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LE POÈME Evangeline: A Tale of Acadie (1847) de Henry Wadsworth Longfellow (1807-1882) est, selon la description qu’en fait Jean Morency, « un vaste patchwork de sources diverses, mais facilement repérables[1] ». À cet égard, Évangéline. Contes d’Amérique[2] de Joseph Yvon Thériault ressemble à son sujet et s’éloigne délibérément de l’ouvrage scientifique comme de l’essai, qui exigent tous deux l’expression d’une thèse centrale et originale. D’emblée, l’auteur adopte plutôt la posture d’un conteur relayant l’instrumentalisation du poème par ses divers interprètes : « Quant au narrateur de ce livre, il s’est tenu discret. Il ne s’agit pas d’un livre à thèse, sinon celle que je viens d’énoncer selon laquelle les idées participent à la fabrication des sociétés et les récits sont nécessaires à leur compréhension. J’ai voulu suivre la trace, par la voix et le regard, des récits des hommes et des femmes qui ont commenté Évangéline et, grâce à cette piste, comprendre les mondes qu’ils participent à construire. » (p. 17)

Pour un sociologue, qui se réclame de l’histoire des idées de surcroît[3], cette prétention d’abandonner l’autorité auctoriale est curieuse; il est évident que les idées et les opinions de Thériault transparaissent dans les moindres détours de son écriture. Par ailleurs, il y a longtemps que les disciplines des sciences sociales –  reconnaissant que tout observateur est aussi acteur et influence donc nécessairement le phénomène étudié – ont institué l’impératif de réflexivité comme norme de recherche[4]. Le projet même du livre soulève donc plusieurs questions. Comment s’inscrit-il dans la foulée des réflexions et des travaux antérieurs de Thériault? Qu’est-ce que ce dernier cherche à montrer par son exploration des différents récits d’Évangéline? Qu’apporte-t-il de nouveau à la connaissance du sujet? En somme, on s’étonne que l’auteur n’explicite pas sa trajectoire et son positionnement intellectuels. Pourtant, il le fait pour tous les penseurs qu’il sollicite dans son ouvrage, dont il explique systématiquement le rapport au poème par leur parcours intellectuel ou par leur idéologie[5].

Il est vrai, dans une certaine mesure, que l’impératif de réflexivité en sciences sociales est également un piège, puisque celui qui voudrait le remettre en question serait obligé de le faire par une argumentation encore réflexive; on ne peut donc l’ignorer sans être taxé d’anachronisme. Thériault est plus explicite dans sa volonté de se distancier d’une autre tendance des sciences sociales : la déconstruction des discours. Pour l’auteur, il est plus intéressant d’examiner la constructiondu récit national, pour montrer comment ce dernier a une capacité structurante bien réelle, malgré son caractère fabriqué : « Ma démarche ne vise justement pas à déconstruire le récit mais à voir comment le récit se construit, participe à créer un monde de sens, à mettre en forme, à faire société à partir de l’infinie pluralité humaine. » (p. 18)

L’auteur situe avec justesse et précision l’intérêt principal de son étude, qui consiste à examiner comment le même poème épique a pu intervenir dans la construction de trois récits nationaux : « J’avais le sentiment de pouvoir raconter à travers la voix et le regard d’Évangéline le commencement et le déploiement de trois types de groupements sociaux différents. Bien qu’il s’agisse dans les trois cas de communautés d’histoire et de mémoire, celles-ci étaient fort différentes l’une de l’autre. Leur différence recoupait l’entièreté du spectre sur lequel les sociologues distribuent les types d’identités ethnoculturelles dans les sociétés modernes  : l’ethnie [les Cadiens en Louisiane], la minorité nationale (nationalitaire) [l’Acadie], la nation [les États-Unis]. » (p. 13) Voilà assurément un excellent programme, qui aurait constitué une contribution théorique importante à l’étude de l’émergence des sociétés. Malheureusement, Thériault ne reviendra pas sur ces concepts jetés en introduction et ne fera pas non plus de comparaison entre les stratégies de construction des récits nationaux, pour se consacrer plutôt à la mise en récit successive de ces cas particuliers; le «  phénomène  » Évangéline prend alors un caractère d’exception.

