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Introduction

Lorsqu’on aborde la conciliation entre le travail et la vie personnelle, il apparaît clairement, à travers les écrits scientifiques (Kandula & Wake, 2021; Sirgy & Lee, 2018; Soneye et al., 2023), que la notion de « vie personnelle » englobe diverses dimensions significatives. Parmi celles-ci, la dimension prédominante se révèle être les relations familiales, ou ce que plusieurs appellent la conciliation travail – famille. Une autre composante essentielle de la vie personnelle est la dimension liée aux études qui, notamment, permettent aux employés d’avancer dans leur carrière. Parallèlement, la santé personnelle se distingue comme une troisième dimension cruciale dans la recherche d’un équilibre entre les obligations professionnelles et les aspects personnels de la vie des individus. Cette compréhension multidimensionnelle offre une perspective large sur les enjeux auxquels les répondants sont confrontés dans leur quête d’une vie en cohérence avec leurs valeurs.

Dans le milieu des organisations du secteur public, la gestion des horaires a un impact sur la vie professionnelle et personnelle des travailleurs. Dans le cadre de notre étude, cet aspect fait ressortir l’importance non seulement des attitudes et des comportements des gestionnaires individuellement, mais aussi de certains aspects plus généraux inhérents à l’organisation, par exemple les politiques de la liste de rappels. Ainsi, la gestion des pratiques organisationnelles est un domaine clé à considérer pour promouvoir un environnement de travail favorable à la conciliation travail – vie personnelle.

Dans cet article, nous nous attarderons au portrait de la situation actuelle qui est vécue par les répondants en ce qui a trait à leur conciliation travail – vie personnelle et au portrait de la situation qu’ils souhaitent.

1. Méthodologie

Les données à la base de cette recherche ont été collectées chez près de 500 employés d’une grande organisation publique québécoise. Le corpus a été constitué des réponses écrites à des questions ouvertes posées dans un questionnaire majoritairement composé de questions fermées. Les questions portaient sur la conciliation travail – vie personnelle et sur les enjeux de gestion liés à cette thématique.

L’analyse des données a été réalisée selon des procédures proposées par la méthodologie de la théorisation enracinée, notamment dans une approche de développement d’une compréhension théorique du vécu exprimé dans les données et dans une perspective d’échantillonnage théorique dans la progression de l’analyse (Guillemette & Luckerhoff, 2023a, 2023b). La perspective d’analyse était donc inductive, c’est-à-dire qu’elle visait à faire ressortir la compréhension d’un phénomène à partir des données elles-mêmes et non en partant de théories qui constitueraient une précompréhension de ces données (Corbin & Strauss, 2014; Guillemette & Luckerhoff, 2009).

Concrètement, les données ont été analysées à l’aide du logiciel NVivo par des opérations de codage, de catégorisation et de modélisation[1] (Corbin & Strauss, 2014; Gibbs, 2007; Lejeune, 2014; Paillé & Mucchielli, 2012; Saldaña, 2013). Dans la logique de l’induction, les procédures d’analyse sont itératives, c’est-à-dire qu’elles sont effectuées dans des allers-retours constants entre la construction des résultats de l’analyse et la consultation des données. Ainsi, les données ont été examinées par petites quantités, en les analysant au fur et à mesure et en échantillonnant les données suivantes à analyser en fonction de l’avancement de l’analyse. Au final, les données ont toutes été analysées et consultées plusieurs fois, toujours dans la dynamique de l’élaboration de leur compréhension (Strauss, 1987). Ce processus itératif a comme finalité de fournir des résultats d’analyse qui sont bien enracinés dans les données et non dans les préconceptions du chercheur. Par souci d’une analyse inductive enracinée dans les données, nous avons rédigé les résultats en demeurant le plus près possible des propos des participants, autant dans leur contenu que dans leur style.

L’élaboration d’une section portant sur des recommandations est intrinsèque à cette logique d’analyse inductive. En effet, les données elles-mêmes ouvraient deux voies de compréhension; d’une part, il y a le vécu des personnes sur la conciliation travail – vie personnelle et sur les pratiques de gestion et, d’autre part, il y a les suggestions des répondants pour l’amélioration des pratiques de gestion. Les résultats sont présentés en deux parties qui correspondent à ces deux réalités présentes dans les données.

Lors de la discussion des résultats de l’analyse des données, nous avons fait référence à des publications traitant des théories en sciences de la gestion en relation avec ces résultats. Ces documents ont été essentiels pour approfondir les pistes d’action.

2. Résultats de l’analyse : situation actuelle

Dans cette première partie des résultats, nous présentons la compréhension de ce qui est vécu par les employés.

2.1 Diversité de vécus personnels : un éventail de contextes et d’expériences

Les configurations relatives aux circonstances de vie personnelle sont caractérisées par une grande diversité. Celle-ci s’illustre notamment par la présence ou l’absence d’enfants, l’âge des enfants, la présence ou l’absence des personnes à charge et le degré d’implication dans la vie familiale. On pense, entre autres, aux employés qui ont des enfants en bas âge, fréquentant des centres de la petite enfance, ou des adolescents participant à plusieurs activités parascolaires et donc nécessitant une transportation de la part des parents, et à ceux qui sont des aidants naturels envers des parents âgés. Cette disparité dans la situation familiale engendre des différences dans la manière dont l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle est vécu. Il est évident que lorsque le personnel est fortement impliqué ou sollicité dans sa vie familiale, que ce soit avec des enfants ou en prenant soin de parents dépendants, l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle est perçu comme plus délicat, et cette fragilité se reflète dans la sphère professionnelle. Cette nuance a une incidence directe sur la perception des pratiques de gestion.

