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Introduction

L’injection de drogues est un phénomène social en progression partout sur la planète. La nature cachée et illégale de ce comportement rend difficile l’estimation du nombre de personnes touchées. Selon l’ONU-Sida, il y aurait jusqu’à 10 millions de personnes qui s’injectent des drogues à travers le monde (UNAIDS, 2002). La dernière décennie a été marquée par une augmentation importante du nombre de pays rapportant l’injection de drogues dans leur population, passant de 80 en 1992 à 136 en 1999 (UNAIDS, 2002). Dans plusieurs pays, particulièrement dans ceux en voie de développement ou subissant des bouleversements politiques et économiques, une grande partie des injecteurs ont entre 15 et 24 ans (Ball, 2000).

L’injection de drogues a de nombreuses conséquences sanitaires et sociales. L’infection causée par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et l’hépatite C sont parmi les principaux problèmes infectieux de santé associés à ce comportement. Parmi les 40 millions de personnes infectées par le VIH dans le monde, environ 3,3 millions l’ont été par suite de l’injection de drogues (UNAIDS, 2001). Le nombre de pays rapportant une épidémie de VIH au sein de leur population d’utilisateurs de drogues par injection (UDI) a plus que doublé entre 1992 et 1999, passant de 52 à 114 (Needle et al., 2001). Le taux de prévalence du VIH chez les UDI varie largement d’un pays à un autre. Ces variations reflètent le début plus ou moins récent de l’épidémie de VIH dans la population d’UDI ainsi que l’intensité des mesure de réduction des méfaits qui ont été implantées. Des taux de prévalence allant jusqu’à 70 % ont été rapportés chez les UDI de certains pays (UNAIDS, 2002 ; Cohn, 2002 ; Des Jarlais et al., 1999).

Le VIH se transmet facilement par voie sexuelle, ce qui signifie que l’épidémie chez les UDI peut se répandre dans la population générale. Plusieurs études ont montré que les UDI ont des activités sexuelles à haut risque et qu’une forte proportion d’entre eux sont actifs dans le commerce du sexe (CDC, 1995). La transmission sexuelle du VIH d’un UDI à ses partenaires sexuels non UDI entraîne un nombre croissant de cas d’infection par le VIH chez les femmes et leurs enfants. Ainsi, aux États-Unis, les UDI, leurs partenaires sexuels et leurs enfants représentent plus du tiers (36 %) de tous les cas de sida déclarés jusqu’en 1999. Parmi ces cas, 13 % sont des partenaires hétérosexuels d’UDI et 1 % sont des enfants infectés par leur mère qui est elle-même UDI ou qui est la partenaire sexuelle d’un UDI (CDC, 2001).

L’hépatite C est un autre important problème de santé lié à l’injection de drogues. Dans les pays qui ont un approvisionnement sanguin sécuritaire, l’injection de drogues est d’ailleurs le principal mode de transmission du virus de l’hépatite C (VHC) (WHO, 1997). Au Canada, par exemple, on estime que ce comportement est responsable de 60 % des cas (Health Canada, 1999). Les données épidémiologiques suggèrent que, théoriquement, tous les UDI deviendront atteints d’hépatite C. Ainsi, la prévalence de l’infection par le VHC est de 82 % chez les UDI de Vancouver et de 70 % chez ceux de Montréal (Patrick et al., 2001 ; Lamothe et al., 1997). De plus, l’infection par le VHC s’acquiert très rapidement après l’initiation à l’injection (Hahn et al., 2001). Des taux de prévalence du VHC atteignant 65 % ont été rapportés chez des personnes s’injectant des drogues depuis moins d’un an (Garfein et al., 1996). À Montréal, la prévalence chez les jeunes de la rue atteint 50 % chez ceux qui s’injectent des drogues depuis trois ans (Roy et al., 2001b).

Nous décrirons ici les comportements à risque pour l’infection par le VIH et pour l’hépatite C chez les adolescents et les jeunes adultes qui s’injectent des drogues. En raison de leur âge, ces personnes ont des caractéristiques qui doivent être considérées dans l’élaboration de programmes de prévention. Nous ferons un survol de ces caractéristiques. Finalement, nous présenterons les projets de prévention de l’infection par le VIH et de l’hépatite C qui répondent aux besoins spécifiques des jeunes injecteurs et qui ont fait l’objet d’une évaluation d’implantation ou d’impact.

Les comportements à risque chez les jeunes injecteurs

Une revue des études sur les comportements d’injection à risque des jeunes injecteurs montre que le terme « jeune » peut représenter des personnes âgées de 12 ans jusqu’à 35 ans. Nous avons choisi de définir les « jeunes » comme âgés de moins de 25 ans et les adolescents, de 10 à 19 ans, et de présenter principalement des données sur les populations d’UDI correspondant à ces limites d’âge.

