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Introduction

En rivière à lit de graviers, les particules se présentent selon divers arrangements complexes qui entraînent des changements de rugosité à plusieurs échelles (Naden, 1987 ; Robert, 1990 ; Clifford et al., 1992). Les blocs isolés et les amas de galets constituent les principaux éléments de la rugosité du lit (ci-après nommés éléments de rugosité) qui influencent la variabilité spatiale de la résistance à l’écoulement et qui stabilisent la surface (Dal Cin, 1968 ; Brayshaw, 1985 ; Naden et Brayshaw, 1987). Dans cette perspective, la connaissance de ces arrangements sédimentologiques mène à une meilleure compréhension de la dynamique du transport des sédiments, de l’écoulement et de la stabilité des lits de rivières.

Plusieurs travaux ont tenté d’identifier les principales variables responsables de l’arrangement des particules sur le lit des rivières. La taille (Leopold et al., 1964 ; Hey, 1979 ; Bray, 1980, 1982 ; Griffiths, 1981 ; Millar, 1999), la concentration (Morris, 1955 ; Nowell et Church, 1979 ; Raupach, 1981 ; Robert etal., 1992, 1993 ; Robert, 1996 ; Smart, 1999), l’orientation (Wohl et Ikeda, 1998) et l’organisation spatiale (Hassan et Reid, 1990) des éléments de rugosité sont les variables le plus souvent utilisées pour caractériser l’effet des blocs et des amas de galets sur l’écoulement. À l’échelle d’un tronçon de cours d’eau, l’organisation spatiale des blocs et des amas de galets représente sans aucun doute l’une des variables les plus importantes puisqu’elle comprend à la fois la notion de concentration et celle de taille des particules.

La description de l’organisation spatiale des blocs et des amas de galets a surtout été effectuée à partir d’observations provenant de photographies des particules qui composent la surface du lit. Cette méthode a permis l’identification de plusieurs arrangements jouant un rôle significatif dans la dynamique de l’écoulement. À partir de photographies prises en altitude sur les versants adjacents à une rivière, De Jong et Ergenzinger (1995) ont identifié l’emplacement individuel des amas de galets sur deux sections d’échantillonnage. Ils ont observé que les amas de galets ont tendance à s’organiser sous forme de losanges de sorte qu’ils sont rarement situés immédiatement à l’aval l’un de l’autre. On a supposé que la production de turbulence à l’aval d’un obstacle à l’écoulement empêche la naissance d’une nouvelle forme (De Jong et Ergenzinger, 1995). Les travaux de Hassan et Reid (1990) avaient déjà montré que l’espacement moyen entre les amas de galets atteignait jusqu’à 1,15 m dans des sections de cours d’eau d’une largeur moyenne de 3,5 m.

Les blocs et les amas de galets s’alignent fréquemment. Ils forment des séries d’éléments de rugosité d’échelles différentes dans une section de cours d’eau (Martini, 1977). Les alignements ont été décrits en détail par McDonald et Banerjee (1971), Gustavson (1974) et Naden et Brayshaw (1987) à partir de photographies du lit. Ils sont généralement composés d’au moins six éléments de rugosité et ont une hauteur égale à l’axe c des particules individuelles. Les alignements présentent différents stades d’évolution. Ils traversent le chenal d’une rive à l’autre selon une orientation oblique et, moins souvent, perpendiculaire à l’écoulement (Tribe et Church, 1999). Leur destruction partielle peut entraîner la présence d’alignements scindés en deux parties qui persistent près des berges (De Jong et Ergenziner, 1995).

Lorsque plusieurs alignements se joignent, l’organisation des blocs et des amas de galets prend fréquemment la forme de structures circulaires. Les structures circulaires ont d’abord été identifiées par McDonald et Banerjee (1971), puis par Gustavson (1974), Bluck (1987) et Tait et al. (1992). Elles n’ont cependant pas été traitées de façon systématique et elles peuvent parfois être difficiles à observer (Hassan et Church, 2000). Church et al. (1998) ont cartographié la distribution de cailloux et de blocs isolés à l’aide de photographies prises à partir d’un ballon. Les cartes montrent que les particules grossières s’organisent en cellules circulaires fermées dont le diamètre augmente avec la taille moyenne des particules de la section d’étude. Ce type d’organisation spatiale stabilise la surface du lit et semble limiter les modifications texturales en réduisant considérablement la mobilité des particules grossières qui protègent le matériel plus fin (Church et al., 1998 ; Zimmermann et Church, 2001).

