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Introduction

Selon l’histoire des idées morales, c’est Emmanuel Kant (1785/2007) qui, à la fin du 18e siècle, contribue à la théorisation moderne de la notion de respect de la personne en proposant la prescription morale selon laquelle toute personne doit être traitée comme une fin. Cette prescription a pour idée que tous les êtres humains devraient traiter les autres et être traités comme des égaux. Cette idée d’un rapport égalitaire ne semble s’être appliquée que très récemment à l’enfant, entre autres par l’adoption de la Convention relative aux droits de l’enfant en 1989. Le message de Korczak (1929/2009), l’un des principaux initiateurs de l’idée selon laquelle les enfants aussi ont des droits, était que les enfants méritent le respect parce qu’ils sont des êtres humains et qu’ils possèdent des capacités et des compétences. Dans le contexte scolaire du début du 20e siècle, des pédagogues comme Montessori, Dewey, Freinet, et Lipman, l’initiateur de la pratique de la philosophie pour enfants, vont repenser le rapport de la personne enseignante à l’élève et le rapport de l’élève à ses pairs. Selon Malti et al. (2020), le respect sera toujours un important objet de préoccupation pour les chercheurs issus de différentes disciplines, « puisqu’il peut agir sur la manière dont la personne devrait traiter les autres et peut servir de source d’inspiration et d’espoir pour la paix lorsqu’il est observé chez d’autres qui le démontrent » (p. 9)[1]. Toutefois, si l’importance du respect fait l’objet d’un certain consensus, des désaccords demeurent sur la manière de le conceptualiser et, plus largement, sur ce qui est impliqué lorsqu’une personne se sent respectée. En raison du rôle important que joue le respect dans l’instauration et dans le maintien d’un climat de classe sain et favorable aux apprentissages, il nous semble important de nous pencher sur des pratiques qui pourraient effectivement être utilisées afin de permettre aux élèves de vivre des expériences de respect et de s’engager dans des conduites empreintes de cette disposition. Le présent article s’intéresse à une telle pratique, celle qui est connue sous le nom de pratique du dialogue philosophique (Gagnon et Yergeau, 2016).

1. Pourquoi s’intéresser au respect au sein du groupe-classe?

En contexte scolaire, le respect perçu par les élèves peut être essentiel à leur bien-être au sein du groupe-classe. En effet, des recherches tendent à montrer un lien positif entre le fait de se sentir respecté et l’estime de soi (Huo et al., 2010; Simon et Stürmer, 2005; Smith et al., 1998; Tyler et al., 1996). À cela s’ajoute le fait que, lorsque le climat scolaire est respectueux, les adolescents tendent à éprouver moins de symptômes associés à un état dépressif comme le désespoir et l’idéation suicidaire (LaRusso et al., 2008). De plus, le climat scolaire respectueux pourrait contribuer à prévenir certains problèmes de santé mentale et la prise de risques (alcool, drogue) chez les adolescents, puisque le stress y est moindre et le soutien plus présent (LaRusso et al., 2008). Ils adhéreraient aussi à des normes de comportements plus saines et auraient moins tendance à se lier d’amitié avec les pairs qui adoptent des comportements qui posent des risques pour la santé (LaRusso et al., 2008; Loukas et al., 2006).

Le respect peut aussi être nécessaire pour le sentiment de sécurité dans le groupe-classe. Dans l’étude de Welsh (2000), la perception du respect est le prédicteur le plus important de la sécurité perçue. Les résultats de Langdon et Preble (2008) montrent que le fait de se sentir respecté est aussi négativement lié aux autoévaluations d’expériences de victimisation. Les adolescents qui sont victimes d’intimidation et ceux qui sont à la fois victimes et auteurs ont le sentiment d’être moins respectés par les autres que les enfants non victimisés (Morrisson, 2006). De plus, les pairs perçoivent moins de comportements agressifs manifestés chez les élèves qu’ils respectent (Cohen et al., 2006; Kuryluk et al., 2011). Dans l’étude de Leary et al. (2005), les résultats soulèvent le fait que le respect comme attitude prosociale est lié positivement à la santé psychologique et à l’identité sociale et qu’il est nécessaire que les adolescents soient accompagnés pour gérer les manques de respect sans avoir recours à la violence.