En lien avec les pratiques de gestion telles qu’elles sont perçues par les employés, une variété d’expériences individuelles s’étend le long d’un continuum allant du positif au négatif. Des expressions généralisantes caractérisent les extrêmes de cette échelle : « les pratiques de gestion favorisent beaucoup la conciliation travail – vie personnelle » et « cette conciliation n’existe pas du tout dans les faits ». Les disparités entre les expériences positives et négatives se manifestent sur plusieurs plans, notamment d’un lieu de travail à un autre, d’un secteur d’activité à un autre, ainsi que dans la mise en oeuvre de pratiques de gestion spécifiques. Il est à noter que l’organisation des horaires de travail peut être très différente d’un milieu de travail à un autre. De ce fait, les répercussions des ajustements d’horaires varient en fonction du secteur d’activité ou de la profession, et ce, même au sein d’un même établissement. Les différentes perceptions qu’ont les employés du style de gestion ont fait apparaître des expressions diamétralement opposées soulignant les divergences entre les gestionnaires qui refusent toute demande d’accommodement et ceux qui démontrent une grande compréhension vis-à-vis de ces demandes. Certains gestionnaires sont perçus comme des personnes qui négligent l’aspect humain de leur gestion, tandis que d’autres sont perçus comme des personnes qui s’efforcent d’adapter les conditions de travail aux diverses situations personnelles des employés.

Les répondants ont soulevé le fait que certaines pratiques de gestion sont perçues comme inéquitables ou injustes dans le traitement des demandes. En effet, des disparités dans les réponses aux demandes sont observées dans les données recueillies. Des réponses favorisent certains individus tandis que d’autres font face à des refus, sans explication apparente pour ces différences de traitement. Certains répondants ont même exprimé de la confusion, ne sachant pas clairement quelles demandes pouvaient être formulées, ni ce qui serait accepté ou refusé en matière de modification d’horaire ou de demande de congé. Cette confusion découle du décalage perçu entre le message organisationnel favorisant la conciliation travail – vie personnelle et la réalité vécue par les employés qui rencontrent des difficultés, voire une impossibilité, à obtenir les aménagements requis pour concrétiser cette conciliation.

Il est prudent de souligner que la gestion des congés ou des arrêts de travail n’est pas une chose facile. Il arrive que certaines demandes se révèlent contradictoires entre elles, comme le cas où une personne souhaite obtenir rapidement un congé tandis qu’une autre, qui pourrait faire un remplacement pour ce congé rapide, préfère ne pas être sollicitée à la dernière minute. Ainsi, les aspirations à la stabilité des horaires pour planifier la vie personnelle s’opposent parfois à la nécessité de flexibilité pour faire face aux imprévus. Par ailleurs, la demande de respect des plages de non-disponibilité entre en conflit avec celle exigeant le respect des besoins et des nécessités de dernière minute.

2.2 Les soubresauts des horaires de travail : impact sur la conciliation entre le travail et la vie personnelle

Les horaires de travail sont le nerf de la guerre de la conciliation du travail et de la vie personnelle. Ce point important peut se décliner sous deux angles : les horaires de travail atypiques et les demandes de congés. Concernant les horaires de travail, une systématicité dans le nombre élevé de modifications apportées à ceux-ci sont observés. En premier lieu, une diversité de changements potentiels caractérise ces ajustements, comprenant des modifications à long terme, telles que l’horaire 4/32 ou les quarts de 12 heures, et des modifications à court terme, par exemple l’extension d’une heure de travail pour accommoder un collègue nécessitant un début de quart de travail tardif. En second lieu, ces changements se produisent fréquemment. Bien qu’il ne soit pas question de quantification dans notre analyse, il s’agit plutôt de rendre compte d’une tendance discernable dans les expériences des répondants d’après les données recueillies.

Dans certaines situations, une forme de réciprocité peut être établie entre deux employés pour répondre mutuellement aux besoins d’ajustement des horaires. Cependant, cette flexibilité dans les ajustements d’horaires est perçue de manière ambivalente, étant tantôt appréciée comme une gestion favorable à la conciliation travail – vie personnelle, tantôt considérée comme préjudiciable à cette conciliation. Par exemple, si les horaires atypiques peuvent accommoder certains individus, ils peuvent être néfastes pour d’autres qui doivent adapter leur horaire personnel (et celui de leur entourage) à des horaires normaux ou typiques.

Diverses mesures relatives aux horaires sont mises en oeuvre, incluant des quarts de 12 heures, l’horaire 4/32, l’accumulation de temps (banque de temps) compensé par des congés, les congés payés (maladie ou autre), le congé autofinancé, le congé différé, le congé parental prolongé, l’horaire allégé, l’horaire d’été, des ajustements mineurs de 15 ou 30 minutes (par exemple, pour la « conciliation » avec les garderies), des plages de non-disponibilité, des périodes de vacances bloquées et des semaines de vacances fractionnées. Cette diversité montre toute l’ampleur du défi lié à la gestion des horaires. Pourtant, un problème surgit en ce qui concerne le partage du pouvoir décisionnel, notamment lorsqu’une demande est rejetée par le gestionnaire. Dans de tels cas, la décision est perçue comme imposée par le gestionnaire, engendrant des sentiments de contrainte et d’injustice.

Les changements d’horaires peuvent également être imposés, par exemple quand il s’agit du changement d’heure de travail ou du temps supplémentaire obligatoire. Les « appels » constituent un phénomène distinct : des employés reçoivent des appels même lorsqu’ils ont déclaré leur non-disponibilité, perturbant parfois leur sommeil avec des appels jugés « insignifiants ». Ainsi, une perception de « à la discrétion du gestionnaire » entoure le pouvoir des gestionnaires sur les horaires et les congés, d’où le constat de différences notables dans les approches de gestion comme dans le cas de la conciliation avec les études. Cette perception de la discrétion peut compromettre la confiance nécessaire à une gestion saine de la conciliation et des compromis.

