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« L’histoire est une mémoire construite, nullement passive [1] »

Introduction

L’ÉTUDE DES LIEUX DE MÉMOIRE ACADIENSS érigés au Madawaska depuis 1950 et des cérémonies commémoratives organisées lors du dévoilement de ces lieux permet de jeter un éclairage sur les représentations de l’Acadie dans une région où la question identitaire est souvent au centre des discussions et des débats. Ces lieux de mémoire sont diversifiés et ont été érigés grâce aux efforts des sociétés historiques locales, des comités de sauvegarde du patrimoine, des comités paroissiaux, des habitants et parfois grâce aux subventions gouvernementales[2]. Plusieurs commémorent l’arrivée et l’établissement des Acadiens au Madawaska. D’autres soulignent des événements marquants de l’histoire acadienne ou rendent hommage à un individu ou à une famille d’origine acadienne.

L’analyse des principaux lieux de mémoire acadiens au Madawaska démontre que ces lieux mettent l’accent sur l’Acadie du passé. Ils véhiculent l’idéologie traditionnelle de la survivance fondée sur le respect de l’histoire, de la religion et des ancêtres[3]. Selon le sociologue Camille-Antoine Richard, l’élite acadienne profita du premier congrès national acadien tenu en 1881 à Memramcook pour formuler et diffuser une première idéologie nationale connue par la suite comme « l’idéologie nationale de la survivance ». Le sociologue précise que cette idéologie repose sur les grandes traditions acadiennes, soit le souvenir de la Déportation, le culte des ancêtres, la tradition religieuse, la tradition colonisatrice et agricole et la langue française. Ce discours traditionnel subira quelques changements au cours des années. Certains thèmes disparaîtront des débats et seront remplacés par des discussions en lien avec les débats de l’heure[4].

Des études récentes sur la commémoration en Acadie démontrent que cette idéologie traditionnelle fut véhiculée lors des célébrations et des cérémonies dans la première demie du 20e siècle. L’idéologie est toujours bien ancrée dans le discours au cours des années 1950[5]. Durant la décennie suivante, on constate une certaine volonté de se tourner vers l’avenir, mais on n’évacue pas pour autant l’idéologie traditionnelle[6]. Selon Sacha Richard, il n’est pas étonnant que l’élite acadienne ait placé sa confiance en l’idéologie traditionnelle de la survivance pour la guider vers le futur. « Après tout, souligne l’historienne, celle-ci avait contribué à promouvoir l’avancement du peuple acadien depuis plus d’un siècle[7] ».

Notre étude s’intéresse aux lieux de mémoire érigés sur le territoire du Madawaska « historique », c’est-à-dire le nord-ouest du Nouveau-Brunswick et le nord du Maine (la section nord du comté d’Aroostook), au cours du 20e siècle. Cette étude s’intègre dans le projet « Les lieux de mémoire acadiens érigés au Canada atlantique  », un projet élaboré par le Réseau acadien histoire-patrimoine[8]. La recherche est en cours. Jusqu’à présent, 50 lieux ont été répertoriés et 25 ont été documentés. L’approche adoptée fut la même pour chaque lieu de mémoire, c’est-àdire la détermination du lieu et des objectifs visés par le projet de commémoration; l’analyse du lieu (le choix de l’emplacement, le ou les textes inscrits sur chaque monument, plaque, etc.) et l’analyse de discours prononcés lors des cérémonies de dévoilement et des textes publiés dans le cadre du dévoilement du lieu de mémoire. L’analyse des discours et des textes publiés après le dévoilement est particulièrement imporTante pour bien comprendre le contexte menant à l’érection de chacun de ces lieux de mémoire et les idées véhiculées lors des cérémonies.

Afin de documenter chaque lieu de mémoire et d’analyser les cérémonies de dévoilement, nous avons dépouillé les journaux régionaux et quelques discours prononcés lors des cérémonies. Nous avons également consulté les ouvrages d’histoire régionale et plusieurs monographies paroissiales. De plus, afin de mieux comprendre certains projets de commémoration, nous avons recueilli des témoignages de personnes directement engagées dans ces projets.

Ces lieux de mémoire peuvent être classés en quatre catégories : 1) les lieux qui soulignent l’arrivée et l’établissement d’Acadiens et d’Acadiennes au Madawaska; 2) les lieux ayant trait à des événements marquants de l’histoire acadienne; 3) les lieux qui rendent hommage à une personne ou à une famille d’origine acadienne et 4) les lieux qui se rapportent à la vie économique, sociale et religieuse des Acadiens et des Acadiennes du Madawaska (18e , 19e et 20e siècles)[9].