Le respect peut également être indispensable à l’engagement des élèves au sein du groupe-classe via des comportements prosociaux, comme la participation volontaire aux activités (Smith et Tyler, 1997) et la coopération (De Cremer, 2002). Il semble aussi que les enfants ont tendance à respecter davantage les pairs qu’ils apprécient et vice versa (Hsueh et al., 2005). Les membres d’un groupe-classe qui se sentent respectés mettent généralement davantage d’efforts pour contribuer au bon fonctionnement dudit groupe (Branscombe et al., 2002; Smith et Tyler, 1997; Spears et al., 2005). Par exemple, lorsque les élèves ont le sentiment qu’un groupe ethnique est respecté, ceux qui appartiennent à ce groupe pourraient s’engager davantage (Huo et al., 2010). De plus, lorsque les élèves communiquent au moyen de commentaires respectueux, ils sont plus enclins à s’engager par des comportements prosociaux orientés vers le groupe-classe et à s’identifier à celui-ci (Simon et Stürmer, 2005).

Enfin, le respect peut être utile à l’exercice de la compétence sociale des élèves du groupe-classe. La compétence sociale peut être définie au sens large comme « la capacité de réaliser des objectifs dans les interactions sociales tout en maintenant simultanément des relations positives avec les autres au fil du temps et à travers les situations » (Rubin et al., 1998, p. 645). La compétence sociale implique un équilibre entre l’agentivité et la poursuite d’objectifs communs (Cohen et al., 2006). Les exemples de Cohen et al. (2006) illustrent bien cet équilibre : les enfants agressifs peuvent être efficaces pour obtenir ce qu’ils veulent, mais être considérés comme socialement incompétents, car ils sont détestés du groupe; les enfants soumis peuvent facilement s’entendre avec les autres, mais sont considérés comme socialement incompétents, car ils n’exercent aucune influence. Les recherches suggèrent d’ailleurs l’existence d’un lien positif entre le fait de se sentir respecté par les pairs et les niveaux interactionnel (Langdon et Preble, 2008), relationnel (Hsueh et al., 2005) et de groupe (Cohen et al., 2006) de la compétence sociale. Par exemple, lorsque l’élève se sent apprécié de ses pairs (liking), il peut se sentir plus respecté et, par la suite, se sentir plus compétent socialement (Cohen et al., 2006). Au contraire, le fait de ne pas se sentir inclus est généralement souffrant psychologiquement (Anderson et al., 2015).

En somme, le respect peut contribuer à l’exercice de la compétence sociale, à l’engagement scolaire et au bien-être de l’élève. À la lumière de ce qui précède, nous considérons que le respect gagnerait à occuper une place centrale à l’école, notamment dans la relation personne enseignante-élève. La section suivante permet de saisir le fait que la personne enseignante a la responsabilité de contribuer positivement à ce que l’élève se sente respecté.

2. Le respect comme agir éthique professionnel

Le respect comme agir éthique se trouve au coeur de deux des compétences inscrites au référentiel de compétences professionnelles de la profession enseignante du ministère de l’Éducation du Québec (MEQ, 2020). Selon la compétence 6, la personne enseignante a la responsabilité de gérer le fonctionnement du groupe-classe en mettant en place, « de concert avec les élèves, un climat de classe respectueux et sécurisant favorisant la progression des apprentissages » (MEQ, 2020, p. 61) et en conduisant ses élèves à développer les compétences sociales à la base du savoir-vivre ensemble. Par ailleurs, la compétence 13, qui est transversale à toutes les autres, prescrit à la personne enseignante d’agir en accord avec les principes éthiques de la profession. Dans la description de cette compétence, il est écrit que « globalement, l’agir éthique se traduit, dans son rapport à l’autre, par une attitude de respect, d’inclusion et d’ouverture vis-à-vis des élèves, de ses collègues, des parents et des partenaires de la communauté » (MEQ, 2020, p. 81). Quand le besoin de respect dans les relations n’est pas comblé, les adolescents peuvent devenir méfiants et cyniques envers l’autorité (LaRusso et Selman, 2003). L’élève a donc besoin de sentir que son point de vue et sa participation sont valorisés (LaRusso et al., 2008). Pour ce faire, la personne enseignante peut adopter un agir éthique basé sur le respect qui mettra de l’avant la capacité de l’élève à prendre des décisions pour lui-même, car elle reconnaît que les attentes comportementales sont importantes, mais qu’elles ne sont pas suffisantes pour assurer l’épanouissement de l’élève (LaRusso et al., 2008). Dès lors, il relève de la responsabilité de la personne enseignante de créer « les conditions éducatives dans lesquelles les élèves seront valorisés, respectés et compris » en multipliant « les occasions d’apprentissage d’un vivre-ensemble qui priorise des relations interpersonnelles, sociales et interculturelles de nature respectueuse et enrichissante » (MEQ, 2020, p. 81). Bref, la personne enseignante a la responsabilité de s’assurer que l’élève se sent respecté en classe.

