Corps de l’article

Chez les musicien·nes, l’oreille musicale peut être définie comme la capacité, à différents degrés, de percevoir, analyser et reproduire des éléments musicaux tels que les harmonies, les rythmes et les tonalités. Elle a notamment été l’objet d’étude de l’éducation musicale, de la psychopédagogie (Afsin 2009, 79‑111), de la musicologie cognitive et des neurosciences (Vangenot 2000 ; Peretz 2018). L’ethnomusicologie (Lortat‑Jacob 2010, 43‑52) s’en est aussi emparée, par exemple, pour identifier les caractéristiques de l’oreille des jazzmen·women et ce qui la distingue de celle des musicien·nes classiques.

Du côté des non-musicien·nes, l’acquisition d’une oreille musicale se traduit par l’idée que sans formation musicale formelle, il est possible de développer une sensibilité au son, de ressentir les émotions dans la musique et d’identifier des structures rythmiques pour pouvoir danser ou se synchroniser, comme dans le cas des nageuses artistiques (Kirchberg 2015, 95‑114).

Dans le cadre de cet article[1], je souhaite me pencher sur la construction d’une oreille musicale chez un groupe d’amateur·trices de musique techno. Au même titre que les nageuses, je considère les amateur·trices de techno comme des musiquant·es non musicien·nes (Kirchberg 2015, 95‑114 ; Small 2019). Ainsi, il est pertinent de se questionner sur le processus de construction d’une oreille musicale techno — une oreille sensible et sensibilisée à ce genre musical particulier.

Contexte

J’étudie l’oreille techno dans le contexte des pratiques « ordinaires » en boîte de nuit[2] (Thornton 1996 ; Malbon 2017 ; Garcia 2011, 2023 ; Butler 2017). Cet article, centré sur l’expérience vécue par les danseur·euses dans trois différents cadres d’écoute, offre une perspective complémentaire aux travaux cités ci-dessus en ce qu’il s’intéresse aux membres de la communauté techno montréalaise et à leurs habitudes d’écoute sur le dancefloor, mais aussi avant lors du prédrink et après, pendant l’after[3].

Pour Jean-Christophe Sevin, qui s’intéresse aux parcours d’amateur·trices techno, l’oreille est conditionnée par une habitude d’écoute, c’est-à-dire « un ensemble de dispositions et d’attitudes émotionnelles, une sensibilité de base à la musique, une manière de réagir à sa présence » (Sevin 2009, 189). La techno étant une musique de danse, la sensibilité aux structures rythmiques, au battement par minute (bpm), serait un élément central de l’oreille techno, tout comme le rôle du corps dans l’écoute. L’expérience d’écoute de la techno ne se limite pas à la seule perception auditive, mais implique également une réponse physique.

Sur le dancefloor, le corps devient l’instrument principal de l’appréciation de la musique. Les danseur·euses répondent aux pulsations rythmiques en adoptant des mouvements synchronisés ou non. Plus l’oreille est exposée à la musique, plus elle se transforme et permet aux amateur·trices d’affiner leur goût musical, de développer leur expertise et, dans le cas de la techno, d’extérioriser leur ressenti à travers le mouvement corporel.

La techno appartient à la famille des musiques électroniques de danse. On observe donc qu’elle s’écoute et se vit au sein d’espaces qui permettent cette forme d’expression corporelle : sur les pistes de danse, qu’elles soient celles, institutionnalisées, des boîtes de nuit ou celles, éphémères, de l’espace public, et parfois illégales de bâtiments désaffectés ou de terrains privés. Ainsi, comme le soulignent Jean-Marie Seca et Bertand Voisin (2004, 82‑83), l’écoute de la techno est avant tout corporelle :

La techno est d’abord un son ou un rythme. Elle n’est plus à analyser en termes de notes ou de partitions. Elle n’exige pas de chanter, de scander un air. Il y a une rupture dans la mesure où on ne peut y trouver de la poésie contemporaine, un art littéraire ou simplement un refrain. La dimension corporelle et chorégraphique y prend une place centrale.

Le concept d’oreille musicale et d’écoute par le corps m’amène à m’intéresser au concept de corps-oreille, déployé par l’anthropologue Anne-Sophie Sayeux pour situer l’écoute des musiques électroniques. Dans son texte « Le corps oreille. Une approche anthropologique sensuelle des musiques électroniques » (2010), Sayeux affirme que « si l’on veut entrer dans ce son et en être totalement pénétré, c’est le corps entier, des poils aux viscères, qui est tenu d’être oreille » (Sayeux 2010, 229).