Les lieux qui soulignent l’arrivée et l’établissement d’Acadiens et d’Acadiennes au Madawaska

L’arrivée et l’établissement au Madawaska des premières familles acadiennes datent de la fin 18e siècle et du début 19e siècle. Plusieurs lieux de mémoire rendent hommage aux pionniers et furent dévoilés lors de fêtes régionales imporTantes telles que le 175e anniversaire ou le 200e anniversaire du Madawaska, ou encore le bicentenaire de la paroisse religieuse de Saint-Basile[10]. Lors des cérémonies de dévoilement de ces lieux, y compris lors de cérémonies récentes, on met l’accent sur les traditions, les valeurs, les causes qui unissent le Madawaska à l’Acadie. Les liens sont évidents entre les objectifs visés et les discours véhiculés par l’élite acadienne (surtout cléricale) du Madawaska et l’élite des autres régions de l’Acadie.

Les Croix en mémoire des familles fondatrices du Madawaska sont un bel exemple de ce type de lieu. elles ont été érigées à l’initiative d’ernest Lang, curé de Saint-Basile (1948-1970), en 1960 et en 1961[11]. Ces 31 croix en hommage aux familles fondatrices ont été installées dans le cimetière de Saint-Basile. elles furent dévoilées le 9 août 1961, lors d’une grande célébration commémorant le 175e anniversaire de l’arrivée des premières familles francophones au Madawaska[12].

À l’origine, ces croix étaient en bois. Sur chacune, on retrouvait les noms et dates de naissance et de décès des fondateurs de la paroisse. Ces pionniers furent d’abord enterrés là où passe la voie ferrée du CN et où passait l’ancienne voie du CPR, près du fleuve Saint-Jean. Lorsque ces voies de chemins de fer ont été construites, les restes des pionniers furent déterrés et inhumés plus haut dans le cimetière. Il n’y avait pas d’épitaphes sur ces tombes. Le curé Lang entama des recherches pour retrouver les années de naissance et de décès des pionniers et des pionnières et planta ensuite les croix de bois. en 1985, grâce aux efforts de M. Conrad Soucy et de la Société historique du Madawaska, ces croix furent refaites et remplacées par de nouvelles croix blanches en PVC. elles sont toujours installées dans la section du cimetière située près du lieu historique où l’on retrouve la Maison Cyr et la chapelle-souvenir[13].

Toujours à Saint-Basile, deux monuments importants en hommage aux pionniers ont été dévoilés dans les années 1960 et 1990. Le Monument des fondateurs fut érigé dans le cimetière en 1960 et dévoilé le 6 août 1961 pour souligner le 175 e anniversaire de la fondation du Madawaska. Ce projet de commémoration fut une initiative du curé ernest Lang. Cette fête coïncidait avec le 10e anniversaire du Congrès marial et le 350e anniversaire des « Missions » au Nouveau-Brunswick. Une messe fut célébrée à la chapelle mariale, avec représentation du « Rosaire vivant » et du jeu scénique Chemin de la Croix, d’Henri Ghéon. Il y eut également bénédiction du monument à la croix de granit au cimetière, monument-souvenir élevé à la mémoire des ancêtres dont les noms y sont gravés sur une plaque de bronze.

Dans un article de l’hebdomadaire Le Madawaska, on souligne alors que ce monument est érigé dans le vieux cimetière « où reposent les cendres de ces héros sans gloire[14] », les premiers habitants du Madawaska. on rappelle que ces premiers habitants du Madawaska étaient des descendants des malheureux déportés d’Acadie. on raconte ensuite leur arrivée au Madawaska :

Chassés une première fois de l’Acadie ancienne (la Nouvelleécosse d’aujourd’hui), par l’usurpateur anglais, affirme l’auteur, ils vinrent errants à travers le bois épais, se réfugier en un endroit isolé le long de la rivière Saint-Jean, endroit qu’ils baptisèrent du nom de Sainte-Anne des Pays-Bas (aujourd’hui Fredericton). Ils vécurent là environ trente ans [...] Comme de vulgaires sans patrie, ils furent de nouveau délogés, en 1785, par le loyaliste américain envahisseur, et ce fut l’exode au Madawaska [...] Les premiers à débarquer de leurs frêles embarcations, prirent possession du terrain que leurs pieds foulaient pour la première fois en élevant une croix, signe de salut. L’endroit exact où la Providence avait conduit la petite flottille était sur les riches platins de Saint-David et de Saint-Basile actuels. [...] Ces pionniers des terres nouvelles, véritables héros inconnus et sans gloire, furent les fondateurs du Madawaska. Leurs noms méritent de passer à la postérité, et sont inscrits sur la plaque de bronze, fixée au monument érigé en leur honneur[15].

Le monument fut dévoilé par le juge en chef de la Cour du Banc de la Reine, énoïl Michaud[16]. Les fêtes, y compris le dévoilement du monument, furent organisées par M gr ernest Lang, curé de la paroisse, en collaboration avec un comité paroissial. L’objectif des fêtes et du monument, souligna alors le curé, était de « rappeler à la génération actuelle la mémoire des pionniers, qui ont fait de la région ce qu’elle est[17] ». Mgr J.-Roméo Gagnon, évêque du diocèse d’edmundston, qui présida toutes les cérémonies des fêtes de 1961, procéda à la bénédiction de la croix. Il souligna « le grand rôle tenu dans notre société par la famille, l’église et l’école, qui aujourd’hui comme toujours, collaborent et conservent l’unité et la vitalité de notre peuple du Madawaska[18] ». Une messe suivit la cérémonie de dévoilement du monument.