Les ajustements fréquents et de dernière minute peuvent découler de demandes récurrentes et imprévues, offrant ainsi une flexibilité perçue comme bénéfique pour la conciliation. Toutefois, lorsque ces modifications sont imposées, les individus affectés les considèrent comme contraignantes, nuisibles à l’équilibre entre leur travail et leur vie personnelle. Certains de ces changements sont imposés sans notification ni consultation préalable, exacerbant ainsi les impacts négatifs sur la conciliation entre le travail et la vie personnelle. Cette imposition est perçue comme étant associée à de mauvaises pratiques de gestion, par exemple dans le recrutement de nouveaux employés et l’ouverture de nouveaux postes.

2.3 Une gestion compliquée des demandes de congés

Les demandes de congés ne sont pas uniformément traitées en termes de célérité et d’efficacité. Tant qu’une réponse n’a pas été formulée, le demandeur se trouve dans l’incapacité de planifier d’autres activités, par exemple des rendez-vous médicaux spécialisés, engendrant ainsi des imprévus. De surcroît, certaines demandes restent sans traitement, accentuant le caractère précaire de cette démarche.

Lorsqu’une demande de congé préalablement soumise est rejetée, l’employé peut être tenté de déclarer une maladie à la dernière minute. De manière préoccupante, l’option de déclarer une maladie sans préavis et sans tentative préalable d’obtention d’un congé préapprouvé apparaît comme une solution de dernier recours, notamment lorsque l’employé a déjà fait face à une réprimande disciplinaire pour avoir pris un congé de maladie à la dernière minute après avoir vu sa demande initiale de congé refusée. Une pratique courante implique également la déclaration de maladie pour accompagner un proche malade, une mesure prise en raison du risque de refus de ce type de congé. Cette stratégie introduit une atmosphère de méfiance dans les relations entre les demandeurs de congés et les décideurs, générant des interactions empreintes de suspicion et de doutes quant à la légitimité des motifs invoqués. Ces relations peuvent se détériorer davantage lorsque les demandeurs se sentent mis en cause et doivent justifier leurs absences, créant un environnement perçu comme dépourvu de respect envers l’individu, son discernement, son éthique professionnelle ainsi que ses besoins et ceux de son entourage.

Les conséquences de ces déclarations de maladie simulées s’étendent jusqu’au domaine financier, engendrant des coûts additionnels liés à la rémunération des remplaçants à des taux majorés, une situation évitable si les congés avaient été sollicités et approuvés préalablement. Ces fausses déclarations de maladie ont également des répercussions néfastes sur la continuité des services, exacerbant la surcharge de travail et l’épuisement des employés tentant de compenser le manque de personnel. Par ailleurs, elles contribuent également à accroître l’instabilité des horaires, aggravant une situation déjà précaire.

2.4 Impacts d’une saine gestion de la conciliation travail – vie personnelle

L’adoption de pratiques de gestion favorables à la conciliation entre le travail et la vie personnelle se traduit positivement sur plusieurs aspects. Cela inclut une rétention accrue du personnel, une plus grande implication dans le développement professionnel et l’acquisition de compétences, une amélioration du rendement, une augmentation de la motivation au travail et de l’engagement institutionnel, ainsi qu’une amélioration générale de la santé. De plus, ces pratiques induisent une économie financière en raison de la réduction des besoins en temps supplémentaire rémunéré à des taux majorés, ainsi qu’une diminution de l’absentéisme et des arrêts de travail.

2.5 Analyse des pratiques de gestion et leurs implications sur le bien-être au travail et la qualité des services

Les données recueillies mettent en lumière des aspects des pratiques de gestion qui transcendent directement la sphère de la conciliation travail – vie personnelle. La nature des relations entre les employés et les gestionnaires devient complexe lorsque l’orientation vers la rentabilité et la performance prédomine, souvent au détriment de la dimension humaine, tant pour les travailleurs que pour les bénéficiaires. Certains individus éprouvent une dissonance entre les valeurs humanistes proclamées par l’organisation et les pratiques de gestion axées sur la réduction budgétaire et la maximisation de la rentabilité. Cette divergence engendre des répercussions néfastes sur la santé mentale des employés et impacte la qualité des services dispensés.

Les relations professionnelles tendent à se bureaucratiser, se manifestant par une restriction de la communication directe avec les gestionnaires. Bien que physiquement présents, certains responsables se montrent indisponibles, entravant ainsi la fluidité des échanges et la résolution efficace des problèmes.

Une rationalisation apparente dans la gestion opère une pression sur les employés, les obligeant à accomplir un volume de travail plus conséquent avec des ressources limitées. Cette situation génère des surcharges de travail et contribue à l’épuisement professionnel. Une disparité entre les équipes devient apparente, certaines étant moins accablées que d’autres. Par exemple, le non-remplacement d’un employé en congé crée un déséquilibre de travail, soit avec une surcharge pour les autres membres de l’équipe, soit avec un surcroît de tâches à son retour.

Certains répondants ont exprimé un sentiment de non-écoute, allant jusqu’à résister à l’émission de suggestions, considérant que les dirigeants négligent leurs propositions. Ils perçoivent un processus décisionnel préalable à toute consultation, dans lequel leurs avis ne sont pas pris en considération, instaurant ainsi un climat de frustration et de déconnexion entre la base opérationnelle et les instances décisionnelles. Cette dynamique entrave le partage d’idées novatrices et dévalorise la participation des employés dans le processus décisionnel, affectant in fine la cohésion organisationnelle.