À travers le monde, la majorité des nouveaux injecteurs de drogues sont des jeunes. Certaines sous-populations, comme les jeunes de la rue, les jeunes détenus et les jeunes sous protection, sont particulièrement à risque de s’initier à l’injection (Kipke et al., 1996 ; Cohen et al., 1991 ; Yates et al., 1988 ; Roy et al., 2000 ; Roy et al., 2001a ; UNAIDS, 2000 ; Ball, 2000 ; Needle et al., 2001). L’âge moyen au moment de l’initiation à l’injection varie grandement d’une population à une autre, mais la majorité de tous les injecteurs s’initient vers la fin de l’adolescence (Needle et al., 2001 ; Roy et al., 2002 ; Miller et al., 2002 ; Montgomery et al., 2002 ; Somlai et al., 2002). Dans plusieurs études, la précocité de l’initiation est associée à plus de comportements à risque pour la transmission du VIH (Battjes et al., 1992 ; Doherty et al., 2000). La précocité de l’adoption d’un comportement à risque est d’ailleurs généralement reconnue comme un facteur de risque pour l’adoption précoce d’autres comportements à risque. En plus d’être exposés aux conséquences néfastes de multiples comportements à risque, les jeunes qui s’initient tôt sont susceptibles de voir les impacts négatifs de ces comportements se cumuler sur une longue période.

Chez les UDI, le partage de matériel d’injection est l’un des principaux comportements à risque pour la transmission du VIH et du VHC. Or, des études ont démontré que 27 à 66 % des jeunes injecteurs avaient emprunté ou prêté une seringue au moins une fois dans leur vie (Hien, 2001 ; Mullen & Barry, 2001 ; Louie et al., 1996 ; Hahn et al., 2001 ; Cassin et al., 1998) et qu’entre 34 et 54 % avaient partagé des seringues récemment, soit au cours du dernier mois ou des six derniers mois (Fennema et al., 1997 ; Roy et al., 2000). Le partage des autres matériels d’injection, soit la cuillère, le filtre ou l’eau, était également très fréquent. En effet, selon les études, de 67 à 87 % des jeunes rapportaient en avoir partagé au moins une fois dans leur vie (Hahn et al., 2001 ; Smyth et al., 2001) et 64 à 87 % récemment (Cassin et al., 1998 ; Smyth et al., 2001 ; Roy et al. 2000).

Les conditions sociales et environnementales dans lesquelles les jeunes s’injectent des drogues peuvent avoir un impact négatif sur leurs pratiques d’injection. Par exemple, dans plusieurs pays, une grande proportion des jeunes rapportent s’être injectés des drogues à l’extérieur, ce qui peut mener à des conditions d’injection dangereuses et non hygiéniques et augmenter les risques d’infection (Smyth et al., 2001 ; Hien, 2001).

Bien qu’une large proportion des recherches sur les comportements à risque des jeunes injecteurs menées au cours de la dernière décennie se soient penchées sur leurs comportements d’injection, leurs comportements sexuels doivent également être pris en considération. En effet, des études récentes ont montré l’existence de multiples comportements sexuels à risque chez les jeunes injecteurs (Hahn et al., 2001 ; Mullen & Barry, 2001 ; Louie et al., 1996 ; Roy et al., 2000 ; Roy et al., 2001a ; Somlai et al., 2002). Malgré le fait que ces jeunes aient grandi à une époque où la promotion du condom était largement répandue, une grande proportion d’entre eux ne l’utilisent pas de façon constante. Ainsi, dans une population d’injecteurs âgés de 15 à 19 ans, 48 % des filles et 36 % des garçons rapportaient ne pas l’avoir utilisé de façon constante au cours de l’année précédente, en dépit d’une moyenne de trois partenaires au cours de cette période (Mullen & Barry, 2001). Dans une autre étude, 47 % des UDI de 12 à 21 ans rapportaient n’avoir jamais utilisé le condom avec leurs partenaires réguliers, 21 % ne l’avoir jamais utilisé avec leurs partenaires occasionnels et 11 % ne l’avoir jamais utilisé avec leurs clients (Louie et al., 1996).

Les jeunes injecteurs rapportent également divers autres comportements sexuels à risque. Dans une population de jeunes adultes UDI, 40 % disaient avoir eu entre 6 et 20 partenaires sexuels au cours de l’année précédente ; de même, 81 % affirmaient avoir eu un partenaire sexuel UDI et 20 % rapportaient avoir eu des activités sexuelles de survie au cours des six mois précédents (Hahn et al., 2001). L’expérimentation sexuelle, y compris des expériences homosexuelles et bisexuelles, est rapportée par plusieurs jeunes durant cette période de développement où ils forgent leur identité sexuelle. Dans certaines études menées chez des UDI adolescents et jeunes adultes, plus de 20 % des participants rapportaient des activités homosexuelles (données inédites, Roy, 2002) ou bisexuelles (Kral et al., 2000).

À la lumière de ces multiples comportements sexuels à risque, il n’est pas surprenant de constater la fréquence élevée des maladies transmises sexuellement (MTS) chez les jeunes UDI. Ainsi, dans une étude, une MTS non ulcérative a été diagnostiquée chez 21 % des jeunes injecteurs (Hahn et al., 2001a) alors que dans une autre, 28 % des injecteurs féminins âgés entre 15 et 23 ans et 14 % des injecteurs masculins du même âge ont rapporté une histoire de diagnostic de MTS (Montgomery et al., 2002). La présence importante des MTS chez les jeunes injecteurs est d’autant plus préoccupante qu’elle pourrait multiplier par dix la vulnérabilité à la transmission du VIH (UNAIDS, 2002).