Pour sa part, le Monument du bicentenaire de la paroisse de Saint-Basile le Grand fut érigé devant le presbytère et dévoilé en juillet 1992. Ce monument rend également hommage aux pionniers et aux pionnières de la paroisse. Ce projet de commémoration a été financé grâce à une contribution du gouvernement provincial et à une campagne de collecte de fonds publique. Le monument a été fabriqué par l’entreprise Monuments Brunswick, de Grand-Sault, dans son usine de Saint-Léonard-Parent.

Le monument fut dévoilé par Mgr Gérard Dionne, évêque du diocèse d’edmundston, et le père Jacques thériault, accompagnés de deux enfants de la paroisse, le dimanche 5 juillet 1992. étaient aussi présents à la cérémonie le père Napoléon Michaud, le président des fêtes du bicentenaire, Guy Soucy, et le ministre de l’Agriculture, Gérald Clavette[19] . Ce monument, souligne-t-on alors, vise à immortaliser deux siècles d’histoire. Selon Gérald Clavette, il est «  un gage de remerciement envers les pionniers et pionnières[20] ». Lors de la cérémonie, on expliqua la signification du monument. Ainsi, la forme du berceau représente les origines, soit l’arrivée des premiers colons fondateurs de Saint-Basile, la paroisse mère. Le berceau symbolise « la naissance d’un peuple, le berceau des arrivants, le berceau de notre histoire et de nos souvenirs[21] ». Le granit gris symbolise la force et le courage des ancêtres défricheurs ainsi que les durs labeurs de ces premiers colons en ces terres de roches et de forêts. Le monument rend hommage à tous les pionniers : les premiers, les Acadiens, ceux qui sont venus s’établir dans la région après eux et les bâtisseurs de la paroisse. Sur le monument, on retrouve gravés les symboles de la chapelle et de l’église de Saint-Basile, qui représentent la foi des ancêtres, les racines chrétiennes, l’héritage catholique, la « marche comme peuple de Dieu ». La famille au centre symbolise la vie, la cellule vivante de l’église, le « noyau d’amour de l’espérance », le peuple enrichi des trésors des prédécesseurs « marchant avec confiance vers l’avenir [22] ». La bénédiction du monument fut faite par le père Napoléon Michaud et Mgr Gérard Dionne. L’analyse des discours prononcés lors du dévoilement ainsi que la description du monument et des symboles qui y sont gravés révèlent encore des liens évidents avec le discours traditionnel de l’élite acadienne.

De l’autre côté de la frontière, dans la paroisse de Saint-David de Madawaska, au Maine, la Madawaska Historical Society gère l’Acadian Landing Site, un lieu historique inscrit au National Register Property. Ce lieu commémore l’arrivée des premiers pionniers acadiens dans le haut de la vallée du Saint-Jean. on peut y observer une croix en marbre de 14 pieds. Celle-ci représente la première croix érigée en 1785 par les premiers pionniers qui ont mis le pied dans la vallée. La croix représente leur reconnaissance d’y avoir trouvé la sécurité et des terres qu’ils pourront défricher. De nos jours, des cérémonies religieuses et commémoratives ont occasionnellement lieu à cet endroit, qui est géré par la société historique locale.

La croix y fut installée en 1985 lors du bicentenaire du débarquement des premiers Acadiens au Madawaska. L’inscription sur cette croix se lit comme suit : «  1785-1985 Acadian Cross Historic Shrine. en l’honneur de nos pionniers. In Honor of our Pioneers. » Le monument et les plaques posées à la base de la croix portent aussi le nom des membres des familles fondatrices.

La croix fut consacrée le dimanche 30 juin 1985 par Mgr Guilman Chalout lors d’une cérémonie solennelle au cours de laquelle les orateurs rappelèrent aux personnes présentes l’importance des valeurs et des traditions transmises par les ancêtres acadiens. La cérémonie fut un moment fort de l’édition 1985 du Festival acadien de Madawaska, au Maine[23].

Lieux qui rappellent des événements marquants de l’histoire de l’Acadie

La deuxième catégorie de lieux de mémoire regroupe ceux qui ont un lien direct avec des événements marquants de l’histoire acadienne. Ces lieux de mémoire soulignent principalement deux événements : le 400e anniversaire de l’Acadie et la Déportation. tous ces lieux ont été inaugurés au cours des deux dernières décennies. Le monument en hommage au 400e anniversaire de l’Acadie et aux familles fondatrices du village de Saint-Hilaire est particulièrement intéressant. Sur le devant du monument, on retrouve le symbole du 400e anniversaire de l’Acadie et un texte soulignant que le monument vise à rendre hommage aux familles pionnières de la localité dans le cadre de cet anniversaire[24]. Sur l’arrière du monument, les noms des familles établies dans le village au cours de la période de 1810 à 1830 et de la période de 1840 à 1890 sont inscrits. Parmi ces noms, il y a de nombreux patronymes acadiens.