Bien que la reproduction cartographique effectuée à partir de photographies permette une identification de la distribution spatiale des blocs et des amas de galets, la cartographie directe du lit permet l’examen détaillé des caractéristiques de l’organisation spatiale de ces éléments de rugosité à une échelle d’observation donnée. Peu de cartes ont été réalisées en milieu naturel, même s’il est essentiel d’avoir une connaissance détaillée de la morphologie du lit pour bien caractériser l’écoulement sur cette surface (Buffin-Bélanger et al., 2000). Plusieurs causes peuvent expliquer cette lacune. D’abord, bien que la photogrammétrie semble prometteuse en laboratoire elle reste difficile à réaliser à l’échelle d’une rivière (Lane et al., 2001). Ensuite, la nature des entités à localiser rend problématique l’élaboration d’une approche cartographique sur le terrain, les différents éléments de rugosité du lit ayant tendance à s’imbriquer (Laronne et Carson, 1976). En effet, les blocs font partie intégrante des amas de galets et ces derniers composent les alignements. Cette imbrication cause certains problèmes quant à la nature des relations que nous pouvons établir entre la localisation des divers éléments de rugosité. En partie liée à ces difficultés, la question de l’organisation des blocs et des amas de galets demeure ouverte. L’organisation des éléments de rugosité se manifeste-t-elle par une structure évidente ou correspond-elle à une distribution aléatoire ?

Afin de mieux identifier les caractéristiques de l’organisation spatiale des blocs et des amas de galets, l’objectif premier de cette étude est d’évaluer deux stratégies d’échantillonnage qui permettent de les cartographier directement dans les rivières à lit de graviers. Ces stratégies permettront ensuite de décrire et de quantifier leur organisation spatiale à l’échelle d’un tronçon de cours d’eau, pour finalement comparer les caractéristiques observées de l’organisation spatiale des principaux éléments de rugosité à celles de distributions aléatoires.

Méthodes

Sites d’étude

Nous avons étudié l’organisation spatiale des blocs et des amas de galets dans quatre sites. Une section de près de 30 mètres de longueur a été échantillonnée dans deux rivières du bassin de la rivière Nicolet dans la région des Bois-Francs au Québec (fig. 1 et 2). Dans ce secteur, les dépôts meubles sont formés d’un till indifférencié composé d’un mélange de matériaux de granulométrie et de proportion variable allant des argiles aux blocs. Les caractéristiques du ruisseau Moras et du ruisseau Guertin sont présentées au tableau I. Dans chacun des ruisseaux, on observe la présence de blocs, d’amas de galets et de formes transversales bien développés en raison de l’hétérométrie des particules.

Deux campagnes d’échantillonnage ont aussi été menées à la rivière Eaton Nord dans la région de l’Estrie au Québec (fig. 1 et 2). Nous avons effectué une première campagne à l’automne 1999 et une seconde, à l’été 2000. La majorité des sédiments qui composent le chenal est formé de matériel fluvio-glaciaire et alluvial remanié. Les caractéristiques des sections étudiées sur la Eaton Nord sont présentées au tableau I. Nous observons que le cours d’eau est deux fois plus large que les ruisseaux Moras et Guertin. Le lit est composé d’un grand nombre d’amas de galets et de blocs protubérants dont l’axe b peut atteindre près de 0,45 m.

Stratégies d’échantillonnage

En l’absence d’un protocole expérimental déjà établi pour étudier l’organisation morphologique du lit, nous avons d’abord élaboré deux méthodes de cartographie du lit qui permettent de localiser les blocs et les amas de galets sur des cours d’eau de différentes tailles, à l’aide d’une station tachéométrique Leïca TC805L. Elles consistent en 1) une cartographie ponctuelle des blocs et des amas de galets et 2) une cartographie systématique de la topographie du lit.

