Corps de l’article

1. Introduction

Cet article vise à faire état des facteurs de succès pour les dirigeants et dirigeantes d’organismes francophones en contexte linguistique minoritaire. Il s’adresse en priorité aux gestionnaires, membres de conseils d’administration, comités d’embauches, employés, employées et bénévoles de ces organismes.

Ce texte est le produit d’une vaste enquête amorcée en 2021 au sujet des compétences de leadership requises pour mener à bien la mission des organisations dans un contexte francophone minoritaire. Nous avons voulu approfondir la question afin d’éclairer la prise de décision et d’optimiser les stratégies de sélection pour les postes de haute direction d’organisations francophones en contexte minoritaire. Dans un monde du travail en constante transformation, cet article se veut également un outil vivant d’échange et de réflexion, qui pourra évoluer vers une seconde édition au cours des prochaines années.

2. Méthodologie et clarifications conceptuelles

C’est ainsi que nous nous sommes entretenus avec près de quatre-vingts (80) hautes directions francophones, pour la plupart des directions générales, à travers le pays à l’exception du Québec, considéré quant à lui comme un milieu linguistique majoritaire. Les organisations francophones qui ont participé à l’enquête sont réparties dans les communautés linguistiques minoritaires des provinces et territoires suivants :

  • Alberta

  • Colombie-Britannique

  • Île-du-Prince-Édouard

  • Manitoba

  • Nouveau-Brunswick

  • Nouvelle-Écosse

  • Ontario

  • Saskatchewan

  • Terre-Neuve-et-Labrador

  • Nunavut

  • Territoires du Nord-Ouest

  • Yukon

Nous nous sommes adressée à des personnes faisant partie de grands et de petits organismes, dont des associations professionnelles, des conseils scolaires, des hôpitaux et des organismes de bienfaisance. Notre enquête avait pour but de déterminer et de définir les facteurs de succès des directions d’organismes francophones en contexte linguistique minoritaire. À cette fin, nous avons fait appel aux personnes les plus susceptibles de s’y connaître sur cette question, soit des femmes, des hommes assurant la présidence de conseils d’administration et la direction générale d’organismes.

Les questions posées lors des entrevues touchaient les thèmes suivants :

  • Le point de vue de la personne interviewée sur l’avenir de sa communauté francophone;

  • Les conditions de succès d’une organisation en contexte minoritaire;

  • Les priorités et dossiers chauds pour mener à bien la mission de l’organisation;

  • Les principaux défis auxquels sont confrontés les gestionnaires d’organisations francophones;

  • Les qualités et compétences développées en tant que gestionnaire d’une organisation en contexte linguistique minoritaire : celles qui comptent plus que par le passé, celles qui seront essentielles demain;

  • Les principales leçons tirées au fil des ans qui ont contribué à façonner le style de gestion de la personne interviewée;

  • Les recommandations à un conseil d’administration afin d’éclairer sa stratégie de planification de la relève et renouveler la vitalité de son organisation dans la communauté;

  • Les conseils à donner à la prochaine génération de gestionnaires francophones.

Les citations qui apparaissent dans cet article ont été tirées de nos conversations, réalisées sous le couvert de la confidentialité, avec les individus qui ont pris part à cette étude. Nous tenons à remercier chacune des personnes qui ont accepté de s’entretenir avec nous. Ce projet doit beaucoup à leur générosité, leur candeur, leur transparence, leur sagesse et leur expérience, et nous souhaitons leur témoigner notre respect et notre admiration pour le travail qu’ils font.

3. Clarifications conceptuelles

Plusieurs définitions statistiques de la francophonie sont possibles. Pour les fins de cet article, nous optons pour la Définition inclusive de francophone adoptée en 2009 par le gouvernement de l’Ontario. Selon cette définition, une ou un francophone est une personne dont la langue maternelle est le français ou dont la langue maternelle n’est ni le français ni l’anglais, mais qui a une bonne connaissance du français et l’utilise à la maison (Ministère des Affaires francophones de l’Ontario, 2022a, p. 9).

4. La situation francominoritaire, de l’est à l’ouest

Il va de soi que les communautés francophones, d’est en ouest au nord, diffèrent les unes des autres selon la répartition et la composition des populations, la démographie, la situation socioéconomique et les lois et politiques qui les protègent. À l’intérieur même d’une seule province, comme l’Ontario, on trouve une grande variété de communautés en milieu urbain et rural. Certaines communautés existent depuis plusieurs générations, tandis que d’autres ont été créées plus récemment, notamment par la migration et l’immigration.

4.1. L’Ontario

De façon générale, le portrait démographique actuel de l’Ontario laisse entrevoir une certaine stabilité de la langue française. Parmi les quelque 1,5 million de personnes qui parlent le français dans la province, on dénombrait en 2016, selon la Définition inclusive de francophone (DIF), 622 415 Franco-Ontariennes et Franco-Ontariens (Ministère des Affaires francophones de l’Ontario – 2016, 2022b), ce qui représente la plus grande population francophone dans une province autre que le Québec. Cette population ne cesse de croître, surtout en raison de l’immigration – d’ailleurs, il est prévu que les immigrants et immigrantes forment entre 22 et 26 % de la population francophone de la province en 2028 (Commissariat aux services en français, 2018).

La région de Toronto et de l’indicatif régional  905 est, pour sa part, le secteur de la province où la population francophone augmente le plus, et ce, en grande partie grâce aux nouveaux arrivants et nouvelles arrivantes. Les francophones issus de l’immigration sont appelés à contribuer fortement à la pérennité de la communauté franco-ontarienne’, et dans cette perspective, il faut tout faire pour les intégrer pleinement à la vie en français en Ontario.

Cela dit, l’Est de l’Ontario, région souvent perçue comme le château-fort de la francophonie, connait aujourd’hui une certaine érosion ’’du point de vue démographique et de la priorité que les élues et élus municipaux accordent aux questions francophones. Quoique la francophonie demeure majoritaire dans les comtés unis de Prescott et Russell, l’accès aux services et activités en français connait une certaine fragilisation. Enfin, si la population francophone de Sudbury demeure assez stable malgré une baisse relative, le Nord de l’Ontario demeure une région largement formée de communautés plus rurales qui connaissent les mêmes défis que d’autres en situation comparable ailleurs au pays.

Du point de vue politique, l’Ontario dispose depuis 1986 d’une Loi sur les services en français. En décembre 2021, en réponse à une demande de longue date des francophones et à la suite de vastes consultations publiques, le gouvernement a promulgué une loi remaniée. Cette refonte prévoit, notamment, l’obligation de faire l’offre active de services en français dans les administrations centrales des organismes gouvernementaux et dans les bureaux situés dans les 27 régions désignées de la province (Gouvernement de l’Ontario, 2022). Cette première révision approfondie de cette loi en 35 ans représente une avancée majeure pour la francophonie.

4.2. Les territoires

Au Yukon, la population francophone poursuit sa croissance avec une augmentation de plus de 115 % entre 2016 et 2021[1]. Avec 14 % de la population qui parle le français (Statistique Canada, 2022), le territoire arrive au troisième rang au pays en termes de connaissance des deux langues officielles, après le Québec et le Nouveau-Brunswick. Les services de garderie ont de longues listes d’attente. Une école secondaire pour francophones a vu le jour en 2020 afin d’accueillir 120 élèves.

Au Nunavut, malgré un coût de la vie plus élevé, les primes offertes attirent une population très éduquée, qui peut espérer une bonne situation professionnelle. Si la population francophone est demeurée stable au cours de la dernière décennie, le taux de roulement de personnel est relativement élevé. La communauté franco-nunavoise, concentrée principalement à Iqaluit, est dynamique et prospère et peut compter sur des services et des médias ainsi que sur une reconnaissance législative officielle de trois langues : l’inuktitut, l’anglais et le français.