Figure 1

Figure 1: Croix en mémoire des familles fondatrices, Saint-Basile.

Source : Collection Nicole Lang.

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Le dévoilement du monument a eu lieu lors d’une cérémonie le 10 octobre 2004 devant le Complexe Maxime-Albert, à l’entrée du village de Saint-Hilaire. Les principaux responsables du projet de commémoration, Georges Cyr, Délia Collin, Roland Dubé (conseiller), Roland Cyr (fabricant du monument), Hermel Ouellette, le père Rino Albert et le maire de Saint-Hilaire, Benoît Dumont, sont présents à la cérémonie. Les discours prononcés lors du dévoilement révèlent que le projet fut réalisé grâce à la collaboration de la Société Louis-Napoléon-Dugal et du gouvernement du Nouveau-Brunswick[25] dans le cadre des célébrations entourant le 400e anniversaire de la fondation de l’Acadie[26] . Une cinquantaine de personnes ont pris part à l’activité. Le maire Benoît Dumont rappela le but du projet. «  Nous devons nos plus grands respects à ceux qui nous ont précédés et à leurs descendants », affirma-t-il lors de son allocution[27].

Figure 2

Figure 2: Monument aux fondateurs, Saint-Basile.

Source : Collection Nicole Lang.

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D’autres monuments rappellent un autre événement important de l’histoire de l’Acadie, soit la Déportation. Le plus imposant est sans doute celui érigé au cœur de Saint-Basile. Ce monument fait partie du projet de commémoration internationale du Grand Dérangement[28]. Le projet a pour but de souligner l’odyssée du peuple acadien au Canada, sur le continent nord-américain ainsi qu’ailleurs dans le monde. Il s’inscrit dans les démarches de commémoration entourant le 250e anniversaire du Grand Dérangement des Acadiens, qui a eu lieu en 2005[29].

Ce projet, qui a vu le jour grâce au travail de la Commission de l’odyssée acadienne depuis 1999, vise à accomplir trois objectifs : la commémoration du Grand Dérangement, la sensibilisation à l’histoire et à la culture acadiennes, ainsi que la promotion de l’Acadie contemporaine. Pour réaliser ces objectifs, le projet de commémoration internationale du Grand Dérangement propose de concevoir et de dévoiler une série de monuments commémoratifs dès 2005 au Canada atlantique, au Québec, aux états-Unis, en France, en Angleterre et aux Antilles. Depuis l’année 2005, 14 monuments ont été dévoilés, dont celui de Saint-Basile en 2006[30]. Plusieurs cérémonies de dévoilement ont eu lieu le 28 juillet, date de la signature, en 1755, de l’ordre de déportation par le président du Conseil de la Nouvelle-écosse, Charles Lawrence. Plus de 10 000 hommes, femmes et enfants furent ensuite déportés[31].

Tous les monuments de l’odyssée acadienne sont identiques, et le concept a été élaboré par l’artiste Serge Levesque. Chaque monument repose sur une base en forme d’étoile, un symbole de l’Acadie. Le monument comprend également la croix de la Déportation, une réplique de la croix originale de Grand-Pré. elle est faite de bronze. Un bas-relief, en forme de cercle, présente les lieux de déportation et de migration de la population acadienne. Des plaques commémoratives, coulées dans le bronze, présentent, sur chaque monument, un texte qui porte sur le Grand Dérangement ainsi qu’un texte spécifique à l’emplacement du monument. Le monument de Saint-Basile, par exemple, retrace l’histoire des Acadiens et des Acadiennes du Madawaska de leur arrivée en 1785 jusqu’à la période contemporaine.

La Société Louis-Napoléon-Dugal (SLND) et la Société des Acadiens et Acadiennes du Nouveau-Brunswick (SAANB) ont formé un comité ad-hoc œuvrant à l’installation d’un monument commémoratif du 250e anniversaire de la Déportation au Madawaska. Ce comité a commencé son travail en juin 2005, lorsqu’il a proposé la région comme endroit privilégié où installer un monument commémoratif du 250e dans le cadre du circuit de commémoration de la Commission de l’odyssée[32]. La SLND a fait des démarches pour installer le Monument de l’Odyssée sur le terrain de l’aréna de Saint-Basile, le berceau de l’Acadie des terres et forêts. Le monument a été dévoilé lors d’une cérémonie spéciale le 28 juillet 2006, jour de commémoration du Grand Dérangement[33].

Figure 3

Figure 3: Monument du 400e anniversaire de l’Acadie, Saint-Hilaire.

Source : Collection Nicole Lang.

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Pendant la cérémonie, plusieurs orateurs rappelèrent que, de par l’histoire, le Madawaska, et particulièrement Saint-Basile, fut une terre de refuge pour les Acadiens arrivant de Sainte-Anne-des-Pays-Bas (Fredericton). C’est toutefois en 1785 qu’ils reçurent la permission de coloniser le territoire. Le monument vise à rendre hommage à ces fondateurs et à leurs descendants. La présidente de la Société des Acadiens et Acadiennes du Nouveau-Brunswick, Marie-Pierre Simard, souligna également l’importance qu’a jouée la région du Madawaska en tant que terre d’accueil de nombreux réfugiés de la Déportation[34].

