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Judaïsme hellénistique

1. Othmar Keel et Urs Staub, Hellenismus und Judentum. Vier Studien zu Daniel 7 und zur Religionsnot unter Antiochus IV. Fribourg, Éditions Universitaires (coll. « Orbis Biblicus et Orientalis », 178), 2000, xi-147 p.

Les quatre études réunies dans ce livre veulent démontrer l’influence de l’hellénisme sur l’évolution du judaïsme au iie siècle avant Jésus-Christ. La démonstration s’effectue, exception faite de la quatrième étude qui porte sur 1 M 2, à partir du chapitre sept de Daniel. C’est la thèse, d’abord soutenue par Hermann Gunkel (1895), à savoir que les livres des Maccabées et le livre de Daniel auraient été écrits pour lutter contre la séduction ou la domination de l’hellénisme, sous le règne du roi séleucide Antiochos IV, que reprennent, pour mieux l’étayer, Keel et Staub (p. ix). Au premier chapitre, « Die Tiere und der Mensch in Daniel 7 », Othmar Keel met en relief la structure en chiasme de Daniel 2‑7 (p. 2‑3), les chapitres 4 et 5, qui relatent la transformation de Nabuchodonosor en bête et sa conversion, constituant le centre de la structure. La transformation du souverain s’explique, selon l’A., par l’opposition entre le règne animal (Herrschaft der Tiere) et le règne humain (Herrschaft des Menschen) qu’exprime clairement Daniel 7,4 (p. 28). Or, cette distinction entre l’homme et l’animal, selon laquelle l’homme seul possède la faculté de reconnaître la souveraineté divine, ne viendrait pas du Proche-Orient ancien, ni même de l’Égypte ou de l’Ancien Testament, mais de la philosophie grecque (Aristote et le stoïcisme). L’A. admet toutefois que l’influence de l’iconographie orientale (par ex. le lion ailé, voir les figures reproduites aux pages 11 et 12) a pu jouer un rôle indirect à travers l’influence d’Ézéchiel (p. 28). Le deuxième chapitre, « Das Tier mit den Hörnern. Ein Beitrag zu Dan 7, 7 f. », la seule contribution d’Urs Staub au volume[1], se consacre à l’une des quatre bêtes qui apparaissent dans le songe de Daniel au chapitre 7, l’étrange bête à cornes. On suppose que les quatre bêtes du songe représentent, suivant l’interprétation habituelle, quatre royaumes successifs, celui des Babyloniens (le lion), celui des Mèdes (l’ours), celui des Perses (le léopard) et celui des Macédoniens (la bête cornue) (p. 39). L’A. passe en revue les différentes interprétations du passage et de sa symbolique, qui s’appuient tantôt sur la mythologie babylonienne ou cananéenne et font de la quatrième bête, la bête sans nom (namenlose), une représentation du chaos, tantôt sur l’astrologie babylonienne ou le contexte purement vétérotestamentaire et renoncent à donner à la quatrième bête une signification concrète (p. 40‑46). La thèse de l’A. consiste justement à supposer que cette quatrième bête représente quelque chose de concret, un animal particulier. Il part de l’idée que les cornes constituent la principale caractéristique de la bête (p. 54). Elles pourraient indiquer, par leur nombre (10), la succession des rois séleucides, c’est du moins ce qu’ont tenté d’établir certains exégètes (p. 48‑53). La corne, de manière plus générale, pourrait aussi représenter le pouvoir hellénistique ; c’est ce que réussit à démontrer l’A. à l’aide d’arguments iconographiques et numismatiques (p. 54‑69). De manière plus spécifique, compte tenu de l’importance tactique et symbolique de l’éléphant aux yeux des souverains de l’époque hellénistique, les cornes de la quatrième bête pourraient bien faire référence à un éléphant de guerre (p. 77). Bien entendu, les défenses de l’éléphant ne sont pas à proprement parler des cornes. Mais comme tend à le montrer l’iconographie, les défenses semblent souvent avoir été prises pour des cornes (p. 79) ; citons à titre d’exemple ce portrait idéalisé d’Alexandre le Grand, coiffé d’une tête d’éléphant dont les défenses dressées ressemblent à des cornes (p. 57, fig. 3[2]). Au chapitre trois, « Die kultischen Massnahmen Antiochus IV. Religionsverfolgung und/oder Reformversuch ? », Othmar Keel propose de revoir les mesures imposées au peuple juif à compter de l’an 167 av. J.‑C. par Antiochos IV. S’agissait-il véritablement d’une persécution religieuse ou, comme le pense l’A., d’une réforme des rites pratiqués à Jérusalem ? Antiochos IV était-il un souverain dérangé ou un réformateur avisé ? Les sources (Dn, 1 M et 2 M) prétendent que le souverain séleucide voulait interdire les pratiques traditionnelles du peuple juif, comme la circoncision, la distinction entre les animaux purs et impurs et les sacrifices offerts au temple, pour introduire, en lieu et place, un nouveau culte, une « abomination de la désolation » (p. 93). Suivant l’analyse de l’A., il semble qu’Antiochos IV n’ait pas cherché à éradiquer le culte de Jahweh, le dieu sans image, puisque l’« abomination de la désolation » n’aurait rien eu à voir, contrairement à l’opinion reçue, avec le culte de Zeus Olympien ou celui de Baal Shamem, mais aurait fait plutôt référence aux sacrifices de porc. Favorable, comme la plupart des Grecs, à la dimension philosophique et universelle de la religion juive — son monothéisme essentiellement —, Antiochos IV n’aurait visé, par ses mesures, que les particularités rituelles du judaïsme, notamment la circoncision, le sabbat et l’interdiction du porc (p. 101). Finalement, le quatrième et dernier chapitre, « 1 Makk 2 – Rechtfertigung, Programm und Denkmal für die Erhebung der Hasmonäer », examine brièvement l’historicité du chapitre deux du premier livre des Maccabées. Ce court chapitre, signé encore une fois par Othmar Keel, donne d’abord les grandes articulations de 1 M 2 et se livre ensuite à un commentaire vigoureux du texte, section par section. Dès le départ, l’A. exprime clairement son opinion. Il considère le récit du soulèvement initié par Mattathias (1 M 2,15‑28) « für unhistorisch » (p. 126). Élaboré à partir de réminiscences bibliques, le passage servirait plutôt à justifier la prise en charge du sacerdoce par les Asmonéens. Généralement admis par les exégètes, le caractère historique de tout le chapitre doit être remis en question : selon l’A., 1 M 2 s’occuperait ainsi beaucoup moins de relater les événements fondateurs de la dynastie hasmonéenne que de justifier le programme et l’idéologie du mouvement qui l’a engendrée (p. 131‑132).