La problématique au coeur de cette étude réside dans la dynamique complexe entre l’expérience individuelle et collective qui alimente le processus de socialisation de l’oreille musicale. Je me concentre spécifiquement sur la construction d’une oreille techno. En cela, je cherche à comprendre comment les espaces et moments emblématiques de la culture techno, à savoir le dancefloor, le prédrink et l’after, interviennent dans cette construction. En d’autres termes, comment ces environnements et temporalités spécifiques influent-ils sur la manière dont les individus développent une oreille musicale orientée vers la techno, et comment cette oreille devient-elle le fruit d’une expérience à la fois personnelle et partagée au sein de ces contextes particuliers ?

Méthodologie

Pour étudier la construction de l’oreille techno chez les amateur·trices montréalais·es, j’ai emprunté l’essentiel de mes outils méthodologiques à la sociologie et à l’ethnographie. Comme il était important que je sois en immersion dans le milieu, j’ai réalisé plus d’une vingtaine d’observations participantes et non participantes, dont six au Stereo Afterhours. J’ai participé à des événements majeurs de la scène techno montréalaise comme le Piknic Electronik[4] et Igloofest[5] ; à des soirées privées dans des lofts ; à des soirées « alternatives » organisées par des collectifs indépendants comme OCTOV[6] ou Tech Me Out[7]. J’ai ainsi pu observer les publics, leurs comportements, leurs interactions et l’agencement de l’espace[8].

Lors des entretiens individuels semi-dirigés, en ayant pour objectif de faire émerger un discours réflexif sur les pratiques musicales et sur la socialisation de l’oreille à la musique techno, j’ai mobilisé trois outils : l’écoute réflexive, la photo-élicitation et la carte mentale. Les sessions d’écoute réflexive ont permis aux répondant·es de s’exprimer sur la musique techno d’un point de vue esthétique, émotionnel et de nommer les espaces spatio-temporels liés à leurs pratiques. Ils et elles ont souvent évoqué des souvenirs rattachés à des lieux, des moments et des événements spécifiques.

Empruntée à la sociologie visuelle, la photo-élicitation « repose sur l’idée simple d’insérer une photographie dans un entretien de recherche[9] » (Harper 2002, 13). L’objectif était de représenter visuellement les pratiques d’amateur·trices techno pour les situer les unes par rapport aux autres. Les personnes participantes ont ainsi partagé des images représentatives de leurs pratiques, ensuite discutées lors de l’entrevue.

Enfin, en m’inspirant du travail de Sophie Turbé (2010, 97‑113) sur la scène métal en France, j’ai conclu l’entretien avec la réalisation par les participant·es d’une cartographie illustrant leur scène techno montréalaise. Puisque la pandémie m’a forcée à tenir les entretiens en ligne sur Zoom, j’ai tiré profit de la situation et utilisé Jamboard, un outil de tableau blanc numérique de la suite Google. Les représentations visuelles produites par les participant·es m’ont permis d’ancrer des pratiques individuelles au sein de cadres d’appréciation de la musique qui revêtent une dimension collective. Parmi ceux-ci, des lieux de diffusion, formels et informels, allant de la boîte de nuit au festival, en passant par l’espace semi-privé du chez-soi.

Les témoignages collectés dans le cadre des entretiens semi-dirigés[10] ont été complétés par les notes de terrain recueillies lors de six soirées d’observations directes[11] réalisées au Stereo et lors de prédrink et d’after. J’ai sélectionné le Stereo Afterhours comme étude de cas, car c’est le lieu le plus cité par les répondant·es à l’enquête.

Le Stereo Afterhours, lieu structurant de la scène techno montréalaise

Le Stereo, qui fête ses 24 ans en 2023 et qui programme uniquement des musiques électroniques de danse (house, techno et consorts), a bâti sa réputation sur le soin apporté à la confection du système de son par des DJ internationaux. Cette attention lui confère le titre officieux de « meilleur système son d’Amérique du Nord » — reconnu par le public et les artistes qui viennent y jouer[12]. Le lieu est permissif, inclusif et historiquement rattaché à la communauté LGBTQ+. C’est un lieu de pèlerinage pour de nombreux·ses techno-touristes.

Comme c’est un afterhour, on n’y rencontre pas les mêmes conventions qu’en boîte de nuit ou en club. L’établissement ouvre à minuit et ferme à 10 h[13], les samedis, dimanches et jours fériés. Ses heures d’ouverture ne lui permettent pas de servir d’alcool selon la législation locale. L’établissement applique une politique stricte concernant l’utilisation des cellulaires intelligents à l’intérieur : il est interdit de prendre des photos ou de filmer. Cette règle sert non seulement à protéger l’anonymat des participant·es (qui peuvent avoir consommé des drogues) qui ne pourraient donner leur consentement avant la publication de la photographie sur Internet, mais aussi à ne pas casser la vibe — l’atmosphère  avec les flashs. C’est aussi une façon d’encourager à vivre le moment présent[14].