Figure 4

Figure 4: Monument de l’Odyssée acadienne, Saint-Basile.

Source : Collection Nicole Lang.

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Lieux qui rendent hommage à une personne ou à une famille d’origine acadienne

Dans plusieurs localités du Madawaska, des lieux de mémoire visent à souligner la contribution d’une personne ou d’une famille d’origine acadienne. Une personne se démarque des deux côtés de la frontière, Marguerite-Blanche thibodeau (1732-1810), épouse de Joseph Cyr, dite Tante Blanche. Des lieux de mémoire visent à reconnaître la contribution exceptionnelle de cette femme auprès des pionniers acadiens de la région de Madawaska durant la famine de 1797. La colonie dut alors traverser une période difficile à cause des rigueurs du climat, y compris la neige précoce qui ensevelit les récoltes. La tradition orale raconte les exploits de cette femme forte et courageuse qui allait de porte en porte demander aux mieux nantis de donner ce qu’ils pouvaient aux plus pauvres et qui soignait les malades[35].

Les habitants du Madawaska la surnomment « Tante Blanche » en raison de ses nombreux actes de bonté qu’elle posa en 1797 et qui firent d’elle une source de soutien moral dans la communauté. elle décéda au Madawaska le 27 mars 1810. Dans le registre paroissial de Saint-Basile, le prêtre missionnaire Jean-Baptiste Kelly écrit alors :

Le vingt neuf mars mil huit cent dix je prêtre soussigné missionnaire ai inhumé au cimetière du lieu le corps de Marguerite thibodeau épouse de Joseph Cir décédée avant-hier munie des sacrements et secours de l’église, âgée de soixante douze ans environ, furent présents Jean Baptiste Daigle Antoine Gagné et plusieurs autres qui ont déclaré ne savoir signer[36].

Une pierre tombale érigée dans le cimetière de Saint-Basile lui rend hommage. Sur cette pierre, on peut lire : « Véritable mère du Madawaska – Marguerite-Blanche thibodeau – épouse de feu Joseph Cyr – Décédée le 28 mars 1810 – À l’âge de 72 ans – Inhumée à Saint-Basile, N.-B. »

Un musée, situé à Saint-David (Maine) et construit en bois rond, a ouvert ses portes en 1970 en hommage à Marguerite-Blanche thibodeau Cyr. Il vise également à souligner les actes héroïques qu’elle accomplit durant la famine de 1797. Dans ce musée, on trouve des objets reliés à la fabrication des textiles et des meubles acadiens. Une sculpture en bois représentant Tante Blanche, réalisée par Albert Deveau, est aussi présente sur place[37].

Récemment, un nouveau lieu de mémoire en hommage à Tante Blanche a été dévoilé à Saint-Basile lors de la Fête du 15 août. Situé dans le jardin d’Adrienne « Gus » Roy, ce lieu s’appelle « Marguerite, Tante Blanche, source d’inspiration ». La propriétaire du jardin, Adrienne Roy, a aménagé cet espace, qui comprend plusieurs artéfacts de l’Hôtel-Dieu de Saint-Basile et des vitraux, un don de Colette Clavet. Le projet a été réalisé en collaboration avec le Congrès mondial acadien 2014[38].

Les monuments érigés en hommage à une famille établie au Madawaska sont assez communs dans la région. Un de ces monuments est d’un intérêt particulier parce qu’il démontre bien tous les déplacements d’une famille acadienne, de la Nouvelle-écosse à l’Île-du-Prince-édouard puis au Québec et au Nouveau-Brunswick : celui de la famille de Zéphirin Daigle[39].

Le monument en marbre est érigé à l’entrée du village de Baker Brook du village depuis 1966, sur une terre privée, propriété de la famille Daigle. Il retrace donc la généalogie de la famille de Zéphirin Daigle. L’inscription sur le monument indique « Daigle – famille Zéphirin. Généalogie : olivier, France Port-Royal 1643-1686; Bernard, Port-Royal Port-Lajoie 1670-1751; Joseph, Pisiguit St-Charles-de-Bellechasse 1738-1814; Jean-Baptiste, St-François-du-Sud St-Basile 1767-1836; Auguste, Ste-Luce Ste-Luce 1798-1877; Zéphirin, St-Hilaire St-Hilaire 1847-1914  ». Ce monument vise à souligner la contribution de la famille dans le développement du village de Saint-Hilaire, divisé pour donner naissance au village de Baker Brook.

