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Aussi bien dans les régions métropolitaines de recensement (RMR) que dans les régions non métropolitaines (RNM), on assiste à une baisse de la proportion des jeunes et à une hausse de celle des personnes âgées. Entre 1971 et 1996, la proportion des jeunes a baissé en moyenne de 8 points de pourcentage dans les régions métropolitaines et de 10 points de pourcentage dans les régions non métropolitaines (tableau A, en annexe). Au cours de la même période, la part des personnes âgées dans la population totale a augmenté de 4 points de pourcentage en RMR et de 5 points de pourcentage en RNM.

Selon les projections de Statistique Canada, la proportion de Canadiens âgés de 65 ans et plus sera de 16 pour cent en 2016 et atteindra 23 pour cent de la population totale en 2041 (Statistique Canada, 1999). Selon les prévisions de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ), quel que soit le scénario de fécondité et de migration envisagé, l’augmentation du nombre de personnes âgées de 65 ans et plus est inéluctable (ISQ, 1996). Cette tendance au vieillissement est renforcée par la baisse du taux de fécondité. En effet, au Québec par exemple, l’indice synthétique de fécondité est passé de 1,65 en 1991 et 1992 à 1,44 en 2000, le seuil nécessaire au remplacement étant de l’ordre de 2,1 enfants par femme.

Dans ce contexte, un moyen évident de ralentir le vieillissement est d’augmenter le taux de fécondité. Mais cette méthode est coûteuse et soulève des questions d’ordre moral. On peut également ralentir le vieillissement de la population par l’immigration internationale. Mais cette solution fonctionne uniquement si les immigrants sont jeunes.

L’immigration peut avoir un effet sur la taille, l’accroissement, la distribution et la composition de la population. La contribution de l’immigration à l’accroissement de la population canadienne a varié au cours des périodes. De 1991 à 2001, 60 pour cent de la croissance de la population canadienne était due à la migration nette. Sur une base annuelle, depuis 1994, la contribution de la migration nette est largement plus importante que celle du solde naturel (Bélanger, 2002). En appliquant le taux de natalité et le taux de mortalité observés entre 1951 et 1981 chez les immigrants, Le Bras (1988) estime que 38 pour cent de la croissance de la population canadienne est due aux immigrants et à leurs taux de fécondité. Dans le passé, le taux de fécondité des immigrants était plus faible que celui des natifs. Cependant, depuis le recensement de 1991, on observe que le taux de fécondité est nettement plus élevé chez les femmes en provenance de certains pays que chez les natifs (Maxim, 1996; Beaujot, 1997; Bélanger et Dumas, 1998; Tossou, 2002).

On peut mesurer l’impact de l’immigration sur la structure par âge en comparant l’âge médian des nouveaux immigrants avec celui de la population canadienne. L’âge médian des Canadiens a considérablement changé au cours des dernières années : il est passé de 26,3 ans en 1961 à 37,6 ans en 2001. L’âge médian des nouveaux arrivants était de un à deux ans inférieur à celui de la population d’accueil en 1961, mais en 2000, cet écart est de 7 à 8 ans. La population immigrante et la population d’accueil ont toutes deux vieilli; toutefois, les nouveaux arrivants demeurent un peu plus jeunes que la population d’accueil. Mais puisque les nouveaux immigrants représentent une minime proportion de la population d’accueil, l’impact de cette immigration sur la structure par âge est faible. Les autres phénomènes démographiques, à savoir l’impact des baby-boomers sur la structure par âge, le déclin de la fécondité et le faible taux de mortalité chez les personnes âgées, ont un impact beaucoup plus important sur la structure par âge de la population (Beaujot, 2002).

L’objet de cet article est d’analyser le phénomène de vieillissement dans les RMR et les RNM eu égard à la concentration de la population immigrante dans les grandes villes du Québec et du Canada. Nous analysons l’impact à court et long termes de l’immigration sur la structure par âge de la population de ces types de régions.

Données et méthodes

Données

Le flux d’immigrants ou nouveaux immigrants est le nombre d’immigrants internationaux qui sont entrés dans le pays au cours d’une période déterminée et qui ont survécu jusqu’au jour du recensement, c’est-à-dire qu’ils ont échappé non seulement à la mort mais aussi à l’émigration internationale.

Mentionnons que la comparaison des données des recensements de 1991 et de 1996 avec celles des recensements précédents est influencée par la modification apportée à la définition de la population du recensement. Les titulaires d’un permis de séjour pour étudiants, d’un permis de travail ou d’un permis ministériel et les revendicateurs du statut de réfugié, ont été dénombrés aux recensements de 1991 et 1996, mais ne l’ont pas été aux recensements antérieurs. Ces personnes sont des résidents non permanents (Statistique Canada, 1993). Donc, en 1991 et en 1996, le flux d’entrées internationales inclut aussi bien les résidents permanents (immigrants reçus) que les Canadiens de retour et les résidents non permanents, alors que le flux d’entrées internationales de 1981 et 1986 exclut ces derniers.

Les flux des nouveaux immigrants survivants d’une période ont été compilés spécialement par Statistique Canada. Il s’agit des données de recensement de 1981, 1986 et 1991, c’est-à-dire des périodes 1976-1981, 1981-1986 et 1986-1991. Les données du recensement de 1996 sont issues des publications officielles de Statistique Canada.