2.6 Transition organisationnelle : les voix des employés face aux changements

La situation actuelle est perçue comme une phase de changement ou de transition, plus spécifiquement en tant que mutation organisationnelle globale. Bien que les données recueillies sur cet aspect ne se concentrent pas sur les thématiques de conciliation travail – vie personnelle et de pratiques de gestion, il semble que les répondants aient saisi l’opportunité de s’exprimer sur cette période transitoire suscitant leur préoccupation. Avec les récents changements dans l’organisation, les employés expriment un besoin accru d’informations, car ils ne sont plus familiarisés avec les mesures en vigueur par rapport à celles qui prévalaient auparavant dans leurs environnements de travail respectifs.

3. Résultats de l’analyse : situation souhaitée

L’analyse des données a permis de faire ressortir le portrait de la situation souhaitée par les répondants. Ce portrait est constitué d’un ensemble de souhaits ou de recommandations concernant les pratiques de gestion. Ces souhaits et recommandations proviennent des données; elles ne proviennent pas de principes de gestion qui auraient été appliqués aux problèmes identifiés dans les données.

En raison des données recueillies, les recommandations se concentrent principalement sur l’équilibre entre le travail et la vie personnelle, mais elles ne se limitent pas exclusivement à cette question. D’autres problématiques émergent des données et les recommandations relatives à l’équilibre entre le travail et la vie personnelle peuvent avoir des implications plus vastes, pouvant ainsi conduire à des solutions pour d’autres enjeux.

3.1 Optimisation des règles organisationnelles pour promouvoir l’équité et la clarté dans la gestion des ressources humaines

L’objectif d’uniformisation et de clarification des règles générales liées aux horaires, aux congés, aux appels, à l’accumulation et à la reprise de temps, à la marge de manoeuvre pour les changements mineurs, de même qu’aux arrangements entre employés, s’inscrit dans une perspective d’amélioration du cadre organisationnel. Cette démarche vise à atténuer la perception d’injustice et d’iniquité, tout en réduisant le climat de suspicion inhérent à une interprétation floue de ces règles.

Il est impératif de considérer les différents contextes spécifiques aux diverses catégories d’emplois tout en minimisant le pouvoir discrétionnaire du gestionnaire dans le processus décisionnel final. Une uniformisation judicieuse, tout en tenant compte des particularités propres à chaque catégorie d’emploi, contribuera à instaurer une transparence accrue dans les processus de prise de décision.

Dans la pratique, la clarté des règles édictées doit permettre à chaque employé de réaliser son propre discernement vis-à-vis des situations rencontrées, facilitant ainsi la prévision et la planification de l’application des règles, ainsi que des décisions qui en découleront. La marge de pouvoir décisionnel accordée aux gestionnaires pour les exceptions devrait être limitée au strict minimum nécessaire, afin de maintenir une cohérence et une équité organisationnelle. Une réduction de cette marge de manoeuvre contribuera à instaurer des pratiques de gestion plus prévisibles et équitables, favorisant un climat de confiance au sein de l’ensemble du personnel.

3.2 Optimisation des pratiques de gestion des ressources humaines pour une transparence et une stabilité des horaires

La gestion des cas particuliers doit s’opérer de manière transparente, favorisant un environnement d’écoute et de consultation, tout en intégrant un processus formel d’appel de la décision pour assurer une prise de décision équitable. La mise en place d’un système de stabilisation optimale des horaires est essentielle, visant à limiter les changements mineurs et à court terme, offrant ainsi une prévisibilité accrue pour les employés.

L’informatisation de la gestion des horaires représente une avancée stratégique, rendant le système accessible aux employés. Cette accessibilité permet aux employés de proposer des changements mineurs, respectant la priorisation des services, renforçant ainsi la responsabilisation à la base. Cependant, ce processus soulève des enjeux de communication et de circulation de l’information qui nécessitent une attention particulière.

L’établissement de canaux de communication efficaces est crucial pour garantir une diffusion transparente de l’information concernant les horaires. L’intégration de ces technologies dans le processus de gestion vise à favoriser la flexibilité tout en maintenant la priorité des services. Cette démarche contribue à créer un environnement organisationnel plus agile et collaboratif, où les employés participent activement à la gestion de leur emploi du temps dans le respect des exigences opérationnelles.

3.3 Optimisation des pratiques horaires pour une conciliation travail – vie personnelle améliorée

Un ensemble de modifications mineures dans la gestion des horaires offre la possibilité d’apporter des ajustements favorables à la conciliation travail – vie personnelle sans entraîner d’impacts substantiels sur la qualité des services fournis. Diverses modifications pourraient être envisagées, générant des retombées positives sur l’équilibre entre le travail et la vie personnelle. À titre d’exemples, citons la réduction de la pause déjeuner de 30 minutes ou sa transformation en pause journalière mobile afin de donner la possibilité de quitter le lieu de travail 30 minutes plus tôt, de commencer un service avec un retard de 30 minutes ou encore de conclure la journée de travail avec une avance de 30 minutes. De plus, la flexibilité pourrait être instaurée permettant aux employés de prendre un congé d’une heure, à rattraper ultérieurement, ainsi que la possibilité de fractionner leurs périodes de vacances, entre autres. Ces ajustements offriraient une marge de manoeuvre accrue pour les employés, améliorant ainsi la conciliation entre leurs obligations professionnelles et leur vie personnelle.

Dans le même sens, l’embauche de personnel additionnel est une solution qui revient souvent dans les données. Le but principal est de réduire la surcharge de travail et, donc, l’épuisement professionnel.