Le livre de Keel et de Staub, dont le titre, « Hellenismus und Judentum », rappelle forcément l’ouvrage magistral de Martin Hengel, permet de saisir rapidement, étant donné sa brièveté (147 pages, comprenant les index), la problématique de Daniel et des Maccabées. Il ne manque à ces quatre études qu’une introduction et une conclusion pour résumer et mettre en valeur les thèses, parfois audacieuses, des auteurs.

Dominique Côté

Histoire littéraire et doctrinale

2. Paul B. Duff, Who Rides the Beast ? Prophetic Rivalry and Rhetoric of Crisis in the Churches of Apocalypse. New York, Oxford University Press, 2001, xiii-189 p.

Dans ce volume, l’A. propose une analyse rhétorique de l’Apocalypse. Cette dernière mène à la conclusion que ce livre est le produit de la rivalité entre deux tendances prophétiques, l’une représentée par la prophétesse surnommée Jézabel et l’autre représentée par Jean lui-même, qui tenaient des positions diamétralement opposées quant à l’attitude qu’un chrétien devait avoir à l’égard de la société ambiante. Afin de persuader ses destinataires d’adhérer à sa vision des choses, l’auteur de l’Apocalypse construit une oeuvre puissante dont le principal objectif serait, d’après Duff, d’assimiler dans l’esprit de ses destinataires, cette prophétesse rivale à la « Bête qui monte de la terre » (Ap 13,11). Le ch. 1 pose le problème de l’existence réelle d’un climat de persécution à l’endroit des chrétiens à l’époque de la rédaction de l’Apocalypse. À la suite de Thompson et de Royalty, l’A. écarte les différentes thèses suggérant qu’il existait une situation de persécution externe réelle ou perçue, pour suggérer plutôt qu’il existait bel et bien un conflit à l’intérieur même des communautés chrétiennes d’Asie concernant l’attitude à adopter à l’égard de la société gréco-romaine, un conflit lié à la position sociale et à la mobilité socio-économique des membres de ces communautés. Le ch. 2 (p. 17‑30) examine la réalité sociale des communautés chrétiennes dans les centres urbains d’Asie mineure, dont la majorité des membres était probablement formée d’artisans, de marchands et d’affranchis en voie d’ascension sociale. Le ch. 3, certainement l’un des plus intéressants du volume, propose une analyse des lettres aux sept églises, qui constate que les problèmes soulevés par ces lettres sont essentiellement d’ordre interne et n’ont rien à voir avec un conflit avec la société ambiante. Par ailleurs, l’A. distingue trois groupes parmi ces lettres : les lettres aux Églises d’Éphèse, de Pergame et de Thyatire, qui semblent être la première cible de Jean en raison de la division qui régnerait en leur sein, entre les tenants d’une attitude d’intégration dans la société ambiante et les tenants d’une attitude d’exclusion ; les communautés de Sardes et de Laodicée représenteraient des groupes que Jean aurait renoncé à convaincre ; les communautés de Smyrne et de Philadelphie seraient finalement les Églises les plus sympathiques à Jean, dont les membres seraient également les moins bien nantis. Le ch. 4 est consacré aux acteurs (« People and Parties Behind the Book of Revelation ») qui seraient divisés sur la question des idolothytes, dont la consommation serait assimilée par Jean à de l’idolâtrie ou simplement à la fréquentation des païens, désignée conventionnellement comme prostitution (πορνεία). Le ch. 5 examine les ramifications sociales et économiques de ce conflit et le problème de la richesse dans l’Apocalypse, pour montrer que Jean ne critique pas la richesse comme telle, mais seulement en tant qu’elle est obtenue par la compromission avec l’Empire. Le ch. 6 (« The Rhetoric of Innuendo ») entend mettre en lumière les jeux d’équivalence, d’opposition et d’allusions qui servent de trame de fond à l’Apocalypse ; puis les ch. 7 et 8 montrent successivement comment ce jeu d’équivalences, d’opposition et d’allusions finit par lier « Jézabel » à Babylone d’abord, puis à la bête qui monte de la terre. En conclusion, l’A. résume sa démarche et examine la pertinence de la stratégie de l’auteur de l’Apocalypse en regard de la situation historique objective des communautés auxquelles il s’adressait. Cet ouvrage, dont les conclusions sont parfois spéculatives, procure néanmoins un excellent exemple de l’application de l’analyse rhétorique et de l’appel aux méthodes socio-historiques pour comprendre un texte religieux, fût-il hautement symbolique.

Louis Painchaud

3. Stephen J. Friesen, Imperial Cults and the Apocalypse of John. Reading Revelation in the Ruins. New York, Oxford University Press, 2001, xiv-285 p.

Alors que les autres livres du Nouveau Testament se présentent comme le récit d’événements historiques (évangiles et actes) ou constituent une prose exhortative (épîtres), il est paradoxal que l’Apocalypse de Jean, qui se distingue en ce qu’elle propose le récit de visions et d’auditions fantastiques, soit le livre qui, au cours des dernières années, a le plus donné lieu à des enquêtes de type socio-historique. Ces dernières ont principalement cherché à comprendre son contenu en fonction de la situation sociale et religieuse prévalant dans les centres urbains d’Asie mineure dans la seconde moitié du ier siècle de l’ère commune. Ce courant exégétique, représenté notamment par les Adela Yarbro Colins, Leonard Thompson, Robert M. Royalty, accorde évidemment une grande importance au contexte religieux gréco-romain et au culte impérial.