Les effectifs des anciens immigrants (stock d’immigrés) et les données de population selon le lieu de résidence en 1981, 1986, 1991 et 1996 proviennent des publications de Statistique Canada. Les données de natalité, de fécondité et de migration interne (interprovinciale et intermétropolitaine) sont des compilations spéciales de Statistique Canada.

Méthodes

Cet article reprend en partie les résultats d’une recherche plus large que l’auteur a réalisée dans le cadre de sa thèse de doctorat (Agossou, 2000). Dans la première partie, nous utilisons le coefficient de corrélation et l’indice Gini pour démontrer la concentration des flux et du stock d’immigrants dans les régions métropolitaines. L’indice de vieillissement et l’âge moyen sont les principaux indicateurs que nous utilisons pour qualifier le vieillissement. Dans la deuxième partie, nous avons fait des projections de population de 1991 à 2041, soit sur une période de cinquante ans, car à cette date les jeunes âgés de 15 ans en 1991 auraient atteint 65 ans. Cependant, pour simplifier notre présentation, nous analysons nos résultats jusqu’en 2031 puisque, de 2031 à 2041, la tendance ne change pas. Le fonctionnement matriciel du modèle de projection démographique est une adaptation du modèle multirégional de Rogers (Rogers, 1995; Agossou, 2000). Dans cette approche, nous avons pris comme base les données de natalité, de mortalité et de migrations interne et internationale par groupe quinquennal d’âge et par région métropolitaine et non métropolitaine de 1991. Dans un premier scénario, la projection des populations des RMR et des RNM a été faite sans les flux d’immigration internationale. Nous avons alors supposé que la population canadienne est fermée à l’immigration internationale jusqu’en 2041. Dans un second scénario, nous avons au contraire envisagé un contexte d’échange avec le reste du monde. Ainsi, nous avons supposé que, de 1996 à 2041, le flux des immigrants serait constant, soit environ 200 000 immigrants par an. En comparant les résultats du scénario 2 (avec immigration) à ceux du scénario 1 (sans immigration), on déduit l’impact à long terme de l’immigration internationale sur la structure par âge de la population des RMR et des RNM.

Typologie

Selon Statistique Canada, une région métropolitaine de recensement (RMR) est composée d’une très grande région urbaine (appelée noyau urbain) ainsi que des régions urbaines et rurales adjacentes (appelées banlieues urbaines et rurales) dont le degré d’intégration économique et sociale avec le noyau urbain est élevé. La population du noyau urbain d’une RMR compte au moins 100 000 habitants. Dans ce travail, le terme région non métropolitaine (RNM) d’une province désigne ladite province moins les régions métropolitaines. Ainsi, on compte 25 RMR et 10 RNM. Par ailleurs, afin de faciliter l’analyse et de mettre en évidence les disparités, d’une part, entre les régions métropolitaines de recensement et les régions non métropolitaines et, d’autre part, entre les grandes RMR qui accaparent la majorité des immigrants et les petites RMR, nous avons établi la typologie suivante :

  • Grandes RMR : une grande RMR est une région métropolitaine dont la population dépasse un million d’habitants en 1991 : Toronto, Montréal et Vancouver.

  • Moyennes RMR : une RMR moyenne est une région métropolitaine dont la taille est inférieure à un million mais supérieure à 200 000 habitants en 1991 : Ottawa-Hull, Edmonton, Calgary, Winnipeg, Québec, Hamilton.

  • Petites RMR : cet ensemble est constitué des 16 régions métropolitaines restantes. La population d’une petite RMR est d’au plus 200 000 habitants en 1991. Ce critère de taille est valable sur toutes les périodes. Ainsi, pour toutes les périodes, Sherbrooke est considérée comme une petite RMR même si, jusqu’en 1981, elle n’était pas une région métropolitaine de recensement.

Impact à court terme de l’immigration internationale

Dans le cadre de ce travail, les expressions « flux d’immigrants » et « immigrants internationaux » sont employées aussi bien pour les entrées internationales de 1976-1981 et de 1981-1986 que pour celles de 1986-1991 et de 1991-1996; cela se justifie par le fait que les résidents non permanents (dont la prise en compte dans la population totale pourrait imposer une telle distinction) ne représentent que 1 pour cent de la population canadienne de 1991 et sans doute moins de 1 pour cent de la population observée avant cette date (Statistique Canada, 1993).

Une fois établis, les immigrants reçus (personnes qui ont obtenu une permission de demeurer au pays de façon permanente) constituent la population immigrée. Dans ce travail, le stock d’immigrés est défini comme le nombre d’immigrés présents au recensement, quelle que soit la période d’immigration.

Concentration croissante des flux d’immigrants et des stocks d’immigrés dans les trois grandes RMR

L’objet de cette section est d’analyser l’évolution de la force d’attraction des régions métropolitaines et non métropolitaines, en termes de flux et de stocks. Cette distinction nous permettra de comparer l’attrait à court terme (au moment de l’immigration) à la force d’attraction à moyen et long termes, et de voir dans quelle mesure les immigrants du passé (les stocks) attirent ceux d’aujourd’hui (les flux). Enfin, étant donné qu’un des objectifs explicites de la politique d’immigration (outre l’objectif économique) est de rajeunir la population, dans une autre section, nous examinerons dans quelle mesure la structure par âge des nouveaux immigrants est différente de celle de la population d’accueil, et tenterons d’estimer l’impact de cette différence sur la structure par âge de la population totale.