En plus de causer des MTS, les comportements sexuels non protégés sont aussi sources de grossesses imprévues. Ainsi, chez les jeunes de la rue de Montréal qui s’injectent des drogues, 47 % rapportaient une histoire de grossesse au moment du début de leur participation à l’étude (données inédites, Roy, 2002). Ces grossesses présentent un potentiel important de transmission du VIH, et dans une moindre mesure du VHC, de la mère à l’enfant.

La présence combinée de comportements sexuels à risque et de comportements d’injection à risque, combinaison qui semble caractériser les jeunes UDI, serait particulièrement importante chez ceux qui sont polytoxicomanes. En effet, la polytoxicomanie, très présente chez les jeunes injecteurs, serait associée à la fois à un risque accru de pratiques d’injection non sécuritaires (Peters et al., 1998 ; Smyth et al., 2001) et de comportements sexuels non protégés (Schilling, 1991 ; CDC, 1995 ; Paone et al., 1995).

La revue de la littérature illustre donc clairement que les jeunes UDI ont de multiples comportements sexuels et de consommation de drogues qui les mettent à haut risque pour l’acquisition du VIH et du VHC. Ce constat suggère que les programmes de prévention développés pour les jeunes injecteurs devraient cibler tant les comportements d’injection que les comportements sexuels.

Les caractéristiques spécifiques des jeunes injecteurs et leur impact sur la prévention

Il existe une certaine controverse dans la littérature à savoir si les jeunes UDI ont plus ou moins de comportements à risque que les injecteurs plus vieux (Loxley et al., 1991 ; Mullen & Barry, 2001 ; Hunter et al., 2000 ; Smyth et al., 2001 ; Thorpe et al., 2001 ; Fennema et al., 1997 ; Kral et al., 2000). Mais en dépit de cette controverse, une chose est claire pour tous : les jeunes UDI ont un risque élevé d’infection par le VIH et le VHC en raison de leurs comportements. Et afin de répondre adéquatement aux besoins de ces jeunes, une attention particulière doit être accordée à leurs caractéristiques uniques et à leur situation. Les programmes de prévention de l’infection par le VIH et de l’hépatite C doivent tenir compte des différences de développement et des habiletés des personnes de cet âge comparativement à celles des injecteurs plus vieux. L’adolescence et le début de l’âge adulte entraînent des changements importants sur les plans cognitif, physique et psychologique, et ces changements influent sur les attitudes et les comportements des jeunes. De plus, certaines contraintes légales qui affectent les adolescents, et plus particulièrement les mineurs, peuvent avoir un impact sur leur accessibilité aux services de prévention et de santé. Dans les prochains paragraphes, nous nous attarderons plus particulièrement aux principales caractéristiques des jeunes qui devraient être prises en considération au moment de la planification d’intervention en prévention auprès des jeunes UDI.

Développement cognitif

Le stade de développement cognitif d’un adolescent a un effet sur la façon dont il perçoit le risque et la responsabilité personnelle. Durant l’adolescence et le début de l’âge adulte, des changements importants se produisent dans la capacité d’intégration de l’information et de compréhension du monde et de ses phénomènes. Le début de l’adolescence est une période où la pensée magique, le sentiment d’invulnérabilité et la pensée concrète prévalent. Graduellement, au fil de l’adolescence, les jeunes passent au stade de la pensée formelle (Piaget, 1972) et deviennent capables de faire des déductions et de penser à des concepts abstraits (Piaget, 1972 ; Bukstein, 1995). Ceci leur permet de faire des projections et de percevoir les conséquences de leurs actions. Cette évolution influence directement les comportements d’auto-protection et de santé ainsi que la perception du risque et la recherche de solutions.

L’adolescence est également une période charnière pour l’acquisition de compétences liées à la protection telles que la négociation. Les expériences pratiques impliquant le développement de l’estime de soi et des compétences sociales sont essentielles durant cette phase importante de développement. Par ailleurs, le développement moral est lui aussi en pleine évolution et les contrôles internes plutôt que les contrôles externes commencent à guider les impulsions et les comportements (Kohlberg, 1969).

Développement physique et sexuel

Durant l’adolescence, des changements physiques et hormonaux majeurs ont des effets directs sur les comportements, dont une augmentation marquée de l’énergie et des pulsions sexuelles. Cette période correspond à une phase importante de découverte de soi et d’exploration de l’identité sexuelle. Cela peut souvent se traduire par des relations sexuelles avec de multiples partenaires, y compris des expériences homosexuelles et bisexuelles.