Le français fait également partie des 11 langues reconnues aux Territoires du Nord-Ouest, où l’on trouve plus d’un millier de francophones, notamment à Yellowknife et à Hay River.

Le Nord offre par ailleurs des occasions professionnelles intéressantes pour les personnes immigrantes. Celles-ci tendent à venir s’y établir avec leur famille, augmentant ainsi le bassin de population francophone.

4.3. L’Acadie

Le Nouveau-Brunswick est la seule province officiellement bilingue au pays. La province a fait figure de pionnière en adoptant sa propre Loi sur les langues officielles en 1969, puis la Loi sur l’égalité des deux communautés linguistiques officielles en 1981. Depuis, les trois autres provinces de ’l’Atlantique se sont aussi dotées de mesures législatives pour définir les services qui doivent être fournis en français. Ces législations et politiques contribuent à la préservation, à la protection et à l’avancement de la langue française et, par conséquent, des communautés francophones de ces provinces.

La population francophone demeure relativement stable dans des régions comme la Péninsule acadienne et Moncton-Dieppe, tandis qu’à Halifax, elle augmente. Cela dit, des régions acadiennes plus rurales dans les quatre provinces de l’Atlantique tendent à connaitre davantage de difficultés sur le plan démographique. C’est le cas, entre autres, de la Baie Sainte-Marie (Nouvelle-Écosse) et de la région Évangéline (Île-du-Prince-Édouard).

Il est important de noter que les provinces de l’Atlantique forment la région où l’on trouve, après le Québec et l’Ontario, le plus grand nombre de francophones. L’identité acadienne, présente dans ces régions, est particulièrement bien enracinée et se manifeste entre autres par de nombreux événements et festivals dans cette région reconnue pour ses attraits touristiques.

4.4. L’Ouest canadien

Les quatre provinces de l’Ouest présentent des variations importantes quant au type de communauté francophone et au soutien dont elles bénéficient. Le Manitoba compte une communauté forte, centrée à Saint-Boniface et soutenue par une loi provinciale d’appui à la francophonie. Bien qu’officiellement unilingues anglophones par le fait de lois adoptées dans les années 1980, la Saskatchewan et l’Alberta ont tout de même adopté des politiques en matière de francophonie et de services en langue française. Cette dernière province a d’ailleurs connu une croissance importante de la population francophone au cours des dernières décennies, à la faveur du boom économique.

La population francophone des provinces de l’Ouest, particulièrement en Alberta et en Colombie-Britannique, est aussi nourrie par l’immigration. La province limitrophe du Pacifique demeure une destination attrayante pour les francophones des autres provinces ou issus de l’immigration. Dans cette province ouverte sur l’Asie, le français attire également des francophiles originaires, notamment, de Chine, créant une demande très forte pour des cours d’immersion et de français langue seconde.

La demande pour des services en français augmente donc sans cesse en Colombie-Britannique. Pourtant, la province demeure à ce jour la seule à ne pas avoir de loi ou de politique de reconnaissance du français ou d’appui à la francophonie.

4.5. La démographie et l’économie – enjeux communs partout au pays

Nous avons déjà indiqué plus haut que l’immigration est la clé pour le renouvellement de la population francophone partout au pays. Par ailleurs, la popularité des programmes d’immersion est une source d’optimisme à certains endroits, comme en Alberta.

Certaines régions francophones connaissent un vieillissement important de la population et, par conséquent, un essoufflement. À plusieurs endroits, des facteurs économiques entrainent une migration de la population jeune vers les grandes villes. Cela crée des défis, notamment, pour la mobilisation des nouvelles générations autour des grands enjeux et de l’engagement communautaire.

Les grandes villes connaissent une augmentation de la population francophone, mais n’ont souvent pas un foyer historique bien défini dans un quartier en particulier. À Toronto, par exemple, les francophones sont dans toutes les institutions, dans tous les secteurs d’activités, dans toutes les parties de la ville. Le défi est de créer des points de rassemblement en culture, en éducation, etc.

En résumé, bien que les communautés diffèrent les unes des autres, certaines constantes s’observent, dans chaque région et chaque province, relativement aux enjeux et aux compétences recherchées pour les postes de haute direction.

5. Principaux défis auxquels font face les dirigeants et dirigeantes francophones

5.1. La pénurie de main-d’oeuvre, le recrutement, la rétention

Au sommet de la liste des préoccupations des francophones occupant des postes de direction en contexte linguistique minoritaire se trouvent la pénurie de main-d’oeuvre, le recrutement de personnes qualifiées, puis leur rétention en poste.

Dans un contexte majoritairement anglophone, les individus qui connaissent les deux langues officielles deviennent des candidats et candidates de choix pour de grandes entités, comme les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux ainsi que les administrations municipales. Les organismes francophones en contexte minoritaire, pour la plupart, ne sont malheureusement pas en mesure d’offrir des salaires compétitifs et des avantages sociaux attirants – comme des régimes de pension – et deviennent très souvent, de ce fait, des pépinières de formation et des tremplins vers des agences gouvernementales, des organisations bilingues de grande envergure ou des entreprises privées.

forme: 2366892.png

En contexte minoritaire, le bassin de candidatures potentielles possédant une connaissance des deux langues officielles est limité. Comme il arrive souvent que les personnes recrutées viennent d’une autre province ou soient issues de l’immigration, la courbe d’apprentissage inclut le développement d’une connaissance des enjeux spécifiques au milieu minoritaire et certains répondants à cette enquête ont noté un impact possible sur la performance, du moins à l’entrée en poste.

À cela s’ajoutent l’épuisement professionnel dû à la surcharge de travail vu le manque de ressources, la multiplication de congés de maladie ainsi que les départs et remises en question. Pour certaines organisations, la pénurie de main-d’oeuvre peut aller jusqu’à compromettre la viabilité organisationnelle.

Comment faire pour agrandir le bassin de candidatures potentielles?

Certains suggèrent de mettre en place des occasions de création de liens avec la relève : par exemple il serait possible d’identifier au sein de l’organisation les jeunes gestionnaires auxquels on pourrait offrir des possibilités de formation et de perfectionnement par le biais de stages dans une autre organisation. Il serait même envisageable que des conseils d’administration s’associent pour créer des systèmes de stages entre organismes, basés sur la collaboration et les meilleures pratiques. Les échanges de personnel et les stages entre petites et grandes entreprises sont, par contrecoup, des voies prometteuses pour le recrutement.

Dans un contexte de rareté de la main-d’oeuvre, le recrutement à l’international demeure aussi une voie intéressante et même de plus en plus encourageante pour pouvoir des postes selon des profils précis. Le bouche-à-oreille et les approches de contact individualisé avec les candidats et candidates donnent également, dans plusieurs cas, un meilleur résultat que des manières traditionnelles de recruter.

Une collaboration accrue avec les institutions d’enseignement postsecondaire pour mieux arrimer les programmes et les stages aux besoins en main-d’oeuvre au sein des communautés serait également judicieuse. L’offre de bourses d’études peut attirer la relève dans des domaines clés, comme la santé.

Enfin, les jeunes issus de l’immersion demeurent un capital dont il est nécessaire de tirer parti. Plusieurs de ces jeunes, de langue maternelle anglaise ou autre, ont une ouverture et, souvent, un désir de poursuivre leurs études en français au niveau postsecondaire et pourraient, par la suite, combler des besoins de main-d’oeuvre francophone dans nos communautés.

5.2. Le financement

La question des ressources financières est aussi une préoccupation de premier ordre pour les directions d’organismes francophones en contexte minoritaire. La plupart de ces organismes sont en situation de sous-financement chronique. Les gouvernements demeurent des sources de financement majeures et les organismes dépendent souvent des protections conférées par les lois – tant la Loi sur les langues officielles du fédéral que des législations provinciales comme la Loi sur les services en français de l’Ontario. D’ailleurs, puisqu’il n’existe pas de loi ou de politique protégeant le français en Colombie-Britannique, aucun financement provincial n’est garanti aux organisations francophones, qui dépendent plutôt du fédéral.