Il ressort de la figure 1 qu’il y a une concentration croissante des flux d’immigrants dans l’ensemble des régions métropolitaines de recensement. En 1976-1981, l’ensemble des RMR avait accueilli 80 pour cent des entrées internationales; ce chiffre a atteint 90 pour cent entre 1986 et 1991, et près de 95 pour cent en 1991-1996. Les RMR abritent plus de 85 pour cent des immigrés du pays selon le recensement de 1996 (figure 2).

Corrélativement, l’afflux des immigrants vers les régions non métropolitaines a fortement décliné : de près de 20 pour cent en 1976-1981, la proportion des immigrants qui ont choisi comme destination les régions non métropolitaines est passée à un peu plus de 5 pour cent en 1991-1996. Chacune des 10 régions non métropolitaines du pays a vu diminuer sensiblement sa part dans les entrées nationales. Entre 1976-1981 et 1991-1996, la baisse dépasse souvent 80 pour cent. Par conséquent, la part des RNM dans le stock national d’immigrés a également régressé, passant de 22 pour cent en 1981 à moins de 15 pour cent en 1996.

Figure 1

Répartition des flux d’immigrants, 1976-1996

Répartition des flux d’immigrants, 1976-1996

forme: 000668aro002n.png Grandes RMR

forme: 000668aro003n.png Moy. RMR

forme: 000668aro004n.png Petites RMR

forme: 000668aro005n.png RMR

forme: 000668aro006n.png RNM

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Figure 2

Répartition des stocks d’immigrés, 1976-1996

Répartition des stocks d’immigrés, 1976-1996

forme: 000668aro008n.png Grandes RMR

forme: 000668aro009n.png Moy. RMR

forme: 000668aro010n.png Petites RMR

forme: 000668aro011n.png RMR

forme: 000668aro012n.png RNM

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Depuis le recensement de 1991, les résidents non permanents sont comptabilisés parmi les flux d’immigrants internationaux. Or, aussi bien les résidents non permanents que les Canadiens de retour ont sans doute une forte tendance à s’installer dans les régions métropolitaines. Cela peut expliquer en partie pourquoi, au cours des deux dernières périodes, on observe une forte augmentation de la part des régions métropolitaines dans la distribution des flux d’immigrants internationaux.

Cette forte concentration dans les RMR ne se fait cependant pas de façon équivalente. La part des 16 petites RMR dans la distribution des flux entre les RMR a chuté presque de moitié entre 1976 et 1996. Au cours de la dernière période, les petites RMR ont accueilli à peine 7 pour cent des nouveaux immigrants qui ont choisi les régions métropolitaines comme destination, alors que les trois grandes RMR avaient reçu près de 80 pour cent de ces flux métropolitains. De même, plus de 70 pour cent du stock métropolitain se trouve à Toronto, Vancouver et Montréal, alors que seulement 11 pour cent de ce stock réside dans les petites RMR.

Parmi les grandes RMR, l’importance de Vancouver et de Toronto eu égard à l’attrait exercé sur les immigrants s’accroît plus vite que celle de Montréal. Ainsi, la part de Montréal dans la distribution nationale des immigrants, qui était de 12 pour cent en 1976-1981, s’est établie à 13 pour cent en 1991-1996, alors que celle de Vancouver et celle de Toronto sont passées respectivement de 11 à 18 pour cent et de 27,5 à 42,5 pour cent au cours de la période (Agossou, 2000). En conséquence, le stock des immigrés s’accroît plus rapidement dans ces deux dernières régions métropolitaines qu’à Montréal.

On peut en déduire qu’en général la concentration des immigrants et des immigrés dans les régions métropolitaines s’accroît, et qu’elle se fait en particulier au profit de Toronto et de Vancouver, et dans une moindre mesure de Montréal. Corrélativement, l’Ontario, la Colombie-Britannique et le Québec accueillent la vaste majorité des nouveaux immigrants (près de 90 pour cent des immigrants de 1991-1996) et concentrent sur leur territoire plus de 85 pour cent de tous les immigrés du pays. Toutefois, seuls l’Ontario et la Colombie-Britannique exercent une force d’attraction croissante sur les immigrants et les immigrés internationaux.

La concentration des immigrants dans les régions métropolitaines en général et dans les grandes RMR en particulier peut s’expliquer par la position économique de celles-ci. Les régions métropolitaines à économie florissante telles que Toronto, Vancouver et Montréal offrent les meilleures perspectives d’emploi aux immigrants comparativement aux régions non métropolitaines.

De meilleures perspectives d’emploi demeurent déterminantes pour les migrations internationales, mais elles n’expliquent pas tout. Un autre facteur contribue à la concentration des immigrants : l’existence d’un stock d’immigrés. En effet, en comparant les répartitions spatiales des flux, du stock et de la population, on peut inférer que les immigrés et les immigrants sont inégalement distribués, non seulement entre les régions métropolitaines et les régions non métropolitaines, mais aussi entre les provinces. En 1996 par exemple, Montréal a représenté 11,6 pour cent de la population totale mais a reçu 13 pour cent des immigrants, alors que Vancouver, dont le poids démographique n’était que de 6,4 pour cent, a accueilli plus de 18 pour cent des immigrants. En se référant à la distribution de la population totale, on remarque que seules Toronto et Vancouver ont une part de la population inférieure à leur poids dans la distribution des flux et du stock. Toutes les autres régions métropolitaines ont toujours un poids dans la population totale supérieur à leur part dans le total des immigrants internationaux et des immigrés. Des trois provinces où se concentrent les immigrants, le Québec est la plus défavorisée, car sa part dans la distribution des nouveaux et des anciens immigrants est nettement inférieure à son poids dans la population nationale. Ainsi, étant la deuxième province la plus populeuse du pays, il est la troisième province (après la Colombie-Britannique) en termes de part dans le stock d’immigrants, et il reçoit également moins de nouveaux immigrants que la Colombie-Britannique.