La cartographie ponctuelle consiste à localiser et à cartographier uniquement les éléments de rugosité d’intérêt du lit sur des sections de cours d’eau dont la largeur est inférieure à une dizaine de mètres. Dans cette étude, nous nous sommes concentrés sur les blocs et les amas de galets. Deux critères limitaient la sélection des éléments à cartographier. D’abord, les blocs et les amas de galets échantillonnés doivent respecter un seuil de taille minimale. Le seuil adéquat est déterminé sur le terrain selon la représentativité de leur taille par rapport à la granulométrie de la section d’étude. Le d84, estimé à partir d’une moyenne de trois cents particules, est retenu comme étant la taille minimale de l’axe b des éléments à cartographier dans chacune des sections. Nous avons choisi de représenter les éléments qui jouent un rôle prépondérant sur la résistance à l’écoulement. Le second critère concerne exclusivement les amas de galets. Pour être échantillonnés, les amas doivent correspondre à une définition structurale précise. Ainsi, les amas de galets sont échantillonnés seulement lorsque les particules alignées à la surface du lit sont imbriquées. Les particules doivent aussi être ancrées au lit. L’imbrication n’influence pas le choix des blocs et des amas de galets à cartographier. En effet, les blocs peuvent se retrouver à l’intérieur d’amas de galets ce qui n’empêche pas leur échantillonnage en tant qu’élément distinct. Dans le ruisseau Moras, nous avons identifié vingt amas de galets et 128 blocs ayant un axe b minimal de 0,2 m. La densité des éléments de rugosité est de 0,5 par mètre carré. Sur la section du ruisseau Guertin, onze amas de galets et 183 blocs ayant un axe b de plus de 0,25 m ont été localisés. Nous avons observé au moins un élément de rugosité par mètre carré pour l’ensemble de la section. Pour que les amas de galets soient échantillonnés, l’aire doit avoir au moins 0,1 m2.

Figure 1

Localisation des ruisseaux Moras et Guertin (Bois-Francs, au Québec) et de la rivière Eaton Nord (Estrie, au Québec).

Location of Ruisseau Moras, Ruisseau Guertin (Bois-Francs, Québec) and Rivière Eaton Nord (Eastern Townships, Québec).

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Figure 2

a

b

c

a) Vue amont du ruisseau Moras et b) du ruisseau Guertin. c) Vue vers l’aval de la rivière Eaton Nord.

a) Upstream view of Ruisseau Moras and b) Ruisseau Guertin. c) Downstream view of Rivière Eaton Nord.

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La cartographie systématique de la topographie du lit repose sur un échantillonnage très dense de la topographie du lit le long de coupes transversales dans un tronçon de rivière. Cette méthode, utilisée sur des rivières dont la largeur excède environ dix mètres, simplifie l’identification et la description de l’organisation des principaux éléments de rugosité du lit. Elle permet en plus d’éviter les problèmes associés à la superposition des blocs et des amas de galets. Les cartes de la topographie du lit sont effectuées à partir de mesures d’élévation prises de façon systématique à tous les 0,50 m sur l’ensemble de la section d’étude. À cette grille systématique s’ajoutent les ruptures de pente importantes du lit et les changements de rugosité qui sont critiques pour détailler la morphologie du lit. Pour être identifié comme un élément de rugosité à l’écoulement à partir des cartes résultantes, le bloc ou l’amas de galets doit présenter une hauteur supérieure au d84 de la section d’échantillonnage, soit 0,1 m, et couvrir plus de 0,1 m2. Les blocs et les amas de galets ne sont pas distingués les uns des autres. Ils sont regroupés en tant qu’éléments de la rugosité du lit. Cette technique a été utilisée lors des deux campagnes d’échantillonnage menées sur la Eaton Nord. En 1999, nous avons relevé 55 éléments de rugosité et en 2000, nous en avons identifié 95. La densité des éléments de rugosité pour chacune des sections est de 0,2 m2.

Analyses

Trois analyses ont été effectuées à partir de la répartition spatiale des éléments de rugosité. La première vise à décrire la distribution spatiale des blocs et des amas de galets et à établir une corrélation entre la concentration de ces éléments et la profondeur de l’écoulement. Pour ce faire, la densité des éléments de rugosité est déterminée pour des distances de un mètre dans le sens longitudinal du tronçon d’étude. Les profondeurs représentent la différence entre la hauteur de la surface de l’eau à l’étiage et les élévations topographiques du lit. La seconde analyse est une étude des distances entre les éléments de rugosité et leurs plus proches voisins. Ces distances permettent de déterminer l’emplacement préférentiel des éléments. La dernière analyse vise à caractériser les alignements composés d’une série de blocs isolés et d’amas de galets. Les alignements sont identifiés selon des règles basées sur les distances entre les éléments de rugosité et les angles entre les diagonales reliant ces éléments. À partir d’un élément de rugosité E1 de départ, un alignement peut être identifié si et seulement si un élément E2 se situe à une distance inférieure à deux mètres. À des distances supérieures, leur présence s’estompe visuellement à la surface du lit et l’effet d’un élément de rugosité par rapport à un autre situé en aval ne se fait pratiquement plus sentir. L’alignement se prolonge si 1) l’élément E2 est suivi en aval d’un élément E3 à moins de deux mètres de distance et si 2) l’angle entre le segment de départ E1 et E2 et le segment E2 et E3 est inférieur à 10°. À ce faible seuil angulaire, on s’assure qu’un alignement identifié se développe dans une seule direction principale. Selon cette technique, un alignement s’étend jusqu’où les critères de distance et d’angle ne s’appliquent plus ou jusqu’à ce qu’il rencontre les berges du chenal. Ces critères permettent d’identifier la majorité des alignements que l’on observe en milieu naturel. Lorsque cette opération est terminée, le nombre d’éléments de rugosité et l’orientation de chacun des alignements sont compilés. Nous n’avons retenu que les alignements composés de trois éléments et plus. En ce qui a trait à l’orientation, un angle de zéro degré signifie que l’alignement suit le sens de l’écoulement et un angle de 90°, que l’alignement est perpendiculaire au chenal.

