalement pour des raisons de réorientation sexuelle, il est possible qu’elles aient entretenu des relations moins conflictuelles avec leur ex-conjoint et que les relations courantes le soient également moins, allégeant ainsi le stress de la nouvelle famille recomposée.

Conclusion

L’examen des études empiriques sur la recomposition familiale homoparentale a permis de montrer que les familles recomposées homoparentales présentent plusieurs similarités avec les familles recomposées hétéroparentales. Ces familles ont toutes vécu une rupture de la première union conjugale avec le stress et les autres conséquences qu’entraîne une séparation ou un divorce. Elles font face aux défis reliés à la construction et à l’adaptation des liens familiaux dans les différents sous-systèmes qui les composent : relation de couple, parent / enfant(s), beau-parent / enfant(s) et fratrie. Par ailleurs, il n’existe pas « un » modèle de famille recomposée, les rôles de chacun des membres variant d’une famille à l’autre : la belle-mère ou le beau-père peut prendre une part plus ou moins active à l’éducation des enfants de son conjoint ou de sa conjointe, allant jusqu’à les adopter ; les enfants peuvent être sous la garde exclusive d’un des parents ou vivre la garde partagée selon des modalités diverses et évolutives ; la fréquence et la qualité des relations avec l’ex-conjoint varient également, ainsi que celles avec les réseaux familiaux étendus. Du côté des familles homoparentales, les recherches font ressortir une tendance à placer la parentalité au centre des nouveaux rapports familiaux et à partager les rôles parentaux de manière plus flexible et plus égalitaire.

La logique de reconstitution du noyau biparental qui prévalait dans les anciennes recompositions familiales est supplantée par une volonté de conjuguer les liens de filiation avec les nouvelles relations conjugales. En l’absence de modèle de fonctionnement, les deux types de familles recomposées, homoparentales et hétéroparentales, doivent concevoir des arrangements multiparentaux qui concilient les désirs et les intérêts des différents membres de la nouvelle constellation familiale qui vise parfois plus d’une unité résidentielle. Cependant, une particularité des familles homoparentales réside dans le processus de coming out pour les enfants et l’entourage familial et social. À cet égard, il arrive fréquemment que le dévoilement de l’homosexualité des parents soulève des difficultés liées à l’homophobie de l’environnement et à la non-reconnaissance des familles dirigées par des parents homosexuels.

Les études montrent, d’une part, que, dans certaines conditions, le divorce et la recomposition familiale ont un impact négatif sur l’adaptation des enfants et, d’autre part, qu’il ne semble pas y avoir de différences d’adaptation entre les enfants de mères lesbiennes et les enfants de mères hétérosexuelles. Les prochaines recherches devraient nuancer ces résultats et mettre en évidence des facteurs médiateurs communs et différents dans les recompositions homoparentales et hétéroparentales. Les recherches sur les familles recomposées homoparentales pourraient bénéficier de méthodes d’échantillonnage plus systématiques et de groupes de comparaison plus adéquats, comme des familles homoparentales recomposées après une séparation de familles déjà homoparentales (familles C et C'), ce qui permettrait de distinguer les difficultés spécifiquement reliées à l’homosexualité des parents de celles consécutives à la rupture d’union et à la recomposition. Enfin, toutes les études citées ont utilisé des échantillons non probabilistes. Le développement récent d’enquêtes sociales sur de larges populations, qui font appel à des échantillons représentatifs et qui tiennent compte de l’orientation sexuelle des adultes, devrait nous fournir des pistes de réponses sur les particularités propres aux familles homoparentales recomposées comparées aux autres familles recomposées.

Par ailleurs, qu’il s’agisse d’homoparentalité ou d’hétéroparentalité, les recompositions familiales soulèvent des enjeux importants sur le plan de l’encadrement juridique et social des fonctions parentales dans les nouvelles configurations familiales. Au Québec, l’adoption de la Loi sur l’union civile en juin 2002 a constitué une avancée majeure pour la reconnaissance de la conjugalité homosexuelle et de l’homoparentalité. Établissant de nouvelles règles en matière de filiation, la loi autorise explicitement l’adoption par des parents de même sexe et rend possible la filiation entre deux mères et un enfant lorsque celui-ci est né par procréation assistée, à la suite du projet parental d’un couple de femmes, unies civilement ou conjointes de fait[1]. Ce faisant, elle permet d’inscrire l’enfant élevé par des parents de même sexe dans leur lignée familiale respective. Bien que les termes désignant les parents homosexuels continuent de faire référence aux genres en parlant des deux pères ou des deux mères d’un enfant, les nouvelles dispositions législatives font prévaloir l’intérêt de l’enfant d’être pris en charge par plus d’un parent, indépendamment de leur sexe et de leur orientation sexuelle, et contribuent ainsi à désexuer ou neutraliser l’exercice de la parentalité. La loi souscrit cependant à une logique de biparentalité, apparente tout au moins, héritée du système généalogique occidental. Ce principe de la dualité parentale est conforme aux représentations traditionnelles de la famille nucléaire où le couple conjugal se confond avec le couple parental. Il exclut ainsi toute reconnaissance des parentés additionnelles (biologique et / ou sociale) alors que celles-ci caractérisent un nombre croissant de compositions et recompositions familiales. Les familles homoparentales, dans toute leur diversité, participent à cette éclosion de la pluriparentalité. Mais plus que d’autres, elles font éclater les présupposés naturalistes du modèle familial traditionnel, lequel définissait des rôles parentaux masculins et féminins dont la complémentarité se justifiait en dernière instance sur la base d’une altérité sexuelle procréatrice. Comment reconnaître les différentes parentalités sans multiplier les liens de filiation ? Comment réguler juridiquement et socialement les différents registres de la parentalité (engendrement biologique, identité sociale et intergénérationnelle, socialisation des enfants) alors que ceux-ci s’articulent de moins en moins souvent autour d’un couple bisexué et biparental ? Ces questions complexes ne trouveront pas de réponse simple. La visibilité accrue des familles homoparentales de même que la hausse du nombre des recompositions familiales les rendent désormais incontournables.