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Le livre rassemble onze rapports présentés lors du symposium sur la « Participation des acteurs sociaux du secteur productif à l’intégration régionale » organisé pour le 50e Congrès international des américanistes à Varsovie en juin/juillet 2000. Les auteurs sont des académiciens originaires du Mexique, du Pérou, de l’Argentine, du Venezuela et de la Suède. La variété des thèmes traités est importante, mais ils sont ordonnés par degré de généralité. Les premiers chapitres se concentrent sur les conséquences macro-économiques de l’intégration régionale. À la différence de la plupart des études sur ce sujet, les aspects commerciaux ne dominent pas et l’ouvrage aborde d’autres thèmes tels que le secteur financier et la coordination des politiques monétaires. Dans une deuxième partie, il est fait référence aux acteurs de l’intégration : le caractère de leur participation, les effets qu’ils doivent supporter et le rôle qu’ils sont amenés à jouer. Ces analyses correspondent à une tendance récente qui se préoccupe de la participation de la société à l’intégration.

La première étude de Jaime Basso analyse l’évolution du système financier en Amérique latine au cours de la dernière décennie. L’auteur se concentre sur la restructuration du secteur et la participation étrangère. Pour Basso, la libération et la dérégulation financière auront eu un rôle fondamental dans la croissance économique en permettant un plus grand flux d’investissement. Il envisage la perspective de l’intégration du secteur au niveau régional mais aussi global. Pour lui, la stabilité monétaire et financière est la condition pour la création d’un marché commun continental. Ce sujet est repris par Jaime Behar qui se penche sur le cas du Mercosur. Au départ, l’auteur se concentre sur les efforts qui devraient être entrepris pour coordonner les politiques macro-économiques et réaliser une union monétaire. Il focalise son analyse sur le degré de synchronisation des cycles économiques nationaux. Behar constate un manque de flexibilité, imputé aux structures économiques en place, qui empêche le Mercosur de faire face aux chocs asymétriques de la demande. Il constate que le Brésil et l’Argentine partagent comme priorité la lutte contre l’inflation mais les moyens de stabilisation utilisés sont différents. Il en conclut que l’harmonisation des politiques macro-économiques et la création de l’union monétaire sont difficilement réalisables. Luis Toro, dans un cadre plus traditionnel, étudie le processus de négociation entre la Communauté andine des nations (can) et le Mercosur. Il analyse l’augmentation récente des flux réciproques et estime que l’échange de préférences douanières devrait favoriser la création d’une zone de libre échange. De plus, pour Toro, le rapprochement permettrait aux pays de renforcer leur position dans l’optique des négociations sur la Zone de libre-échange des Amériques.

Les effets du processus d’ouverture commerciale sur les agents de production sont étudiés par Luisa Molina qui analyse le cas du secteur du riz en Colombie et au Venezuela. Elle justifie la pratique d’une bonne administration du commerce, notamment pour éviter l’usage du dumping. Elle analyse le rapprochement qui s’est opéré entre les agents de production des deux pays conduisant le processus intégrationniste à renforcer la pratique d’une intervention active. Oscar Florez et Anabella Dávila analysent les effets du processus de libéralisation économique du Mexique sur le secteur sidérurgique en distinguant les facteurs contextuels et intrinsèques qui ont affecté sa restructuration récente. Même si les auteurs reconnaissent l’importance des premiers, ils estiment que la transformation est surtout le fait des modalités intrinsèques de la gestion d’entreprise. Les auteurs se penchent sur les stratégies corporatives modernes des groupes économiques, basées sur une gestion traditionnelle de type familial, qui misent sur l’intégration et la diversification de la production ainsi que sur des alliances avec des investisseurs étrangers. Pour eux, cette caractéristique aura permis au secteur de faire face aux défis de la libéralisation. Rita Giacalone prend le problème à l’envers et étudie la participation des acteurs productifs au processus d’ouverture pour le cas du secteur métallurgique et textile en Colombie et au Venezuela. Elle axe son étude sur leur capacité d’influence sur la structure étatique dans un contexte de rapprochement entre les deux pays. Pour elle, le modèle d’intégration en vigueur en Amérique latine tend à favoriser la participation des acteurs productifs géographiquement centraux et proches de l’État. Elle estime donc que les zones frontalières ont tendance à être marginalisées.

Tout comme dans les deux thèmes suivants, Noemí Mellado souhaite une démocratisation du processus d’intégration. Elle divise les acteurs en deux groupes en fonction de leur niveau de participation à la création du Mercosur. Le premier a eu un rôle décisif (gouvernements et grands groupes économiques) contrairement à l’autre qui regroupe les syndicats et associations de pme. L’auteur appelle à un approfondissement de la participation de ces derniers acteurs pour que les intérêts de toute la société soient pris en considération. De manière complémentaire, Noemí Olivera concentre son analyse sur les modalités de participation et accorde une grande importance au rôle de l’État comme régulateur. Elle se base sur l’étude du secteur laitier argentin. Elle confirme la non-existence des pme du secteur agro-industriel dans le processus d’intégration du Mercosur. Pour l’auteur, la solution passe par l’adoption de mécanismes gouvernementaux garantissant une participation formelle. Alejandro Marinello analyse la participation des syndicats dans le Mercosur et part du principe qu’ils ont toujours été exclus des débats qui leur étaient propres. Il constate une différence des perceptions et priorités syndicales entre le Brésil et l’Argentine ainsi qu’une disproportion importante entre les efforts déployés par les syndicats des deux pays et les résultats obtenus. Pour l’auteur, ces différences sont dues à la prédominance de l’action des gouvernements et grands groupes économiques. Pour lui, ce constat empêche le Mercosur d’obtenir une meilleure redistribution des coûts et bénéfices de l’intégration. Au contraire, Marleny Bustamante attribu le manque de participation des syndicats du textile et de la métallurgie dans la can aux limites des acteurs eux-mêmes. Pour elle, le comportement passif des syndicats se retrouve dans tous les secteurs productifs. Elle amenuise la fonction des syndicats en concluant que les intérêts et la participation des travailleurs sont surtout canalisés au travers des règlements institutionnels.

Luis Ocampo se focalise sur les structures et le comportement clientéliste dans le secteur rural de l’État de Guerrero (Mexique) pendant la période du Parti révolutionnaire institutionnel (pri). L’étude montre comment des facteurs historiques peuvent retarder ou faciliter la capacité de participation de certains acteurs à l’intégration régionale. Cette étude se situe en marge des autres puisque les aspects économiques ne sont pas traités et l’intégration apparaît en toile de fond contextuelle plus que comme moteur de la transformation domestique.

L’ouvrage est d’une grande clarté et il permet au lecteur de mieux saisir une partie des enjeux soulevés par le processus d’intégration en Amérique latine. Se basant sur des cas spécifiques, les textes brossent un panorama intéressant. Les auteurs relèvent les questions pertinentes qui devraient permettre de consolider le rapprochement en cours entre les différents pays. Dans la mesure où il s’agit d’une compilation d’exposés, l’ouvrage tente tant bien que mal d’organiser une logique de présentation. Pour cette raison, certains thèmes se répètent, des auteurs se contredisent ou se complètent, mais c’est tout à l’avantage du livre qui s’en trouve enrichi.