Tableau I

a

Caractéristiques morphologiques des cours d’eau

b

Caractéristiques hydrauliques et morphologiques aux sections d’échantillonnage, à l’étiage

c

Caractéristiques hydrauliques et morphologiques estimées au niveau de plein bord

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Dans le contexte de la dynamique des cours d’eau à lit de graviers, il est aussi important de vérifier si l’organisation des blocs et des amas de galets est le fruit du hasard. Si elle ne l’est pas, cela implique que l’organisation est le reflet de mécanismes complexes liés à la distribution spatiale des éléments de rugosité. Pour tester cette hypothèse, nous avons réalisé les trois analyses précédentes sur des distributions aléatoires de blocs et d’amas de galets dans des espaces ayant une configuration semblable à celle des sections d’étude. Les coordonnées x et y des éléments de rugosité sont générées de façon aléatoire à l’intérieur de coordonnées minimales et maximales qui définissent la taille du système et qui correspondent à celles que l’on observe dans les sections d’étude. Dans chacune des sections, mille distributions aléatoires d’éléments de rugosité, dont le nombre était identique au nombre des sections de cours d’eau respectives, ont été générées. Les distributions d’échantillonnage des statistiques provenant des trois analyses nous permettent de comparer les résultats observés à ceux obtenus à partir de distributions aléatoires.

Résultats

Organisation morphologique du lit en milieu graveleux

Concentration des éléments de rugosité à la surface du lit

La figure 3 présente la densité longitudinale des éléments de rugosité à la surface du lit. Chacune des classes de distance représente le nombre moyen d’éléments de rugosité par tranche d’un mètre à la surface du lit. Les diagrammes de fréquence font clairement ressortir l’alternance de zones de forte et de faible densité d’éléments de rugosité par rapport à la fréquence moyenne des éléments pour l’ensemble de la section longitudinale. Sur le ruisseau Moras, on observe des zones où il y a absence ou diminution prononcée du nombre d’éléments de rugosité en moyenne à tous les 4 à 5 m. Dans la majorité des cas, les zones de faible densité se trouvent à des profondeurs supérieures à la moyenne. Dans le ruisseau Guertin, les fréquences d’éléments de rugosité inférieures à la fréquence moyenne apparaissent à des intervalles moyens de 4 m. Par ailleurs, les portions du chenal où on observe cette diminution ne correspondent pas nécessairement à celles où les profondeurs sont supérieures à ~30 cm. La distribution des fréquences d’éléments de rugosité sur la Eaton Nord (1999) est semblable à celle des ruisseaux. C’est-à-dire que les fréquences de blocs et d’amas de galets inférieures à la moyenne apparaissent à des intervalles moyens de près de 4 m alors que dans la Eaton Nord (2000), elles apparaissent à tous les 3 m. Pour ces deux sections, la diminution du nombre d’éléments de rugosité est plus fréquemment associée à une augmentation des profondeurs de l’écoulement.

Distribution des distances entre éléments de rugosité voisins

La figure 4 présente les distributions des distances entre les éléments de rugosité voisins pour chacune des sections étudiées. Les distances sont normalisées par la largeur des cours d’eau de manière à faire intervenir la taille des sections sur les caractéristiques de l’organisation spatiale des blocs et des amas de galets. Nous ne possédons pas de mesures spécifiques quant à la taille de tous les éléments de rugosité qui composent la surface du lit. La forme des histogrammes et les statistiques descriptives sont très semblables entre les cours d’eau, particulièrement en ce qui concerne la moyenne et le mode des distributions. Pour les ruisseaux Moras et Guertin, les moyennes de la distance entre les éléments de rugosité voisins sont respectivement de 0,14 et 0,19 fois la largeur des cours d’eau et la médiane des distances est supérieure à 0,1 fois la largeur. Pour la Eaton Nord, les moyennes sont de 0,11 et 0,17 fois la largeur des sections de rivière, en 1999 et 2000. La distance pour laquelle le nombre de voisins est le plus fréquent est, pour toutes les sections, entre 0,1 et 0,15 fois la largeur du cours d’eau exception faite de la section Eaton Nord (1999) où elle est légèrement plus faible soit entre 0,05 et 0,1.