L’opposition de l’auteur de l’Apocalypse au culte impérial a depuis longtemps été considérée comme l’une des caractéristiques dominantes de ce texte. Toutefois, l’exégèse traditionnelle a généralement considéré ce culte comme dépourvu d’un contenu religieux véritable et la recherche a accordé très peu d’attention aux nombreux témoignages archéologiques, épigraphiques et documentaires qui nous en sont parvenus. C’est cette double lacune que veut combler l’A. Dans le premier chapitre, l’A. critique la conception de la religion mise en oeuvre par les savants modernes dans leur analyse des phénomènes religieux de l’antiquité (p. 5‑22). La première partie du volume (« The Logic of Participation », p. 23‑132) est consacrée à l’étude des cultes impériaux et de leur évolution. Les ch. 2 et 3 sont consacrés aux cultes impériaux provinciaux sous Auguste et Tibère (p. 25‑38), puis sous Gaius et Domitien (p. 39‑55) ; les ch. 4 et 5, aux cultes impériaux municipaux, en proposant d’abord un survol général (p. 56‑76), puis l’étude de deux cas, le Sebasteion d’Aphrodise et le temple d’Auguste à Éphèse (p. 77‑103) ; le ch. 6 traite des manifestations du culte impérial associées aux groupes (associations, guildes, familles) et aux individus. Finalement, le ch. 7 (p. 122‑132) analyse les manifestations du culte impérial en tant que religion comportant, comme toute religion, des dimensions cosmogoniques (associant la famille impériale aux olympiens et présentant Auguste comme le fondateur d’un nouvel ordre du monde), cosmologique (faisant de Rome le centre du monde et de la naissance d’Auguste le début du calendrier), une dimension liée à ce que l’A. désigne comme « Human Maturation », et enfin, une dimension eschatologique, individuelle et cosmique. Le silence des sources sur l’eschatologie individuelle ne permet guère d’élaboration à ce sujet. Quant à l’aspect cosmique de l’eschatologie, il serait le point faible du culte impérial. En présentant l’Empire comme la réalisation des espérances humaines, ce culte ne laissait en effet aucune place à une eschatologie cosmique.

La seconde partie du volume (« Revelation, Resistance », p. 133‑218) cherche à montrer comment l’Apocalypse constitue une résistance non pas à des excès ou à des abus liés au culte impérial, mais à sa valeur normative, par un groupe minoritaire empruntant les matériaux de cette résistance à une mythologie marginale dans l’empire, celle d’Israël. Le ch. 8 situe l’Apocalypse dans le temps et l’espace (p. 135‑151), le ch. 9 montre comment elle propose une cosmologie qui structure le temps et l’espace en les centrant sur le trône céleste et sur le culte. Le ch. 10 (p. 167‑179) est consacré au mythe en tant que discours définissant le temps et l’espace, construisant l’identité des individus et des groupes, ainsi qu’à ses expressions divergentes dans le culte impérial et dans l’Apocalypse. Les ch. 11 et 12 (p. 180‑209) abordent la manifestation cultuelle ou pratique de cette élaboration mythologique en montrant comment Jean imaginait sa communauté idéale et son culte, et la notion d’autorité qui en découlait. Le dernier chapitre est consacré à l’Apocalypse dans le monde actuel, à sa réception et à ses influences. L’A. considère que ce livre est un défi à la conscience moderne (entendons occidentale) en ce qu’il est profondément « mythologique » alors que celle-ci ne le serait pas. Mais est-ce bien le cas ? La chose, à mon avis, serait à démontrer et la popularité même de l’Apocalypse dans la culture occidentale contemporaine serait plutôt un indice du contraire.

Ce volume est important à un double point de vue. En effet, il a l’avantage d’utiliser une riche documentation non seulement littéraire, mais aussi matérielle, archéologique, épigraphique et numismatique, et de fournir de nombreuses illustrations, plans et cartes. Il est complété par un glossaire de termes techniques très utile, d’une bibliographie abondante et d’index des sources utilisées. De plus, il est toujours explicite quant aux théories et méthodes utilisées. D’un point de vue théorique et méthodologique, on pourra se demander en quoi l’absence d’une eschatologie cosmique constituait réellement une faiblesse (a structural flaw, p. 131) du culte impérial en tant que phénomène religieux en soi, dans la mesure où cette « faiblesse » n’en était une que pour ces portions de la population pour lesquelles l’ordre impérial n’était pas satisfaisant.

Louis Painchaud

4. Étienne Nodet, Le Fils de Dieu. Procès de Jésus et évangiles. Paris, Les Éditions du Cerf (coll. « Josèphe et son temps », 4), 2002, xvii-346 p.

Dans l’ouvrage Essai sur les origines du christianisme : une secte éclatée[3], É. Nodet et J. Taylor démontrent que les premières communautés chrétiennes n’ont pas cherché à diviniser le Jésus de l’histoire, mais à affirmer l’humanité du Christ, le Verbe de Dieu fait chair pour notre salut. La présente étude se situe en prolongement de la recherche précédente. La thèse sous-jacente de l’auteur est simple : en ayant recours aux écrits chrétiens et aux récits non chrétiens des premiers siècles, il veut faire ressortir la réelle incarnation du Verbe, son procès devant les autorités juives et sa vraie passion. Le christianisme est fondé sur le « kérygme », c’est-à‑dire l’incarnation, la passion, la mort et la résurrection de Jésus. Pour arriver à ses fins, l’auteur se propose de faire un exposé historique qui parfois peut paraître laborieux. Cependant cette démarche est nécessaire pour mieux saisir l’esprit des auteurs chrétiens, qui écrivent au temps des grands historiens non chrétiens Tacite et Flavius Josèphe.