D’une certaine manière, le Stereo, par son statut d’afterhour et les pratiques qui l’entourent — par exemple l’interdiction de prendre des photos ou des vidéos à l’intérieur — se distingue d’autres boîtes de nuit et lieux de pratiques nocturnes urbaines qu’on pourrait qualifier de « grand public » et qui encourageraient leurs usagers à se mettre en scène sur les réseaux sociaux, par exemple en géolocalisant l’endroit où ils se trouvent ou en utilisant des mots-clics. Cela signifie que les spécificités du Stereo deviennent des conventions à respecter pour pouvoir y venir et faire partie de la communauté. Le Stereo bénéficie d’un statut particulier car, d’un côté, les règles d’interaction à l’intérieur supposent que le lieu appartient à la sphère underground. De l’autre, sa présence sur les réseaux sociaux, sa programmation qui présente régulièrement des artistes très populaires qui comptent leurs fans par millions le rapproche d’une sphère plus grand public.

Avant de se constituer en afterhour, le 858 rue Ste-Catherine est abritait un cinéma. De nos jours, l’aménagement intérieur est divisé en deux parties : au fond de la salle, le bar et les banquettes, à l’avant, la cabine de DJ et la piste de danse, centrale, délimitée par le placement des haut-parleurs dans les coins et des escaliers qui permettent de monter vers le bar ou descendre vers l’entrée[15]. La cabine de DJ est légèrement surélevée mais la distinction entre la piste de danse et la cabine de DJ tend à être réduite le plus possible. Il est par exemple possible de serrer la main de l’artiste depuis la piste de danse et parfois même de rentrer dans la cabine de DJ pour le·la saluer. Cette proximité artiste-public rapproche le lieu de dynamiques underground.

Discussion : Le dancefloor, un dispositif sociomusical de mise à l’épreuve de l’oreille techno

Je propose de concevoir le dancefloor comme un dispositif socio-musical qui participe à la construction de l’oreille techno. Au sein de celui-ci, je peux interroger les spécificités de l’appréciation collective sur la piste de danse et leur rôle dans la mise à l’épreuve d’une oreille techno.

Directement lié au corps-oreille, le « sens vibratoire » (Sayeux 2010), c’est-à-dire la sensation du corps qui vibre au rythme du kick ou des coups de basses, et son lien avec la danse, sont un élément récurrent des discours d’amateur·trices. Il s’agit d’un effet marquant qui est souvent présenté comme une prise dans l’appréciation musicale de la techno. Le corps-oreille s’y accroche facilement.

Pour stimuler le sens vibratoire, au sein du club, plusieurs éléments sont réunis afin de créer un espace spatio-temporel distinct à l’intérieur duquel la sensorialité est mise au premier plan : le niveau sonore élevé, l’absence de fenêtres permettant de se situer dans le temps, les jeux de lumière, les lasers, la machine à fumée, une perception du temps sans fin avec les DJ qui s’enchaînent sans interruption, les mouvements dans la pénombre, les températures élevées. Tout cela participe à créer un environnement qui peut induire un état second, libérateur, propice à une expression corporelle désinhibée et un corps-oreille pleinement déployé. Les drogues sont d’ailleurs souvent consommées pour augmenter les sensations et faciliter une forme de lâcher-prise.

Trouver sa place sur le dancefloor et créer sa bulle pour déployer son corps-oreille

Dans un contexte où la puissance sonore de la musique complique les échanges verbaux, le langage non verbal est un moyen de communication utilisé pour faire part de son consentement ou de son refus à être touché·e ou à interagir[16]. Garcia-Mispireta (2023) traite de l’importance du consentement dans le contexte du toucher et de l’intimité sur la piste de danse[17]. Au Stereo, la partie droite de la piste de danse est principalement occupée par des membres de la communauté LGBTQ+. C’est une pratique historiquement ancrée qui se transmet d’une génération de publics à l’autre[18]. Sur cette partie du dancefloor, le contact physique consenti et la proximité des corps y sont cultivés. Du côté gauche, les danseurs et danseuses sont plus espacé·es et insistent pour que leur espace personnel, qu’ils et elles nomment leur « bulle », soit respectée, au risque de percevoir le contact physique comme une micro-agression. Ce besoin de se sentir en sécurité sur le dancefloor est une condition nécessaire au déploiement du corps-oreille et à la désinhibition du corps à travers la danse.

Grâce aux observations participantes qui m’ont permis une réelle immersion, j’ai remarqué que l’occupation de l’espace du dancefloor répondait à des conventions qui favorisent l’entre-soi des groupes d’ami·es qui viennent à la soirée ensemble en même temps que la protection des « bulles ». Dès lors, trouver sa place sur le dancefloor, se situer dans l’espace pour des raisons acoustiques et/ou identitaires, participe à la formation du corps-oreille. Le déploiement de ce dernier dépend donc en partie de l’endroit du dancefloor où on se trouve, comme le souligne l’interviewé T :

[pour moi passer une bonne soirée c’est savoir] est-ce qu’ils [les autres] respectent ton espace pour danser, est-ce qu’ils sont dans ta bulle, est-ce qu’ils dérangent les autres… Souvent je trouve que les gens qui vont être plus dans la scène underground, à laquelle je m’identifie le plus, vont être respectueux de l’espace des gens, de leur expérience.