3.4 Optimisation des relations employeur-employés et gestion des changements organisationnels

Dans le dessein de renforcer l’implication et le bien-être des employés au sein de l’organisation, il est recommandé d’accroître le pouvoir opérationnel des employés tout en circonscrivant le pouvoir des gestionnaires, conformément au principe de subsidiarité. Par exemple, permettre aux employés de déclarer leur non-disponibilité dans le système de gestion des horaires sans être sollicités par le gestionnaire de la liste de rappel pendant ces périodes. Cette approche vise à déléguer le pouvoir au niveau hiérarchique le plus bas et à autonomiser les employés (Boudrias et al., 2010). Cependant, ce défi requiert une mise en oeuvre organisationnelle et informatique rigoureuse, notamment en matière de circulation d’information, d’accessibilité rapide aux individus et de moyens de communication efficaces, tout en assurant la transparence nécessaire pour le rôle de supervision des gestionnaires.

Des pratiques de gestion actuelles démontrent déjà une certaine flexibilité, permettant des accommodements entre employés sans impact négatif sur les services. Les répondants saluent cette confiance accordée pour la gestion autonome de ces arrangements. Certains éléments, tels que le télétravail ou les compensations pour des horaires exigeants, nécessitent des politiques claires, soulignant l’importance d’impliquer la base organisationnelle dans le processus décisionnel.

Au cours de périodes transitionnelles significatives, les gestionnaires sont appelés à reconnaître les deuils et les ajustements auxquels les employés font face (Pailot, 2014). Adopter des attitudes d’écoute, d’empathie, de consultation, et démontrer une considération positive des opinions et des suggestions sont des responsabilités cruciales des gestionnaires. Une formation brève sur la gestion du changement devrait être offerte à toutes les parties concernées.

La proposition d’offrir des activités de développement professionnel, y compris des études universitaires, s’inscrit dans une perspective d’amélioration continue du personnel. Instaurer une culture de la reconnaissance, où la valorisation des réussites et des bonnes pratiques est constamment pratiquée, favorise un environnement de travail positif (Robert, 2007). Des gestes de reconnaissance, aussi modestes soient-ils, lors d’événements spéciaux dans la vie des individus, et l’octroi de jours de congé à des jalons anniversaires de service renforcent la culture organisationnelle de reconnaissance et de valorisation des contributions individuelles. On apprécie beaucoup les gestionnaires qui pratiquent constamment la reconnaissance dans des gestes concrets pour faire ressortir les bons coups, encourager chaque individu, souligner les bonnes pratiques au lieu de ne signaler que les erreurs, inviter à la reconnaissance mutuelle dans les équipes de travail. La reconnaissance peut s’actualiser aussi dans de petits gestes lors d’événements spéciaux dans la vie des personnes : naissance, décès, maladie, départs à la retraite, promotion, etc. On suggère aussi d’octroyer une journée de congé aux 5, 10, 15, 20 et 25 années de service.

4. Discussion

L’analyse du vécu des employés nous a permis de mettre la lumière sur des éléments, qui de concert, peuvent contribuer à façonner une gestion organisationnelle plus agile, plus réactive et alignée avec les besoins des employés. Dans cette section, nous expliquons comment la communication organisationnelle, le principe de subsidiarité, la gestion participative, la gestion du changement et la gestion de proximité sont des principes interconnectés qui contribuent à améliorer la performance organisationnelle dans le contexte de notre étude.

4.1 Communication organisationnelle

La communication organisationnelle revêt une importance capitale dans les milieux de travail, où l’efficacité de la transmission des informations peut avoir des implications directes sur les services aux bénéficiaires, la prise de décision et la gestion des ressources humaines (Cooren et al., 2017). Les organisations publiques sont des systèmes de communication sociale où les acteurs échangent des contenus, créant ainsi des relations et coordonnant leurs actions. Les professionnels, les autres employés et surtout les cadres font face à un flux constant d’événements qu’ils doivent interpréter, d’où la nécessité de la fluidité et de la fidélité de la circulation de la communication (Katambwe, 2022). Les milieux de travail se caractérisent par la complexité des informations à communiquer, allant des données médicales aux protocoles de soins en passant par les politiques institutionnelles. La clarté et la précision de la communication deviennent cruciales pour garantir la sécurité des bénéficiaires et la cohérence des pratiques. Dans ce sens, la fluidité constante de l’échange d’informations, favorisée notamment par des interactions fréquentes, contribue à réduire l’incertitude liée aux tâches et à promouvoir une compréhension mutuelle au sein de l’équipe (Searle, 1982).

La coordination entre les professionnels issus de diverses disciplines constitue un autre enjeu majeur. À cela s’ajoute l’aspect mouvant et évolutif des organisations où constamment de nouveaux défis apparaissent, y compris des contradictions comme le fait de maintenir l’unité d’action tout en devenant de plus en plus diversifié (Taylor & Van Every, 2000). Une telle communication est un allié incontournable d’un changement organisationnel centré sur l’humain (Bareil et al., 2016). La nature souvent urgente des situations peut créer des pressions temporelles importantes. La communication dans ce sens doit être rapide et efficace, sans compromettre la qualité des informations échangées.

Les grandes organisations doivent adopter des politiques de communication transparente pour instaurer la confiance, tant au sein du personnel que vis-à-vis des bénéficiaires (Maletto, 2009, 2010). Cela inclut la divulgation proactive d’informations pertinentes et la gestion ouverte des conflits d’horaire, du manque du personnel et des problématiques des congés.

4.2 Principe de subsidiarité

Le principe de subsidiarité demande ici de la part du gestionnaire de n’intervenir que lorsque le problème ne peut pas être réglé à la base (Delpérée, 2002), notamment en cas de conflit entre des employés ou lorsque les solutions en provenance de la base s’avèrent inefficaces (Merceron, 2016). Ce principe implique de réaliser de véritables consultations, c’est-à-dire de demander et de considérer l’avis de toute personne concernée par une décision (Brault et al., 2005). L’application du principe de subsidiarité dans le contexte de la gestion organisationnelle suggère une intervention mesurée et ciblée du gestionnaire, réservée aux situations où les problèmes ne peuvent être résolus au niveau opérationnel. Ce principe, empreint de nuances et de considérations éthiques, sous-tend la nécessité d’une consultation approfondie, caractérisée par la sollicitation et la prise en compte des avis émanant de toutes les parties concernées par une décision.

