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Compte rendu de

Charles M. Schulz et Nat Gertler, dir. 2011. Snoopy. Les trésors du chien le plus célèbre du monde. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Héloïse Jacob. Neuilly-sur-Seine, Michel Lafon.

Pp. 64, photographies, en couleurs et en noir et blanc, extraits de bandes dessinées, illustrations, reproductions, fac-similés, effigies, vignettes sur pellicule, pages à rabats, crédits des images, offert en version reliée sous coffret rigide, ISBN 9782749914626, $36.00.

Ce magnifique livre-objet—disponible sous coffret—est unique en son genre et s’apparente à un scrapbook de luxe, comme un trésor sous écrin. D’une originalité inimaginable et inégalée, il comprend des pages avec rabats, des pochettes contenant des enveloppes miniatures avec des messages imprimés sur des cartes, des segments détachables, des autocollants avec des effigies, des vignettes en transparent et des pages en relief. Et pourtant, ce livre luxueux portant sur un pan de l’histoire de la bande dessinée américaine n’est pas destiné prioritairement aux enfants, car il relate avec précision et rigueur la longue histoire du chien Snoopy tel qu’imaginé par Charles M. Schulz (1922-2000). Cet ouvrage en grand format sous la direction de Nat Gertler est la traduction de The Peanuts collection (2010), initialement publié par l’éditeur Little, Brown and Company.

Né au Minnesota, Charles Schulz imagina en 1950 son personnage de Charlie Brown et presque en même temps celui de son chien Snoopy. En l’espace de quelques années, leurs histoires allaient paraître tous les jours et simultanément dans des milliers de quotidiens pour ensuite donner lieu à plusieurs livres et dessins animés (22). On peut d’ailleurs suivre l’évolution subtile de l’image de Charlie Brown selon les décennies, de 1950 aux années 1990 (10, 16). Durant un demi-siècle, de 1950 à 2000, Schulz allait faire vivre ses personnages et leur faire connaître une multitude d’aventures; ceux-ci allaient devenir des icônes de la culture de masse des États-Unis. Une multitude de produits dérivés (figurines, disques, vêtements, effigies, badges) autour des Peanuts allaient être commercialisés pour devenir des items de collectionneurs de tous âges. Naturellement, plusieurs extraits des premières bandes dessinées des Peanuts sont reproduits du début à la fin de ce livre.

Spécialiste de la bande dessinée, Nat Gertler a admiré l’œuvre de Schulz et a rassemblé au fil des ans une étonnante collection d’objets reliés à l’univers des Peanuts, c’est-à-dire l’ensemble des personnages imaginaires formant l’entourage de Charlie Brown et de Snoopy. Grâce à la collaboration du Musée Charles M. Schulz, ces objets du monde des Peanuts sont ici présentés, mis en contexte et en outre mis en scène dans les pages de cet album. Parmi les nombreuses trouvailles de ce livre aux pages dépliables, on découvre un fac-similé détachable d’un petit dessin crayonné de la main du jeune Schulz esquissant un portrait approximatif de Charlie Brown (11). L’illusion est parfaite car les bordures du papier sont légèrement écorchées, comme si le passage du temps avait réellement fait son effet (11). Plus loin, un fac-similé d’un véritable livret de jeux datant de 1971 a été inséré dans l’album et peut être feuilleté (21). Vers la fin, une enveloppe brunâtre contenant une lettre manuscrite insérée dans une enveloppe (timbrée!) a été collée sur une page (43). Ailleurs, on trouve même dans une pochette un laissez-passer VIP ayant permis à Snoopy d’embarquer sur l’expédition d’Apollo 11 vers la Lune en 1969 (37), seize ans après un autre chien imaginaire venu de Belgique : Milou.

On aurait cependant tort de ne voir dans cet album ingénieux qu’une collection de gadgets et d’images apparentées à de simples publicités. Les remarques de Nat Gertler sur cet univers sans adultes où vivent Charlie Brown et ses amis sont toujours pertinentes; cette petite communauté imaginée par Charles M. Schulz véhiculait sa propre vision du monde (par exemple sur les gagnants et les perdants) et célébrait certains thèmes privilégiés comme l’amitié, la confiance en soi, la loyauté, l’école, la joie et la peine. Par ailleurs, Schulz avait à cœur l’avancement des idées progressistes et la promotion de l’égalité interraciale. D’ailleurs, l’introduction du personnage de Franklin, en 1960, allait créer un choc dans certains États, comme l’explique Nat Gertler : « Voir Franklin, un petit garçon noir, jouer avec Charlie Brown, un petit garçon blanc, ou aller en classe avec des élèves blancs dans le district scolaire que fréquente aussi Peppermint Patty, gêne certains lecteurs, et l’initiative de Schulz fut notamment commentée dans Newsweek  » (2010 : 49).

Indéniablement, Snoopy. Les trésors du chien le plus célèbre du monde est une petite merveille de livre (61) conçu magistralement par l’équipe de Nat Gertler, aidée des graphistes de la compagnie becker et mayer! [sic], de l’éditeur Little, Brown and Company et des Éditions Michel Lafon (pour la version française). Ce beau livre aux pages à rabats est comme un cadeau personnalisé; toutefois, compte tenu de sa fragilité et des innombrables petits documents détachables qu’il contient, on hésiterait à le recommander pour les bibliothèques publiques car l’intégralité de son contenu si fragile paraît éphémère et pratiquement impossible à préserver.