Une fois que le spot ou l’endroit idéal est trouvé, il s’agit de pouvoir le garder. Se mettent en place des frontières invisibles mais palpables si on les franchit. Les premiers rangs sont occupés par les participant·es qui veulent être proches de l’artiste, même si ce n’est pas la place qui offre le meilleur rendu acoustique. Ceux et celles qui veulent être enveloppé·es par le son se collent aux enceintes[19]. Les personnes qui sont attachées à la qualité du son vont se mettre au milieu de la salle, vers le fond de la piste (à l’endroit où on trouverait la régie en concert). Ceux et celles qui aiment observer le ou la DJ vont prendre du recul, se placer derrière lui ou elle (le Stereo est un des rares endroits où cette pratique est autorisée dans une certaine mesure) ou aller passer un peu de temps surélevé·es, sur les caissons d’absorption du son qui se trouvent sur les côtés de la cabine du ou de la DJ et qui offrent une vue imprenable sur l’artiste au travail. Les danseurs et les danseuses qui utilisent beaucoup d’espace avec leurs mouvements ont tendance à se mettre sur les bords de la piste de danse, plutôt vers l’avant de la salle. Les plus bavard·es resteront complètement en arrière, proche du bar et des banquettes pour s’assoir et discuter plus librement, loin des enceintes.

Développement de l’oreille techno et expérience collective d’écoute sur le dancefloor

Pour Jean-Christophe Sevin, la piste de danse elle-même est un « dispositif d’appréciation et le lieu de l’épreuve à l’issue de laquelle sont déterminées les propriétés et la qualité de la performance collective que constitue une fête techno » (Sevin 2004, 48). Par appréciation, Sevin entend qu’il s’agit d’une compétence collective qui se construit en situation d’écoute, dans notre cas, au Stereo. Les témoignages d’amateur·trices et les observations faites sur le terrain abondent dans ce sens. Ils et elles aiment être entouré·es de leurs ami·es pour partager ces moments d’appréciation collective. Le langage non verbal peut aussi servir à partager son ressenti par rapport à la musique : en se regardant dans les yeux, en faisant oui de la tête, en secouant la main pour signifier son état émotionnel[20], en exagérant les expressions faciales (yeux grands ouverts, sourcils levés, sourires), en glissant un mot à l’oreille de ses compagnes et compagnons de soirée.

L’écoute collective qui permet à une foule de danseur·euses de se mouvoir en syntonie fait apparaître un processus de socialisation musicale passant par une expérience corporelle partagée, ce que Luis Manuel Garcia-Mispireta (2023, 32) nomme intimité collective :

L’expérience sensorielle intensifiée de l’écoute et de la danse sur la piste de danse est cruciale pour maintenir ce sentiment fluide d’intimité collective. Cette argumentation conduit à une affirmation complémentaire sur la coprésence corporelle : en partageant la piste de danse, les fêtards accumulent un ensemble partagé d’expériences intenses — danser sur la même musique, exulter aux mêmes paroxysmes musicaux, se retrouver dans des états similaires d’épuisement et/ou d’ivresse, assister aux mêmes moments de surprise et d’excès — qui suscitent des moments de synchronisation et de convergence ressenties[21].

Lors d’observations participantes, j’ai pu constater que les participant·es réagissent physiquement au build-up, à la tension, dont l’écoute crée chez l’auditeur et l’auditrice l’anticipation de la résolution, c’est-à-dire du drop : les bras en l’air, les claquements de main qui remplacent le kick disparu, des cris d’excitation. En soirée, on voit la corporalité, l’incarnation ou embodiment de la musique s’exprimer. Les nombreuses mains et poings levés, les expressions faciales des personnes disséminées sur la piste, bouches ouvertes, sourcils froncés et traits concentrés, font comprendre que la musique jouée suscite une réaction physique vive, allant jusqu’à l’accélération du rythme cardiaque et de la respiration (Huron 2006, 11).

Sandy Queudrus le formule autrement et va même plus loin en affirmant que l’on « assiste via la musique, à un conditionnement rythmique des participants » (Queudrus 2002, 523). Les photographies de soirée présentant un mouvement corporel similaire répété par plusieurs personnes au même moment, illustrent « une gestuelle mécanique et syncopée » (Queudrus 2004, 66) et la dimension standardisée de la réponse corporelle induite par la musique, plus particulièrement par le bpm et par la dynamique tension-résolution. Ici, l’anticipation endosse un rôle paramétrique en situation d’écoute techno, dans la mesure où ladite anticipation devient un code pour communiquer entre les danseurs et les danseuses, entre le·la DJ et les personnes sur la piste. Pour Johan Girard (2013, 221), lorsqu’elle s’inscrit dans la danse, il s’agit d’une écoute « réactive (l’activité du danseur répond à la pulsation rythmique, dans sa régularité et ses écarts, dans le jeu des temps et des contretemps) ». L’écoute réactive mobilise le corps-oreille et devient collective lorsqu’il y a synchronisation, volontaire ou non, des mouvements de danse.