Le principe de subsidiarité, d’origine philosophique et sociopolitique, trouve son application dans le domaine de la gestion organisationnelle en tant que guide éthique (Brault et al., 2005). Cette approche favorise l’autonomie et la responsabilité des équipes de travail, tout en préservant le rôle décisionnel du gestionnaire en dernier recours.

L’essence du principe de subsidiarité réside dans la réalisation de consultations authentiques. Cela englobe un processus de recherche et d’incorporation des avis émis par toutes les parties directement impliquées dans une décision donnée (Brasseur et al., 2022). Cette démarche va au-delà de la simple collecte d’opinions, exigeant une véritable considération des perspectives individuelles et la prise en compte des diversités d’expérience.

La délimitation des situations nécessitant l’intervention du gestionnaire est un aspect crucial du principe de subsidiarité (Delpérée, 2002). Son application sur le plan éthique soulève des questions d’équité et de justice (comment garantir que la prise de décision au niveau local est équitable et respecte les principes de justice, évitant ainsi des inégalités entre différentes communautés?), de protection des droits individuels (comment assurer la protection des droits individuels lorsque la responsabilité est déléguée à des niveaux plus bas?) et de responsabilité sociale (comment garantir que les acteurs locaux assument leurs responsabilités sociales de manière éthique?) (Merceron, 2016).

Sur le plan organisationnel, le principe de subsidiarité évoque des questions de coordination et de cohérence (comment maintenir une coordination efficace entre les niveaux local et supérieur pour éviter des problèmes de cohérence et d’efficacité dans la réalisation des objectifs organisationnels?), de ressources limitées (comment gérer les ressources limitées de manière équitable entre les différents niveaux d’organisation?), de capacités locales (comment s’assurer que les niveaux locaux ont les capacités et les compétences nécessaires pour assumer les responsabilités déléguées?) et d’évaluation des performances (comment mesurer et évaluer les performances à différents niveaux pour garantir l’efficacité du principe de subsidiarité dans l’atteinte des objectifs organisationnels?) (Merceron, 2016). Cela implique une réflexion constante sur la répartition du pouvoir décisionnel, la confiance accordée aux équipes opérationnelles et le rôle du gestionnaire en tant que facilitateur plutôt que prescripteur.

Finalement, le principe de subsidiarité offre un cadre conceptuel pour équilibrer l’autonomie opérationnelle et l’intervention hiérarchique. Sa mise en oeuvre réussie repose sur la reconnaissance de la valeur de la consultation authentique, la délimitation claire des situations nécessitant une intervention et la promotion d’une culture organisationnelle favorisant la responsabilité et la résolution collaborative des problèmes. Cette approche contribue à forger des relations professionnelles empreintes de respect, de confiance et de compréhension mutuelle au sein de l’organisation.

4.3 Gestion participative

Le principe de subsidiarité et la gestion participative sont deux concepts liés qui trouvent leur application dans le domaine de la gouvernance et de la prise de décision au sein des organisations. Bien qu’ils aient des origines et des fondements différents, ils partagent des similarités dans leur approche visant à décentraliser le pouvoir et à favoriser l’autonomie au niveau opérationnel.

La gestion participative est un modèle de gouvernance organisationnelle qui encourage la participation active des membres de l’organisation dans le processus décisionnel. Elle reconnaît que les employés, en raison de leur proximité avec les opérations quotidiennes, possèdent une expertise précieuse et peuvent contribuer significativement à la prise de décision. Le principe de subsidiarité et la gestion participative convergent en essentiellement trois points. Premièrement, les deux concepts partagent une orientation vers la décentralisation du pouvoir. Dans la gestion participative, cela se traduit par l’implication des employés dans les décisions qui affectent leur travail quotidien (Perron, 1997) afin de les mobiliser, tandis que le principe de subsidiarité vise à déléguer les responsabilités au niveau le plus approprié. Deuxièmement, la subsidiarité et la gestion participative mettent l’accent sur la responsabilisation locale. En impliquant les parties prenantes au niveau opérationnel, ces approches favorisent une responsabilité plus directe et une meilleure compréhension des enjeux spécifiques à ce niveau. Finalement, les deux concepts favorisent une approche collaborative de la prise de décision. La gestion participative implique la collaboration entre les membres de l’organisation (Perron, 1997), alors que le principe de subsidiarité encourage la collaboration au niveau le plus approprié pour résoudre les problèmes.

Lorsqu’ils sont mis en oeuvre conjointement, le principe de subsidiarité et la gestion participative peuvent contribuer à une culture organisationnelle caractérisée par la confiance, l’engagement des employés et une meilleure réactivité aux défis opérationnels (Clegg et al., 2011). En résumé, bien que le principe de subsidiarité et la gestion participative aient des origines différentes, leur mise en oeuvre conjointe offre un cadre organisationnel propice à l’autonomie, à la responsabilité et à la collaboration, contribuant ainsi à une gouvernance plus équilibrée et efficace (Hill & Hupe, 2002).