Il en résulte que la taille de la population n’est pas a priori un facteur déterminant pour attirer de nouveaux immigrants. On peut donc se demander dans quelle mesure la population totale et les immigrants du passé (le stock au début de la période considérée) attirent les immigrants d’aujourd’hui (les flux de la période considérée). Pour répondre à cette question, nous avons calculé des coefficients de corrélation simple entre les flux résiduels de la période et le stock au début de cette même période, puis entre la population au début de la période et les flux de la période. Nous avons aussi calculé l’indice Gini pour chacune de ces paires de variables pour voir si la distribution des flux ressemble davantage à celle des stocks ou à celle de la population.

L’indice Gini varie entre 0 et 1. Il tendra vers zéro si les deux distributions (celle des flux et des stocks et celle des flux et de la population) sont identiques ou se ressemblent; il tendra vers l’unité si au contraire on assiste à une concentration du phénomène étudié (flux) par rapport au phénomène de référence (le stock d’une part et la population totale d’autre part). La paire de variables qui a le plus faible indice Gini est celle dont les distributions se ressemblent davantage.

Dans le tableau 1, on observe qu’en 1991-1996 le coefficient de corrélation entre les flux et le stock est de 0,97 alors que celui de la paire flux-population est de 0,72. Il en résulte qu’il existe une association non seulement entre les nouveaux et les anciens immigrants mais aussi entre les nouveaux immigrants et la population totale. Cependant, comme on peut le constater, le coefficient de corrélation entre le flux et le stock est le plus élevé et il est très proche de 1. Cela signifie que le lien qui existe entre les anciens et les nouveaux immigrants est plus fort que celui qui existe entre ces derniers et la population totale. Autrement dit, les anciens immigrants exercent une attraction plus forte sur les nouveaux immigrants que la population dans son ensemble.

Tableau 1

Coefficient de corrélation et indice Gini

Coefficient de corrélation et indice Gini

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Cela se confirme quand on analyse l’indice Gini, qui, comme on peut le voir, est très faible pour la paire flux-stock comparativement à la valeur correspondant à la paire flux-population. En d’autres termes, les nouveaux immigrants ont tendance à se rapprocher des anciens immigrants. Cela signifie que la taille de la population a moins d’influence sur les nouveaux immigrants. Ces derniers ont plutôt tendance à aller à des endroits où il existe déjà une masse critique d’immigrés, et en fin de compte cela aboutit à une concentration. C’est auprès de cette masse critique d’immigrés que les nouveaux immigrants peuvent espérer trouver plus facilement des conditions favorables à leur intégration sociale et économique. Ces chiffres nous indiquent également que les nouveaux immigrants sont plus concentrés spatialement que ne l’est la population totale.

La structure par âge des flux d’immigrants et son impact sur la population d’accueil

Jusqu’à présent nous avons considéré les flux d’immigration et les stocks de population immigrée sans distinguer l’âge des immigrants. Or, l’impact que peut avoir l’immigration internationale est déterminé par la structure par âge des immigrants. Dans un contexte de sous-fécondité et de vieillissement de la population, l’immigration internationale est parfois considérée comme un « remède » efficace et rapide pour rajeunir la population. En outre, au-delà de l’impact direct de l’immigration internationale sur la structure par âge de la population d’un territoire donné, il y a un ensemble d’effets induits (essentiellement liés à la natalité et à la mobilité géographique) qui sont eux aussi fortement déterminés par l’âge.

Dans cette section, nous mesurons l’impact de l’immigration internationale sur la structure par âge de la population en analysant la structure par âge et l’âge moyen de la population avec et sans le flux des immigrants au recensement. Précisons que la structure par âge dont nous disposons renvoie aux immigrants internationaux au moment du recensement et non au moment de leur arrivée au pays. Nous mettons l’accent sur le cas de Toronto, Montréal et Vancouver, qui, comme nous l’avons vu, sont les principales régions de destination des immigrants.

Le tableau 2 montre qu’en 1976-1981 20 pour cent des nouveaux immigrants qui avaient choisi Montréal comme destination étaient âgés de 0 à 14 ans. Cette proportion est de 19 pour cent en 1991-1996. Les personnes en âge d’activité (15-64 ans) représentaient 74 pour cent des flux résiduels de 1976-1981 alors qu’elles constituent 77 pour cent des immigrants de 1991-1996 qui se sont installés à Montréal. Corrélativement, la part des immigrants âgés de 65 ans et plus est passée de 5 pour cent en 1976-1981 à 3 pour cent en 1996. On peut en déduire que les flux d’immigration à destination de Montréal rajeunissent. Mais ce rajeunissement est essentiellement dû à la baisse de la part des personnes âgées dans la population immigrante, si bien que son impact sur la structure par âge de la population locale sera sans doute peu substantiel puisque, par ailleurs, la proportion de la population âgée de 15-64 ans augmente. L’impact réel de cette immigration sera alors la baisse de l’indice de dépendance.

