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Alors que le monde des affaires a été récemment perturbé par de nombreux scandales et manquements à l’éthique en gestion, Ethical Issues in Contemporary Human Resource Management est un ouvrage qui tente d’apporter un éclairage et des réponses à un thème qui est en pleine effervescence. Cet ouvrage collectif examine les considérations éthiques dans les diverses activités organisationnelles relevant de la gestion des ressources humaines. Il livre de manière structurée et cohérente les propos essentiels et les différentes réflexions abordés lors de congrès et de conférences sur cette question.

Composé de 16 chapitres regroupés en trois parties, cet ouvrage commence par traiter, dans une première partie composée de deux chapitres, du contexte de l’éthique en gestion des ressources humaines. La deuxième partie, à savoir l’analyse des activités de gestion des ressources humaines pour lesquelles les préoccupations éthiques sont plus criantes, regroupe dix chapitres. La troisième partie constituée de trois chapitres aborde les aspects pratiques des interventions éthiques. En conclusion, le chapitre 16 reprend l’essentiel des propos et développe de nouvelles pistes de réflexion.

Le premier chapitre, en guise d’introduction, résume les différentes approches théoriques qui encadrent la compréhension et le rôle de l’éthique dans la gestion des ressources humaines. Ce chapitre d’un grand intérêt académique présente une évolution historique des principaux travaux dans le domaine. Il offre aux lecteurs les différentes définitions de l’éthique pour ensuite examiner les cadres théoriques qui en traitent. Le chapitre deux, rédigé par Legge, examine l’éthique en gestion des ressources humaines dans les entreprises internationales. À travers l’accélération du besoin de modernisme, l’intensification de la compétition, la recherche constante de la performance et la promulgation du règne du client, l’auteure s’intéresse à l’effet pervers de certaines pratiques organisationnelles qui minent le traitement éthique des employés au service des multinationales.

Le chapitre trois entame la deuxième partie de l’ouvrage. Faisant référence aux activités de dotation, Spence affirme que le respect de l’éthique dans le déroulement des entrevues de sélection revêt une grande importance en gestion des ressources humaines puisque celles-ci constituent le premier contact entre le candidat et la culture organisationnelle. Dans le chapitre subséquent, Baker et Cooper traitent des perspectives éthiques à être considérées dans l’administration des tests occupationnels et psychométriques et présentent des moyens concrets permettant aux professionnels des ressources humaines de vérifier si les pratiques de sélection implantées favorisent un traitement éthique des employés. Liff et Dickens, dans le chapitre cinq, tentent de concilier deux concepts : éthique et égalité. Les auteurs posent le dilemme qui consiste à réaliser l’équité d’une part et à respecter l’éthique organisationnelle. Les auteurs expliquent que la cause ce dilemme réside dans le défi de la gestion de la diversité qui, contrairement à l’équité, cherche à tirer profit des différences individuelles au sein des organisations. Le chapitre six examine les questions d’éthique susceptibles de surgir à l’occasion de l’implantation de programmes visant à protéger et à accroître le bien-être des employés. Selon Doherty et Tyson, l’urgence de se pencher sur le bien-être des employés au travail n’est pas nécessairement induite par un soudain intérêt de la haute direction envers la santé physique et morale des employés, mais plutôt par la recherche d’une plus grande productivité. En voulant protéger le bien-être des employés, les gestionnaires se retrouvent en quelque sorte dans une situation confuse puisqu’en augmentant les exigences pour une meilleure performance, ils sont à l’origine du malaise des employés. Alors qu’à prime abord l’idée d’étudier les considérations éthiques associées aux activités de développement des ressources humaines n’apparaît pas si évidente, Woodall et Douglas, dans le chapitre sept, nous expliquent de façon structurée et fort ingénieuse le manque d’éthique dont certaines activités de formation et de développement organisationnel sont susceptibles de faire preuve. Le chapitre huit traite des manquements à l’éthique occasionnés par les nouvelles formes d’aménagement du travail qui ne font que gagner en popularité. Selon Stanworth, le travail autonome, à temps partiel, temporaire et à distance correspondent à des emplois précaires qui désavantagent les employés qui les occupent, notamment en termes d’accès à certains bénéfices organisationnels (i.e. les avantages sociaux, la formation, la gestion des carrières). Simpson, dans le chapitre neuf, remet en cause de façon originale le traitement éthique réservé aux gestionnaires qui doivent, pour conserver leur emploi dans un monde organisationnel hanté par la rationalisation d’effectifs, travailler de longues heures et être visibles auprès de leurs supérieurs hiérarchiques. L’auteure examine les conditions implicites qui donnent accès aux employés à un statut permanent, mais qui en même temps créent une injustice flagrante entre les employés. Dans le chapitre dix, Heery fait le procès des nouvelles formes de rémunération en termes de déficience du point de vue éthique. Les nouvelles formes laissent une place importante à l’arbitraire de l’employeur et peuvent résulter en des iniquités flagrantes. Il est vrai qu’elles encouragent le risque, par contre, elles transfèrent la responsabilité de l’échec de l’employeur à l’employé. Par une série d’arguments plus ou moins convaincants, l’auteur déplore le peu d’éthique associé aux nouvelles formes de rémunération qui, dans bien des cas, n’arrivent pas à atteindre les objectifs pour lesquels elles ont été implantées. Le chapitre 11 traite d’un paradoxe en gestion des ressources humaines, celui de la gestion de la performance. Selon Winstanley, au coeur de la gestion de la performance se trouve une contradiction accablante celle, d’une part, de vouloir encourager l’autonomie, la réalisation de soi et le développement du potentiel des employés et celle, d’autre part, de vouloir constamment tout mesurer, contrôler et constamment évaluer dans le but de vérifier la rentabilité. Face à ces deux inconciliables réalités auxquelles font face les entreprises d’aujourd’hui, l’auteure apporte des solutions qui cherchent à « humaniser » les systèmes d’évaluation dans le but de contrer les incohérences en gestion et le manque d’éthique. Le chapitre 12 conclut la partie II et traite des questions d’éthique qui entourent la participation des employés et leur implication au travail. Claydon commence par rappeler que, d’une part, la contribution de la main-d’oeuvre est traitée comme une commodité alors que, d’autre part, les employeurs font constamment appel à la coopération des travailleurs et les incitent à devenir des membres à part entière des organisations.