4.4 Gestion du changement

Il n’est pas possible de parler de gestion participative ou de subsidiarité sans évoquer un besoin de gestion du changement. Dans cette perspective, il faut premièrement que les changements soient progressifs. Deuxièmement, il faut que toutes les personnes concernées soient bien informées et réellement impliquées dans la gestion du changement (Bareil, 2004). Troisièmement, les résistances doivent être considérées comme normales et on doit favoriser leur expression. Quatrièmement, il faut que la circulation de l’information soit fluide, transparente, rapide et efficace. Cinquièmement, toute gestion du changement doit être accompagnée d’un soutien au deuil par rapport aux avantages de la situation initiale. Sixièmement, il faut faire ressortir les avantages du changement. Septièmement, le changement doit être à la fois planifié et suivi.

La gestion du changement, en tant que domaine stratégique crucial pour la pérennité organisationnelle, requiert une approche méthodique et informée. Cette dernière requiert un cadre élaboré afin d’orienter efficacement le processus de changement au sein des organisations. Cela vise également à optimiser les chances de succès en alignant les stratégies sur les réalités psychologiques, organisationnelles et socioculturelles spécifiques à chaque contexte d’intervention.

Premièrement, il est impératif d’agir selon une progression graduelle dans la mise en oeuvre du changement qui repose sur des considérations psychologiques et organisationnelles. La transition doit être soigneusement planifiée, intégrant des étapes pour minimiser les perturbations et permettre une adaptation progressive des individus et des structures. Ce processus réfléchi vise à atténuer les résistances potentielles, à encourager l’engagement des parties prenantes et à créer un environnement propice à l’acceptation et à l’intégration harmonieuse du changement au sein de l’organisation.

Deuxièmement, l’information exhaustive et l’implication authentique de toutes les parties prenantes sont essentielles. Cela signifie la mise en place d’une communication transparente, équilibrée et opportune afin de garantir que chaque individu concerné comprend non seulement les raisons du changement, mais aussi comment il peut contribuer à sa mise en oeuvre. Une telle communication permet d’élaborer et de partager une vision du changement, laquelle permet de s’assurer que tous les membres de l’organisation comprennent la direction dans laquelle l’entreprise se dirige et comprennent leur rôle dans le processus (Collerette, 1995).

Troisièmement, la résistance au changement est inévitable et doit être perçue comme une réaction normale. Cela peut inclure des préoccupations liées à l’incertitude, à la perte de contrôle, à la crainte de l’inconnu, aux préoccupations personnelles, etc. Une compréhension approfondie des sources facilite la prise de mesures appropriées. La résistance au changement s’exprime également à travers les émotions des employés. La reconnaissance de ces émotions permet d’offrir un espace pour les exprimer et ainsi aider les employés à diminuer la résistance au changement. Encourager l’expression de ces résistances favorise une compréhension approfondie des préoccupations individuelles, facilitant ainsi la conception de stratégies d’atténuation adaptées.

Quatrièmement, la gestion du changement exige une circulation de l’information caractérisée par la fluidité, la transparence, la rapidité et l’on efficacité. La communication bidirectionnelle (entre les dirigeants et les employés) doit être facilitée pour garantir que les informations critiques parviennent aux parties prenantes pertinentes de manière opportune (Marcoux, 2002). La communication transparente et bidirectionnelle joue un rôle crucial. Les employés ont besoin d’informations claires sur les raisons du changement, les implications pour eux, et les étapes à venir. L’ouverture à la discussion et à la rétroaction permet de créer un climat de confiance et de réduire l’incertitude qui alimente souvent le processus de deuil.

Cinquièmement, l’introduction de changements peut susciter des sentiments de perte et de deuil. Le deuil dans le contexte du changement organisationnel est une réalité émotionnelle et psychologique souvent sous-estimée. Lorsqu’une organisation entreprend des transformations majeures, les employés peuvent éprouver un sentiment de perte lié à la familiarité, à la stabilité, voire à l’identité professionnelle (Pailot, 2014). Le deuil organisationnel peut être déclenché par la perte de routines, de relations professionnelles et de méthodes de travail familières. Les employés peuvent éprouver une nostalgie pour l’ancien état des choses, créant ainsi un besoin de reconnaissance de cette perte. De plus, le deuil survient également lorsqu’il y a des changements majeurs dans la structure organisationnelle, tels que des réductions d’effectifs, des fusions ou des changements de leadership. Les employés peuvent ressentir une perte de sécurité d’emploi, de confiance institutionnelle ou de connexion avec la culture organisationnelle précédente (Rioux, 2005). La gestion du deuil dans le contexte du changement organisationnel nécessite une approche empathique et proactive. Les leaders et les gestionnaires doivent reconnaître les émotions des employés et mettre en place des mécanismes de soutien. Des initiatives telles que des sessions de groupe pour exprimer les sentiments, des services de conseil professionnel ou des programmes de mentorat peuvent aider à faciliter le processus de deuil. En conséquence, un soutien approprié aux processus de deuil individuels et collectifs est impératif. Cela peut inclure des mécanismes de soutien psychologique, des forums d’expression émotionnelle et des ressources dédiées au bien-être des employés.

Sixièmement, la communication doit mettre en évidence les avantages inhérents au changement. La mise en avant de ces avantages, qu’ils soient liés à l’efficacité opérationnelle, à l’amélioration des conditions de travail ou à la réalisation des objectifs organisationnels, renforce la motivation et l’acceptation du changement. En parallèle, offrir des opportunités d’apprentissage et de développement professionnel peut aider les employés à envisager le changement comme une occasion de croissance plutôt que simplement une perte (Bareil & Savoie, 1999). La mise en place de programmes de formation, de coaching et de mentorat peut aider à renforcer les compétences et à stimuler l’engagement positif des employés dans la nouvelle réalité organisationnelle.

Finalement, la planification minutieuse du changement et le suivi constant de son impact sont des impératifs. Un plan détaillé, élaboré en collaboration avec les parties prenantes, permet de guider la mise en oeuvre, tandis qu’un suivi rigoureux évalue l’efficacité des mesures entreprises et identifie les ajustements nécessaires.