Dès son introduction, l’A. explique sa méthode de travail : l’ouvrage est partagé en cinq chapitres, chacun précédé d’une introduction et suivi d’une conclusion partielle qui en synthétise l’essentiel. Le premier chapitre est consacré à l’analyse des récits évangéliques décrivant les dernières 24 heures de la vie de Jésus à Jérusalem, en faisant ressortir les différences entre les synoptiques et saint Jean. Le récit de la passion chez les synoptiques forme une Pâque spéciale et hautement motivée, dont le premier moment est l’institution de l’eucharistie. Quant à Jean, il nous donne une meilleure chronologie des faits, qui correspond aux institutions juives. Dans le deuxième chapitre, l’auteur analyse les différentes hypothèses rédactionnelles des Évangiles. Le but poursuivi est de démontrer qu’aux récits évangéliques ne correspond pas l’idée d’une biographie au sens gréco-romain du terme, car les évangélistes nous présentent plutôt le message de Jésus entouré du « kérygme ». Le troisième chapitre cherche des traces d’un « serviteur souffrant », de rang divin, dans le contexte judaïque d’avant Jésus. L’étude des documents de Qumrân fait ressortir l’image du « Maître de Justice » auquel sont consacrées deux hymnes le présentant comme étant un sauveur réel de rang divin, mort et rejeté. Au quatrième chapitre, nous sommes mis face à deux historiens de l’époque de Jésus qui nous ont laissé des témoignages assez impressionnants sur lui : Tacite et Flavius Josèphe. Ce dernier laisse planer un doute sur sa nature divine lorsqu’il écrit : « Vers le même temps survient Jésus, habile homme, si du moins il faut le dire homme. Il était en effet faiseur de prodiges et maître de qui accepte avec plaisir des choses étrangères[4] ». Cette étude permet à l’auteur de distinguer entre le double sens du nom de « chrétien » véhiculé à l’époque de « l’Église primitive » : Juifs messianisants et disciples de Jésus Christ. Enfin, le cinquième chapitre revient sur une analyse synthétique des récits de la passion. La conclusion est que Jésus est bien le Fils de Dieu, le « serviteur souffrant », dont parle Isaïe, mis à mort au nom de Dieu.

Le témoignage des Pères apostoliques est très éclairant tout au long de cette étude. Les notes de bas de page, assez abondantes, éclairent le contenu du texte et apportent beaucoup de précisions sur la matière étudiée. De même, l’ouvrage est parsemé de tableaux et de récits des différents témoins étudiés, mis en synopse afin de faciliter notre compréhension et mieux faire saisir le but poursuivi par l’auteur. Les nombreuses citations des témoins anciens et la bonne connaissance que l’A. a de Flavius Josèphe sont un atout considérable pour quelqu’un qui ne « baigne » pas forcément dans le milieu littéraire des premiers siècles du christianisme. Enfin, son style littéraire précis, sa pensée cohérente et sa méthode analytique nous permettent d’apprécier la connaissance qu’a l’auteur du judaïsme et du christianisme ancien.

Cependant, on peut regretter qu’un ouvrage d’une telle qualité ne comporte pas d’index des auteurs et des ouvrages anciens, index qui nous permettrait de mieux situer les auteurs cités dans l’ouvrage. De même, parfois, les nombreux détails risquent de nous faire perdre le fil conducteur et nous faire oublier le but poursuivi par l’auteur.

Lucian Dîncã

5. Harry O. Maier, Apocalypse Recalled. The Book of Revelation after Christendom. Minneapolis, Minnesota, Fortress Press, 2002, xvi-271 p.

Deux traits particuliers caractérisent ce livre. Le premier est mis en évidence dans son sous-titre : The Book of Revelation after Christendom, le second coiffe une des sections du premier chapitre : « Taking it personally ». Dès la préface, l’A. souligne le paradoxe suivant : bien que le dernier livre de la Bible, plus que tout autre écrit canonique, stimule l’imagination de nos contemporains, et il cite The Matrix, The X-Files, la série Left Behind et la conviction de Ronald Reagan, qui croyait que sa génération était la dernière avant Armageddon (et l’on pourrait se demander s’il est le dernier à avoir eu cette conviction), ce livre est généralement négligé, pour ne pas dire ignoré par les Églises nord-américaines conventionnelles (North American mainstream Churches). Face à cette situation paradoxale, l’A. entend montrer que ce livre constitue pour les chrétiens du premier monde un outil indispensable pour comprendre leur situation dans le monde contemporain et pour méditer sur la place de l’Église au milieu d’une société séculière.

Pour ce faire, d’une part l’A. interprète l’Apocalypse à partir de son expérience de fils d’immigrants allemands installés au Canada après avoir traversé des temps apocalyptiques, et d’autre part, il lit sa propre expérience à travers l’Apocalypse. Cela donne un livre original, qui entremêle analyse rhétorique, socio-critique, « reader’s response » et autobiographie. Le résultat est une sorte de dialogue herméneutique intégrant à la fois la culture contemporaine et les plus récentes données de l’exégèse du texte apocalyptique. La succession des titres de chapitre procure un aperçu de quelques questions classiques de l’exégèse de l’Apocalypse (ch. 1, « Apocalypse Troubles » ; ch. 2, « I, John » ; ch. 3, « Seeing Things » ; ch. 4, « Hearing Voices » ; ch. 5, « Games with Time » ; ch. 6, « The Praise of Folly » ; ch. 7, « Remembering Apocalypse »).

À la fois érudit et accessible, ce livre enrichi par une longue fréquentation de l’Apocalypse en procure une lecture que l’on pourrait qualifier de postcoloniale. Comme toutes les autres, elle est située dans le temps et l’espace, conditionnée culturellement. Elle a le mérite d’être profondément humaniste.

Louis Painchaud

6. Yuri Stoyanov, The Other God. Dualist Religions from Antiquity to the Cathar Heresy. New Haven, Connecticut, and London, Yale University Press (coll. « Yale Nota Bene »), 2000, xiii-476 p.