Des trois récits, qui correspondent aux divisions du livre, «  Évangéline l’Américaine » est sans doute la plus cohérente. En montrant comment le poème de Longfellow exploite des thèmes – notamment la notion de « frontière » – chers aux États-Unis nouvellement fondés, Thériault illustre la contribution d’Evangeline au développement d’un récit collectif permettant de « donner à l’Amérique le contenu culturel et motivationnel que l’État de droit nouvellement constitué ne procurait pas. » (p. 34) Longfellow aurait ainsi servi à imposer, rétrospectivement, l’idée de prédestination du peuple étatsunien, situant ce dernier dans la lignée directe des pèlerins du Mayflower débarqués en Nouvelle-Angleterre en 1620. Or, les Pèlerins et Évangéline partagent la même « quintessence de l’expérience américaine » (p. 55), ce qui fait du personnage de Longfellow une figure importante du récit étatsunien. Par la formule « [d]u Mayflower à Ellis Island » (p. 88), Thériault montre enfin que la quasi-disparition de Longfellow du panthéon actuel des écrivains américains s’explique par l’adoption progressive, au cours du 20e siècle, d’un nouveau récit collectif américain, fondé sur le pluralisme cette fois. Certes, il s’agit « toujours [de] cette même idée que l’Amérique est née de vagues successives d’immigrants chassés du vieux monde et appelés à créer une société neuve » (p. 91), mais soudainement, l’Évangéline puritaine ne correspond plus aux valeurs de la société étatsunienne.

Dans la troisième partie de son ouvrage, « Évangéline la Cadienne », Thériault se penche sur « l’autre » récit américain d’Évangéline, tout en présentant la situation historique des différentes couches de la société louisianaise et en faisant l’histoire de la communauté cadienne. Il ressort que le récit cadien d’Évangéline est fondé sur le détournement. En 1907, Felix Voorhies a réécrit l’histoire d’Évangéline (qu’il rebaptise Emmeline Labrèche) dans Acadian Reminiscences: The True Story of Evangeline. Pour légitimer cette version « originale » louisianaise, Voorhies prétend s’inspirer de la culture populaire, ce qui est plus conforme à la façon habituelle de constituer un récit national; de son côté, Longfellow a eu beau ouï-dire l’histoire acadienne qui a inspiré son poème, sa culture était surtout livresque et on sait qu’il a beaucoup fréquenté la bibliothèque de Harvard pour préparer l’écriture d’Evangeline. L’intention de Voorhies est manifestement de s’appuyer sur le succès du poème pour réhabiliter les Cadiens, dont l’identité et la culture étaient stigmatisées à l’époque. Plus tard, les principaux acteurs de la redynamisation cadienne autour des années 1970 – notamment l’ethnologue et poète Barry Ancelet, l’historien Carl A. Brasseaux et le chanteur Zachary Richard – remettront en cause le succès de cette stratégie, comme détournement de la culture cadienne authentique : « C’est la critique qu’ils adresseront à la génération Évangéline : s’être éloignée, pour sauver l’héritage, de la culture populaire, de la culture cadienne. Évangéline était un mythe exporté, nullement cadien, une sorte de manteau extérieur avec lequel les “Genteel Acadians” avaient tenté d’habiller les Cadiens. Un “fakelore”, c’est-à-dire une tradition mensongère, dira l’historien Brasseaux. » (p. 318)