3. Le traitement de l’élève par la personne enseignante

Peu importe l’approche pédagogique, y compris lors de la pratique du dialogue philosophique (PDP), la personne enseignante a une certaine autorité et, en ce sens, il paraît important d’examiner la relation entre l’autorité et le respect perçu. Le modèle d’Huo et Binning (2008; Huo et al., 2010) semble pertinent pour étudier la relation personne enseignante-élève, puisqu’une de ses parties s’intéresse à l’effet du traitement de l’autorité sur le respect perçu. Quoiqu’il semble tout aussi important d’étudier l’effet du traitement par les pairs sur le respect perçu, cet article porte sur l’effet du traitement par l’autorité. Dans le contexte qui nous intéresse, l’autorité est la personne enseignante et le respect perçu est celui de l’élève.

Figure 1

Modèle à double voie du respect (Huo et al., 2010, p. 98)

Modèle à double voie du respect (Huo et al., 2010, p. 98)

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Selon ce modèle (Huo et al., 2010; Huo et Binning, 2008), le respect est important pour les personnes dans la vie de groupe puisqu’il répond à deux besoins fondamentaux de la vie sociale : le besoin du statut (Maslow, 1943) et le besoin d’appartenance (Baumeister et Leary, 1995). En s’appuyant sur ces deux principes organisationnels du groupe, le modèle dégage deux voies, à savoir l’inclusion perçue (perceived liking) et le statut perçu (perceived status). Ces deux dimensions du respect viendraient à leur tour façonner les attitudes et les comportements qui auraient un effet sur l’engagement social et sur le bien-être individuel. Tandis que le statut perçu est un construit vertical qui permet d’étudier la position sociale d’une personne par rapport à l’autre, l’inclusion perçue est un construit horizontal qui permet d’étudier les relations dans le groupe (Anderson et al., 2015).

Huo et al. (2010) définissent le respect basé sur le statut perçu comme reflétant la perception qu’a la personne de sa valeur en tant que membre du groupe. Il est théoriquement possible, selon eux, que tous les membres du groupe se sentent valorisés. Or, il est important de saisir qu’une personne peut percevoir qu’elle a un statut élevé, sans le posséder réellement (Leary et al., 2014). Le statut est également contextualisé dans une relation ou dans un groupe en particulier. Un élève peut donc avoir un statut élevé dans sa famille, mais faible dans son groupe-classe, puisque les caractéristiques personnelles qui sont valorisées peuvent varier d’un environnement social à l’autre (Anderson et al., 2015).

Quant au respect qui se base sur l’inclusion perçue, il a pour fonction de communiquer à la personne qu’elle fait partie du groupe (Huo et al., 2010). Ce respect est un besoin fondamental qu’a l’élève puisqu’il constitue en quelque sorte la reconnaissance du fait qu’il est accepté du groupe-classe auquel il appartient (De Cremer, 2003). L’inclusion perçue est subjective dans le sens où les perceptions que la personne a d’elle-même sont filtrées par ses métaperceptions de la manière dont les autres la perçoivent (Spears et al., 2006). De plus, les études précédentes montrent que le respect basé sur l’inclusion perçue n’est pas inconditionnellement accordé de manière positive et dépend dans une certaine mesure de sa source (Spears et al., 2006), qui peut être la personne enseignante ou les pairs dans le contexte de la classe.