Figure 3

a

b

c

d

Distribution de fréquence des principaux éléments de rugosité à la surface du lit et variabilité des profondeurs (Y) à l’échelle de la section de cours d’eau : a) ruisseau Moras, b) ruisseau Guertin, c) Eaton Nord (1999) et d) Eaton Nord (2000). Les zones grises soulignent les zones de faible densité d’éléments.

Frequency distribution of the large roughness elements in relationship with the spatial variability of channel depth (Y) at the reach scale: a) Moras, b) Guertin, c) Eaton Nord (1999) and d) Eaton Nord (2000). Grey zones indicate areas with a relative scarcity of roughness elements.

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Figure 4

a

b

Distributions de distances entre les éléments de rugosité voisins à la surface du lit pour des cours d’eau de même largeur : a) ruisseaux Moras et Guertin et b) Eaton Nord (1999 et 2000).

Distribution of distances between neighbouring roughness elements for reaches of the same width: a) Moras and Guertin, b) Eaton Nord (1999 and 2000).

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Les distances minimales qui séparent les blocs et les amas de galets proximaux sont aussi semblables dans l’ensemble des sections d’étude. Dans les ruisseaux Moras et Guertin, les éléments de rugosité se trouvent rarement immédiatement à l’aval d’un autre c’est-à-dire pour des distances entre 0 et 0,05 fois la largeur du cours d’eau. En fait, à l’intérieur de cette classe, il n’y a qu’entre 5 % et 9 % des fréquences observées. Pour les deux campagnes effectuées sur la Eaton Nord, la distance minimale entre les éléments de rugosité voisins est aussi de 0 à 0,05 fois la largeur du cours d’eau. Cette classe comprend les plus faibles fréquences associées à la distance qui sépare deux éléments voisins à la surface du lit.

Alignement des éléments de rugosité

Le tableau II présente les statistiques de détection se rapportant aux alignements. Dans le ruisseau Moras, les alignements sont en moyenne composés de trois éléments de rugosité, et ceux composés de plus de six éléments ne représentent que 4 % de l’ensemble des alignements identifiés. Ces derniers traversent le chenal d’une rive à l’autre selon un angle qui varie entre 40° et 50° par rapport au sens de l’écoulement (fig. 5). D’autres alignements, plus nombreux, existent mais ils comprennent moins de quatre éléments de rugosité. L’orientation de ces petits alignements varie considérablement selon leur emplacement dans la section d’étude. Dans le ruisseau Guertin, les alignements composés de plus de six éléments de rugosité ne représentent toujours qu’une faible proportion de l’ensemble soit 7 % mais ils occupent, tout comme ceux du ruisseau Moras, une portion considérable de la surface du lit compte tenu de la petite taille des tronçons de cours d’eau étudiés. Ces alignements ont une orientation plus fréquemment perpendiculaire au sens de l’écoulement. Les alignements observés dans le ruisseau Guertin sont composés au plus de huit éléments de rugosité.

Tableau II

Caractéristiques des alignements composés des principaux éléments de rugosité du lit

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Figure 5

a

b

c

d

Orientation en valeur absolue des alignements en fonction du nombre d’éléments de rugosité qui les composent : a) ruisseau Moras, b) ruisseau Guertin, c) Eaton Nord (1999) et d) Eaton Nord (2000).

Relationship between the orientation of transverse ribs and the number of roughness elements in the rib for the observed distributions: a) Moras, b) Guertin, c) Eaton Nord (1999) and d) Eaton Nord (2000).

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Les alignements observés dans la Eaton Nord sont moins bien développés, c’est-à-dire qu’ils sont caractérisés par un faible nombre d’éléments de rugosité. Aux deux campagnes, aucun alignement ne comprend plus de cinq éléments (tabl. II). En moyenne, les alignements sont composés d’une suite de trois éléments. Dans le cas échéant, il est difficile d’identifier s’ils constituent de réels alignements tels qu’observés par De Jong et Ergenzinger (1995) et Tribe et Church (1998). En 1999, l’orientation de l’alignement le plus long est de 80°. Il traverse le chenal selon un angle très accentué par rapport à la direction de l’écoulement (fig. 5). Dans la Eaton Nord (2000), l’orientation de l’alignement le plus long atteint presque 60°. Les alignements de deux ou trois éléments de rugosité présentent des orientations variables à la surface du lit à chacune des campagnes.