Originally published in 1994 as The Hidden Tradition in Europe : the Secret History of Medieval Christian Heresy, Stoyanov’s book documents the evolution of dualism in its European/Middle Eastern origins, expanded and revised from the first version, with a title revised to, in the words of the author, “better reflect its contents, time-scale and scope of enquiry.” The book is 476 pages, of which 294 are text, with the remaining pages devoted to an abbreviation list, extensive endnotes and bibliography, as well as an index. The table of contents is not as descriptive as one might like, with headings as general as “Two Principles”, “Syncretism in the East”, and “Trials in Constantinople” but as a popularizing book, it does well enough, and the endnotes and bibliography will encourage any reader wanting to dig deeper into the subject. There are also three very basic maps of the Eastern Mediterranean and South-west Asia (500 b.c.e.-500 c.e.), the Balkan-Byzantine world of the early Middle Ages, and the northern Mediterranean regions with a focus on the Languedoc, respectively.

Stoyanov’s primary goal is to examine dualist traditions, often diffused secretly, originating in late antiquity. Catholicism and Orthodoxy referred to these traditions as “Manichaean” and heretical while the adherents of dualism considered their tradition to be the apostolic traditions before corruption by the Church.

Chapters one and two trace most early European dualistic concepts to Iranian/Babylonian influences, including Zoroastrianism and Babylonian exilic Judaism, but stops short while briefly discussing indigenous North American traditions. For Stoyanov, Zoroastrianism was instrumental to the evolution of dualism and he illustrates how traces of its structure can be found in virtually all Mediterranean religions, including early Christianity, Manichaeism, and exilic and post-exilic Judaism. He goes into quite a lot of detail to describe the development of Zoroastrian doctrine from a divine father with opposing sons to a pure dualistic tradition where the father is gradually merged with the “good” son. He often refers back to Zoroastrian traditions to illustrate his convincing position that Zoroastrianism was the origin of late antique dualism. Chapter three moves us further into the development of European religion, discussing the Bulgar invasion, the fall of Rome, the rise of Constantinople, the beginnings of Bogomilism, and the groundwork for heresy hunting by the Catholic and Orthodox churches. It is here that we see how religion begins to be used more overtly for political purposes, a theme that continues and escalates throughout the book. Chapter four chronicles the strengthening of dualism, particularly in France and Italy, and the rise of Catharism, as well as its evolution from Bogomilism. Chapter five illustrates the persecution of dualism, the literal crusades by Catholics against Cathars and Bogomils. Here we see the manipulation of dualism and Catholicism in the West for political ends, with a pope threatening excommunication on various Cathar, or Cathar-tolerant, leaders, who pledge to root out heresy, only to continue tolerance until forced to do otherwise. Stoyanov shows how dualism appears to have been pushed east to the Balkans, where Bogomilism flourished while suppressed elsewhere. There is some discussion here of the textual connections between the stereotyping of heretics as blood-drinking, infanticidal participants in nightly orgies and the eventual standard association of heresy with witchcraft, which ultimately was associated with many of the same concepts. There is also an interesting discussion of how constant Catholic meddling in politics and religion may have enabled the advance of Islam, and the Ottoman Empire, into Bosnia. Chapter six recaps how dualistic groups like the Bogomils used a wide variety of apocryphal texts, from the Orthodox east as well as Jewish texts like 2 Enoch, the Apocalypse of Abraham, and the Vision of Isaiah which was also later used by the Cathars. From these texts they acquired many of their notions, including a multi-heaven cosmology, the Devil as God’s first son, the Devil’s planting of the tree in Paradise, the Divine Feminine and a number of eschatological traditions.

The epilogue, titled the “War on Labels” discusses the difficulties of labelling movements from one perspective or another. For example, labelling Dualists as “heretics” implies a value judgment from a Christian polemical tradition and perhaps it would be better to use the term “sects” to avoid such implications. Stoyanov also points out that his use of a chronological framework is “not intended to reconstruct the development of religious dualist currents in antiquity and the Middle Ages as a historically uninterrupted chain” but rather to examine different dualistic movements, in different time periods, in order to compare similarities in how each developed given their particular context. The author’s intention is not to trace the path, but to show a common framework. It is only here that Stoyanov clearly and explicitly states that dualists considered themselves to be the true Christians, with Orthodoxy and Catholicism as corrupted belief systems. All things considered, the epilogue might have made a better prologue, as it would have clarified the situation for a reader approaching the subject for the first time. There is a lot of information in this book and a few pages at the beginning would have done much to enable better understanding. The book is engaging and interesting, and while I admire the very high level of scholarship that clearly went into researching this book, it is sometimes difficult to separate the various strands in each chapter. Part history, part theology, and part belief this book tries to include every possible context for examination of a very large subject, with the result that it can, at times, obscure the stated subject of “dualism” behind subjects such as Church politics and the manipulation of religion for political ends. However, context is always complex, there is never simply one component which illuminates the framework of any given situation. Stoyanov’s work is an ambitious, and ultimately successful work, which unearths the background and development of dualism from the classical period to the early modern era.

Jennifer Wees

Gnose et manichéisme

7. Hans-Gebhard Bethge, Stephen Emmel, Karen L. King and Imke Schletterer, ed., For the Children, Perfect Instruction. Studies in Honor of Hans-Martin Schenke on the Occasion of the Berliner Arbeitskreis für koptisch-gnostische Schriften’s Thirtieth Year. Leiden and Boston, E.J. Brill (coll. « Nag Hammadi and Manichaean Studies », LIV), 2002, 3 illus. and xiv-447 p.

This volume, a loving and respectful Festschrift offered in honour of a great scholar, is sadly also something of a memorial as well, as Schenke died in the same year that his Festschrift was published. This renders even more poignant the numerous attestations from his students and colleagues to his generosity, his warmth, his dedication, and his devotion.