Les échecs de la mise à l’épreuve : ce qui fait obstacle à la construction de l’oreille techno

Le manque d’espace sur la piste de danse et l’impossibilité de créer sa bulle sont quelques-uns des premiers obstacles à la construction de l’oreille techno soulevés par les amateur·trices. Certaines personnes, comme l’interviewé J, ont même arrêté de fréquenter certains événements pour cette raison : « Il y a trop de gens, je n’ai pas de place pour danser, je suis coincé. S’il y avait des règles à respecter pour pouvoir faire partie de la communauté, ce serait le respect de l’espace de l’autre, de l’écoute de la musique, pas détruire l’expérience de l’autre » (Interviewé J). Pour cet amateur, l’attention portée au respect de la bulle de danse de tout un chacun devrait être érigé en valeur de la communauté. Prendre le contrôle de son espace permet de prendre le contrôle de son corps et donc de son écoute. Sans cela, le déploiement du corps-oreille n’est pas possible.

Si l’écoute par le corps revêt un caractère libérateur pour certain·es, il arrive parfois que l’individu rencontre des difficultés pour être en phase avec la musique et que ses dispositions d’écoute corporelle se transforment (Darmon 2019). Cette connexion corporelle à la musique qui ne se fait pas peut alors créer de la frustration ou de la déception chez l’auditeur·trice. Ici, l’interviewée L, qui a découvert les soirées techno à travers la techno industrielle, s’est rendue compte, avec le temps, qu’elle n’était plus réceptive à ce style, particulièrement à son rythme intense et son côté martial.

Le rythme était tellement… ça tapait tellement, que je n’arrivais même pas à danser, j’arrivais même plus à trouver le rythme et tout ça et puis là ça m’a un peu déçue. Je suis rentrée chez moi mais j’avais pas envie de lâcher l’affaire, j’avais quand même envie de continuer d’écouter, savoir si ça allait encore me faire danser. Je suis allée au Stereo et la soirée c’était Dax J, donc un artiste qui fait quand même de la grosse techno […] en vrai c’était la fois de trop. Je m’asseyais toutes les dix minutes, je n’arrivais pas à trouver mon rythme, c’était trop pour moi.

Son corps-oreille ne répond plus à la musique et elle n’est plus capable de danser, de s’approprier la musique. Ce moment correspond à une mise à l’épreuve de l’oreille techno qui se solde par un échec.

Prédrink et after : les pratiques musicales qui participent à la socialisation de l’oreille techno

De la mobilisation du corps-oreille sur le dancefloor à l’écoute domestique

Dans le cadre de cette enquête et d’autres qui l’ont précédée (Mabilon-Bonfils 2002), la diversité des contextes d’écoute de la techno apparaît clairement : elle accompagne les activités quotidiennes de la quasi-totalité des amateur·trices de techno montréalais·es interrogé·es, qu’il s’agisse de faire ses courses, de se déplacer, d’aller à la salle de sport ou même, parfois, de travailler. Dès lors, on constate que ces pratiques d’écoute, individuelles et collectives, actives, impliquant ou non le mouvement corporel, nourrissent la construction d’une oreille techno. Même si on va en club pour « écouter de la musique ensemble » (Interviewé E), l’écoute domestique et sur le dancefloor est une activité vécue de façon individuelle.

Selon nos répondant·es (n = 336[22]), les espaces d’écoute de la techno sont principalement domestiques ou relèvent de la sphère domestique : 91 pour cent d’entre eux et elles écoutent de la techno à leur domicile, 82 pour cent en déplacement. C’est seulement après qu’arrivent les espaces d’écoute du club avec 71 pour cent, de la rave avec 18 pour cent et des soirées alternatives (organisées par des collectifs indépendants) avec 4 pour cent des répondant·es. Ces chiffres, accompagnés de la cartographie ci-dessous, m’indiquent que le prédrink et l’after, au croisement de l’activité collective et de la sphère domestique, sont des espaces pertinents à étudier pour observer les processus de socialisations musicales en jeu dans la construction de l’oreille techno.

Figure 1

Cartographie de la scène techno montréalaise réalisée par le participant T lors d’un entretien individuel semi-dirigé, automne 2020.