Comparaison entre les caractéristiques de l’organisation spatiale des éléments de rugosité et celles de distributions aléatoires

Distance entre les éléments de rugosité voisins

La figure 6 présente les distributions moyennes de la distance entre plus proches voisins pour des distributions aléatoires d’éléments de rugosité. La forme des distributions pourrait à première vue paraître semblable à celle des distributions observées particulièrement pour les cours d’eau de petite taille où la densité d’éléments de rugosité est plus grande. Nous avons testé la qualité d’ajustement entre les distributions observées et les distributions aléatoires à l’aide du test G. Malgré la densité des éléments de rugosité dans les ruisseaux Moras et Guertin, les distributions observées sont significativement différentes des distributions aléatoires (α=0,01) (tabl. III). On observe ces différences notamment pour les plus petites et les plus grandes distances (fig. 6). En fait, les fréquences dans les classes inférieures, entre 0 et 0,05 fois la largeur du cours d’eau, sont plus grandes pour les distributions aléatoires que pour les distributions observées. Dans les distributions aléatoires, les éléments de rugosité sont fréquemment situés à des distances très courtes alors que dans les distributions observées c’est rarement le cas. La proximité entre les éléments de rugosité pourrait alors être limitée par leur taille qui n’est pas prise en compte dans les distributions aléatoires.

Tableau III

Conformité entre les distributions observées et aléatoires des distances entre éléments de rugosité voisins

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Figure 6

a

b

c

d

Distributions de distances entre les éléments de rugosité voisins pour des distributions aléatoires et comparaison avec les distributions observées : a) ruisseau Moras, b) ruisseau Guertin, c) Eaton Nord (1999) et d) Eaton Nord (2000).

Distribution of distances between neighbouring roughness elements for the random and observed distributions of elements: a) Moras, b) Guertin, c) Eaton Nord (1999) and d) Eaton Nord (2000).

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Pour la Eaton Nord, les distributions observées sont également différentes des distributions aléatoires. Les formes de chacune des distributions sont semblables dans la mesure où elles montrent une asymétrie positive. Par contre, les moments des distributions peuvent varier. Par exemple, le mode des distributions aléatoires diffère de celui des distributions de distances observées. De plus, les fréquences observées pour les distances les plus petites sont plus importantes dans les distributions aléatoires.

Alignement des éléments de rugosité

Dans l’ensemble des sections, le nombre moyen d’éléments de rugosité qui compose les alignements, leur orientation ainsi que le pourcentage des alignements formés de plus de six éléments sont similaires dans le cas des distributions aléatoires et celui des distributions observées. Dans les ruisseaux Moras et Guertin, les alignements identifiés à partir des distributions aléatoires sont en moyenne composés d’une série de trois éléments de rugosité (tabl. IV). Ces alignements ont une orientation très variable (fig. 7). Les alignements les plus longs ont une orientation le plus souvent perpendiculaire au sens de l’écoulement (fig. 7). Pour la Eaton Nord (1999 et 2000), les distributions aléatoires permettent d’observer que les alignements sont en moyenne composés de trois éléments de rugosité (tabl. IV). Ces petits alignements n’ont pas d’orientation préférentielle (fig. 7). Les caractéristiques des distributions diffèrent en ce qui a trait aux pourcentages d’alignements composés de plus de six éléments et à l’orientation qu’ont les alignements les plus longs. Par exemple, en 1999, aucun alignement ne comprend plus de six éléments de rugosité et l’alignement le plus long, composé de cinq éléments est orienté dans le sens de l’écoulement selon un angle de moins de cinq degrés.

Tableau IV

Caractéristiques des alignements identifiés à partir de distributions aléatoires d’éléments de rugosité

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Figure 7

a

b

c

d

Orientation des alignements en fonction du nombre d’éléments de rugosité qui les composent pour des distributions aléatoires : a) ruisseau Moras, b) ruisseau Guertin, c) Eaton Nord (1999) et d) Eaton Nord (2000).

Relationship between the orientation of transverse ribs and the number of roughness elements in the rib for the random distributions: a) Moras, b) Guertin, c) Eaton Nord (1999) and d) Eaton Nord (2000).