The book commences with a personal essay by H.‑G. Bethge (“Hans-Martin Schenke – Lehrer, Forscher, Freund”), an overview of Schenke’s work and developments by C. Colpe, and a bibliography of his publications. The rest of the book is divided into three sections, corresponding to Schenke’s scholarly interests. The first, and by far the longest, is entitled “Nag Hammadi Texts, Gnosticism, Hermeticism,” and contains 15 papers. It is followed by a section entitled “Coptic Language and Literature,” with four papers (two dealing with issues of Coptic grammar and dialect, and two dealing with specific Coptic texts). The last section, “New Testament and Biblical Studies,” contains five papers.

In a collection of this stature, it is gratifying to note the participation of so many Bibliothèque copte de Nag Hammadi collaborators. A former student of Schenke’s, and a member of his Berliner Arbeitskreis, W.‑P. Funk contributes a thoughtful and nuanced examination of the Manichaean use of a (or several versions of a) gospel of Thomas, and the relationship between this work and the Gospel of Thomas found at Nag Hammadi (“Einer aus tausend, zwei aus zehntausend : Zitate aus dem Thomasevangelium in den koptischen Manichaica”). P.‑H. Poirier, also discussing the G. Thom., takes up the intriguing similarities between G. Thom. 24,3 and a section of the Greek version of 1 Enoch, where a line concerning the nature of the “man of light” has been inserted, similarities which probably reflect a common dependence on the synoptic gospels, specifically Lk 11,33‑36/Mt 5,14‑16 and 6,22‑23 (“Un parallèle grec partiel au Logion 24 de l’Évangile selon Thomas”).

R. Charron, in a paper that mixes the personal, the philological, and the theological, describes how an evocative dream revealed to her the accurate translation of a problematic phrase from the Dialogue of the Saviour, and explores some of the ramifications of this discovery for our understanding of the gnostic use of the phrase “mother of all” and the concept of God as a “sower” (“Le dieu ‘semeur’ dans le Dialogue du Sauveur [NHC III,5]”). L. Painchaud and J. Wees, starting with the rewriting of the Genesis story of the Fall in On the Origin of the World, find interesting parallels between the Serpent’s promise to Eve (that she will be able to distinguish between good and evil men) and the clairvoyant powers attributed to Pachomius and Theodore, two of the founders of Egyptian monasticism (“Connaître la différence entre les hommes mauvais et les bons : Le charisme de clairvoyance d’Adam et Ève à Pachôme et Théodore”).

Finally, J. Turner, in an expansion on his 1980 article, “The Gnostic Threefold Path to Enlightenment” (Novum Testamentum, 22, p. 324‑351), discusses the division of the Sethian corpus into two categories, depending on whether gnostic enlightenment is presented to the protagonist by a descending transcendent being, or whether the protagonist obtains it by ascending in the heavens. Fitting this into his overall hypothesis of Sethianism as a movement that begins as a gnostic-Jewish baptismal group and ends as gnostic Platonists, he argues that the “descending” works are both earlier and more community-centred that the “ascending” ones, which by contrast give evidence of a philosophical individualism (“Time and History in Sethian Gnosticism”).

Of the 19 other articles collected in this volume, all are interesting and thought-provoking, although naturally some will be more or less so to various readers. The only disappointment, from my point of view, was the article by W. Beltz, which argues that there is an ideal, well-nigh Platonic essence of gnosticism that was a precursor of the humanistic, anti-religious sentiment of the Enlightenment (“Wie gnostisch sind die Gnostiker [gewesen] ?”). If we are going to work with ideal constructs — a risky but (let’s face it !) almost irresistibly tempting enterprise — I find Hans Jonas’ argument for the similarities between gnosticism and existentialism more convincing. There is a streak of nihilism at the heart of gnosticism, a conviction of the emptiness of the world, that does not correspond to enlightenment thought. Furthermore, barring personal experience, our only contact with gnosticism comes through the texts which we possess, and therefore it seems methodologically unsound to do as Beltz does, and to evaluate these texts’ gnosticism or lack of same by comparing them with his pre-existing ideal construct. Our theories should be expected to conform to our facts, and not vice versa.

Those of us who were present at the recent Laval conference on “L’Évangile selon Thomas et les textes de Nag Hammadi : traditions et convergences” will remember J. Robinson’s defense of the antiquity and independence of P. Oxy. 655 1.9f. (“You are better than the lilies which neither card nor spin,” cf. G. Thom. 36,2) by comparison with the sayings source Q, a defense that he presents here in collaboration with C. Heil (“P. Oxy. 655 und Q. Zum Diskussionsbeitrag von Stanley E. Porter”).

S. Emmel’s argument for the identification of the Gospel of the Saviour (the “Unbekanntes Berliner Evangelium”) as being the same work as the “Strasbourg Coptic Gospel” is both convincing and impressive for the sheer quality of his work. His description of the public, vehement quarrels between Carl Schmidt, Adolf Harnack, Adolf Jacoby and Wilhelm Spiegelberg, all connected with the first publication of the “Strasbourg Coptic Gospel” (in 1900) is well worth reading also, if only to remind one that even great German scholars of the past were people too (“Unbekanntes Berliner Evangelium = the Strasbourg Coptic Gospel : Prolegomena to a New Edition of the Strasbourg Fragments”).

I would especially like to commend F. Wisse’s cautionary article on how to derive (and how not to derive) evidence for the history and sociological context of early Christianity from the extant writings. It should be required reading for any who have been tempted (as I have been) jump too quickly from the text to the author to a reconstruction of his or her supposed community based on insufficiently nuanced readings of the text (“Indirect Textual Evidence for the History of Early Christianity and Gnosticism”).

There is no room to discuss all the articles contained in this volume, but I would like to mention K.‑W. Tröger’s brief discussion of the Persian convert to Islam, Salman al-Farisi (converted by Muhammad himself), and his legendary stature in early Shi’ite mysticism, where he becomes something of a beneficent demiurgical figure. Tröger’s article reminds us, as Henry Corbin’s many works do as well, that what we call “gnosticism,” that is, the religious phenomenon that first appears in late antiquity, associated with the Judeo-Christian religious family, is only one manifestation of a loose tradition of religious thought and myths which extends far into the past, and has survived up to the present day (“Muhammad, Salman al-Farisi und die Islamische Gnosis”).