L’activité sexuelle accrue durant l’adolescence combinée à la pensée magique amènent des taux élevés de MTS chez les jeunes dans plusieurs régions du monde. L’OMS estime que 300 millions de personnes sont infectées par une MTS pouvant être traitée et que la majorité de ces infections surviennent chez les jeunes (UNAIDS, 2002). Les adolescentes sont particulièrement vulnérables aux MTS en raison d’une susceptibilité biologique liée à l’immaturité du col de l’utérus (Padian et al., 1991 ; Futterman et al., 2000). Une MTS non traitée en présence de cette immaturité physiologique faciliterait la transmission du VIH à l’occasion d’une relation sexuelle vaginale non protégée (Cohen, 1998).

Développement psychosocial

L’adolescence est également une période de grands développements sur les plans psychologique et social. Ces développements conduisent graduellement à la définition de l’identité personnelle et à une indépendance accrue. L’influence des parents diminue alors que celle des pairs augmente. L’appartenance sociale devient une priorité et les pairs jouent un rôle-clé de validation externe pendant que les jeunes développent graduellement leur propre identité (Erickson, 1980). Durant cette période, ils préfèrent utiliser les services conçus spécialement pour leur groupe d’âge. Ils évitent ceux perçus comme autoritaires, moralistes ou destinés aux adultes (Gleghorn et al., 1997 ; Rew et al., 2002 ; Kim et al., 1997 ; Walters, 1999). La peur du jugement, de la discrimination ou de la stigmatisation est fréquente chez les jeunes ; c’est pourquoi la confidentialité et le respect de la vie privée sont extrêmement importants et doivent être assurés lorsque les jeunes viennent chercher des informations sur la santé ou des services (Rogstad et al., 2002).

La quête d’indépendance face aux parents et la recherche de son identité propre peuvent se traduire par l’essai de substances psychoactives, ce qui est un comportement fréquent et normal. Toutefois, d’autres facteurs, comme une faible estime de soi, la dépression, l’ennui ou l’anxiété, peuvent amener les jeunes vers un usage croissant de drogues et mettre leur santé en péril (Bukstein, 1995). Par ailleurs, une consommation abusive peut être le signe d’un problème de santé mentale chez les jeunes. En effet, il est reconnu que la période suivant la puberté est une période pendant laquelle l’apparition de désordres psychiatriques majeurs est relativement fréquente (Burke et al., 1990).

Contraintes légales

Il est particulièrement important de tenir compte des contraintes légales dans le développement d’interventions pour les jeunes. Dans un grand nombre de pays, l’approbation parentale est requise pour que les mineurs aient droit à des services de santé et de prévention. L’accès à des services, comme ceux pour les MTS, la santé sexuelle et le traitement pour la consommation abusive de drogues, ou l’accès à du matériel de prévention comme les condoms ou les seringues, peuvent donc être problématiques. Cependant, il existe des pays où les lois permettent aux mineurs d’avoir accès, sans le consentement de leurs parents, à de tels services. Mais même dans ces pays, l’accès aux services par les mineurs peut être difficile, car les intervenants ne sont pas tous au courant de ces droits. De plus, les jeunes marginalisés, comme les jeunes de la rue, font face à des contraintes supplémentaires, notamment par leur implication fréquente dans des activités criminalisées ou illégales. La situation des mineurs en fugue ou celle des délinquants sur lesquels pèsent des charges légales sont des exemples éloquents (Thomas et al., 2002).

Les projets de prévention du VIH et de l’hépatite C

La revue de la littérature montre clairement que les jeunes UDI ont plusieurs comportements à risque pour la transmission du VIH et du VHC ; ils ont de nombreux comportements d’injection à risque, mais également de nombreux comportements sexuels à risque. Les projets de prévention du VIH et du VHC doivent donc cibler ces deux types de comportements. De plus, ils doivent tenir compte des besoins particuliers des jeunes UDI. Comme nous l’avons vu, ces besoins sont liés à leur stade de développement cognitif et psychologique de même qu’aux contraintes légales auxquelles ils font face. Nous avons cherché à connaître des interventions de prévention du VIH et du VHC élaborées spécifiquement pour ces jeunes et dont l’efficacité ait été démontrée.

Disons d’abord qu’il existe peu d’interventions en prévention du VIH et de l’hépatite C ciblant précisément les jeunes UDI dont les résultats de l’évaluation ont été publiés. Afin de les repérer, nous avons effectué des recherches à partir de mots-clés dans différentes banques de données informatisées (Medline, Sociofiles, ERIC, Psychofiles et Aidsline) et sur les sites Web de bibliothèques ainsi que d’organismes spécialisés dans le domaine de la consommation de drogues et du sida. De plus, nous avons demandé à des informateurs-clés dans plusieurs régions du monde de nous faire part de projets non publiés dans la littérature révisée par les pairs.

L’ensemble de notre recherche nous a permis de trouver seulement cinq projets en prévention répondant à nos critères. Deux de ces projets ont été menés en Australie et trois aux États-Unis. Nous allons les décrire brièvement.