Huo et al. (2010) définissent le traitement juste (à la fois égalitaire et équitable) comme un traitement caractérisé par des critères relationnels standards comme l’impartialité et la confiance. L’étude de Shaw et al. (2014) montre d’ailleurs que la compréhension qu’ont les enfants des principes du traitement juste leur permet de reconnaître l’importance et la valeur de traiter les autres de la même façon qu’eux-mêmes veulent être traités et d’accepter leurs différences. Les résultats de l’étude empirique d’Huo et al. (2010) montrent que le traitement juste agit à la fois sur les deux dimensions du respect perçu, ce qui permet de répondre aux besoins de statut et d’inclusion; la personne peut percevoir qu’elle est jugée digne et qu’elle est appréciée.

Comme nous l’avons exposé dans les sections précédentes, le respect semble être un élément essentiel au bien-être, à l’engagement et à l’exercice de la compétence sociale des élèves et la personne enseignante a la responsabilité de s’assurer que l’élève se sent respecté dans la classe. Les résultats d’Huo et al. (2010) montrent que le traitement de la personne enseignante pourrait en effet agir sur le respect perçu de l’élève. Or, mis à part cette idée de traitement juste, ce modèle ne nous renseigne que bien peu sur le type de respect dont il est question. Au mot traitement nous préférerons ceux d’agir éthique pour les sections suivantes, puisque ce sont ceux qu’utilise le référentiel de compétences professionnelles de la profession enseignante du MEQ (2020) et que l’idée d’agir éthique est plus englobante que celle de traitement. À cet égard, le modèle de Nasie (2022) peut informer sur le type de respect supposé et attendu de l’agir éthique de la personne enseignante.

4. Les éthiques du respect

Dans son étude fondée sur une méthode de théorisation ancrée, Nasie (2022) utilise les connaissances issues de l’expérience de vie des personnes. Le modèle qui émerge de l’analyse des résultats catégorise quatre grandes conceptions du respect : le respect inconditionnel (considerate respect), le respect conditionnel (conditional respect), le respect mérité ou normatif (deserved/normative respect) et l’évitement du manque de respect (avoiding disrespect). Les catégories sont organisées de manière hiérarchique, dans un modèle pyramidal, de manière à dégager une ligne qui distingue le respect minimal donné généralement à chaque personne du respect additionnel qui n’est pas donné à chaque personne ou dans tous les contextes. L’organisation hiérarchique se base sur quatre critères : 1) Le respect est-il conditionnel ou inconditionnel? 2) La motivation au respect est-elle externe ou interne? 3) Le respect demande-t-il un degré faible ou élevé de sensibilité? Et 4) Le respect demande-t-il un degré faible ou élevé d’effort?

Figure 2

Modèle pyramidal du respect (Nasie, 2022, p. 10)

Modèle pyramidal du respect (Nasie, 2022, p. 10)

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Le modèle pyramidal du respect de Nasie (2022) est pertinent pour étudier le respect dans le contexte de la classe, car ses catégories sont opératoires, c’est-à-dire qu’elles fournissent des critères pouvant se rapporter à des éléments de l’éthique de la personne enseignante. Pour cet article, nous tenons pour acquis que les quatre conceptions du respect renvoient en elles-mêmes à quatre éthiques différentes. Dans un souci de clarté conceptuelle, nous proposons également de légères modifications dans le choix des mots, car, comme le soulève Nasie (2022), la conception du respect est liée à la culture dans laquelle il est situé et la langue utilisée vient lui donner un sens et des expressions qui s’y rattachent. Nous soutenons donc qu’il existe théoriquement et possiblement quatre formes d’éthique du respect : 1) l’éthique du respect utilitaire, 2) l’éthique du respect mérité, 3) l’éthique du respect mutuel et 4) l’éthique du respect inconditionnel.

Le tableau synthèse ci-dessous présente les critères proposés par Nasie (2022) qui peuvent être associés à chacune des catégories et qui peuvent en même temps permettre de situer, parmi les quatre formes d’éthique du respect, l’agir éthique de la personne enseignante dans le contexte de la classe. L’éthique supposée et attendue de la personne enseignante serait celle du respect inconditionnel.