En contexte minoritaire, les ressources octroyées par les gouvernements ne sont pas automatiquement ajustées en fonction de la croissance des responsabilités, des mandats des organismes ou de la demande de services de la part de la population. Trop souvent, les organismes se retrouvent donc avec des ressources insuffisantes et doivent faire toujours plus avec de moins en moins de moyens.

De plus, lors des entrevues, les formules de financement gouvernementales ont fait l’objet de critiques. On a fait valoir, par exemple, qu’un organisme offrant un éventail de services équivalant à huit organismes ne recevrait pas un financement ajusté en conséquence. Par ailleurs, l’octroi du financement au prorata ne tient pas compte du fait que les frais d’exploitation de base sont les mêmes, peu importe la taille de la population à servir. Cela laisse certaines organisations – par exemple aux Territoires du Nord-Ouest – avec un financement ne leur permettant qu’une seule ressource humaine pour s’acquitter de toutes les tâches. Les modèles de financement ne tiennent pas non plus compte de l’étendue géographique couverte par un organisme : un grand territoire requiert plus d’organisations pour servir la population et les coûts de fonctionnement sont donc plus élevés.

En Ontario, si le sous-financement oblige la communauté à faire preuve d’innovation et d’entrepreneuriat, on fait remarquer que la proportion de l’enveloppe fédérale que reçoit la communauté franco-ontarienne est inférieure à son poids démographique au sein des communautés francophones en situation minoritaire.

forme: 2366893.png

En matière de financement, les décisions budgétaires des gouvernements ont aussi un grand impact. Dans les entrevues, on a fait remarquer que ces décisions – particulièrement lorsqu’il s’agit de compressions – sont prises dans un contexte majoritaire, par des gens qui ne sont pas nécessairement sensibilisés aux réalités en milieu francophone minoritaire. Comme l’indiquait un participant aux entrevues, le vrai nerf de la guerre est la volonté politique.

Pour certains, la réponse à ces défis passe par la diversification de sources de financement, y compris des revenus autogénérés et de sources non gouvernementales, ce qui aurait l’avantage de renforcer la légitimité et l’indépendance de l’organisme.

Il reste qu’à l’heure actuelle, le manque de financement a des impacts bien réels. Plusieurs organismes veulent investir pour innover, mais leur cadre financier ne le permet pas : pour mener à bien de nouveaux projets, il faut parfois en abandonner d’autres. En outre, le financement s’adresse souvent à des besoins immédiats alors que les ressources manquent pour réaliser une vision à long terme et faire croître à la fois l’organisme et la communauté.

Nous avons déjà fait état des défis en termes de main-d’oeuvre; le manque de financement fait que les salaires des dirigeants et dirigeantes d’organismes ne sont pas compétitifs sur le marché de l’emploi. Les francophones et francophiles qui s’engagent à évoluer dans une carrière en contexte minoritaire le font, le plus souvent, par conviction et dans une volonté de contribuer à l’avancement d’une cause.

Considérant les besoins et la demande en matière de services en français, les dirigeants et dirigeantes doivent consacrer une part importante de leur temps à un travail de représentation pour faire valoir la raison d’être de leur organisme et consolider leur financement. Ce qui réduit le temps pour faire vivre la mission de l’organisme.

5.3. La masse critique

La répartition géographique des communautés francophones s’est développée au fil du temps avec la création de communautés souvent isolées les unes les autres à travers le pays. Il s’agit d’une dynamique qu’on ne retrouve pas chez les anglophones. C’est le cas dans le Nord de l’Ontario, mais aussi en Saskatchewan, dans les régions hors centre en Alberta et dans certaines des provinces de l’Atlantique. Si les francophones forment, à plusieurs endroits, de petites communautés relativement homogènes, la répartition de la population francophone sur un vaste territoire signifie qu’il est plus difficile de constituer une masse critique.

La Colombie-Britannique, par exemple, attire beaucoup de personnes issues de la migration et de l’immigration, notamment à cause du climat tempéré. Cela permet un optimisme par rapport à l’avenir, mais le coût de la vie très élevé à Vancouver mène les gens à s’établir dans d’autres villes en périphérie. L’éparpillement qui en résulte rend difficile d’identifier où vivent ou travaillent les francophones, et donc de les rejoindre. Plus susceptibles de s’adapter et de parler l’anglais, les francophones peuvent être moins enclins à exercer des pressions sur le gouvernement plutôt que de faire front commun pour revendiquer des services.

À certains endroits, des efforts sont en cours afin de créer des lieux de rassemblement pour la francophonie. C’est le cas, notamment, à Toronto et avec le Quartier francophone d’Edmonton.

Quoiqu’elles aient leurs propres défis, certaines régions sont toutefois composées d’une masse critique de francophones qui facilite la vie en français. C’est le cas, notamment, de la Péninsule acadienne au Nouveau-Brunswick, des comtés unis de Prescott et Russell en Ontario et du quartier de Saint-Boniface à Winnipeg au Manitoba.

5.4. Le sentiment d’appartenance et la mobilisation communautaire

Partout au pays, la francophonie devient plus variée en termes d’origines, de situations et de profils. Cela pose des défis quant au développement du sentiment d’appartenance et à la mobilisation de la communauté.

Aux Territoires du Nord-Ouest, par exemple, la communauté connait un taux de roulement d’individus qui y séjournent de trois à cinq ans avant de partir pour s’établir dans une autre région du Canada. En entrevue, on nous a indiqué qu’il est plus complexe, dans ce cas, de créer un sentiment d’appartenance à la communauté franco-ténoise, car les gens continuent de s’identifier à leur province d’origine. Ce problème, qui ira en s’accentuant, pourrait nécessiter une adaptation des organismes concernant leur mission.

forme: 2366894.png

Le Québec contribue beaucoup à la francophonie du Centre Sud-Ouest de l’Ontario, région en croissance qui accueille aussi beaucoup d’immigrants et d’immigrantes. Dans un contexte où plusieurs des francophones de cette région y résident depuis peu, il reste à développer une culture institutionnelle francophone. Cela renvoie aux défis décrits plus haut par rapport à la croissance de la francophonie dans les grandes villes où il n’existe pas de quartier « historique » francophone.

Quand on parle de sentiment d’appartenance, on fait référence à une dimension culturelle et à un volet identitaire qui ne constituent pas des préoccupations du même ordre chez la majorité anglophone. Dans le contexte de travail au sein d’un organisme francophone en milieu minoritaire, cela veut dire notamment qu’il faut inciter les employés – qui peuvent préférer s’informer et se divertir en anglais – à promouvoir la culture francophone. Cela demande aussi de travailler pour que les personnes immigrantes appelées à occuper des postes de gestion deviennent rapidement familières avec le contexte de la communauté.

Un autre facteur qui influe sur le sentiment d’appartenance est l’insécurité qu’ont plusieurs à s’afficher en français. Comme l’indique un participant en entrevue, « plus on va à l’Ouest, plus c’est difficile de se battre en français ». Il existe une peur du jugement, « de se faire regarder drôle ». Dans le secteur de la santé, on a souligné lors des entrevues l’importance de travailler avec la communauté pour qu’elle demande des services en français.

forme: 2366895.png

En entrevue toujours, il y a eu consensus sur l’importance de l’engagement des gens envers la francophonie comme projet commun et sur le fait qu’il faut surmonter les divisions là où elles existent. Certains parlent alors d’un besoin « d’éveil collectif ».

Enfin, la visibilité d’un organisme francophone au sein de la communauté qu’il dessert lui permet de maintenir un lien avec celle-ci et de jouer un rôle de mobilisation citoyenne. À cet égard, le travail de gestion de la marque, de promotion et de marketing est particulièrement primordial.