Safer Injecting Cwiz (SIC) (Sheaves et al., 2001)

Ce projet de prévention de l’hépatite C chez les jeunes UDI de moins de 25 ans a été implanté dans une banlieue économiquement défavorisée de Sydney où l’injection est un phénomène plutôt caché et où les jeunes injecteurs sont difficiles à rejoindre. Il reposait sur deux stratégies principales : 1) un mode de recrutement effectué par les pairs et 2) un questionnaire interactif de 12 questions qui servait d’outil de base à la fois pour l’évaluation des connaissances sur l’hépatite C et pour l’amélioration de ces connaissances.

Dans ce projet, l’intervention repose sur le modèle de la vente pyramidale. De jeunes injecteurs remplissent un questionnaire interactif sur l’hépatite C ; le questionnaire est en fait une session de formation sur cette maladie. Ils reçoivent 20 $ pour la formation. Par la suite, ils peuvent recruter et éduquer leurs pairs. Les pairs formateurs reçoivent 10 $ pour chaque jeune qu’ils ont recruté et formé puis amené au site du projet. Lors de leur visite au site, les recrues remplissent à leur tour le questionnaire. Les pairs formateurs peuvent recevoir jusqu’à 10 $ supplémentaires selon la performance de leur recrue au questionnaire. Les recrues, quant à elles, reçoivent 20 $ pour remplir le questionnaire, peu importe leur résultat. Après leur formation, elles peuvent à leur tour devenir des pairs formateurs et recruter de nouveaux participants.

Le questionnaire est divisé en trois thèmes : « Qu’est-ce que c’est ? », « Comment ça s’attrape ? » et « Comment l’éviter ? ». Pour chaque thème, des accessoires (photographies, objets, etc.) appuient les explications. Par exemple, deux plateaux sont utilisés pour le thème « Comment ça s’attrape ? » : l’un contient du matériel d’injection, le second des objets de la vie courante tels qu’une brosse à dents.

L’intervention a été évaluée à l’aide de méthodes quantitatives et qualitatives. Tout d’abord, les connaissances des participants ont été mesurées à trois reprises à l’aide du questionnaire de 12 questions. Ces mesures ont été prises au début et à la fin de la formation puis au cours d’une entrevue de suivi. De plus, les participants ont rempli à deux reprises, soit au début de la formation et lors de l’entrevue de suivi, un questionnaire portant sur leurs comportements à risque de transmission du VHC (partage de seringues et des autres matériels d’injection) au cours du mois précédent. Finalement, l’utilité du programme pour les participants et leur niveau de satisfaction ont été abordés plus qualitativement pendant l’entrevue de suivi.

Cette intervention a été menée entre avril 1999 et août 2000 auprès de 219 participants. Le retraçage des jeunes pour l’entrevue de suivi s’est révélé difficile et seulement 95 des 219 participants ont été rejoints. Ces entrevues de suivi ont eu lieu en moyenne 6,6 semaines après l’intervention. Les deux tiers des participants y ont rapporté des comportements d’injection plus sécuritaires. Parmi ceux qui rapportaient des comportements non sécuritaires pour l’hépatite C avant l’intervention, 47 % avaient éliminé ces comportements à risque au moment du suivi. Globalement, le nombre d’incidents à risque rapporté a chuté de 9 au cours du mois précédant l’intervention à 3 au cours du mois précédant le suivi. Au suivi, 61 % des participants ont indiqué avoir changé leur façon de voir l’hépatite C. De plus, la comparaison des scores montrait que les connaissances sur l’hépatite C avaient augmenté entre les questionnaires pré et post-intervention. Ils avaient cependant légèrement diminué au moment du suivi.

Par ailleurs, lors de l’entrevue de suivi, les participants ont rapporté être très satisfaits du processus éducatif et des mesures incitatives. Ils ont mentionné que l’utilisation des accessoires pendant la formation rendait les informations plus accessibles et leur permettait de mieux se souvenir des renseignements.

Sharing Knowledge to Protect our Community (Maher et al., 2000)

Cette deuxième intervention australienne ciblait les jeunes UDI d’origine indochinoise. Les objectifs du projet étaient les suivants : 1) informer ces jeunes UDI sur les infections transmissibles par le sang (ITS) et la consommation de drogues à risque réduit ; 2) clarifier le rôle du dépistage pour les ITS ; 3) développer des habiletés de communication et de partage d’information avec les pairs.

Le programme, comprenant 12 sessions, s’est déroulé sur une période de deux semaines en mai et juin 1999. Il couvrait les concepts d’éducation des pairs et de réduction des méfaits, les risques de transmission des ITS, la consommation à risque réduit, la vie quotidienne avec l’hépatite C, les habiletés de communication et l’accès aux services de santé locaux. Durant les sessions, les participants étaient encouragés à appliquer l’information reçue à des situations et expériences de leur quotidien. En tout, 13 jeunes ont été recrutés et formés à devenir des pairs aidants. Ils recevaient une rémunération s’ils assistaient à au moins 10 des 12 sessions de formation. D’autres mesures d’encouragement étaient également utilisées.

L’évaluation de l’intervention s’est basée principalement sur les perceptions des jeunes pairs aidants. L’information a été recueillie à l’aide d’un formulaire structuré et d’un groupe de discussion. Le formulaire, rempli à la fin de la formation, portait sur la formation elle-même. Le groupe de discussion, tenu deux semaines plus tard, portait sur la formation ainsi que sur les expériences des jeunes en tant que pairs aidants.