Entre le récit étatsunien et le récit cadien, le nœud d’Évangéline. Contes d’Amérique est sans contredit le récit acadien. À peu de choses près, la section «  Évangéline l’Acadienne  » propose une histoire intellectuelle de l’Acadie. Thériault est à son meilleur dans la première partie de cette histoire, lorsqu’il présente les intellectuels français, canadiens-français et acadiens du 19e siècle qui ont pensé, de près ou de loin, le récit collectif acadien. Il passe tour à tour en revue les contributions de Françoix-Xavier Garneau, de Pamphile Le May, de Napoléon Bourassa, de l’abbé Henri-Raymond Casgrain et de François-Edme Rameau de Saint-Père, établissant un portrait fort dynamique de la vie intellectuelle au Canada français de la révolte des Patriotes à la Renaissance acadienne. Le sous-titre « Une société qui s’éveille à l’aune d’Évangéline » est révélateur de la détermination de l’auteur à accorder à cette dernière une importance déterminante dans l’existence même d’une Renaissance acadienne. D’autres chercheurs intéressés par Évangéline sont plus prudents. Pour Robert Viau, le poème, sa traduction au Canada-français et sa diffusion en Acadie s’inscrivent dans une conjoncture déjà extrêmement favorable à la réflexion nationale  : «  Evangeline arrivait au bon moment  : le nationalisme acadien était en plein éveil et une nouvelle élite acadienne se formait, avide de connaître ses racines et d’affirmer sa différence. L’émergence d’Évangéline en tant qu’héroïne acadienne correspond très exactement à celle de la constitution d’un discours idéologique acadien[6] ».

Thériault réserve un tout autre traitement à ce qu’on pourrait appeler les « contrerécits d’Évangéline », qui s’imposent de plus en plus à partir des années 1960 et 1970 en Acadie. Cette fois, il cherche moins à montrer l’évolution du récit national acadien qu’à montrer les faiblesses des discours qui s’élèvent contre Évangéline. Sa première cible est Antonine Maillet, dont on sait que la plupart des protagonistes – la Sagouine, Pélagie, Mariaagélas, Évangéline deusse…  – sont explicitement créés pour faire contrepoids au personnage Évangéline. Dans un passage d’une virulence surprenante, Thériault balaie tout le projet artistique de Maillet :

«  Celui qui le dit, c’est celui qui l’est.  » Ainsi disait-on lorsque j’étais enfant au moment où quelqu’un tentait de nous insulter. «  Gros cochons  !  »… «  Celui qui le dit, c’est celui qui l’est.  » « Évangélisme »… « Celle qui le dit, c’est celle qui l’est. » Comme monsieur Jourdain, Antonine Maillet ferait de l’«  évangélisme  » sans le savoir, ou plutôt, dans son cas, en le niant. L’on en conviendra, inverser la trame d’un récit, ce n’est pas faire disparaître celui-ci; l’on reste dans la même textualité, la référence est intacte. Maillet ne met pas fin au récit d’Évangéline, elle en inverse simplement les termes. (p. 238)

Ce raisonnement pose deux problèmes. D’abord, Thériault ne semble pas admettre la possibilité d’agirsur le récit d’Évangéline, ce qui fige la référence en mythe, ce qu’il se défend par ailleurs de vouloir faire  : «  Le mythe a quelque chose de structurant, de statique, comme si le monde qu’il construisait était à jamais contraint de tourner sur lui-même. Pour moi, Évangéline était un texte politique, évolutif au gré du contexte de ceux qui prenaient sa voix et son regard. » (p. 18) Ensuite, il ne semble pas admettre non plus la possibilité d’agir sur le récit national pour l’étayer, le complexifier, l’adapter aux besoins des diverses époques; c’est ne pas reconnaître le caractère collectif et le travail en continu de l’entreprise de construction nationale. S’il est, comme il le montre, impossible d’éliminer Évangéline du récit acadien, il est pourtant envisageable d’y greffer d’autres éléments. De là le succès indéniable de Maillet : la Sagouine est une référence pour l’Acadie contemporaine au même titre qu’Évangéline. En somme, occupé à critiquer la position de Maillet sur Évangéline, Thériault ne rend pas compte de sa contribution à l’évolution du récit national acadien.