Tableau 2

Structure par âge des flux d’immigrants, Toronto, Montréal, Vancouver et Canada, 1976-1996 (%)

Structure par âge des flux d’immigrants, Toronto, Montréal, Vancouver et Canada, 1976-1996 (%)

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On fait la même observation pour Toronto et Vancouver, c’est-à-dire une augmentation de la population immigrante âgée de 15-64 ans et une baisse de la population des autres groupes. Ainsi, à Toronto la part des nouveaux immigrants âgés de 0-14 ans est passée de 19 pour cent en 1976-1981 à 17 pour cent en 1991-1996, celle des 15-64 ans a augmenté de 75 à 78 pour cent et celle des 65 ans et plus a baissé de 6 à 5 pour cent. À Vancouver la proportion des 0-14 ans est passée de 18 pour cent en 1976-1981 à 16 pour cent en 1991-1996, celle des 15-64 ans de 75 à 78 pour cent, et celle des personnes âgées a baissé de 7 à 6 pour cent. Ces données indiquent par ailleurs que les immigrants de Vancouver sont plus vieux que ceux de Montréal et de Toronto, ceux de Montréal étant relativement les plus jeunes.

Il ressort également du tableau 2 qu’au pays, la proportion des flux d’immigrants ayant entre 0 et 14 ans oscille autour de 20 pour cent. Dans certaines unités spatiales cette proportion a légèrement baissé et dans d’autres (notamment dans les régions non métropolitaines) elle a augmenté. Toutefois, l’écart entre la proportion des jeunes immigrants de 1976-1981 et celle de 1991-1996 n’est pas très important : il se situe autour de 2 points de pourcentage.

Le tableau 2 et le tableau A, en annexe, reflètent aussi que, pour tout le pays et pour toutes les régions (métropolitaines et non métropolitaines), l’âge de la grande majorité des nouveaux immigrants et celui de la population totale se situent entre 15 et 64 ans. Près de 80 pour cent des nouveaux immigrants (77 pour cent en 1991-1996) qui arrivent au pays sont en âge d’activité, alors que c’est environ 70 pour cent de la population totale qui se trouve dans cette tranche d’âge. Au-delà de 64 ans, on observe la tendance inverse. Plus de 10 pour cent de la population totale est âgée de 65 ans et plus alors que, pour la plupart des régions, les nouveaux immigrants de cette tranche d’âge représentent moins de 5 pour cent.

Ces données illustrent bien le fait que les immigrants sont pour la plupart en âge d’activité et qu’il y a une dissemblance entre leur structure par âge et celle de la population locale, surtout en ce qui concerne la population d’âge actif et les personnes âgées.

Afin de pouvoir apprécier l’impact que peut exercer l’immigration internationale sur la structure par âge de l’ensemble de la population d’accueil, nous avons calculé l’âge moyen de la population totale, d’une part en tenant compte de la structure par âge des nouveaux immigrants, d’autre part en excluant du calcul l’effectif par âge de ceux-ci. Les chiffres du tableau 3 présentent les résultats de ce calcul pour les trois grandes RMR et les provinces correspondantes.

On observe que la prise en compte des flux d’immigrants abaisse l’âge moyen de la population totale. Les flux de 1976-1981 ont fait diminuer l’âge moyen de 0,1 an pour Montréal, les trois provinces et l’ensemble du Canada, et de 0,2 an pour Toronto et Vancouver. En 1986, les flux de la période 1981-1986 ont abaissé l’âge moyen de 0,2 an à Montréal, de 0,3 an à Toronto et à Vancouver, de 0,9 an au Québec, de 0,7 an en Ontario, de 0,8 an en Colombie-Britannique et de 0,7 an au Canada. Les flux de 1986-1991 ont abaissé l’âge moyen de 0,7 an à Montréal, de 1,3 an à Toronto, de 1,0 an à Vancouver, et de 0,4 an pour les Canadiens. En 1996 la baisse est peu substantielle et varie entre 0,2 an (Québec) et 0,6 an (Toronto et Vancouver).

Tableau 3

Âge moyen de la population avec et sans flux d’immigrants

Âge moyen de la population avec et sans flux d’immigrants

SF : Sans les flux d’immigration internationale.

AF : Avec les flux d’immigration internationale.

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Les différences sont sans doute parfois élevées (jusqu’à 1 an), mais demeurent quand même insuffisantes pour modifier substantiellement la structure par âge et entraîner à court terme un rajeunissement significatif de la population d’accueil. En d’autres termes, l’immigration internationale ne peut avoir qu’un impact marginal sur le processus de vieillissement de la population (quoique la population immigrante soit légèrement plus jeune que la population d’accueil). Par conséquent, l’utiliser comme moyen pour rajeunir substantiellement l’ensemble de la population à court terme est discutable. L’immigration représente un moyen de rajeunissement moins efficace devant l’effet fondamental de l’augmentation de la fécondité (Ledent, 1993). Des études indiquent que l’accroissement du taux de fécondité améliore mieux la structure par âge d’une population qu’un accroissement du taux d’immigration (Lachapelle, 1992). L’accroissement du taux de fécondité augmente le nombre de jeunes et abaisse le pourcentage de personnes âgées. L’accroissement de l’immigration augmente le pourcentage de jeunes adultes (15-64 ans), réduit le pourcentage de jeunes (0-14 ans) et diminue la part des personnes âgées (65 ans et plus) dans la population totale. Dans le contexte canadien, ni la fécondité ni l’immigration ne peuvent constituer un moyen efficace pour ajuster les changements de la structure par âge, celle-ci étant marquée significativement par le baby-boom de l’après-guerre et le déclin persistant de la natalité (George, Nault et Romaniuc, 1991).