Les informations recueillies au moyen des formulaires d’évaluation se révélèrent positives. Les pairs aidants ont indiqué que leurs connaissances sur la transmission des ITS s’étaient améliorées et qu’ils avaient retiré de la satisfaction de leur formation. Dans le groupe de discussion, les participants ont parlé du renforcement de leur estime de soi associé à leur formation comme pair aidant et des expériences positives qu’ils avaient connues en éduquant leurs pairs et des membres de leur famille sur la prévention de la transmission des ITS. Par ailleurs, ils ont également parlé de situations au cours desquelles leur travail de pair aidant avait été contraignant ainsi que des difficultés associées à la nature stigmatisante de l’injection.

The San Francisco Intensive Outreach Program (Gleghorn et al., 1997)

Le SFIOR est un programme intensif d’« outreach » mis sur pied par le Département de santé publique de San Francisco dans le cadre d’une étude multisite plus large, The AIDS Evaluation of Street Outreach Program. Le SFIOR ciblait les jeunes sans abri, les jeunes fugueurs et les jeunes de la rue du quartier Haight-Ashbury à San Francisco. Cette étude ne visait pas uniquement les jeunes UDI, mais nous avons choisi de la présenter car l’évaluation ciblait spécifiquement certains comportements d’injection.

Les objectifs de l’intervention étaient les suivants : 1) augmenter les contacts des jeunes avec les travailleurs d’outreach ; 2) diminuer les comportements à risque pour le VIH chez les jeunes ; 3) augmenter l’accès aux services de prévention.

L’intervention, qui a débuté au début des années 1990, comportait trois composantes : 1) travail d’outreach traditionnel, par des travailleurs de la santé et des pairs aidants, y compris la distribution de condoms, d’eau de javel et d’un dépliant donnant une liste de ressources pour divers besoins ; 2) un centre pour jeunes offrant des activités de prévention du VIH individuelles et de groupe ainsi que des services pour répondre aux besoins de base (repas gratuits et douches) ; 3) le développement d’activités de prévention et de matériel éducatif propres aux sous-cultures des jeunes.

Le SFIOR a été évalué à l’aide d’un devis quasi-expérimental entre 1993 et 1995. Six enquêtes transversales séquentielles ont été menées, deux avant et quatre durant l’intervention. Le recrutement s’effectuait dans le secteur où se faisait l’intervention et dans trois autres secteurs de comparaison. Peu de services de prévention pour les jeunes étaient offerts dans les sites de comparaison choisis. Deux de ces sites avaient un programme d’échange de seringues (PES) sur leur territoire. Toutefois, aucun de ces PES ne ciblait spécialement les jeunes.

Par ailleurs, un PES pour les jeunes, qui ne faisait pas partie de l’intervention évaluée, a été implanté durant la quatrième vague de collecte de données. Ce programme ciblait les jeunes UDI du quartier Haight-Ashbury et était publicisé uniquement par le bouche à oreille (ce PES est décrit dans la prochaine section).

En vue de l’évaluation, les participants étaient recrutés selon une technique d’échantillonnage systématique « basée sur les rues » (« street based »). Pour être admissibles, les jeunes devaient 1) être âgés entre 12 et 23 ans ; 2) être sans abri depuis au moins deux mois ou être impliqué dans l’économie de la rue (prostitution, vente de drogues, vol, quête, pornographie ou revente de biens volés), ou les deux. Les données, recueillies à l’aide d’un questionnaire standardisé, couvraient les domaines suivants : caractéristiques démographiques, caractéristiques à risque (orientation sexuelle, activités sexuelles de survie, injection de drogues), activités sexuelles récentes, contacts des jeunes avec les travailleurs d’outreach (TO), références faites par le TO connu de façon plus particulière et comportements de réduction des risques pratiqués par le jeune (utilisation du condom lors de la dernière relation sexuelle, utilisation d’une seringue neuve lors de la dernière injection chez les UDI s’étant injecté des drogues durant les six mois précédents et avoir fait le suivi pour des références liées au VIH au cours des six derniers mois).

Au total, 1 146 participants ont été recrutés pour l’évaluation, soit 246 au site d’intervention et 183 aux sites de comparaison avant l’implantation de l’intervention, et 392 au site d’intervention et 325 aux sites de comparaison durant l’intervention.

Les résultats ont montré que l’intervention avait rejoint une population de jeunes à haut risque. Une analyse de régression logistique multivariée a permis de détecter une association significative entre l’intervention et le fait d’avoir parlé à un TO, d’avoir eu plus de contacts avec un TO et d’avoir eu un plus grand nombre de références vers d’autres services. Cependant, l’intervention n’était pas associée à l’utilisation d’une seringue propre lors de la dernière injection chez les UDI. De même, aucune association n’a été détectée entre l’intervention et l’utilisation du condom lors de la dernière relation sexuelle, et ce, peu importe le type de partenaire.