Dans un ouvrage ponctué d’un certain nombre d’erreurs factuelles[7], le contreemploi le plus frappant est le développement sur la modernité dans la partie sur Herménégilde Chiasson, «  l’autre grande figure de l’Acadie culturelle contemporaine ». (p. 241) Après avoir dit que Chiasson est communément considéré comme le «  poète de la modernité  » en Acadie, Thériault se demande – rhétoriquement? – de quelle modernité il s’agit : pas la modernité technique, ditil, car le train existait déjà en Acadie au 19e siècle… En définitive, il argumentera que Chiasson est moderne par son refus de la mémoire, de la tradition : « Oublier Évangéline  », titre un de ses essais, duquel Thériault fera le procès. Le terme « modernité » a certes été utilisé à toutes les sauces, mais la modernité proprement artistique est relativement bien définie (notamment dans les écrits de Chiasson), comme une idéologie esthétique privilégiant l’innovation formelle. C’est donc avant tout par son travail sur les formes, ou les techniques, dans ses pratiques artistiques que Chiasson est moderne. Son projet est en fait d’en développer qui soient appropriées à l’expression de la réalité acadienne ici et maintenant, et en cela être véritablement original par rapport à la production artistique de ses contemporains «  modernes  ». Il effectue alors un rapprochement avec l’artisanat, brisant la perception de la modernité artistique comme étant amnésique et élitiste. En somme, Chiasson cherche à rallier l’histoire de l’art à l’histoire de sa communauté. Sa contribution discursive à cette dernière est d’argumenter la nécessité de développer un discours structurant sur la réalité, mais à partir de l’intérieur de l’Acadie. L’objection principale de Chiasson à Évangéline – ainsi qu’à « Évangéline deusse », qui habite à Montréal comme son auteure – est l’importance accordée, en Acadie, à une œuvre issue de l’extérieur; en cela, il reprend le même reproche que les penseurs cadiens ont fait à Évangéline. La bizarrerie qu’une œuvre écrite, et même traduite, ailleurs qu’en Acadie ait pu avoir autant d’impact sur le développement d’un récit national acadien est justement un thème qui n’est pas abordé dans l’ouvrage.

L’épilogue d’Évangéline. Contes d’Amérique contient une perspective plus explicitement éditoriale que le reste de l’ouvrage, abordant certaines idées de Thériault que l’on reconnaîtra de ses travaux antérieurs[8]. Il termine son ouvrage avec une lecture de la société contemporaine, intitulée « Évangéline postmoderne ». Avec précaution et nuances, il adopte la posture postmoderne qui cherche à résoudre les dichotomies structurantes de la société par la parataxe  : «  Il y aurait, enfin, la “postmodernité” où il faudrait réapprendre à conjuguer Et la tradition Et la modernité, Et les contenus substantifs de la culture Et les formes abstraites, Et l’enracinement local Et l’appartenance au monde, Et la présence des conteurs Et celle des historiens censeurs. » (p. 347-348) S’il ne pousse pas la note, comme il l’a démontré dans ses lectures d’Antonine Maillet et d’Herménégilde Chiasson, jusqu’à admettre et les récits d’Évangéline et les contre-récits d’Évangéline, c’est parce qu’il n’adhère pas à l’«  autre  » postmodernité –  déconstructionniste  !  –, qui remet en question les oppositions binaires structurant les sociétés contemporaines. Ainsi, pour Thériault, «  avant d’être une description réaliste de la réalité sociale, la postmodernité est une question posée aux hommes et aux femmes de notre époque : voulons-nous encore avoir des récits, voulons-nous encore “faire société”  ?  » (p. 349) Répondre « non », c’est pour lui une « condamn[ation] à être dirigés par des forces qui ne viennent pas de Nous : un passé mort qu’on ressuscite sans réflexivité, les forces d’une nébuleuse que l’on appelle la mondialisation ou la cosmopolitisation du monde. » (p. 349)