Dans les régions comme Toronto, Montréal et Vancouver, où la population immigrante représente une part importante de la population totale, l’impact pourrait être substantiel à long terme puisque, dans ces régions, la forte fécondité des immigrants peut contribuer à améliorer significativement la distribution par âge des populations. La contribution indirecte des immigrants à la fécondité a été analysée dans d’autres études (Gauthier, 1989 et 1992; Tremblay et Bourbeau, 1985; Termote, 1992; et Tossou, 2002). Selon ces auteurs, la fécondité des immigrantes est un important complément à celle des natifs, surtout dans les régions où les immigrants se concentrent, la fécondité des immigrantes étant nettement plus élevée que celle des non-immigrantes.

Impact à long terme de la migration internationale sur la composition par âge de la population des RMR

Nous analysons dans cette section l’évolution de la part des 0 à 14 ans, des 15 à 64 ans et des 65 ans et plus de 1991 à l’an 2031, soit une période de 40 ans, et l’indice de vieillissement pour les deux scénarios (c’est-à-dire les projections avec et sans immigration internationale). Le choix de ces tranches d’âge s’explique par le fait que, comme nous l’avons souligné dans les sections précédentes, les 0-14 ans sont les jeunes qui se « préparent » à entrer sur le marché de l’emploi, les 15-64 ans sont les personnes en âge d’activité, et enfin les personnes âgées (65 ans et plus) sont souvent considérées comme étant à la charge des actifs. L’utilisation des deux scénarios de projection nous permet d’analyser dans quelle mesure l’immigration internationale pourrait servir d’instrument pour contrer le vieillissement de la population ou encore rajeunir celle-ci.

Les chiffres du tableau 4 indiquent la distribution par âge des populations pour des projections sans (SI) et avec (AI) immigration. De façon générale, que l’on introduise ou non la migration internationale, les proportions de jeunes et de personnes âgées seraient plus élevées dans les régions non métropolitaines que celles qu’on observerait dans les régions métropolitaines. L’écart entre régions métropolitaines et régions non métropolitaines serait d’environ 1 point de pourcentage pour la population jeune et varierait jusqu’à 4 points de pourcentage pour les personnes âgées.

Scénario 1 : absence de migration internationale

Si la migration internationale est supposée nulle, aussi bien en régions métropolitaines qu’en régions non métropolitaines, la proportion des jeunes âgés de 0 à 14 ans diminuerait d’une période à l’autre, la diminution étant beaucoup plus importante en régions non métropolitaines qu’en régions métropolitaines. La proportion des jeunes passe de 19,6 pour cent en 1996 à 16 pour cent en 2031 en régions métropolitaines, et de 21,3 pour cent à 17,2 pour cent en régions non métropolitaines. Au Canada, elle sera de 16,5 pour cent en 2031 comparativement à 20,3 pour cent en 1996.

Pour la même période, la proportion des personnes en âge d’activité (15-64 ans) diminue également, aussi bien en régions métropolitaines qu’en régions non métropolitaines. Sans migration internationale, la part des 15-64 ans dans la population totale passe de 68,6 pour cent en 1996 à 60,9 pour cent en 2031 dans les régions métropolitaines, et de 65,1 pour cent à 58,3 pour cent dans les régions non métropolitaines. Elle sera de 62,4 pour cent au Canada comparativement à 67,2 pour cent en 1996.

La proportion des personnes âgées passe de 13,6 pour cent en 1996 à 24,5 pour cent en 2031 dans les régions non métropolitaines, et de 11,8 pour cent à 23,1 pour cent dans les régions métropolitaines, c’est-à-dire qu’il y aura une augmentation très rapide de la part de cette tranche d’âge dans la population totale. Au Canada, cette part s’établira à 20,6 pour cent en 2031 contre 17 pour cent en 1996.

Tableau 4

Composition par âge projetée, 1991-2031 (%)

Composition par âge projetée, 1991-2031 (%)

Tableau 4 (suite)

Composition par âge projetée, 1991-2031 (%)

SI : Sans immigration internationale (scénario 1).

AI : Avec immigration internationale (scénario 2).

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Ainsi, dans un scénario sans immigration internationale, puisque la part des 0-14 ans baisse et que celle des personnes âgées augmente, l’indice de vieillissement, défini comme le rapport de la proportion des personnes âgées (65 ans et plus) à celle des jeunes (0-14 ans), augmentera. La population vieillira rapidement. Déjà, à partir de l’an 2021, la proportion des personnes âgées dépassera celle des jeunes (indice de vieillissement supérieur à l’unité). L’âge moyen des Canadiens passe de 36,4 ans en 1996 à 43,2 ans en l’an 2031, soit une augmentation de 6,8 ans en moins de quatre décennies (Agossou, 2000).