5.5. L’inclusion

La francophonie d’aujourd’hui est multiple et diversifiée; la perception des francophones envers la diversité doit évoluer en conséquence. Plusieurs s’entendent pour dire qu’il faut éviter d’utiliser des façons de définir la francophonie qui pourraient exclure pour plutôt miser sur l’inclusion et l’accueil. On reconnait aussi qu’il faut s’attaquer aux questions d’équité, d’antiracisme, d’anti-oppression et d’intersectionnalité.

forme: 2366896.png

Tout en étant ouverts à l’inclusion et en insistant qu’il y a de la place pour tous et toutes au sein de la francophonie, les directions interviewées ont affirmé ne pas toujours disposer des outils pour gérer la diversité. Cela dit, certaines ont souligné l’importance de la prise de conscience par rapport au racisme systémique et à la discrimination qui peut exister au sein de nos communautés, pour ensuite travailler à éradiquer tout comportement inapproprié. « L’idée n’est pas de dire aux autres quoi faire et comment le faire, mais de s’examiner soi-même et de se demander si nous-même on a des comportements discriminants », comme l’indique l’un des participants à l’enquête.

Le recrutement au Québec représente également une barrière psychologique à surmonter pour certaines communautés. Or ce qui ressort des entrevues, c’est l’importance de dépasser ce réflexe et de travailler à former des communautés non pas sur la base de l’identité, mais plutôt sur le sentiment d’appartenance à la langue française.

6. Dix qualités et compétences de leadership essentielles

À la lueur de ces défis et réalités, quelles sont les compétences requises pour réussir dans un rôle de leader en contexte francophone minoritaire? Peu importe le contexte politique, le lieu géographique, la démographie, notre sondage a révélé de nombreuses similitudes entre les dirigeants et dirigeantes francophones en contexte linguistique minoritaire, tous secteurs confondus. Voici les dix (10) compétences de leadership les plus souvent citées pour mener à bien la mission d’un organisme dans un tel contexte.

6.1. Collaboration et bienveillance

Face aux problèmes de financement et de pénurie de main-d’oeuvre, le succès des organismes francophones en contexte minoritaire repose pour beaucoup sur la capacité à travailler avec d’autres organismes francophones, sur l’entraide plutôt que la concurrence, sur la collaboration et la concertation. Le succès des organisations francophones passe par cette collaboration, mais aussi, concrètement, par l’échange de services et le partage de ressources. « L’union fait la force » : cette devise exprime bien comment, en contexte minoritaire, les partenariats pour un objectif commun permettent d’augmenter la capacité de faire autant que la force de frappe.

forme: 2366897.png

Dans les entrevues, certains individus ont mis l’accent sur l’importance de créer des alliances non pas uniquement entre organisations qui militent pour les mêmes droits, mais également avec des partenaires qui peuvent se situer en dehors du secteur d’activité de l’organisme. Ces alliances, par exemple avec les peuples autochtones, peuvent être fondées sur les concepts d’équité. Ainsi, les francophones pourraient par exemple militer pour qu’un service de traduction dans un hôpital au Nunavut soit offert autant en inuktitut qu’en français.

En même temps, la collaboration dans un contexte de rareté des ressources requiert beaucoup de bienveillance. La recherche de financement donne facilement lieu à de la compétition et il faut dépasser cette logique pour, comme l’exprime un participant, « prendre soin les uns des autres, s’appuyer les uns les autres et grandir ensemble ». À ce chapitre, la collaboration signifie un travail en complémentarité qui fait appel à des entités partenaires pour des besoins spécifiques. « En tant qu’entreprise sociale, on doit regarder autour et si quelqu’un le fait, on invite le groupe qui le fait pour qu’ils viennent chez nous le faire », souligne un participant.

La bienveillance invite également à cultiver les liens au sein de la communauté, entre organismes, en étant généreux de son temps et de ses ressources. Cette approche favorise à la fois des appuis mutuels et des canaux de communication ouverts en cas de difficultés ou de crises.

Les entrevues ont aussi fait ressortir l’importance de créer des partenariats entre la francophonie et l’anglophonie, sur la base d’intérêts convergents, en expliquant aux partenaires potentiels de langue anglaise la valeur ajoutée qu’apportent les francophones : « Il faut aider les anglophones à nous aider […] on ne leur enlève rien, on enrichit leur situation », comme l’a rapporté une participante.

Parmi les bonnes pratiques à explorer : organiser des journées de réflexion entre conseils d’administration sur des questions d’intérêt commun et ouvrir la porte à du travail de représentation commun; favoriser de nouveaux partenariats tout en prenant soin de ceux déjà établis, dans le respect des intérêts de chacun. Et surtout, faire preuve de diplomatie, de doigté, d’une intelligence des organisations et d’une grande habileté politique.

6.2. Polyvalence et humilité

Dans un milieu communautaire défini par des ressources restreintes, il faut souvent remplir plusieurs rôles et effectuer diverses tâches au sein d’une organisation. Cette obligation de polyvalence peut être attirante : dans un organisme francophone communautaire, il est possible de toucher à tout, de grandir plus rapidement et de gérer soi-même des projets de A à Z. La satisfaction d’avoir lancé une initiative et de l’avoir menée à bien est un avantage net de travailler dans ce contexte.

forme: 2366898.png

Cela dit, un tel environnement de travail demande de l’organisation, de la flexibilité ainsi qu’une capacité de modérer ses ambitions pour éviter l’épuisement professionnel. En entrevue, on décrit ce type de travail comme « très énergivore ». Performer dans ce contexte requiert d’être généraliste et d’outiller ses employés et employées pour qu’illes puissent appuyer la direction, notamment, dans le souci du détail et l’efficacité.

Quant au style de gestion, plusieurs prônent l’approche de Barack Obama, « leadership from behind ». Associer le personnel à la prise de décision et faire des employés et employées les porte-étendards d’une initiative les valorise, tout en allégeant le poids des responsabilités de la direction. D’autre part, on recommande une approche humble, fondée sur l’écoute, la flexibilité, la sensibilité et l’ouverture plutôt que la rigidité ou une volonté de dicter des façons de faire – particulièrement pour les directions qui proviennent d’ailleurs, comme le Québec.

Travailler dans un organisme francophone en milieu minoritaire signifie aussi prendre des décisions rapidement. À ce chapitre, les personnes interviewées recommandent aux dirigeants et dirigeantes de se donner le droit à l’erreur, de ne pas chercher à atteindre la perfection et d’accepter le risque de prendre parfois de mauvaises décisions.

Enfin, si on décide de faire le saut et d’aller travailler en francophonie, il faut le faire pour les bonnes raisons – non pas pour un objectif personnel, mais en ayant à coeur le bien de la communauté et la cause qu’on s’engage à défendre.

6.3. Diplomatie et sens politique

Les gestionnaires d’entités francophones en milieu minoritaire sont appelés à effectuer un travail de démarchage politique et gouvernemental, ce qui laisse moins de temps pour la gestion des affaires courantes. Cultiver un réseau et se faire connaitre facilite ce travail essentiel de recherche de subventions.