Overall, this is a fine and erudite collection of essays, well worthy of the attention of students of gnosticism or early Christianity, and a worthy homage to the memory of the late Prof. Schenke.

Michael Kaler

8. Peter Lampe, From Paul to Valentinus : Christians at Rome in the First Two Centuries. Traduction anglaise de Die stadtrömischen Christen in den ersten beiden Jahrhunderten : Untersuchungen zur Sozialgeschichte, par Michael Steinhauser. Minneapolis, Minnesota, Fortress Press, 2003, xvii-525 p.

This book is absolutely essential for anyone interested in the development of early Christianity. Although, as the title indicates, the focus is on Rome, Lampe’s analysis is in many respects applicable to Christianity in the Roman Empire in general. For those of you who are pressed for time (and, these days, who is not ?), I would urge you to skip the rest of this review and simply buy the book. It is a classic, insightful and erudite, a work of bold and exhaustive scholarship.

Lampe has two goals in this work. First of all, he wants “to learn about the daily lives of the urban Roman Christians […] the realities of their social lives.” He also wishes to examine where and how “interrelations between situation and theology can be discovered.” Ultimately, he wishes “to contribute at least one element to a multidimensional interpretation of texts and faith expressions of early Christianity” (p. 2).

The work is organized into three broad sections. After some introductory material dealing with the entrance of Christianity into Rome and its separation from the synagogues, Lampe examines its topography (i.e., where Rome Christians seemed to have settled) and social structure, drawing from archaeological and epigraphical remains, as well as literary sources such as 1 Clement, the Shepherd of Hermas, and the writings of Justin. Perhaps the most startling suggestion put forth by Lampe with regard to these aspects is his proposal, based on several ambiguous, probably gnostic, and possibly Valentinian inscriptions found along the Via Latina, that there was a Valentinian group or colony attached to one of the luxurious suburban villas there.

In the second and longest part of the work, Lampe turns to examine individual figures and small groups associated with Roman Christianity in the late first and second century. For those whose Christianity is undoubted, Lampe attempts to reconstruct their social standing, culture, and education : for others, particularly well-off Romans, who later historians have suspected of being Christians, the evidence for and against is presented, often along with Lampe’s own evaluation of the merits of the case.

In the third section, Lampe takes up the question of independence of the various Christian congregations in Rome : to what degree was there a “Roman Christianity,” and to what degree were there many groups of more-or-less independent Christians, loosely affiliated with various other groups ? The latter situation seems to have been predominant at least until the reign of the bishop Victor (189‑199), who set into motion a new policy of aggressive intolerance. “Partly from outside influences, partly from personal initiative, Victor withdrew fellowship from several Christian groups in the city at the end of the second century” (p. 396) — although there were some exceptions (the Marcionites were expelled ; Cerdo and the Jewish-Christian circle described by Justin [Dial. 47.3] seem to have chosen to separate themselves from other Christian groups).

In pursuing these ambitious goals, Lampe has integrated a wide variety of material. He draws on both pagan and Christian literature, epigraphs, archaeological discoveries, and historical and sociological analyses of Rome in this period. While the extent of the sources upon which he draws is impressive enough, his efforts to integrate them all are even more so. As he frequently points out, use of only part of the evidence will result in an only partially valid picture of the period, if even that — for our sources are fragmentary enough that they indeed must be supplemented by one another.

For example, in Lampe’s discussion of Marcion, he raises the question of the latter’s status. Pagan sources inform us that a naukleros (ship owner), which Marcion is said to have been, could own one or many ships, and could be prosperous or struggling. Now, Lampe notes that according to Tertullian (Adv. Marc. 1.19) Marcion met with the Roman “presbyters and teachers” in the summer of 144 c.e. in order to debate the proper interpretation of Luke 5:36 f., one of the underpinnings of Marcion’s revolutionary doctrines. This meeting was clearly of the utmost significance. On the one hand, Marcion seems to have hoped that through it he would be able to convince the leaders of Roman Christianity of the validity of his beliefs ; on the other hand, the outcome of the meeting seems to have been the final step towards the decisive separation of Marcionite from non-Marcionite Christianity.

As Lampe points out, this meeting and preparation for it must have taken up a great deal of Marcion’s personal time and energy. And yet he called it — he, not the other Christian leaders — in the summer, that is, right in the middle of the “open seas” shipping season ! The fact that this naukleros could afford to devote himself to church matters at this time tells us a good deal about the size and capacity for delegation of his company, organizational possibilities and skills which would in turn help to explain the astounding growth of his church.

One especially interesting aspect of the second section of the book is Lampe’s attempt to figure out both the educational level of the figures he examines and the depth and source of that education. By teasing out and examining their references and allusions to older authors, for example, he sets up a fascinating contrast between Justin Martyr and his disciple Tatian. Justin, on the one hand, gives evidence of a deeply philosophical background (Stoic first, but with the Stoicism thoroughly integrated into his predominantly Platonist outlook), quite possibly acquired more through oral instruction (lectures and the like) than through reading either in handbooks or in the original sources. Tatian, on the other hand, merely avails himself of philosophical topoi, employing them superficially, along with “gossipy stories about individual philosophers” (p. 286) and impressive lists of classical works and authors. His background seems rather to be in the “rhetoric of the first and second centuries […] an ostentatious eloquence that marshals an impressive array of educational elements but remains superficial” (p. 287).

In his attempts to unravel the motivations and systems of leading figures of the period Lampe works with what he calls a “three dimensional interpretation” of the data (p. 249 ; also see his article, “Die Apokalyptiker : Ihre Situation und ihr Handeln,” in Eschatologie und Friedenshandeln p. 72f., 88, 92f.), of which the three dimensions are theological derivation, tradition-historical derivation, and social-historical derivation.

In principle, this methodology is sound : none of these three components can be ignored, but neither can they be considered in isolation. In this particular work Lampe is frequently concerned with elaborating the third derivation, simply because it is often overlooked. This is commendable, but at times he succumbs to a facile explanation of theological tendencies by analogy to presumed social experiences or expectations.