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Les cartographies font apparaître des trajectoires individuelles mais aussi des constantes : la sociabilité — en particulier le processus de socialisation secondaire par les pair·es — est au coeur des pratiques. Le logo placé au centre de la cartographie est celui du Stereo, ce qui appuie l’importance de ce lieu dans les pratiques de l’interviewé. Les autres logos sont ceux de boîtes de nuit (Salon Daomé[23], Newspeak[24]), d’événements (Floral Nights/Burning Sun[25]) et de collectifs organisateurs de soirées (Exposé Noir[26], OCTOV). Au-delà de la démonstration qui est faite d’une circulation fluide entre les espaces institutionnels, grand public et underground, il importe d’observer attentivement les flèches, qui pointent toutes vers la maison dessinée. Comme l’explicite le participant T, cet espace tient une place centrale dans ses pratiques, il lui permet de socialiser différemment, dans la continuité temporelle de son expérience sur la piste de danse (avant ou après celle-ci) :

Au Stereo, c’est plus une expérience pour me connecter à moi-même, la piste de danse c’est ma thérapie, ça m’aide vraiment à traverser des moments difficiles et à me distraire de ce qui se passe, mais sur le dancefloor je n’aime pas vraiment parler. Mais après le Stereo, même après toutes les sorties en boîte de nuit, tout ramène à la maison, à l’afterparty. Où que ce soit, c’est là que j’ai senti que je faisais vraiment partie de la communauté, quand je me suis fait des amis et qu’ils m’ont invité chez eux, et qu’on a fait des afterparties, et qu’on a discuté, parlé musique, échangé et que j’ai appris à les connaître et qu’ils sont devenus plus que la personne avec qui j’ai dansé sur le dancefloor, c’est un élément très important aussi.

En effet, le dancefloor est indéniablement le lieu où les amateur·trices de techno se « font » une oreille, mais comme je le constate, le processus doit être complété par des pratiques d’écoute individuelles et collectives qui sortent aussi du « temps de la fête », comme l’explique l’interviewée L :

J’ai continué à sortir au Stereo puis régulièrement, presque tous les week-ends, c’est dans ces endroits-là que je me suis fait une oreille. J’ai découvert des artistes, puis en comprenant que j’aimais bien leur style j’ai fait des recherches sur Internet, j’en discute avec des amis avec qui j’échange des liens, des sons et tout ça.

Les deux témoignages démontrent que le processus de socialisation musicale passe par la fréquentation des lieux de diffusion de la musique où l’on se « fait une oreille », et se poursuit dans d’autres espaces-temps. Ce processus s’inscrit dans la durée et comporte une dimension collective, le partage entre ami·es, les échanges, et une dimension individuelle, de l’ordre de la découverte. La socialisation de l’oreille in situ sur la piste de danse prend progressivement de plus en plus de place dans la sphère domestique : « Au fur et à mesure que je me suis fait une oreille, que j’ai commencé à découvrir des artistes à aimer, j’ai commencé à beaucoup plus écouter en allant au travail, en allant à la maison » (Interviewée L).

De plus, les habitudes d’écoute cultivées sur la piste de danse permettent de créer une disposition pour l’écoute d’autres styles de musiques électroniques, dans des contextes qui ne nécessitent pas forcément la mobilisation du corps. Pour l’interviewé B, ce sont ces expériences sur le dancefloor, dont il s’est lassé, et son introduction à la pratique du DJing, qui ont disposé son oreille à de la techno moins dansante, qui peut être qualifiée de moins accessible :

Avant c’était motivé par les sorties parce que je sortais beaucoup et c’était une musique que j’associais aux sorties. Quand j’ai commencé à m’y intéresser c’est devenu un plaisir personnel. Et quand j’ai commencé à mixer je consommais la musique pour ça. Et puis au bout d’un moment j’ai commencé à me lasser des sorties. J’ai commencé à m’intéresser à des choses moins dirigées dancefloor, sorties tout ça, et donc à m’ouvrir plus à de la techno beaucoup plus large que je n’aurais jamais écoutée avant comme de l’ambient ou des trucs vraiment où je ne pourrais pas danser là-dessus.

Dans ce cas, il s’agit d’une évolution des habitudes d’écoute qui ne sont plus tournées vers la danse et ont un effet sur l’oreille : on distingue la musique pour danser de celle pour le « plaisir personnel ».

Les pratiques d’écoute techno permettant la construction de l’oreille dépassent le cadre de l’espace de diffusion traditionnel de la musique techno, incarné par le club. On comprend que dans l’espace-temps qui précède et succède la soirée, ont lieu des moments privilégiés entre pair·es qui permettent le renforcement de l’appartenance à un groupe, de la construction identitaire individuelle et collective à travers des socialisations musicales.