En lien avec le PES pour jeunes implanté durant l’intervention, l’analyse multivariée a montré que les jeunes UDI ayant accès à ce PES avaient une probabilité trois fois plus élevée d’avoir utilisé une seringue propre lors de leur dernière injection que les jeunes qui n’y avaient pas accès.

The secondary syringe exchange program for young homeless IDUs in San Francisco (Sears et al., 2001)

L’intervention SFIOR, décrite dans la section précédente, s’est terminée en septembre 1996. Cependant, certains de ses éléments ont été conservés, dont le PES pour jeunes UDI. Les objectifs de ce PES étaient de rejoindre les jeunes UDI sans abri et de diminuer leurs comportements à risque pour le VIH. Ce PES est dit « secondaire » parce que les services ne sont pas offerts directement par un organisme, mais plutôt par l’intermédiaire d’un réseau de pairs.

Le PES secondaire a été mis sur pied et exploité par des jeunes UDI du parc Golden Gate. Ces jeunes ont été formés et appuyés par un organisme communautaire. Leur but était d’offrir les services d’échange 24 heures par jour, sept jours par semaine. En plus des seringues, le PES secondaire distribuait des « cookers » (contenants pour chauffer la drogue), des filtres, des bouteilles d’eau, des tampons d’alcool, des contenants de récupération pour les seringues et du matériel éducatif pour les jeunes UDI conçu par des pairs. Le personnel de l’organisme communautaire effectuait des visites quotidiennes au parc et travaillait étroitement avec les pairs échangeurs. Son rôle était de veiller au maintien des inventaires de matériel, d’aider à la résolution de problèmes potentiels et de rendre des services additionnels, selon les besoins.

L’évaluation a été effectuée auprès de participants âgés de 15 à 25 ans répartis en deux groupes : le groupe d’intervention, recruté au parc Golden Gate, et le groupe de comparaison, recruté dans un autre secteur de San Francisco. Pour être admissibles, les jeunes devaient s’être injecté des drogues durant les 30 derniers jours et avoir été sans abri durant la même période. Le questionnaire couvrait les caractéristiques démographiques (âge, sexe, ethnicité, etc.), la santé, la consommation de drogues, la fréquentation de PES et de PES secondaires ainsi que les comportements sexuels et d’injection à risque pour le VIH. Les participants des deux sites ont été comparés en analyse univariée sur certains comportements à risque liés à l’injection et certains comportements sexuels à risque : partage de seringues, réutilisation de ses propres seringues, activités sexuelles, nombre de partenaires sexuels, relations sexuelles avec un partenaire UDI et fréquence d’utilisation du condom. Pour chaque variable montrant une différence entre les deux groupes, l’effet indépendant de l’intervention était évalué à l’aide de la régression logistique multivariée, en contrôlant pour les variables confondantes potentielles comme l’âge et le sexe.

Entre juillet et septembre 1997, 122 jeunes ont participé à l’évaluation, soit 67 au site d’intervention et 55 au site de comparaison. Les participants s’injectaient des drogues en moyenne depuis 4,6 années. La régression logistique multivariée a démontré que le site d’intervention avait un effet protecteur pour trois variables, soit le partage de seringues, la réutilisation de ses propres seringues et l’utilisation non constante du condom avec un partenaire occasionnel. Le site d’intervention n’avait toutefois pas d’effet sur l’utilisation d’un filtre usagé.

The Harm Reduction Central intervention for Youth in Los Angeles (Weiker et al., 1999)

Le Harm Reduction Central, un local situé dans le secteur de Hollywood à Los Angeles, offre des services aux jeunes qui sont des UDI, des partenaires sexuels d’UDI ou des consommateurs de drogues à risques élevés. Durant la période d’évaluation, les services offerts au local étaient l’échange et la distribution de seringues, la distribution de trousses d’injection sécuritaire, la distribution de matériel d’information sur la réduction des méfaits préparé par et pour des UDI, des programmes d’art créatif, du counselling sur la consommation de substances, et enfin, du suivi de cas où un pair aidant liait les clients avec les différents services. Les services du HRC étaient offerts dans une perspective de réduction des méfaits. L’objectif premier du HRC était d’amener les jeunes UDI actifs à s’impliquer dans un programme à plusieurs niveaux pouvant les aider à améliorer leur estime de soi, à prendre du contrôle sur leur vie, à sortir de la rue et à diminuer les conséquences négatives de leur consommation de drogues.

L’intervention a été évaluée conjointement par l’organisme communautaire l’ayant implanté (le Clean Needle Now) et une organisation de recherche (Division of Adolescent Medicine of Children’s Hospital Los Angeles). L’évaluation a été effectuée à l’aide de plusieurs méthodes : observation et documentation des activités du programme, collecte de données sur l’utilisation des services, groupes de discussion, entrevues ethnographiques individuelles et entrevues quantitatives structurées.