Une autre information que nous apporte le tableau 4 concerne la dépendance de la population dite d’âge inactif (les 0-14 ans et les 65 ans et plus) par rapport à la population d’âge actif (15-64 ans). L’indice de dépendance se définit comme le rapport de la proportion des personnes inactives à celle des individus en âge d’activité. Il indique le nombre de personnes inactives qu’une personne active prend en charge dans la société. En l’absence de migration, l’indice de dépendance passe de 0,46 à 0,64 en régions métropolitaines et de 0,54 à 0,71 en régions non métropolitaines entre 1996 et 2031. Autrement dit, la charge des personnes actives s’accroîtra rapidement.

Scénario 2 : intégration de la migration internationale

Lorsqu’on introduit la migration internationale dans les projections, la proportion des jeunes passe de 19,6 pour cent en 1996 à 16,6 pour cent en 2031 en régions métropolitaines, et de 21,3 à 17,5 pour cent en régions non métropolitaines. Dans les grandes RMR, la part des jeunes dans la population totale passe de 18,9 pour cent en 1996 à 16,2 pour cent en 2031. Donc, l’introduction de la migration internationale n’empêche pas la baisse de la part des jeunes dans la population totale. Toutefois, la baisse est légèrement plus lente en régions métropolitaines (notamment en grandes régions métropolitaines) qu’en régions non métropolitaines, ce qui s’explique par la concentration de l’immigration internationale dans les RMR, et dans les grandes en particulier.

Afin de mesurer cet effet de l’immigration sur la structure par âge, nous avons calculé l’écart entre la population projetée avec la migration internationale et celle projetée sans la migration internationale pour ce qui est de la proportion des 0-14 ans. L’écart est positif partout, ce qui signifie que l’introduction de la migration internationale augmente la proportion des jeunes; toutefois, cet écart n’est pas identique dans chacune des unités spatiales. En points de pourcentage, l’écart serait deux fois plus élevé en régions métropolitaines qu’en régions non métropolitaines, ce qui signifie que l’impact de l’immigration internationale sur la part des jeunes est nettement plus important en régions métropolitaines qu’en régions non métropolitaines. Parmi les régions métropolitaines, les grandes, et surtout Vancouver et Toronto, ont les écarts les plus élevés.

Dans ce scénario, l’évolution de la part des personnes en âge d’activité (15-64 ans) dans la population totale a la même tendance que si la migration internationale était nulle : il y a une diminution des proportions à partir de 2011-2016. Cependant, dans ce cas, la baisse est plus lente dans les RMR et surtout dans les grandes régions métropolitaines. Dans les grandes RMR, la part des 15-64 ans passe de 69,6 pour cent en 1996 à 64,9 pour cent en 2031 (contre 61,0 pour cent si l’on n’introduisait pas la migration internationale). L’écart entre les proportions des personnes d’âge actif projetées avec et sans migration internationale est positif dans la plupart des unités spatiales. Cet écart est d’environ 4 points de pourcentage dans les grandes régions en 2031, et de 1,3 dans les RNM. Donc, l’introduction de la migration internationale ralentit la baisse de la part des 15-64 ans dans la population totale. Cela est dû au fait que la plupart des immigrants arrivent en âge d’activité.

Finalement, tout comme dans le scénario précédent, la proportion des 65 ans et plus augmente : de 13 pour cent en 1996, la proportion des personnes âgées dans la population canadienne passe à plus de 20 pour cent en l’an 2031 si l’on introduit la migration internationale. L’introduction de la migration internationale diminue la proportion des personnes âgées. L’écart entre les proportions de personnes âgées projetées avec et sans migration internationale est négatif pour la plupart des unités spatiales. En valeurs absolues, les écarts les plus importants sont observés à Toronto (3,3 points de pourcentage en 2006 et 6,2 en 2031), Montréal (1 point de pourcentage en 2006 et 3,8 en 2031) et Vancouver (1,1 point de pourcentage en 2006 et 3,7 en 2031). Pour l’ensemble du Canada, la diminution est de 0,7 point de pourcentage en 2006 et de 3 points de pourcentage en 2031.

Il résulte de ce qui précède que l’indice de vieillissement est moins élevé dans le cas où la population totale est ouverte à l’immigration que lorsqu’elle lui est fermée (figure 3). La part des personnes âgées dans la population totale ne dépasse celle des jeunes qu’à partir de 2026, soit un retard de cinq ans dans les régions métropolitaines par rapport au scénario qui n’inclut pas la migration internationale. Parmi les régions métropolitaines, les grandes sont les plus sensibles au ralentissement du vieillissement après l’introduction de la migration internationale.

La figure 3 montre clairement que l’immigration internationale ralentit le vieillissement sans l’arrêter. Cela peut s’expliquer par la forte concentration des immigrants dans le groupe d’âge 15-64 ans. D’ailleurs, comme en témoignent les chiffres du tableau 4 et du tableau B (en annexe), pour les deux scénarios, l’indice de jeunesse, défini comme le rapport entre la proportion des jeunes et celle de la population active, est en baisse par rapport à l’année 1991. La comparaison de l’indice dans les deux scénarios révèle qu’en général l’indice de jeunesse en présence de l’immigration internationale est plus élevé jusqu’à la période 2011-2016. Par la suite, l’indice est quasiment identique dans les deux cas et la différence est minime même pour les grandes RMR, qui pourtant attirent la plupart des immigrants internationaux. Cela signifie que l’introduction de l’immigration internationale dans la population totale a un impact très modeste sur le rajeunissement de celle-ci.