Prédrink : préparer son oreille à l’écoute sur le dancefloor

« Pour le pré, on se retrouve chez moi ? » Ce moment, qui précède l’arrivée au Stereo Afterhours, vécu collectivement, peut se dérouler chez le ou la participant·e, chez un·e ami·e, parfois dans un bar ou une boîte de nuit. Prenant comme point de départ la cartographie présentée ci-dessus pour cette réflexion, je me concentrerai sur les prédrinks qui ont lieu dans des espaces domestiques. Le choix du lieu pour le prédrink est avant tout pratique : la personne qui accueille le groupe est souvent celle qui se trouve géographiquement le plus proche du lieu de la soirée. Cela permet de profiter de l’environnement privé et de réduire le temps de déplacement, qui peut se faire à pied, en bus ou en taxi. Les fonctions attribuées à cet espace-temps sont multiples. Il s’agit de se retrouver entre ami·es, parfois de recevoir les commandes de drogue, de « socialiser dans un environnement relaxé » (Garcia 2011, 66) mais surtout de se préparer et d’écouter de la musique ensemble, comme l’explique le répondant E : « Avant la sortie, on se rejoint chez mes ami·es, on va boire un verre, on va écouter de la techno qui va jouer dans la soirée, pas nécessairement l’artiste, mais juste quelque chose qui va ressembler un peu pour nous mettre comme dans l’ambiance. »

Il en va de même pour l’interviewé J : « Ça peut être chez moi, chez une amie, un ami, peu importe. On vient avec notre boisson. Ensuite, on va commencer à mettre un DJ, c’est tout quoi, on se prépare, on parle. Justement, on écoute de la musique. » L’objectif énoncé ici est de socialiser tout en se préparant mentalement et physiquement à la musique qui sera écoutée lors de la soirée ; autrement dit, on procède à l’activation de l’oreille. Lors du prédrink, l’écoute collective n’engage que rarement le corps car les amateur·trices préfèrent « garder leurs forces pour après » (Interviewé E). Bien que la musique puisse être l’objet de discussion au cours de la soirée, elle remplit ici principalement une fonction de musique de fond, d’ambiance.

Le processus de socialisation musicale permettant la construction de l’oreille techno ne passe pas uniquement par l’écoute, il existe à travers les échanges informels autour d’expériences passées, et qui deviennent des standards de comparaison : « J’ai déjà vu ce DJ au Stereo, la dernière fois qu’il est venu c’était vraiment bon ! Il a joué plutôt progressive, j’ai vraiment aimé ça, j’espère qu’il jouera pareil ce soir » (notes de terrain). Cette phrase, qui peut paraître anodine, fait apparaître l’horizon d’attente de l’amateur·trice pour la prestation à venir. Le partage au reste du groupe invite souvent la prise de parole des autres personnes présentes pour comparer les expériences vécues individuellement et ainsi, d’une certaine façon, anticiper la soirée à venir de manière collective. Lorsque c’est la première fois que le groupe va voir le ou la DJ qui est programmé·e, la préparation est d’autant plus importante, elle va par exemple consister en une écoute accrue de prestations passées.

After : consolider son oreille techno

L’organisation de l’after, elle, se fait principalement en personne ou par message texte, souvent directement sur le dancefloor si la soirée suit son cours et si elle est terminée, sur le trottoir à la sortie du club. On assiste alors à tout un jeu de logistique. Chez qui va-t-on ? Comment s’y rend-on ? S’il y a plusieurs taxis à prendre, qui part avec qui ? A-t-on besoin de passer acheter de l’alcool[27] ou d’appeler le dealer ? On privilégie des petits groupes d’ami·es ou d’ami·es d’ami·es, invité·es personnellement pour garantir un minimum d’intimité et s’assurer que les membres du groupe peuvent continuer à discuter et consommer dans un environnement de confiance.

Et puis après [la soirée], mon groupe d’ami·es et moi, nous avions une tradition. On quittait toujours le Stereo et on allait chez quelqu’un ou dans un bar dans le Village pour boire quelques verres ou pas, mais juste pour se calmer et réfléchir à la soirée. On ne voulait pas quitter le club et rentrer directement à la maison pour se coucher[28].

La réception de la musique se renforce a posteriori, en dehors du dispositif de diffusion et de réception incarné par l’afterhour et la piste de danse. Comme le laisse entendre l’interviewé C, l’après-soirée permet de compléter l’expérience du dancefloor. C’est un moment ritualisé privilégié pour procéder à des échanges réflexifs sur la soirée, à une collectivisation de ce qui a été vécu comme une expérience individuelle et personnelle, de sorte à créer un souvenir qui appartient au groupe. Ce que confirme l’interviewé T : « En quittant le Stereo, on va toujours chez quelqu’un et c’est vraiment là que je connecte avec tout le monde[29]. »

Ce retour sur l’expérience vécue peut avoir lieu dans le taxi à deux ou trois personnes, dans un bar ou une fois arrivé·es chez la personne qui accueille l’after. Chacun·e y va avec son ressenti, son moment préféré, son morceau préféré. Sont discutées la satisfaction tirée de l’expérience, la qualité de la prestation, de la foule et du service du club. Les échanges informels autour de la musique jouée lors de la soirée principale participent au processus de construction de l’oreille techno, plus spécifiquement à sa consolidation. Cela passe par les discussions réflexives et critiques sur l’expérience vécue le soir même, mise en perspective avec les expériences passées. Cette consolidation existe aussi à travers la continuité de l’écoute de musique techno, souvent jouée par des DJ amateur·trices[30].