La troisième partie de l’ouvrage, consacrée aux applications pratiques des notions d’éthique en gestion des ressources humaines contient trois chapitres. Le chapitre 13 relate une étude de cas de l’entreprise « The Body Shop » dans une expérience d’audit social. Sillampää et Jackson montrent l’importance d’effectuer un audit social dans le but d’identifier les carences à l’éthique et de déterminer les possibilités d’amélioration en impliquant les différents acteurs organisationnels. Dans le chapitre 14, Taylor et Jones soulignent l’intérêt d’établir des chartes ou des codes de conduite dans le but de mieux expliciter les responsabilités et les droits des employés ainsi que leur relation avec l’employeur. Le chapitre 15 traite du « Whistleblowing », à savoir des pratiques de dénonciation des comportements non éthiques dans les organisations par les employés encore en poste ou ayant quitté l’organisation. Alors que, traditionnellement, les employés dénonciateurs ont généralement été traités comme des faiseurs de troubles qui méritent un châtiment, tout porte à croire qu’ils sont en train de devenir la voie de la raison dans les entreprises et qu’il faut les encourager !

En conclusion, dans le chapitre 16, Woodall et Winstanley tentent de tracer la voie à suivre pour les prochaines recherches sur la question de l’éthique en gestion des ressources humaines. Les auteurs prônent une nécessité d’agir, de poser des actions concrètes et d’initier des processus pour rendre la gestion plus perméable aux questions d’éthique. Ils posent également la question de l’intégrité des acteurs qui malheureusement est souvent reléguée à un second ordre.

Cet ouvrage est sans doute indispensable à toute personne oeuvrant dans le domaine de la gestion des ressources humaines puisqu’il l’incite à remettre en question le bien-fondé de certaines pratiques organisationnelles courantes. Les moyens proposés pour rendre les pratiques plus conformes à l’éthique ne sont malheureusement pas toujours très explicites. Il n’en demeure pas moins que les analyses et l’argumentation qui entourent les différents enjeux et qui jettent de l’ombre sur ce que les chercheurs et les praticiens ont consacré comme étant les « meilleures pratiques » constituent assurément un pas en avant pour une plus grande sensibilisation face à cette question et en vue de garantir un plus grand respect de l’éthique en gestion des ressources humaines.