Les lieux de mémoire qui ont trait à la vie économique, sociale et religieuse des Acadiens et des Acadiennes du Madawaska

La dernière catégorie de lieux de mémoire comprend ceux qui ont trait à la vie des gens au Madawaska. Ces lieux sont assez variés mais, encore une fois, on remarque que la plupart se penchent sur l’expérience des Acadiens aux 18e et 19e siècles ainsi que durant la première demie du 20e siècle. Quelques-uns seulement se rapportent à la deuxième moitié du 20e siècle. Un bel exemple de ce type de lieux est la Maison historique Cyr, bâtie vers 1825 par Alexis Cyr, l’un des pionniers de la région et époux de Victoire thériault. elle nous permet de voir comment étaient construites les maisons de l’époque.

Figure 5

Figure 5: Lieu en hommage à Tante Blanche, jardin de Gus.

Source : Collection Nicole Lang.

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Transmise de génération en génération, la maison est restée la propriété de la famille Cyr jusqu’en 1981, lorsqu’elle a été donnée par Almida, Ursule et Clothilde Cyr, filles d’Isidore Cyr, à la Société historique du Madawaska. elle a été déplacée sur le lieu historique près du cimetière de Saint-Basile en 1985 grâce aux efforts de la Société historique du Madawaska et de M. Conrad Soucy[40]. Il s’agit de la plus vieille maison encore debout au Madawaska[41].

Figure 6

Figure 6: Monument famille Zéphirin Daigle, Baker Brook.

Source : Collection Nicole Lang.

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Tout près de la Maison Cyr et du cimetière, on retrouve la chapelle-souvenir, rappelant la première chapelle de Saint-Basile, construite en 1785-1786. À l’été de 1793, le missionnaire Paquet y bénit une chapelle mesurant 40 pieds sur 30 pieds, faite de bois équarri et pouvant contenir 300 personnes. La réplique de la chapelle a été construite sur le site original, près du fleuve Saint-Jean[42]. elle a été conçue comme un musée devant recueillir les objets anciens, les souvenirs du passé.

La chapelle fut dévoilée et bénie le 19 août 1956 lors des grandes fêtes dans la communauté paroissiale de Saint-Basile. en effet, afin « d’assurer la survie des traditions nationales et régionales », le curé ernest Lang organisa, en 1956, une fête « patriotique et religieuse » pour commémorer le 200e anniversaire de la déportation des Acadiens[43]. Ainsi, le 19 août, une descente de 12 canots sur le fleuve – symbolisant l’arrivée des pionniers en 1785 – fut suivie de la présentation du jeu scénique Le drame du peuple acadien (à l’aréna)[44] et de la bénédiction d’une petite chapelle, réplique de la première chapelle érigée au Madawaska sur les lieux d’arrivée des premiers colons.

La bénédiction de la chapelle-souvenir par Son excellence Mgr J.-R. Gagnon eut lieu vers 20 h et fut suivie d’une allocution du curé Lang. Celui-ci rappela le souvenir du passé et le culte « dont nous devons l’entourer ». Il rappela la mémoire des ancêtres qui avaient légué le double héritage de la foi catholique et de la langue des aïeux. La chapelle fut conçue comme un monument à la mémoire des aïeux. Rien dans la région, affirma alors le curé Lang, ne rappelait à la jeune génération les faits importants de l’histoire du Madawaska. La chapelle avait comme fonction de réparer cet oubli et ainsi de rendre un hommage bien mérité aux pionniers[45]. Plus d’un millier de personnes assistèrent à la cérémonie. Quelques années plus tard, en 1960, on posa des plaques commémoratives en mémoire des familles pionnières de la paroisse sur les murs de la chapelle.

Le Village acadien de Van Buren, au Maine a été construit par la société historique Héritage Vivant / Living Heritage. Il vise à rendre hommage aux pionniers de la région et à l’héritage acadien. La propriété sur laquelle le village est construit est un don de M. et Mme Charles Ayotte, de Van Buren-Keegan. M. Ayotte était un fermier de la localité. La société historique a recueilli des fonds grâce à des collectes spéciales, à des dons de citoyens (argent et travail), à plusieurs petites subventions fédérales et à la générosité de gouvernements locaux et d’organismes. Des gens de Van Buren, Hamlin, Cyr Plantation et Grand Isle voient à l’entretien du village historique.

Certains édifices ont été transportés sur place et d’autres y ont été construits directement. Le premier édifice a été transporté sur les lieux en février 1975 et le village a ouvert ses portes le 1er juillet 1976. Le lieu historique a été désigné par l’état du Maine « Meilleur projet du bicentenaire » et il a reçu une mention spéciale de la Commission de la conservation du patrimoine historique du Maine (Maine Historic Preservation Commission). Le Village acadien est inscrit au registre national des lieux historiques (National Register of Historic Places) à Washington (DC) et il a été reconnu comme un lieu historique national. Il s’agit d’un des plus grands lieux historiques du Maine. on y retrouve : une station de chemin de fer, une chapelle en hommage à Notre-Dame de l’Assomption, une boutique de forge, une école de campagne, un magasin général, la maison Roy, la maison Morneault, la maison Levasseur-Ouellette, la grange de la famille Rossignol, le centre d’accueil, etc.[46]