Tableau 1

Les formes d’éthique du respect (Bélanger, Gagnon et Smith (2023))

Les formes d’éthique du respect (Bélanger, Gagnon et Smith (2023))

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4.1 L’éthique du respect utilitaire

La personne qui agit selon une éthique du respect utilitaire évite de traiter l’autre de manière négative en basant son jugement sur les normes sociales. Elle évite les manques de respect pour ne pas nuire à l’autre, car elle reconnaît qu’il y a certaines limites à ne pas franchir. Par exemple, la personne n’insulte pas l’autre de manière verbale ou n’interrompt pas la personne qui parle (Huo et al., 2010). Le respect est utilitaire dans le sens où il devient un moyen en vue d’une fin, plus précisément, le moyen d’éviter une conséquence négative sur soi. Le respect est alors conditionné par les normes sociales, qui motivent de manière extrinsèque les comportements d’évitement. Ces derniers deviennent une base de respect qui fait en sorte que la personne ne manque pas de respect à l’autre. Cette éthique du respect s’inspire du concept d’obstacle-respect de Hudson (1980) et du concept de respekt de Feinberg (1973), utilisés pour décrire une précaution prise envers une menace ou un respect motivé par la peur.

4.2 L’éthique du respect mérité

La personne qui agit selon une éthique du respect mérité accorde son respect à l’autre conformément aux normes sociales, qui conditionnent et motivent ses comportements. La personne reconnaît comme norme que le fait de se comporter de manière respectueuse est un devoir sur le plan des droits humains. Ce respect se distingue du respect utilitaire par le fait que la personne s’engage dans des comportements respectueux, au lieu d’éviter simplement les manques de respect. Cette catégorie comprend deux types de comportements : ceux qui sont jugés appropriés ou polis, et ceux qui permettent de réguler les interactions de la vie quotidienne. Cette éthique du respect s’inspire du concept de directive-respect de Hudson (1980), utilisé pour décrire un respect balisé dans l’action par la directive.

4.3 L’éthique du respect mutuel

La personne qui agit selon une éthique du respect mutuel montre son estime ou sa reconnaissance envers les réalisations, le statut ou les traits de personnalité de l’autre. Elle sent également qu’elle reçoit l’estime ou la reconnaissance de l’autre selon les normes sociales de la réciprocité. Le sentiment de respect ainsi que les comportements respectueux sont partagés ou mutuels. Comparativement au respect mérité, le respect mutuel est donné à une certaine condition, celle de recevoir de l’autre le même respect. Ce respect conditionne l’action dans la mesure où le comportement vise la réciprocité. Le respect devient alors motivé de manière extrinsèque par les récompenses, les applaudissements, les rétroactions positives, l’expression de la gratitude, etc. Cette éthique s’inspire des concepts de appraisal-respect de Darwall (1977) et de evaluative-respect de Hudson (1980), lesquels réfèrent à un sentiment d’estime envers l’autre provenant d’une évaluation positive de ses qualités, de ses réalisations, etc.

4.4 L’éthique du respect inconditionnel

La personne qui agit selon une éthique du respect inconditionnel remarque et porte attention à l’existence de l’autre, reconnaît ses besoins et a le souci d’y répondre en adaptant ses attitudes ou ses comportements. Ce type de respect renvoie à une valeur qui est chère à la personne et qui peut influencer ses comportements. Il ne serait pas régulé par des influences externes, comme la peur qui, elle, peut être associée au respect utilitaire. Il ne dépend pas non plus de normes comme dans le cas du respect mérité ou mutuel. Cette éthique s’inspire du concept recognition-respect de Darwall (1977), utilisé pour décrire la disposition à prendre en considération l’existence de l’autre, à lui accorder l’attention appropriée et à agir en conséquence. Dans le même sens, elle s’inspire de la définition de Martha Nussbaum (1980), pour qui le respect est une qualité et une disposition de la personne (manière d’agir habituelle) visible dans certains contextes et sous certaines conditions.

Nous proposons donc que le respect inconditionnel soit défini comme une disposition qui oriente l’éthique (entendu comme la manière d’agir) de la personne qui la possède. Nous soutenons que l’éthique attendue et souhaitée de la personne enseignante en classe est une éthique du respect inconditionnel pour plusieurs raisons. D’abord, il est essentiel que le respect soit l’une des valeurs de la personne enseignante et qu’il soit accordé de manière inconditionnelle à l’élève, et ce, a priori. Autrement dit, le respect ne doit pas être conditionnel à quoi que ce soit, de manière à arriver après. C’est la condition favorisant l’engagement et le bien-être en classe. Il doit donc être là avant. Pour que l’élève se sente respecté, il doit toutefois être en mesure de satisfaire deux besoins fondamentaux, l’un lié au statut et l’autre lié à l’inclusion. Lorsque la personne enseignante adopte une éthique du respect inconditionnel, elle accorde une attention à ces deux besoins, ce qui requiert un niveau élevé de sensibilité pour les reconnaître, mais également un niveau élevé d’efforts pour en tenir compte en adaptant ses attitudes et ses comportements.