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Discussion

Les méthodes de cartographie directe adoptées à partir de différentes stratégies d’échantillonnage sur le terrain ont permis de localiser les éléments de rugosité, de décrire comment la localisation des uns par rapport aux autres et enfin de comprendre leur organisation spatiale à l’échelle de la section de cours d’eau. Aussi, chacune des méthodes s’applique à des cours d’eau de tailles différentes. En effet, la cartographie ponctuelle ne convient qu’aux cours d’eau d’une largeur inférieure à 10 mètres. La cartographie systématique convient mieux dans le cas des cours d’eau de taille plus importante. Elle permet d’éviter les problèmes liés à la superposition des blocs et des amas de galets sur le terrain. Par ailleurs, la densité de ces éléments de rugosité est influencée par la densité de l’échantillonnage. Enfin, les méthodes produisent toutes deux des cartes d’éléments ponctuels qui se prêtent à plusieurs types d’analyses et elles sont moins difficiles à appliquer que les méthodes de photogrammétrie (Ibbeken et Schleyer, 1986 ; De Jong et Ergenzinger, 1995 ; Church et al., 1998).

Dans une perspective dynamique, l’ensemble des stratégies d’échantillonnage employées jusqu’à maintenant n’a pas permis d’émettre de nombreuses d’hypothèses sur les différents types d’organisation spatiale et leur formation en milieux graveleux. On a pu identifier et caractériser différents types d’organisation dans des milieux où les pentes sont très faibles, les particules sont de la taille des galets et la surface est exempte de végétation. Dans ces conditions, il semble que ce soit la taille des sections et le nombre d’éléments de rugosité qui aient le plus d’effet sur les caractéristiques de l’organisation spatiale des blocs et des amas de galets. En fait, l’organisation des éléments de rugosité est particulièrement similaire pour des cours d’eau de même dimension. Les analyses de proximité permettent de constater qu’il est plus difficile d’identifier une distance préférentielle entre deux éléments de rugosité voisins lorsque leur densité est moins importante. Aussi, les alignements semblent moins bien développés dans les deux sections échantillonnées sur la rivière Eaton Nord. Le pourcentage d’alignements composés d’un plus grand nombre d’éléments de rugosité est inférieur à la moyenne dans les cours d’eau dont la taille est supérieure à 10 mètres. Ahnert (1994) a identifié que la densité minimale d’éléments de rugosité nécessaire à la formation des alignements était de 20 %. Au-delà de cette densité, les éléments de rugosité ont plutôt tendance à s’organiser sous forme de polygones. Les structures polygonales disparaissent lorsque la concentration des éléments de rugosité est supérieure à 50 %. Dans ce cas, l’espacement initial entre les éléments de rugosité restreint le déplacement des particules et entrave la formation de structures organisées.

Puisqu’il existe certaines similarités entre les distributions aléatoires et les distributions observées, on peut croire que la distribution des éléments de rugosité à la surface du lit est aléatoire et que leur organisation n’est qu’apparente. C’est ce que croit Ahnert (1994). La localisation des éléments de rugosité et les différents types d’organisation spatiale ne répondraient pas nécessairement à un processus physique dominant. Il suffit que les particules du lit puissent se déplacer en effectuant de petits pas spatiaux et qu’elles puissent prendre n’importe quelle direction pour observer la formation de structures organisées. En fait, les structures peuvent se mettre en place lorsque les forces exercées sur le lit entraînent des déplacements qui sont aléatoires dans l’espace. Cette interprétation semble a priori contraire à celle présentée à la figure 3 où on observe que, généralement, le nombre d’éléments de rugosité augmente dans les sections moins profondes du cours d’eau ainsi qu’à la figure 6 où l’on présente les analyses de proximité. Dans ces cas, nous pouvons supposer que des variables morphologiques comme la profondeur de l’écoulement et la taille des particules peuvent affecter la localisation des éléments de rugosité individuelle à l’échelle locale, mais cela ne signifie pas pour autant que leur organisation dans l’espace ne soit pas aléatoire à l’échelle de la section de cours d’eau.

Les différences entre les distributions observées et aléatoires apparaissent uniquement là où les distances sont minimales ou maximales entre deux éléments de rugosité voisins. En fait, dans les distributions aléatoires, il est plus fréquent d’observer des éléments de rugosité situés très près les uns des autres que dans les distributions réelles. La proximité des blocs et des amas de galets à la surface du lit en milieu naturel devrait particulièrement être influencée par leur taille. Cette caractéristique n’a pas été considérée dans les distributions aléatoires et n’a pas été quantifiées dans les sections de rivières en milieu naturel. L’influence de la taille des éléments de rugosité sur leur organisation n’est donc que spéculative, mais elle permettrait probablement d’expliquer une part des différences entre les distributions aléatoires et les distributions observées.