Cultiver un réseau prend toutefois beaucoup d’efforts. Il faut être ferme dans les demandes qu’on fait et être préparé à répéter les mêmes messages à de nouveaux interlocuteurs lorsqu’il y a changement de personnel. Il faut aussi faire preuve de conviction pour expliquer à des décideurs ou décideuses politiques, très souvent de langue anglaise, l’importance du rôle des organismes francophones et le bien-fondé de financer leur travail et leurs projets. Cela implique aussi une capacité d’établir des liens de confiance avec divers interlocuteurs et interlocutrices ainsi qu’une bonne compréhension des enjeux dans une perspective 360 degrés : amener, par exemple, les interlocuteurs gouvernementaux à comprendre la situation spécifique de la minorité et le fait que les organismes sont l’outil dont disposent les francophones pour se faire entendre par les instances dirigeantes. Il faut aussi pouvoir illustrer, pour ces vis-à-vis, des scénarios concrets des défis de la vie en contexte minoritaire. Comme l’indique une personne interviewée travaillant dans le domaine de la santé : « Comment faire comprendre qu’un service en français dans un système hospitalier est vital pour quelqu’un en choc nerveux ou encore pour une personne âgée dont la seule langue est le français? »

Les directions d’organismes doivent aussi avoir une bonne capacité de faire un travail de représentation et de promotion d’intérêts. Plus une communauté est de petite taille, plus son avenir dépend des droits constitutionnels et législatifs dont elle dispose : dans cette situation, l’acuité politique, savoir à qui parler et qui sensibiliser, comment atteindre les leaders politiques et quoi leur dire, devient encore plus nécessaire.

forme: 2366899.png

En matière de démarchage politique, on insiste également sur l’importance d’assurer une présence au palier municipal, de montrer de l’ouverture aux opportunités tout en gardant conscience des défis qui se posent à grande échelle et de savoir s’adapter aux changements de gouvernement.

Les relations politiques et partenariales sont aussi une occasion de représenter – avec respect et tact – les valeurs de l’organisme qu’on représente, que ce soit en parlant français ou en insistant respectueusement pour recevoir de l’information en français.

L’acuité politique comme compétence clé s’applique aussi au double mandat qui consiste à gérer l’organisation et à travailler avec un conseil d’administration tout en rejoignant la communauté. Il faut aussi savoir que dans une communauté de petite taille, les médias locaux peuvent suivre de façon plus pointue ce qui se passe dans l’organisme francophone.

Il faut, enfin, toujours se rappeler que les organismes francophones travaillent souvent avec des bénévoles, desquels on ne peut pas exiger les mêmes échéances ou la même vitesse de production que du personnel salarié, d’où, encore une fois, l’importance de faire preuve de tact et de diplomatie.

6.4. Ouverture et inclusion

La francophonie a beaucoup changé au cours des dernières décennies et cela a un impact sur la manière dont les dirigeants et dirigeantes d’organismes francophones en situation minoritaire effectuent leur travail.

forme: 2366900.png

Les organismes sont de plus en plus conscients du fait que le public qu’ils servent est composé d’individus venant d’univers différents et, par conséquent, il importe de représenter et servir toutes les populations francophones. À cet égard, une personne interviewée a affirmé que son centre communautaire, en Ontario, sert des francophones provenant de 72 pays. Une autre a estimé que certaines institutions scolaires comptent jusqu’à 30 nationalités parmi le personnel enseignant et administratif.

Il est donc plus que souhaitable que l’organisme adapte sa gouvernance et son discours en ce sens. À ce propos, des conseils d’administration ont modifié leurs pratiques pour devenir accessibles à une plus grande variété de profils. Reconnaissant, par exemple, que des rencontres de 19 h à 22 h attirent plus facilement des personnes ayant un emploi stable de jour et un revenu plus élevé, un CA a entrepris de mettre en place des « soutiens invisibles », comme le défraiement des coûts de transport en taxi, pour faciliter la participation de personnes aux revenus plus faibles. La même réflexion sur l’accessibilité se fait quant à l’inclusion de personnes vivant avec des problèmes de santé mentale, les personnes travaillant de nuit, etc.

forme: 2366901.png

Le même souci d’inclusion doit s’étendre également au personnel, surtout à un moment où l’embauche internationale et issue de l’immigration est un moyen de contrer la pénurie de main-d’oeuvre. Nous avons entendu, lors des entrevues, que plus une équipe est diversifiée, plus elle est performante et plus les résultats du travail d’équipe permettront de répondre aux besoins d’une communauté multiple.

Cette ouverture à la diversité des origines, mais aussi des compétences et des points de vue protège les organismes contre un repli sur eux-mêmes et contre le syndrome des TLM (« toujours les mêmes »).

Ce besoin de décloisonnement se vit aussi dans les manières d’identifier les personnes selon leur relation à la langue française. Dans les entrevues, nous avons entendu l’importance d’aller au-delà des étiquettes comme « francophone » ou « francophile » pour rassembler plutôt une seule communauté francophone où tout le monde se sent inclus. Concernant les définitions, plusieurs s’entendent pour dire qu’en 2022, le ou la francophone est une personne qui utilise la langue française plutôt que quelqu’un ayant le français comme langue maternelle.

D’ailleurs, plusieurs jeunes se disent maintenant bilingues plutôt que francophones et ne se reconnaissent pas nécessairement dans les modèles traditionnels de la francophonie. Être bilingue est désormais une identité canadienne et faire en sorte que ces jeunes aient une place au sein de la communauté, mais aussi des organismes est un défi. En entrevue, une personne a déclaré : « Si le seul conseil que les jeunes entendent, c’est go, prends ta place, ça n’aide pas. Il faut aller vers eux et leur créer une place. » Cela revient à l’idée d’instaurer des mesures d’adaptation pour inciter une plus grande diversité de profils à s’impliquer.

Pour ce qui est des personnes issues de l’immigration, un grand nombre d’entre elles parlent également plusieurs langues et le français est souvent leur langue seconde. Si elles ont une affinité avec la francophonie, elle est d’abord culturelle et linguistique. Bien souvent, c’est par le biais d’échanges culturels et des activités de vivre ensemble qu’elles s’engageront dans les communautés francophones en situation minoritaire et s’impliqueront dans les organismes communautaires, culturels, de bienfaisance, etc.

En outre, pour les personnes interviewées, élargir, diversifier, ouvrir à une population plus variée et à des points de vue opposés peut créer un milieu moins confortable, mais beaucoup plus enrichissant.

6.5. Flexibilité, adaptation et créativité

En contexte minoritaire, il faut constamment revoir sa recette et s’adapter : au personnel, aux bailleurs de fonds, aux besoins de la communauté qui évoluent, etc. Être gestionnaire d’un organisme francophone veut dire accepter d’évoluer dans un contexte de changement constant et être à l’aise dans un tel environnement. En revanche, c’est un milieu idéal pour les individus qui ne craignent pas de sortir des sentiers battus ou de faire preuve de créativité. Voici quelques-uns des facteurs qui expliquent cet état de fait.

forme: 2366902.png

Notre caractère unique

Plusieurs communautés francophones sont de petite taille, et pour cette raison, il faut avoir recours à l’innovation afin d’assurer la pérennité de la collectivité. Une des personnes interviewées a affirmé que « penser de façon majoritaire, c’est être prisonnier de [sa] géographie ». Autrement dit, les modèles qui fonctionnent pour la population de langue anglaise ne peuvent s’appliquer à la minorité, dont la situation est différente. Par exemple, en éducation postsecondaire, les cours à distance permettent de desservir les communautés de petite taille. Travailler au-delà des modèles traditionnels et des frontières, penser autrement, développer des approches novatrices, demande du leadership et de la créativité.

Les différences générationnelles

Les générations plus jeunes entrent sur le marché du travail avec des idées et des attentes différentes en matière d’emploi et d’engagement citoyen. En conséquence, la gestion intergénérationnelle en milieu de travail peut être un défi. Pour certains, les jeunes n’ont pas le même sentiment d’urgence ou réflexe de militantisme par rapport au français. Cependant, du point de vue des jeunes, l’engagement et l’identité sont souvent des enjeux intersectionnels où la francophonie recoupe la justice sociale, la diversité, l’environnement, la réconciliation avec les peuples autochtones, le féminisme ou les questions de 2SLGBTQIA+. Par ailleurs, plusieurs préfèrent des milieux organisés sur le modèle de la collaboration plutôt que de la hiérarchie et valorisent la flexibilité et un sain équilibre travail/vie personnelle.