Quelques lieux classés dans cette dernière catégorie font bande à part. Ils ont peu de liens avec l’idéologie traditionnelle de la survivance. Ils mettent l’accent surtout sur le travail ardu et important des agriculteurs, des draveurs ou encore des infirmières du Madawaska au cours des siècles. Ces lieux de mémoire ont été dévoilés dans les années 1990 et 2000. La sculpture en hommage aux pionniers défricheurs de Saint-Basile, réalisée par le sculpteur sur bois Albert Deveau, en est un bel exemple. Deveau a réalisé plusieurs œuvres qui rendent hommage à des travailleurs. Cet artiste populaire a créé des sculptures de pêcheurs, de travailleurs forestiers, de forgerons et de cheminots pour des localités ou des familles de la Nouvelle-écosse, de l’Île-du-Prince-édouard, du Québec, etc. on retrouve quelques œuvres de Deveau en Acadie du Nouveau-Brunswick[47]. À Saint-Basile, le « berceau du Madawaska  », sa sculpture Le défricheur rend hommage aux premiers agriculteurs qui s’installèrent dans la région à partir de 1785 et qui défrichèrent « l’arrière-pays ». elle fut inaugurée le 28 juin 1992, lors des Fêtes du bicentenaire de la paroisse religieuse de Saint-Basile (1792-1992)[48].

La drave était un métier pratiqué par bien des hommes de Saint-Léonard et des localités environnantes. Ces travailleurs ont participé au flottage des billes de bois à pâte sur le fleuve Saint-Jean et sur ses tributaires. La Ville de Saint-Léonard et la société forestière Irving ont voulu reconnaître l’importance de la drave dans l’histoire locale et aussi rendre hommage à tous ces travailleurs qui pratiquaient un métier fort dangereux. en 1995, la société Irving a érigé un monument dans le parc Centre-Ville. Le monument a été dévoilé en juillet dans le cadre des célébrations du 75e anniversaire de la municipalité[49].

L’année suivante, la Municipalité lança son premier Festival du draveur acadien[50], au cours duquel on présenta des compétitions de draveurs, permettant ainsi à la population locale de renouer avec ce métier d’autrefois. en 2004, tout près du centre touristique municipal, on installa une grande fresque de l’artiste peintre Clarence Bourgoin[51]. Intitulée Une rivière de souvenirs, cette fresque représente des draveurs exerçant leur métier sur le fleuve Saint-Jean dans les années 1950.

À Saint-Quentin, un monument rendant hommage aux Religieuses Hospitalières de Saint-Joseph (RHSJ) a été érigé devant l’hôpital. Dévoilé le 14 octobre 2012, ce monument commémore la présence et l’œuvre des Religieuses Hospitalières de Saint-Joseph au Restigouche-ouest. Le monument est érigé devant l’hôpital de Saint-Quentin pour souligner leur contribution au fonctionnement de cet établissement de santé au cours des années. Le monument représente une religieuse s’occupant d’un patient. Sur le monument, on peut lire : « en l’honneur des Religieuses Hospitalières La population et les patients reconnaissants. » Le projet de monument fut piloté par un comité de citoyens. L’idée d’ériger un monument est venue du Dr Jean-Claude terras, qui a côtoyé les religieuses pendant de nombreuses années. Les religieuses ont quitté Saint-Quentin en 2010. Selon le Dr terras, il ne fallait pas que leurs traces et leur mémoire soient oubliées. Deux Hospitalières étaient présentes lors du dévoilement  : Sr Gilberte McGrath et Sr Marie-thérèse Laliberté (supérieure générale de la congrégation). L’hôpital a ouvert ses portes en 1947 et pouvait alors accueillir 30 patients. en 1963, un établissement plus moderne fut inauguré (l’hôpital actuel). L’établissement fut géré par les RHSJ jusqu’en 1981 avant d’être cédé au gouvernement provincial[52].

Figure 7

Figure 7: Maison Cyr, Saint-Basile.

Source : Collection Nicole Lang.

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Conclusion

L’état actuel de notre recherche sur les lieux de mémoire acadiens et les cérémonies commémoratives dans la région du Madawaska nous permet de dégager quelques conclusions. Les lieux de mémoire ont trait surtout à l’arrivée des Acadiens dans la région et à la période de la colonisation. Ainsi, ces lieux mettent l’accent sur «  l’héritage acadien  ». Quelques-uns seulement font allusion à l’Acadie contemporaine. Les liens avec l’Acadie sont évidents, et ce, dans la majorité des projets de commémoration. on met surtout l’accent sur l’Acadie du passé et sur les valeurs et traditions transmises par les ancêtres.