Or, déplacer le regard porté sur le poème Evangeline. A Tale of Acadie hors du cadre d’analyse strict du récit national, même lorsque repris dans trois contextes nationaux différents, permettrait d’en élargir les interprétations possibles. Une des sources du « patchwork » de Longfellow est l’auteur allemand Johann Wolfgang von Goethe (1749-1832), qui a théorisé tant l’émergence des littératures nationales que ce qu’il appelle la Weltliteratur (traduit par littérature mondiale, ou «  littératuremonde »). On a déjà dit de l’histoire d’Évangéline qu’elle est « universelle » par son histoire d’amour : « the best illustration of faithfulness and the constancy of woman that I ever heard of or read  » (cité p.  53), écrit Longfellow, en bon romantique. Toutefois, c’est davantage par sa contribution à la construction de trois espaces nationaux distincts que le poème Evangeline: A Tale of Acadie accède à un statut « universel », en s’inscrivant dans le cadre de la Weltliteratur[9]. Pour Jean Morency, certaines caractéristiques internes du poème – comme l’hybridité de sa forme et de son contenu, soumis aux influences diverses (Edgar Allen Poe, contemporain de Longfellow, l’accusait même de plagiat), mais aussi le thème des frontières à repousser –, autorisent à l’envisager dans le cadre de la Weltliteratur : « Evangeline s’avère un ouvrage fortement composite et métissé, doté de tout le potentiel requis pour franchir les frontières et se prêter à de multiples dérivations, voire pour être promu au rang de classique dans une autre littérature nationale que celle dont il relève en réalité. S’il était publié de nos jours, on dirait sans doute d’un tel ouvrage qu’il est postcolonial, transnational et transculturel[10] ».

Thériault a lui-même mis le doigt sur ce potentiel d’analyse non exploité en reprenant les propos du poète : « [Longfellow] nuancera son plaidoyer initial, en faveur d’une littérature nationale qui s’appuierait sur la nature du Nouveau Monde, par une proposition d’une sorte de grand roman de l’humanité, une “Weltliteratur” à la Goethe, l’humanité semblant ainsi remplacer la nation comme fondement et horizon de la littérature. » (p. 48) Mais sa finalité n’est pas de faire ce travail. Son admiration pour Longfellow tient en grande partie à ce qu’il reconnaît en lui un traditionnaliste qui a du succès à être à contre-courant du goût du jour : le poète américain est européanocentriste, tout en contribuant au développement de la jeune Amérique qui cherche à se définir contre l’Europe. Au niveau de la forme de son poème également, Longfellow joue à la fois sur les tableaux de la tradition et de l’innovation ; ainsi, Evangeline est écrite en hexamètres dactyliques, un vers utilisé par les auteurs des grandes épopées grecques et latines[11], mais qui au 19e siècle est largement désuet dans la poésie écrite en anglais.

En définitive, le choix même de son sujet est le premier indice permettant d’identifier la position intellectuelle de Joseph Yvon Thériault, qui est ensuite confirmée par son retour insistant et inlassable sur les contributions du passé à l’histoire intellectuelle de l’Acadie, qu’il juge oubliées ou méconnues. Il a sans doute raison. Mais si les « modernes » sont amnésiques, et les « postmodernes » déconstructionnistes, on ne peut pas pour autant nier leur contribution à l’avancement du savoir, sans quoi l’histoire acadienne des idées est incomplète. En ce sens, l’apport scientifique principal d’Évangéline. Contes d’Amérique est de réhabiliter le savoir développé par les discours intellectuels (et, certes, artistiques) du passé, spécifiquement ceux du 19e siècle, dans les trois (quatre si on ajoute le Canada français) espaces sociétaux traversés par Évangéline.