À cet égard, certaines personnes interviewées ont fait valoir que si les salaires demeurent non compétitifs en milieu minoritaire, plusieurs organismes se sont adaptés pour offrir des conditions de travail attirantes : horaire flexible, self-care, pause payée de 30 minutes pour faire de la marche ou du vélo, sondages de satisfaction auprès des membres du personnel, bonis, tirages de produits locaux, etc.

La gestion axée sur les résultats a aussi incité les gestionnaires à moins insister sur les processus et les heures de travail et davantage sur les résultats atteints. Cela permet, en matière de flexibilité d’horaire, d’avoir le réflexe de « dire oui sauf s’il y a une bonne raison de dire non ». Cette approche engendre des employés autonomes, capables de penser par eux-mêmes et de contribuer à leur rythme.

Les caractéristiques sociales de la population

En francophonie, il faut tenir compte à la fois du vieillissement de la population, de son statut socioéconomique et du taux de littératie et de numératie qui, à plusieurs endroits, demeure un problème. Les trois éléments ne sont pas toujours interreliés, mais il reste que plusieurs francophones peuvent avoir du mal à comprendre ce qu’ils lisent en français ou encore à s’adapter aux nouvelles technologies ou au mode virtuel. Cela pose un défi, par exemple pour l’accès aux services, et peut exiger des organismes qu’ils communiquent ou offrent des services selon plusieurs modes à la fois pour rejoindre différents segments de la population.

La pluralité francophone

Comme nous en avons fait état plus haut, les organismes francophones évoluent au sein d’une population de langue française plus diversifiée. L’adaptation requise ’concerne d’abord les valeurs, comme l’ouverture à la différence, aux nouvelles idées, aux débats et à de nouvelles manières de percevoir le nous collectif. Autrement dit, le français ne peut être refermé sur lui-même, il doit être une façon de s’ouvrir sur le monde.

forme: 2366903.png

Parallèlement, la direction générale devient le point de repère pour les employées et employés issus de l’immigration. Il s’agit non pas uniquement de les appuyer professionnellement mais aussi, bien souvent, de les soutenir dans leur établissement en les orientant vers les services dont ils ont besoin dans la communauté.

Finalement, les personnes interviewées ont été généreuses en matière de suggestions pour des gestionnaires d’organismes dans un contexte changeant : retourner voir ce qui s’est fait dans le passé pour ne pas répéter des erreurs ou appliquer des solutions déjà essayées; se former, rester à la fine pointe et garder une ouverture à l’innovation, comme l’intelligence artificielle ou la télémédecine; s’inspirer du secteur privé; adopter la gestion axée sur les résultats; miser sur des fondations flexibles plutôt que rigides; privilégier l’agilité et la capacité de s’ajuster rapidement.

6.6. Être à l’écoute, devenir le reflet de sa communauté

Les directions d’organismes francophones en milieu minoritaire sont au service d’une communauté; pour bien servir celle-ci, il faut la comprendre, saisir comment elle fonctionne jusque dans ses dimensions multiples : par exemple les groupes de culture canadienne-française traditionnelle et les groupes francophones issus de la diversité et, surtout, comment ces groupes se combinent au sein de la communauté.

forme: 2366904.png

Pour y parvenir, les gestionnaires d’organismes doivent entretenir un ancrage réel dans la communauté, y être connus et reconnus. Il faut s’entourer de gens qui représentent différentes composantes de la communauté, différents points de vue et différentes perspectives. Cette pluralité est source d’innovation et de changement et, grâce à cette attention portée sur la communauté, il est possible de diversifier ses sources de financement et de frapper aux bonnes portes.

Il faut aussi consulter, parler peu et écouter beaucoup, participer aux activités de la communauté et y être visible. En plus de permettre au dirigeant ou à la dirigeante d’établir un portrait bien détaillé de sa communauté, cela crée un climat de confiance qui favorise l’identification des vrais problèmes. Comme l’indiquait une personne lors des entrevues : « Une fois que le lien de confiance est établi, les vraies choses sortent. »

6.7. Lobbying et leadership d’influence

Le succès d’une organisation vient de la force de l’équipe; cette force dépend de la capacité de la direction générale d’exercer son influence, de définir une vision, de rassembler, de partager sa passion et ses valeurs.

forme: 2366905.png

Le leadership d’influence s’étend ensuite aux relations externes et gouvernementales ainsi qu’à la recherche de financement. La capacité de représentation et de défense d’intérêts est critique dans un contexte minoritaire et requiert une force de persuasion. Plusieurs des personnes interviewées insistent sur l’importance d’y croire et de convaincre, preuves à l’appui, que ce qu’on demande a du sens – surtout lorsqu’on s’adresse à une majorité peu familière avec les réalités de la minorité. Parallèlement, les leaders d’influence travaillent avec la communauté pour qu’elle se prévale de ses droits, par exemple en demandant des services en français.

En termes de leadership d’influence, certains préfèrent un modèle fondé davantage sur la proposition que sur la revendication, en recherchant le point d’équilibre et en évitant la polarisation. Enfin, tant pour la revendication que la proposition, rechercher des défis et intérêts communs avec d’autres groupes minoritaires est utile en ce que cela peut créer un poids de négociation et un pouvoir de représentation accrus.

Dans tous les cas, la capacité d’influence d’une personne dans un rôle de gestion d’organisme vient en partie de sa crédibilité. Il ou elle doit vivre dans sa communauté, participer à la vie quotidienne de celle-ci, nourrir de la passion et de l’enthousiasme envers la valeur ajoutée du français dans l’identité canadienne. Il ou elle doit être en mesure de communiquer la valeur et les effets positifs de l’entreprise francophone par une analyse politique qui démontre pourquoi appuyer les francophones est une proposition gagnante. Il faut devenir le raconteur ou la raconteuse en chef de son institution, partager les valeurs et féliciter les gens qui les font rayonner.

Tel que l’indiquait une personne interviewée : « C’est comme des lunettes qu’on a en permanence : il faut que tout passe par le prisme de francophonie minoritaire. »

6.8. Vision et excellence

Plusieurs des leaders francophones que nous avons interviewés ont ’insisté sur l’importance de voir grand et de rêver grand, d’exercer un leadership politique fort, audacieux et ambitieux, de fixer des objectifs à long terme.

Cette impulsion de voir grand et de proposer de grands projets vient, en partie, de la concurrence des institutions et services de langue anglaise. C’est le cas par exemple en éducation, où les jeunes ont toujours le choix d’aller étudier en anglais s’ils le souhaitent. Cet état de fait pousse les établissements de la minorité à être à la fois « excellents et uniques ». Ainsi, les leaders en milieu scolaire sentent que les élèves des écoles francophones doivent être deux fois mieux préparés à leur sortie. En santé, un des leaders interviewés nous a confié son projet de faire de son établissement non pas seulement un des meilleurs de la communauté francophone, mais de sa province, toutes langues confondues.

forme: 2366906.png

Ce genre de leadership visionnaire requiert de pouvoir penser « à l’extérieur de la boite », de voir au-delà des intérêts individuels et de ne pas avoir peur de déranger lorsque nécessaire.

Dans les entrevues, le portrait qui se dégage est celui d’un ou d’une leader qui sait jouer en équipe, qui possède la capacité d’amasser un grand volume d’informations, de l’analyser et d’en dégager une vision claire, qui sait créer des liens avec des partenaires de toutes sortes, même en dehors de son secteur et même chez les anglophones, en se présentant comme faisant partie de la solution. Cette personne exerce aussi un leadership complètement détaché de son ambition personnelle et met l’engagement à l’égard des francophonies en contexte minoritaire au sommet de ses préoccupations, devant l’avancement de sa carrière. L’institution est plus grande que soi et doit être au coeur des préoccupations.

forme: 2366907.png

Bref, travailler à dans un organisme ou une institution francophone en milieu minoritaire, c’est travailler fort et travailler plus, en visant l’excellence; cela dit, l’atteinte de l’excellence permet d’établir une notoriété et une crédibilité qui bénéficient à toute la francophonie.