En effet, lors de l’after, l’écoute collective de la musique se poursuit sous différentes formes : certain·es DJ amateurs ou amatrices prendront le relais des platines, ou on utilisera YouTube, SoundCloud, Spotify ou toute autre plateforme de streaming musical pour partager l’écoute. Il arrive que ce soit l’occasion d’écouter les morceaux « shazamés[31] » lors de la soirée principale ou ceux reconnus à l’oreille pendant la performance. C’est une façon de revivre l’expérience autrement en faisant appel à la mémoire de l’oreille et du corps, « ça rappelle des souvenirs » (Interviewée L). Cela permet aussi à l’individu d’affirmer son statut de connaisseur, défini par Malbon comme « un individu qui n’a pas reçu de formation musicale formelle [et qui] peut faire preuve d’expertise en reconnaissant un morceau de musique[32] » (Malbon 2017, 499).

Il est important de préciser que le prédrink et l’after s’inscrivent en continuité avec les pratiques techno collectives domestiques — comme les échanges entre les amateur·trices, qui ont lieu autant dans les groupes Facebook dédiés à la techno que dans des espaces de conversation privés (groupe Messenger, WhatsApp) —, et avec les pratiques d’écoute plus individuelles, qui restent encore à documenter et explorer.

Conclusion

Cet article avait pour objectif de montrer comment les lieux fréquentés par les amateur·trices de techno participent à la socialisation musicale et comment les différents moments d’une soirée (avant, pendant et après) s’articulent dans la construction d’une oreille techno par le corps et par l’expérience collective. À travers l’observation des amateur·trices montréalais·es de techno et l’analyse de leurs discours, je constate que le prédrink prépare l’oreille, que le dancefloor la met à l’épreuve et que l’after la consolide.

Sur le dancefloor, la situation d’écoute est collective lorsqu’il y a synchronisation des mouvements et réactions corporelles. Cependant, c’est la dimension individuelle de l’expérience vécue, de connexion avec soi-même, qui ressort le plus du discours des amateur·trices. Trouver sa place et faire respecter sa bulle sur le dancefloor est une condition nécessaire au plein déploiement du corps-oreille. Au sein du club, l’oreille techno est mise à l’épreuve par la capacité du corps à s’approprier la musique pour danser. Lorsque la connexion avec le corps-oreille ne se fait pas, cela est vécu comme un échec et suscite de la frustration chez les danseur·euses.

Notre recherche met en lumière un aspect important de la construction de l’oreille techno chez les amateur·trices : l’importance de la dimension collective de l’écoute lors du prédrink et de l’after. Les témoignages recueillis mettent en évidence que ces moments jouent un rôle essentiel dans le processus de formation de l’oreille techno. En dehors de l’enceinte du club, les socialisations musicales se manifestent à la fois à travers des séances d’écoute informelles et des discussions réflexives sur la soirée passée. Cette dynamique révèle deux phases distinctes dans le développement de l’oreille techno. Le prédrink prépare l’oreille en permettant, par exemple, d’écouter les DJ sets de l’artiste qui sera présenté·e plus tard au club. L’after, quant à lui, consolide l’expérience d’écoute vécue sur le dancefloor, offrant ainsi l’opportunité de partager les morceaux reconnus et d’exprimer ses ressentis, favorisant ainsi un partage collectif de musique et d’émotions. On peut donc affirmer que l’oreille techno se nourrit de ces pratiques collectives d’écoute, particulièrement dans l’intimité de l’espace domestique.

Ces premières conclusions soulèvent des perspectives de recherche prometteuses pour approfondir notre compréhension de la construction de l’oreille techno chez les amateur·trices. Bien que mon enquête ait fourni des informations sur les pratiques d’écoute au sein des espaces spécifiques du dancefloor, du prédrink et de l’after, il reste encore un vaste territoire à explorer. En effet, les données recueillies n’ont pas permis d’analyser en détail les habitudes d’écoute quotidiennes de la techno chez ces individus. Je sais toutefois que la musique les accompagne dans une variété de contextes tels que les déplacements, les séances de sport, les courses à l’épicerie et parfois même le travail. Ces espaces d’écoute représentent des zones potentiellement riches en enseignements sur la manière dont l’oreille techno se construit dans la vie quotidienne. Il serait donc pertinent d’approfondir des investigations futures en ce sens, afin de saisir pleinement la contribution de ces espaces-temps au développement de l’oreille techno.