En effet, plusieurs lieux de mémoire et les discours prononcés lors des cérémonies de dévoilement – y compris au cours de la période plus récente – véhiculent l’idéologie traditionnelle de la survivance fondée sur le respect de l’histoire, de la religion et des ancêtres. Cette idéologie, développée lors des grands congrès nationaux à la fin du 19e et au début du 20e siècle, a permis la survivance du peuple acadien et doit assurer son avenir, de sorte que l’accent est mis sur l’importance de la renaissance acadienne, sur la foi catholique de même que sur l’histoire et les traditions acadiennes. Ainsi, lors des cérémonies de dévoilement, on prêche la fidélité aux vertus et aux qualités morales des ancêtres et on rappelle les grandes traditions acadiennes. Parfois, on exprime la volonté de se tourner vers l’avenir, mais on n’évacue pas le passé et l’idéologie nationale traditionnelle.

Figure 8

Figure 8: Chapelle historique, Saint-Basile.

Source : Collection Nicole Lang.

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Figure 9

Figure 9: Monument en hommage aux draveurs.

Saint-Léonard. Source : Collection LHTNB.

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Figure 10

Figure 10: Fresque en hommage aux draveurs, Saint-Léonard.

Source : Collection LHTNB.

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Figure 11

Figure 11: Monument en hommage aux RHSJ, Saint-Quentin.

Source : Collection Nicole Lang.

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L’étude révèle aussi d’autres aspects intéressants. Au Madawaska, les femmes ne sont pas ignorées dans les projets de commémoration. Alors que souvent on commémore au masculin[53], au Madawaska, plusieurs lieux soulignent la contribution des femmes au cours des derniers siècles. Les lieux en mémoire de Tante Blanche, les croix en mémoire des pionniers et des pionnières dans le cimetière de Saint-Basile ou encore le monument en hommage aux Religieuses Hospitalières de Saint-Joseph à Saint-Quentin en sont de beaux exemples.

Les lieux de mémoire ont été érigés grâce aux efforts de plusieurs individus et groupes tels que les sociétés historiques locales, des comités de sauvegarde du patrimoine, des paroisses religieuses ou encore des gens des diverses localités. Les gens contribuent financièrement et, souvent, ils donnent de leur temps lors de l’érection des lieux. Parfois, quand le projet s’inscrit dans de grandes célébrations, telles que le 400e anniversaire de l’Acadie, on obtient des subventions gouvernementales du fédéral, du provincial ou encore de l’état.

enfin, plusieurs de ces lieux sont en bien mauvais état. Les localités ont besoin d’argent et de volontaires pour l’entretien et la réfection de plusieurs de ces lieux de mémoire érigés à divers endroits sur le territoire madawaskayen. Le temps presse, car plusieurs lieux sont menacés et risquent de disparaître. Les croix commémoratives et le Monument des fondateurs dans le cimetière de Saint-Basile ou encore le Village acadien de Van Buren, au Maine, sont quelques exemples de lieux qui requièrent des travaux de réfection dans les meilleurs délais.

Comment expliquer le piètre état de ces monuments et lieux historiques? L’entretien des lieux de mémoire pose de sérieux défis dans les localités qui ont élaboré et mené à terme ces projets de commémoration. Les fonds recueillis pour l’érection de monuments ou encore de plaques permettent de localiser et de préparer l’emplacement et ensuite d’ériger le lieu de mémoire. Souvent, les frais d’entretien n’ont pas été prévus. Il faut dire que les subventions gouvernementales ne prévoient pas de budget d’entretien une fois le lieu de mémoire dévoilé. De plus, comme la plupart de ces lieux ne génèrent pas de revenus touristiques, l’entretien relève de groupes communautaires, de paroisses religieuses[54] ou encore de municipalités qui ne sont pas toujours en mesure d’absorber le coût.

De plus en plus, on remarque que les groupes qui élaborent des projets de commémoration prennent conscience de l’importance de prévoir un budget pour l’entretien du lieu de mémoire lors de la collecte de fonds. Plusieurs cherchent aussi à conclure une entente avec une municipalité ou un groupe prévoyant l’entretien du lieu après le dévoilement.

53 À titre d’exemple, la recherche sur les lieux de mémoire ouvriers au Nouveau-Brunswick a révélé que la très grande majorité des lieux sont dédiés aux hommes et au travail des hommes. Voir Frank et Lang, Labour Landmarks / Lieux de mémoire ouvriers, p. 90.

54 Au Madawaska, plusieurs lieux de mémoire érigés avant les années 1990 se retrouvent dans les cimetières des paroisses catholiques. Celles-ci n’ont tout simplement plus les fonds pour faire l’entretien de ces nombreux monuments et plaques. elles ont de la difficulté à entretenir les églises et les presbytères. Les lieux de mémoire ne figurent donc pas dans leur liste de priorités quand vient le moment d’allouer des fonds pour l’entretien.

Le projet de recherche se poursuit. Des lieux de mémoire ont été répertoriés et seront bientôt documentés. D’autres restent à découvrir. tous ces lieux permettent de mieux comprendre la place qu’occupent l’Acadie et l’histoire acadienne au Madawaska, cette région frontalière située tout près du Québec et du Maine. À plus long terme, il sera intéressant de comparer les projets de commémoration acadiens avec ceux qui ont voulu souligner l’apport d’autres groupes, tels les Canadiens français, les Irlandais ou encore la Première Nation malécite du Madawaska.