For instance, Lampe’s linking of the characteristics ascribed to the Jewish demiurgical god by Marcion to Marcion’s probable resentment of the imperial exigencies imposed on ship owners such as himself seems over-simplified. Likewise, while he rightly rejects Kippenberg’s[5] (and others’) characterization of gnostic teaching as “an expression of the rejection of the authoritarian, bureaucratic, and militaristic Roman state in which the gnostics are excluded from political participation and experience themselves as objects in the hands of unreasonable powers” (p. 293), Lampe’s conclusion that gnostic “escapism” is “much more a combination of intellectual existence/affluence and Christianity that de facto incapacitated them politically and encapsulated [verkapseln] their political energy” (p. 317), while more nuanced, is also too simplistic.[6] This is all the more apparent in light of the arguments presented by Michael Williams in Rethinking Gnosticism (Princeton, 1996) in favour of viewing at least some aspects of gnosticism not as representing a desire for an escapist negation of the world, but rather as attempts to actually minimize the distance between Christianity and pagan culture.

Now, while some of Lampe’s conclusions are debatable, this is not to be seen as a serious criticism of the author or the work, but rather merely an inevitable result of any attempt to reconstruct in such detail the history of an underground cult of two thousand years ago. Certainty is impossible, and there will always be room for differences of opinion.[7] My one real criticism of this work is of a different order entirely : it concerns the English translation. There are no errors of grammar, but unappealing neologisms abound, verbs are frequently used with a confusing literalness, and stylistically the work is often clumsy — cf. the quote from page 317 above. Only rarely is the actual sense of a given passage obscure[8], but overall there are enough jarring turns of phrase and cumbersome or misleading sentence constructions to make reading the book something of a chore, which it certainly ought not to be.[9]

The above is merely a proposal aimed at improving an already fascinating work : it should not be allowed to detract from the fact that From Paul to Valentinus is essential, insightful, and long overdue.

Michael Kaler

Éditions et traductions

9. Roland Maisonneuve, Dieu inconnu, Dieu Trinité. Anthologie. Comment les mystiques chrétiens « voient » Dieu un et trine. Paris, Les Éditions du Cerf (coll. « Patrimoines », série « Christianisme »), 2002, 212 p.

Le Dieu que Jésus Christ est venu nous révéler est un Dieu Un et Trine. Jésus n’a pas pu nous révéler Dieu le Père sans nous révéler en même temps l’Esprit-Saint. Dans le don de Jésus Christ, Dieu nous a montré qu’il nous aime de l’amour même dont il aime son Fils unique, et nous rend capables de l’aimer de l’amour que lui porte son Fils dans l’Esprit-Saint.

Dans cet ouvrage, l’auteur se propose de faire une « anthologie » des grands textes mystiques et spirituels décrivant le Dieu Un et Trine. Les textes sont recueillis dans la tradition chrétienne à travers les siècles, et leurs auteurs sont d’époques, de condition sociale et religieuse très diverses : prêtres, moines, ermites, évêques, vierges consacrées, laïcs. Chaque mystique apporte sa « vision » propre et unique de Dieu Un et Trine en fonction de son tempérament, de son langage, de sa culture humaine et religieuse et de son expérience spirituelle. L’idée que chacun veut transmettre à la tradition spirituelle et mystique chrétienne est celle d’un Dieu toujours nouveau, qui surprend à tout âge et à toute époque celui qui s’ouvre afin de vivre une expérience unique avec lui.

À travers les textes choisis par l’auteur, Dieu apparaît comme étant l’Être par excellence, source de toutes choses laissant son empreinte trinitaire dans la création. Le projet de Dieu Un et Trine est de conduire au salut toute l’humanité par l’incarnation de son Verbe afin que, par sa mort et sa résurrection, il détruise le mal et la mort. Pour exprimer cette réalité théologique et spirituelle, Dieu se laisse découvrir aux mystiques à travers des images et surtout des expériences que les « affamés et les assoiffés de Dieu » sont appelés à vivre. Dans son amour pour l’humanité, Dieu transperce le coeur de l’être humain et sème le germe d’une vie nouvelle qui porte des fruits dans l’Esprit-Saint.

L’auteur choisit intentionnellement la présentation des textes non pas chronologiquement, mais thématiquement, afin de mieux faire ressortir les étonnantes richesses du Dieu Un et Trine. Ainsi l’ouvrage est partagé en cinq parties en fonction des cinq thèmes retenus par l’auteur : premièrement, la connaissance du Dieu Un et Trine ; deuxièmement, la révélation de Dieu Un et Trine ; ensuite vient le Dieu Un et Trine dans la création ; dans la quatrième partie, le symbolisme trinitaire dans l’Écriture sainte ; et enfin, cinq contemplations trinitaires.

Les textes sont accompagnés de brefs commentaires afin de permettre au lecteur d’entrer plus facilement dans l’univers mystique, qui n’est pas toujours immédiatement accessible, de ces grands maîtres spirituels. En lisant cet ouvrage, le lecteur peut avoir une image assez vaste de la manière dont les mystiques de l’Église ancienne, mais aussi du Moyen Âge et même de l’époque contemporaine, ont compris et vécu dans l’amitié d’un Dieu Un se manifestant en trois personnes : Père, Fils et Saint Esprit. Les textes font ressortir parfois la difficulté qu’a toujours eue l’être humain d’exprimer le plus adéquatement possible son expérience d’un Dieu Père créateur, d’un Dieu Fils sauveur, d’un Dieu Esprit-Saint sanctificateur.

En plus des brefs commentaires des textes retenus par l’auteur, à la fin de l’ouvrage nous trouvons une petite biographie des maîtres mystiques et spirituels, qui nous permet de mieux les situer dans leur époque, de même qu’une petite bibliographie sur le sujet, pour qui souhaite approfondir sa réflexion sur le mystère fondamental de la foi chrétienne : le mystère de Dieu Un et Trine.

Lucian Dîncã