4.5 Gestion de proximité

Au sein des données recueillies émerge de manière explicite la recommandation d’embrasser un style de gestion de proximité. Ce principe, d’une importance cruciale dans la dynamique organisationnelle, s’articule autour de deux dimensions fondamentales : l’établissement d’une proximité relationnelle avec les membres de l’équipe et la collaboration étroite avec ceux qui sont les plus liés aux problématiques identifiées (Bareil et al., 2016; Collerette et al., 2012). Cette approche offre une perspective novatrice en mettant l’accent sur l’importance de placer les individus au centre des préoccupations gestionnaires, tant du côté des employés que des bénéficiaires des services (Bénet et al., 2020). L’aspect « se faire proche » se matérialise par une connaissance approfondie des employés, transcendant le cadre purement professionnel. Il englobe la bienveillance à l’égard de leurs inquiétudes spécifiques et de leurs besoins particuliers, et la reconnaissance explicite de leurs compétences et de leur contribution substantielle à l’organisme. La dimension relationnelle s’étend ainsi au-delà des considérations opérationnelles, intégrant une compréhension empathique des réalités individuelles.

L’action conjointe avec les parties prenantes les plus directement impliquées dans les problématiques rencontrées est un second volet de la gestion de proximité. Il s’agit de travailler « avec » les individus, en adoptant une attitude prédisposée à l’écoute favorable de leurs demandes, en leur accordant une confiance préalable, en les consultant de manière préalable à toute prise de décision impactant leur sphère d’influence, et en partageant le pouvoir décisionnel. Cette approche favorise une collaboration interactive et égalitaire, transcendant les hiérarchies traditionnelles (Collerette et al., 2012).

La gestion de proximité s’aligne sur les indications des données en préconisant de placer les personnes, qu’il s’agisse des bénéficiaires des services ou du personnel, en priorité par rapport aux impératifs financiers (Assibat et al., 2014). Cette orientation renforce l’idée que la gestion doit être centrée sur l’humain et ses besoins, en conciliant les nécessités opérationnelles avec une approche humaniste, éthique et inclusive (Assibat et al., 2014). Agir « avec » les personnes se caractérise par le fait d’avoir une prédisposition favorable concernant leurs demandes, leur faire confiance, les consulter avant de prendre des décisions qui les concernent, partager le pouvoir. La gestion de proximité se situe dans le sens des données qui invitent à faire passer la personne (les bénéficiaires et le personnel) avant les exigences financières.

Nous comprenons de nos analyses que l’adoption d’un style de gestion de proximité émerge comme une stratégie clé pour transformer la dynamique organisationnelle. En intégrant les aspects relationnels et collaboratifs au coeur des pratiques managériales, cette approche vise à créer des environnements organisationnels empreints de confiance, de compréhension mutuelle et d’efficacité opérationnelle accrue.

Conclusion

Les participants à la collecte de données ont généreusement partagé des informations cruciales sur leurs expériences et ont formulé des suggestions particulièrement pertinentes en vue de l’amélioration des pratiques de gestion. L’analyse de ces données vise à mettre en lumière la profondeur et la diversité des informations recueillies, tout en reconnaissant qu’une certaine simplification est inhérente à ce processus analytique. Il est essentiel de souligner que cette simplification comporte le risque de perdre certaines nuances des réponses originales. Afin de mitiger ce risque, une consultation ultérieure des données est envisagée, notamment pour étudier les changements dans les situations par rapport à ce qui est souhaité comme améliorations.

Les résultats de l’analyse indiquent un engagement significatif des répondants envers la mission de l’organisation. Plusieurs participants ont exprimé un fort sentiment de « vocation », un attachement aux « valeurs fondamentales » et un esprit de dévouement envers le service aux personnes. Cette adhésion à la mission crée une base solide sur laquelle les gestionnaires peuvent compter pour obtenir la collaboration des employés. En tirant profit de cet engagement, les pratiques de gestion pourraient être davantage orientées vers une approche participative et le respect du principe de subsidiarité, comme l’ont suggéré les répondants eux-mêmes.

Des études, dont celle de Thompson et Prottas (2006), soulignent l’importance des politiques organisationnelles dans la création d’un environnement de travail favorable à la conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle. Des politiques bien élaborées et flexibles peuvent contribuer à réduire le stress lié au travail et à favoriser un meilleur équilibre entre les responsabilités professionnelles et familiales (Kalev et al., 2006).

De plus, les attitudes et les comportements des gestionnaires jouent un rôle crucial dans la perception des employés quant à la qualité de leur conciliation travail – vie personnelle. Les travaux de Kossek et Ozeki (1998) mettent en avant l’impact des comportements des gestionnaires sur le bien-être des employés et soulignent la nécessité d’une sensibilisation accrue de la part des dirigeants envers les besoins de conciliation travail – vie personnelle.

La vaste opération de consultation qui a facilité cette collecte de données riche en informations pourrait être prolongée à travers des processus de consultation continue. Les changements positifs seront d’autant plus efficaces qu’ils s’opéreront dans le cadre d’une mobilisation collective. Cette mobilisation est favorisée au sein d’une culture organisationnelle qui accorde une importance constante à la reconnaissance et à la valorisation des compétences au quotidien. Ainsi, la promotion d’une telle culture devrait être envisagée comme un élément central dans la mise en oeuvre des changements suggérés.

Les informations recueillies au cours de ce travail de recherche sont le fruit d’un engagement collectif envers l’amélioration continue. En envisageant les changements préconisés, nous reconnaissons l’importance de prolonger ce dialogue à travers des processus de consultation continue, afin que les transformations s’inscrivent dans une dynamique de mobilisation collective et constante.