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Dans ce petit ouvrage fort instructif, l’infatigable Georges Aubin nous fait découvrir un peu mieux le personnage de Pierre-Joseph-Olivier Chauveau (1820-1890). Les deux journaux personnels offerts au public nous permettent de mieux connaître la personnalité et la pensée du futur surintendant à l’instruction publique et premier premier ministre de la province de Québec.

Le premier texte est un journal tenu par Chauveau lors d’une session parlementaire du Canada-Uni qui s’est déroulée à Montréal au printemps 1846. Élu pour la première fois deux ans plus tôt, Chauveau en est encore à ses premières armes sur le plan politique. Les visites qu’il rend à Parent, Langevin, Cartier, Morin, le respect qu’il affiche pour LaFontaine, la distance dont il fait preuve à l’égard de L.-J. Papineau — un « républicain sans miséricorde », écrit-il — montrent bien qu’il adhère au camp réformiste, alors dans l’opposition. Il décrit avec un plaisir évident ses sorties mondaines (chez le gouverneur Cathcart, par exemple) et ses conversations amicales avec l’écrivain Patrice Lacombe et le journaliste Louis Létourneux. Les lois adoptées au Parlement et le contexte politique général de cette époque sont l’objet de très rares mentions, en général négatives, comme si tout cela l’ennuyait.

L’autre texte est également un journal, mais tenu cette fois-ci lors d’un périple de sept jours aux États-Unis en 1850. Le style et le contenu de ce second journal sont plus inspirés. Chauveau ponctue ses descriptions de réflexions intéressantes sur les gens qu’il rencontre et les lieux qu’il découvre. À New York, il visite Broadway et Brooklyn, découvre, étonné, la diversité linguistique de cette ville cosmopolite et rend visite à quelques journalistes du Courrier des États-Unis auquel il collabore à l’occasion. Outre des commentaires racistes sur « les nègres et les négresses » — « l’anneau de la chaîne animale entre l’homme et le singe », écrit-il — on retiendra de ce second journal les réflexions que suscite chez lui le peu d’éclat des édifices publics et des églises. Chauveau y voit la preuve d’un individualisme typiquement américain, le signe d’une avarice de « Juif errant », la conséquence d’une « démocratie jalouse et utilitaire ».

Comme toujours dans les ouvrages annotés par Aubin, le travail est minutieux et précis, la présentation, soignée. Le chercheur trouvera à la fin de l’ouvrage une courte bibliographie sur Chauveau et un index des noms propres.