L’article de littérature que nous avons trouvé portait principalement sur le processus de l’évaluation conjointe de l’intervention. Il présentait toutefois quelques résultats de cette évaluation. Ainsi, l’analyse des profils d’utilisation des services et les entrevues ethnographiques ont montré que, bien que tous les services offerts par le centre aient été importants pour les jeunes, l’intervention centrale était l’échange de seringues. Cette intervention répondait à leurs besoins immédiats. Cependant, même si les jeunes venaient au départ spécifiquement pour l’échange de seringues, ils s’engageaient peu à peu dans les autres services offerts. Le centre était considéré par les jeunes comme un endroit sûr, où ils pouvaient venir chercher des services en lien avec leur consommation de drogues sans se sentir jugés. Par ailleurs, lors des entrevues qualitatives, les jeunes ont indiqué que les pairs aidants jouaient un rôle essentiel dans leurs liens avec le programme.

Conclusion

Les jeunes UDI présentent de nombreux comportements à risque d’infection par le VIH et le VHC, tant des comportements d’injection que des comportement sexuels. Par ailleurs, ils ont des besoins particuliers liés à leur stade de développement cognitif et psychologique ainsi qu’aux contraintes légales auxquelles ils font face. Les interventions en prévention du VIH et du VHC qui s’adressent aux jeunes UDI devraient cibler à la fois leurs comportements d’injection et leurs comportements sexuels, et elles devraient prendre en considération leurs caractéristiques. Or, nous n’avons réussi à trouver que quelques interventions ciblant spécifiquement les jeunes UDI et dont l’efficacité ait été démontrée. Ces interventions visaient principalement l’éducation, le dépistage pour le VIH ou le VHC et la distribution de matériel visant la réduction de méfaits (condoms, eau de javel, seringues). Elles ont démontré une certaine efficacité quant à la réduction des risques, mais principalement en lien avec les comportements d’injection.

Dans les interventions que nous avons révisées, la composante clé était l’« outreach » offert par des intervenants ainsi que par des pairs. L’implication des pairs semble représenter un bon moyen de rejoindre ces jeunes et de leur offrir des services, mais il faudrait concevoir des mécanismes importants de support à leur intention. L’outreach apparaît également comme une bonne façon d’établir un lien entre les jeunes et les autres services sociaux et de santé. La distribution de seringues et des autres matériels d’injection est un élément important d’un programme visant la réduction des pratiques d’injection à risque. Toutefois, les taux élevés de comportements à risque relevés dans les groupes où une intervention était implantée montrent que des programmes plus complets doivent être instaurés.

Les études d’évaluation révisées comportaient un certain nombre de limites dont il faut tenir compte avant de tirer des conclusions. Tout d’abord, la plupart des recherches étaient transversales, limitant ainsi la possibilité d’explorer la relation temporelle entre l’intervention et les comportements à risque. De plus, peu d’études ont été menées avec des techniques d’échantillonnage aléatoire pour recruter les participants, et les résultats obtenus ne sont peut-être pas généralisables à d’autres jeunes UDI. De plus, les jeunes n’étaient pas distribués de façon aléatoire entre les groupes d’intervention et de contrôle et même, dans certains cas, les groupes étaient sujets à de la contamination croisée. Les données étaient généralement auto-rapportées, ce qui peut entraîner un biais de désirabilité sociale et des erreurs de mémoire. Finalement, les temps de suivi étaient très courts.

Par ailleurs, bien que nous ayons visé la plus large couverture possible, notre propre stratégie de recherche présente aussi ses limites. Elle se trouve, en effet, biaisée en faveur des pays développés et qui possèdent plus de moyens. Dans ces pays, les données sont plus largement publiées, donc plus faciles à obtenir. Elle est aussi biaisée en faveur des pays où l’épidémie de VIH est plus ancienne. En effet, ces pays ont eu plus de temps pour implanter et évaluer des interventions. Finalement, nous n’avons pas été en mesure de contacter des informateurs-clés pour certaines régions du monde, notamment pour la majorité des pays d’Asie et d’Europe de l’Est. Pour ces régions, seule la littérature révisée par les pairs a pu être considérée.

Dans cet article, nous nous sommes concentrés sur l’infection par le VIH et l’hépatite C. Cependant, tel que mentionné dans l’introduction, l’injection entraîne de nombreuses autres conséquences sanitaires et sociales. Les interventions visant les jeunes UDI, en plus de viser la réduction de l’infection par le VIH et le VHC, doivent également tenter de cibler les autres conséquences médicales liées à l’injection. Par exemple, tout projet d’intervention auprès de ces jeunes doit intégrer des services de dépistage des MTS et de vaccination contre l’hépatite B. Au delà de ces actions préventives de nature médicale, les interventions auprès de ces jeunes doivent intégrer des services plus globaux afin de favoriser la réintégration de ces jeunes et, éventuellement, leur sortie de la rue.

En conclusion, il apparaît urgent de développer des interventions qui répondent spécifiquement aux besoins des jeunes UDI. De plus, il est primordial que de telles interventions soient évaluées rigoureusement afin d’en démontrer l’efficacité. Finalement, seule la diffusion des résultats de ces évaluations peut permettre à d’autres groupes de mettre à profit ces connaissances et ainsi élargir la gamme des interventions disponibles pour les jeunes UDI.