6.9. Communication et maitrise de sa langue

Travailler dans un organisme ou une institution francophone, c’est se faire l’ambassadeur ou l’ambassadrice de la langue française autant pour la communauté que l’on sert que pour les partenaires, les bailleurs de fonds et la majorité. Créer et entretenir une culture de rapport positif à la langue est crucial. Plusieurs insistent sur l’importance d’afficher sa fierté de parler et d’écrire le français : devant les anglophones pour attirer le respect, dans la communauté pour inspirer et valoriser la langue.

Cela dit, dans certains cas, les francophones de la communauté servie hésitent à travailler en français parce qu’ils ressentent de l’insécurité linguistique après plusieurs années à évoluer dans des environnements anglophones. C’est particulièrement le cas dans les milieux qui accueillent beaucoup de personnel francophone provenant du Québec ou issu de l’immigration. Plusieurs communautés reconnaissent ce défi : tout en gardant une image de qualité et d’excellence en français, il est de plus en plus important de voir à créer un climat sans jugement où toutes et tous peuvent être confiants d’utiliser le français.

6.10. Résilience et positivité

Occuper un poste de dirigeant ou de dirigeante francophone en milieu minoritaire, c’est donc faire face à une série de défis qui, sans la bonne attitude, peuvent en pousser plus d’un au découragement. En termes de développement professionnel, ce type de poste permet de développer la résilience. Les dossiers sur lesquels les gestionnaires sont appelés à travailler s’échelonnent souvent sur des années; il y a des reculs autant que des avancées et il est souvent nécessaire de répéter des démarches que l’on a déjà effectuées. Le rôle de revendication qui est associé à cette fonction de gestion d’un organisme francophone en milieu minoritaire peut devenir épuisant, parce qu’assurer une prise en compte du fait français dans les décisions et justifier les priorités de la communauté auprès des gouvernements, des partenaires et de la société est un travail continu et sans relâche. Par ailleurs, on est souvent appelé à consacrer temps et énergie à la défense de droits et d’acquis alors qu’on préférerait travailler sur l’offre de service.

forme: 2366908.png

Les personnes que nous avons interviewées insistent sur l’importance de garder un esprit positif malgré les obstacles qui se présentent en cours de route et de conserver la conviction profonde qu’on arrivera à ses fins. Pour les gestionnaires d’organismes francophones en milieu minoritaire, patience et pensée stratégique sont des aptitudes absolument fondamentales, tout comme une capacité d’avancer en ne tenant rien pour acquis.

S’il est essentiel de persévérer et de rester ferme – par exemple en insistant pour fournir des rapports en français aux bailleurs de fonds et partenaires ou pour que les conventions collectives soient rédigées dans cette langue –, plusieurs insistent également sur l’importance de célébrer les bons coups et les succès. Par exemple, il serait de mise de valoriser les entreprises qui offrent des services bilingues ou font la promotion de la francophonie. Certains font aussi remarquer qu’il est critique de miser sur les atouts, le potentiel et les institutions de la communauté plutôt que de seulement rester fixés sur les torts et les injustices du passé.

En somme, les gestionnaires d’organismes francophones en milieu minoritaire doivent demeurer convaincus et convaincants par rapport à l’avenir et à la pérennité de leur communauté, malgré les difficultés auxquelles celle-ci peut faire face. Et dans tous les cas, ces individus doivent se rappeler qu’ils représentent une vision et des valeurs : l’importance des deux langues officielles du Canada.

7. Aux futures générations de gestionnaires francophones en contexte minoritaire

7.1. Cultivez votre passion et impliquez-vous

  • Cultivez votre passion pour la francophonie, découvrez-la, intéressez-vous à ce qui se fait dans votre milieu, rencontrez les divers acteurs, faites du réseautage.

  • Cultivez votre curiosité et votre réseau, faites beaucoup d’échanges.

  • Travailler au communautaire, c’est travailler pour la société. On dit « avoir les valeurs aux bonnes places », mais c’est une opportunité pour acquérir de l’expérience et toucher à tout. Quand on y va, il faut y aller et se donner à 100 %.

  • Il faut s’engager dans la francophonie, avoir une passion pour la cause et une détermination à comprendre les enjeux, tout en gardant à l’esprit qu’on est sur la terre des peuples autochtones.

  • Les individus qui composent les organisations sont notre force et l’impact est plus grand quand les gens sont engagés dans la cause francophone. Il y a toujours une double mission, celle de l’organisme et celle de la langue.

    forme: 2366909.png

  • Impliquez-vous dans les communautés et c’est comme ça que vous allez trouver votre prochain emploi.

  • En milieu minoritaire, on n’est pas seul lorsqu’on reconnait l’importance de la communauté. Quand on est généreux avec son temps, en retour il y a toujours quelqu’un pour nous appuyer.

  • Ce qui m’a aidé comme gestionnaire francophone, c’est d’utiliser toutes les occasions pour tisser un réseau diversifié tant sur le plan du type d’organisation que de la langue. Il ne s’agit pas simplement de relations publiques, mais d’une réelle contribution professionnelle et sociale.

7.2. Vivez en français

  • Afin de préserver et de faire progresser les communautés francophones en contexte linguistique minoritaire, il est important que les francophones puissent vivre en français, non seulement par les écoles et les garderies, mais également par la santé, l’art et la création de commerces où les francophones pourront travailler dans leur langue.

  • Un bon gestionnaire est un francophone tant au travail que chez lui.

    forme: 2366910.png

  • Il faut mettre l’énergie partout, tout le temps, de sorte qu’un jour, on obtienne un vrai service pour les francophones.

  • Il faut toujours affirmer les droits des francophones. Par exemple, insister pour s’exprimer en français lors de négociations avec les syndicats provinciaux.

  • Il faut développer une assurance et une confiance en soi pour ne pas être intimidé par les anglophones et insister pour parler français.

  • Vivre en français, c’est quelque chose qu’il ne faut jamais tenir pour acquis. Il faut toujours chercher à améliorer ce qui existe sur le terrain.

  • Marteler davantage l’importance d’offrir des services en français et ne pas craindre de l’exiger, ne pas baisser les bras. Il faut agir, poser des gestes, s’impliquer et être visible dans la communauté, faire du bénévolat.

  • L’offre de service en français est un sujet récurrent, ça s’améliore, mais ce n’est pas encore réglé. Ça peut devenir systémique de ne pas demander des services en français, car on s’habitue à se faire servir en anglais.

7.3. Familiarisez-vous avec vos communautés francophones

  • Les gens sont passionnants et passionnés dans la francophonie minoritaire. Voyagez dans les autres communautés francophones pour vous ressourcer.

  • Voyager dans les différentes communautés francophones du Canada et même à l’international vous permettra d’apprécier les différences régionales et d’avoir une vue d’ensemble de la destinée francophone. Parallèlement, développez votre connaissance de l’histoire de votre communauté francophone, y compris les tendances démographiques et linguistiques.

  • Aimez ce que vous faites et croyez en la communauté et en l’avenir; de cette manière, vous ne serez pas désarçonné au premier défi que vous rencontrerez.

  • Adaptez-vous à votre milieu.

  • Développez une connaissance des autres causes importantes pour la francophonie et engagez-vous dans celles-ci. Élargissez votre réseau d’acteurs dans le milieu, car ce réseau pourra vous servir. Diversifiez vos contacts en y incluant aussi les jeunes et les minorités.