Figure 3

Indice de vieillissement, 1991-2031, Canada, RMR et RNM

forme: 000668aro021n.png Sans immigration

forme: 000668aro022n.png Avec immigration

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Cela nous amène à inférer que les flux d’immigration internationale permettent de rajeunir très faiblement la population d’accueil. La prise en compte de la fécondité élevée des immigrantes et des enfants des immigrants des deuxième et troisième générations pourrait modifier substantiellement le groupe des 0-14 ans de la population d’accueil. De plus, comme nous l’avons mentionné, dans nos projections le volume d’immigration est supposé constant durant toutes les périodes, ce qui implique une baisse du taux d’immigration puisque la population totale augmente. Une augmentation substantielle du volume d’immigration pourrait altérer de façon non négligeable la part des 0-14 ans et surtout celle des 15-64 ans puisque la vaste majorité des immigrants arrive en âge d’activité.

Pour mesurer l’impact de la migration internationale sur l’âge moyen de la population, tout comme dans les cas précédents, on peut calculer les écarts entre l’âge moyen avec et sans migration internationale. Cet exercice donne des écarts négatifs pour toutes les unités spatiales. Cela signifie que l’introduction de la migration internationale diminue l’âge moyen pour l’ensemble du pays. Néanmoins ces écarts sont très modestes. Pour le Canada, ils sont de + 0,6 an en 2006 et de + 1,4 an en 2031 puisque, à cette date, l’âge moyen est de 41,8 ans quand on introduit l’immigration et de 43,2 ans dans le cas contraire (Agossou, 2000). Ils ne sont importants que dans les régions métropolitaines, et notamment les grandes (2 ans en 2031) et les moyennes (1,3 an en 2031). Ailleurs, la différence est généralement minime.

Il résulte de cette analyse que l’introduction de la migration internationale fait baisser l’âge moyen des Canadiens, mais cette baisse, tout en restant faible, ne serait significative que dans les régions où se concentrent les immigrants.

Pour l’ensemble du Canada, les projections de Statistique Canada aboutissent à des résultats similaires avec des données du recensement de 1986. Selon ces projections, en 2036, l’âge médian de la population canadienne baisserait de deux ans dans un scénario de forte immigration par rapport à un scénario de zéro immigration. Autrement dit, l’arrivée de quelque 200 000 immigrants par année pendant 50 ans ne réduirait que de deux ans l’âge moyen des Canadiens (Statistique Canada, 1990). D’autres analyses confirment que l’immigration réduit très faiblement l’âge moyen. Selon Li et Wu (2001), tant que la fécondité des immigrants demeurera supérieure de seulement 34 pour cent à celle des natifs, l’immigration aura un faible effet sur le vieillissement de la population. Des projections faites sur la base des données du recensement de 1996 indiquent que la proportion des Canadiens âgés de 65 ans et plus atteindrait 25,5 pour cent en 2051 avec un flux annuel de 225 000 immigrants, comparativement à 29,8 pour cent sans flux (Loh et George, 2001).

Lorsqu’on intègre la migration internationale dans les projections, l’indice de dépendance passe de 0,46 en 1996 à 0,56 en 2031 en RMR, et de 0,54 à 0,68 en RNM. Donc, l’introduction de la migration internationale ralentit le degré de dépendance des personnes inactives, aussi bien en régions métropolitaines qu’en régions non métropolitaines. Le ralentissement est nettement plus important dans les régions métropolitaines que dans les régions non métropolitaines. Les régions métropolitaines grandes et moyennes connaissent la plus importante réduction du degré de dépendance des personnes inactives vis-à-vis des personnes actives; cela s’explique par la composition par âge des immigrants qui se concentrent dans ces régions métropolitaines.

Conclusion

Avec le déclin des taux de fécondité, la migration, surtout l’immigration internationale, joue un rôle grandissant dans l’accroissement de la population, aussi bien pour les régions métropolitaines que pour les régions non métropolitaines. En régions non métropolitaines, plus de la moitié (54 pour cent en 1996) de l’accroissement de la population est assumée par le solde naturel, alors qu’en régions métropolitaines, surtout à Toronto, Montréal et Vancouver, plus de 70 pour cent de cet accroissement est dorénavant attribuable à l’immigration internationale.

Si l’impact direct sur l’effectif de la population est évident, l’effet des flux d’immigrants sur le vieillissement de la population à court et long termes l’est moins. Comme l’indiquent l’analyse de l’indice de vieillissement et l’âge moyen, à court et à long termes, tant dans les régions métropolitaines que dans les régions non métropolitaines, l’impact de l’immigration internationale sur le vieillissement de la population d’accueil est très faible étant donné que la vaste majorité des immigrants arrivent au pays en âge d’activité. Tant pour les régions métropolitaines que pour les régions non métropolitaines, les gains sont minimes en ce qui concerne la diminution de l’âge moyen ou la proportion des personnes âgées de 65 ans et plus dans un scénario considérant constant le volume d’immigrants de 1986-1991. Ceux-ci sont insuffisants pour modifier substantiellement la structure par âge de la population et induire un rajeunissement de cette dernière. Néanmoins, les régions métropolitaines, notamment les grandes RMR, se démarquent des régions non métropolitaines.

L’immigration internationale limite le degré de dépendance des personnes inactives, aussi bien en régions métropolitaines qu’en régions non métropolitaines. Cependant, cet effet sur la dépendance et le vieillissement est nettement plus important dans les régions métropolitaines grandes et moyennes que dans les régions non métropolitaines.