Puisque nous avons observé des changements dans la concentration des éléments de rugosité en fonction des profondeurs de l’écoulement et que nous avons souligné que les caractéristiques des alignements de blocs et d’amas de galets sont semblables entre les distributions d’éléments de rugosité observées et aléatoires, nous proposons une interprétation dynamique qui permet d’intégrer ces deux types observations et notamment d’expliquer comment se mettent en place les structures d’alignement que nous avons identifiées. En fait, l’arrangement des particules à la surface du lit se ferait en deux temps distincts et en fonction de différents facteurs qui n’interagissent pas de la même façon sur leur localisation à l’échelle d’une section de rivière.

Stipulons d’abord que les particules les plus grossières, qui proviennent dans notre cas d’un till glaciaire, sont ancrées au lit dans une position qui est aléatoire. Ces blocs sont rarement mobilisés par l’écoulement (Martini, 1977 ; Zimmermann et Church, 2001). Ils déterminent la morphologie du chenal et assurent la stabilité des lits (Thompson, 2001). Ensuite, l’emplacement des particules qui sont périodiquement mobilisés, quelle que soit leur taille, est fonction des caractéristiques des blocs déjà présents à la surface du lit. La taille du cours d’eau joue aussi sur la distribution des particules. Dans les cours d’eau qui montrent de faibles gradients de pente et dont la profondeur est relativement stable, les particules plus petites ont tendance à se regrouper autour des éléments protubérants et à former des sections moins profondes. L’arrangement des particules et la morphologie des cours d’eau sont donc associés aux blocs qui déterminent la structure initiale du lit et ce sont les interactions entre l’ensemble des particules qui influencent leurs probabilités de localisation. Comme les alignements de blocs et d’amas de galets à l’échelle de la section de cours d’eau sont similaires dans les distributions aléatoires et réelles, l’organisation que l’on perçoit à la surface du lit n’est pas essentiellement liée à un processus physique dominant. En fait, la densité des éléments de rugosité permet aussi d’observer ou non la présence de structures d’organisation bien développées.

Il se peut donc qu’un processus physique détermine l’emplacement des particules individuelles et des éléments de rugosité à l’échelle locale mais pas nécessairement l’organisation des blocs et des amas de galets à l’échelle d’une section de cours d’eau. L’emplacement aléatoire des blocs isolés permet la formation de structures fortement imbriquées, notamment des structures d’alignements. Les mécanismes responsables de cette organisation morphologique sont difficiles à évaluer et nécessitent la prise en compte des caractéristiques dimensionnelles des éléments de rugosité et des vitesses de l’écoulement étudiées de façon systématique.

Conclusion

La cartographie ponctuelle des éléments de rugosité et la cartographie systématique nous ont permis de décrire les principales caractéristiques de l’organisation des blocs isolés et des amas de galets dans les cours d’eau à lit de graviers. Dans l’ensemble des cours d’eau, on observe d’importantes fluctuations quant au nombre d’éléments de rugosité qui sont présents de l’amont vers l’aval. Les fréquences d’élément supérieures à la fréquence moyenne sont récurrentes à des distances moyennes de quatre mètres. La diminution de la fréquence des éléments de rugosité est fréquemment associée à l’augmentation de la profondeur de l’écoulement. Ensuite, les distances entre les éléments de rugosité voisins sont similaires dans chacune des distributions observées. Enfin, la caractérisation des alignements nous a permis d’observer que le nombre d’éléments de rugosité qui les composent contribue à leur orientation préférentielle à la surface du lit. Les alignements les plus longs sont le plus souvent orientés perpendiculairement à l’écoulement alors que les petits alignements ont une orientation oblique variable.

Il existe quelques similarités entre les caractéristiques d’organisation des blocs et des amas de galets observés et celles provenant de distributions aléatoires. Les particules s’organisent en fonction de la présence de blocs protubérants localisés de façon aléatoire et qui stabilisent les lits de rivières. La formation des structures d’organisation reflète la nature aléatoire de la localisation des blocs et des cailloux. D’autres types d’arrangements structuraux comme les structures en losange et circulaires devraient aussi être étudiés de façon systématique. En fait, les facteurs qui déterminent la localisation mais surtout l’organisation des blocs isolés et des amas de galets restent plutôt méconnus même si les effets de ces derniers sur la variabilité spatiale des caractéristiques morphologiques et hydrauliques du cours d’eau ne sont pas négligeables. Les méthodes de cartographie directe des éléments de la rugosité du lit, la mesure systématique des vitesses de l’écoulement en période de décrue et la caractérisation de la taille des éléments de rugosité devraient être intégrées pour mieux évaluer les conditions nécessaires à la formation des alignements, des structures en losange et circulaires, ainsi que pour préciser la nature du caractère aléatoire de l’organisation des blocs et des amas de galets en rivière à lit de graviers.