  • Entreprenez votre mandat avec humilité et un souci de vous renseigner sur la communauté et de la comprendre. Apprenez des bénévoles et membres du personnel sur place et faites confiance aux connaissances des autres.

  • La prochaine génération de dirigeants et de dirigeantes fera face à de nouveaux défis, ce ne seront pas les mêmes enjeux qu’il y a 30 ans. La société est de plus en plus polarisée et de moins en moins de gens se trouvent au centre. Il leur faudra être flexibles et s’adapter. Leurs capacités en relations interpersonnelles seront importantes, tout comme la résilience et la résolution de conflits.

  • Il faut s’intéresser à la matière, s’investir, garder une attention au détail, exprimer clairement ses idées, s’adapter au milieu, avoir plusieurs vitesses sur son vélo. Montrer du respect aux gens. Livrer les messages difficiles de façon polie et ferme. Être gestionnaire n’est pas fait pour tout le monde, il faut être capable de gérer un conflit et de tolérer les situations inconfortables.

7.4. Ouvrez-vous à l’autre et partagez votre richesse

  • La langue n’est plus le seul fanion qu’on doit lever. Le français n’est pas un « droit de naissance », mais un fondement pour bâtir quelque chose d’inclusif. En intégrant d’autres communautés, on s’enrichit de tout ce qu’elles nous apportent.

  • L’ouverture à de nouvelles populations est la clé. Le français au Canada est maintenant international et la population est composée de gens qui viennent d’univers différents. La langue française est maintenant partagée par plusieurs cultures et non plus définie seulement par les cultures du Québec ou de la France.

  • On vit dans une époque de polarisation et il est facile de perdre le fil de son projet global et collectif. ’’’En outre, on ne sait pas où on s’en va comme société. Dans ce contexte, on a plus que jamais besoin d’un objectif commun et d’y travailler en évitant les distractions ou de tomber dans le piège du « eux contre nous ».

  • Créez-vous un réseau à l’extérieur de votre province. Sortez de votre milieu, allez chercher des idées et des alliances ailleurs.

  • Il y a une soif chez les anglophones bilingues de participer à notre communauté, ils sont intéressés à nous. Il ne faut pas avoir peur de leur prendre la main et de les inclure. Il faut se débarrasser de cette idée qu’en s’ouvrant à l’autre on risque de perdre quelque chose. Le français est une langue qu’il faut partager plutôt que seulement protéger.

  • Tout en conservant son français, c’est une richesse de maitriser plusieurs langues, cette diversité est une façon différente de partager des idées.

7.5. Allez chercher des connaissances à l’extérieur, développez vos compétences

  • Développez vos compétences de gestion et vos compétences linguistiques en français et en anglais, ayez un bon sens politique, faites du réseautage!

  • Diversifiez vos sources d’information, allez chercher des expériences ailleurs, faites l’acquisition de nouvelles connaissances pour les ramener à votre organisation.

  • Gardez une ouverture à toujours apprendre. Adoptez une attitude de quête de l’excellence, allez chercher ailleurs de la rétroaction et des outils de développement pour vous, votre organisation et votre vision.

  • En matière de gestion, prévoyez des budgets pour des occasions de formation qui nourriront votre motivation sur le plan professionnel.

  • Inspirez-vous du secteur privé en matière de connaissances et de pratiques.

  • Pensez en termes de qualité et non de quantité, car c’est comme ça qu’on va plus loin.

  • Ayez de l’ambition.

7.6. Donnez-vous le droit à l’erreur

  • Ne cherchez pas la perfection, donnez-vous le droit de faire des gaffes et de prendre de mauvaises décisions. Ne craignez pas de prendre des risques par peur de mal paraitre. Faites une analyse des risques et ensuite lancez-vous, prenez votre décision. La vie est un continuum d’apprentissage, il est normal de ne pas être parfait, parfaite.

  • Le comportement de leader est empreint de patience. Il faut aimer ses employés profondément dans leurs différences. Les discussions difficiles doivent venir d’une place d’amour, pour les aider à accomplir plus et grandir dans leur carrière.

7.7. Restez vigilants

  • Les prochaines générations de gestionnaires n’ont pas été exposées aux batailles qu’ont livrées les générations antérieures; il y a un devoir de s’assurer que ces nouvelles générations demeurent vigilantes et ne tiennent pas les choses pour acquises.

  • Il faut toujours exercer une vigilance et veiller au respect du français comme langue officielle. Il est aussi important d’avoir l’oeil sur les dynamiques qui peuvent influer sur la transmission du français dans sa communauté, comme la construction d’une nouvelle école anglaise ultra moderne.

  • Il faut montrer de la polyvalence et avoir la capacité de porter plusieurs chapeaux.

7.8. Ne vous découragez pas

  • Ne vous découragez pas. Gardez la conviction que la dualité linguistique canadienne est notre richesse et convainquez-en vos interlocuteurs et interlocutrices.

    forme: 2366911.png

  • Pour opérer des changements, ayez de la patience et ne vous découragez pas si vous n’obtenez pas de résultats immédiatement. Choisissez vos batailles et positionnez bien les choses. Gardez en tête que l’environnement dans lequel vous travaillez est rapide et dynamique parce qu’il y a peu de ressources et beaucoup à faire.

  • Gardez la flamme allumée et ne laissez personne l’éteindre. Dans un monde de développement communautaire, où l’on doit transiger avec les gouvernements, il faut avoir de la patience et de la persévérance.

  • Demeurez dans l’action, persévérez pour les francophones, car ce sera toujours une bataille. Ne pliez pas et continuez à revendiquer.

Conclusion

La francophonie en contexte minoritaire est un univers de défis. Ceux et celles qui s’y lancent découvriront un milieu fait d’obstacles à surmonter, de luttes à mener et de ressources rares à investir judicieusement, mais aussi de grands projets à mener, de valeurs à promouvoir et d’espoirs à entretenir. Le présent article cherche à faire le portrait de cet univers exigeant mais dynamique.

Il ne cherche pas à décourager, mais plutôt à préparer les directions et gestionnaires d’organismes et d’entités francophones à venir, parce que c’est aussi de leur engagement et de leur savoir-faire que dépend le futur de nos communautés. Diriger un organisme francophone en contexte linguistique minoritaire apporte beaucoup de satisfaction. La communauté reconnaît le travail qui est fait pour elle et l’impact de pratiquement chaque mesure et de chaque acte posé est manifeste.

Les entrevues réalisées pour cet article ont montré le manque de ressources financières et humaines avec lequel doivent composer les directions d’organismes, mais aussi la créativité et la résilience dont elles font preuve en contexte francophone minoritaire. Elles ont illustré les défis que représente pour les gestionnaires une transformation de leur communauté du point de vue de la démographie, de la diversité et de l’identité francophone; mais elles ont aussi révélé comment ces gestionnaires travaillent d’arrache-pied pour que leur organisme s’adapte à cette francophonie diverse, la rassemble et la reflète.

Enfin, l’article montre que le travail d’une direction d’organisme francophone en contexte minoritaire peut être épuisant, entre la recherche de partenaires, le démarchage auprès de la majorité de langue anglaise et les décideurs et décideuses politiques, le réseautage dans la communauté, etc. Mais il met aussi en lumière des individus qui font ce travail parce qu’ils y croient, parce qu’ils ont à coeur l’avancement d’une cause et parce que chaque progrès de la francophonie est une source de fierté et de motivation pour eux.

Diriger un organisme francophone en contexte minoritaire, nous l’avons souligné, pose tout un défi. Ceux et celles qui le relèvent laissent leur marque sur l’organisation et, en retour, l’organisation les transforme quant aux compétences et aptitudes, mais aussi à la manière de voir son travail et sa carrière. C’est un milieu d’individus hautement motivés, qui sont convaincus au quotidien que leur travail contribue à faire rayonner une des valeurs fondamentales du Canada.