Bref, l’éthique du respect inconditionnel semble être celle qui est souhaitée et attendue de la personne enseignante en classe puisqu’elle est la seule parmi les quatre formes d’éthique du respect à être caractérisée par un respect inconditionnel et motivé intrinsèquement. Nous soutenons théoriquement que la pratique du dialogue philosophique (PDP) apparaît comme une avenue porteuse pour que l’élève se sente respecté en classe, puisqu’elle semble exiger de la personne enseignante l’adoption de cette éthique du respect inconditionnel.

5. L’éthique du respect inconditionnel dans la PDP en classe

Pour montrer comment la PDP semble exiger que la personne enseignante adopte une éthique du respect inconditionnel, nous proposons d’abord une analyse de cette pratique au regard des rapports aux savoirs, à la parole et au pouvoir, à l’intérieur desquels s’inscrivent les interventions éducatives dans le contexte de la classe.

5.1 Les rapports aux savoirs, à la parole et au pouvoir

Selon Gagnon (2011), la question des rapports aux savoirs est fondamentale dans toute dynamique d’enseignement-apprentissage, puisqu’ils conditionnent en quelque sorte la posture enseignante. La PDP implique des rapports aux savoirs particuliers qui peuvent se décliner en fonction de deux axes : 1) la nature des savoirs et 2) l’acte de connaître (Schommer-Aikins, 2004). En effet, du point de vue de la philosophie, les savoirs associés à la discipline s’inscrivent généralement à l’intérieur d’un paradigme interprétatif (Ricoeur, 1981/2016) dans lequel on considère qu’ils émanent d’une interprétation commune (intersubjectivité) envisagée, à ce moment, comme la plus viable (Gagnon et Yergeau, 2016). Ce type de perspective épistémologique engage une posture particulière chez la personne enseignante, les savoirs appartenant à la philosophie n’étant pas nécessairement conçus comme des vérités objectives à transmettre, mais plutôt comme des repères sur lesquels peuvent s’appuyer les processus de recherche dans une visée d’objectivation. En ce qui concerne l’acte de connaître, la PDP s’appuie sur la théorie du socioconstructivisme (Vygotsky, 1978) selon laquelle les connaissances sont coconstruites par les interactions sociales qui ont lieu dans le groupe. En ce sens, chacun est considéré comme autant capable de vérité que les autres et chaque opinion est abordée selon le potentiel qu’elle contient quant à la progression de la recherche commune qui se déploie, et ce, sans prendre appui sur une conception selon laquelle toutes les idées sont équivalentes. Dans la PDP, les connaissances détenues ou individuelles sont objectivées par la pratique du dialogue et peuvent être homologuées par le groupe[2]. La figure présentée dans l’article de Gagnon (2020) résume bien en son centre les visées de la PDP concernant les rapports aux savoirs.

Figure 3

Concepts clés des rapports épistémologiques et épistémiques aux savoirs – Viser la médiane

Concepts clés des rapports épistémologiques et épistémiques aux savoirs – Viser la médiane

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La PDP ne s’inscrit pas dans un modèle de transmission (Michaud et Gregory, 2022). Ces bienfaits ne proviennent donc pas d’une recherche de réponses aux questions philosophiques, mais de l’expérience de les étudier, de les explorer (Michaud et Gregory, 2022). Kizel (2016) distingue l’enseignement vertical, souvent caractérisé par une pédagogie de la peur, de l’enseignement par la PDP, souvent caractérisée par une pédagogie de la recherche, qui permet le self-determined learning. Conséquemment, cela implique que l’élève occupe une place importante dans son processus d’apprentissage; il peut coconstruire des connaissances avec les autres.

Compte tenu de ce qui précède, il est possible de constater que la PDP implique un rapport à la parole qui se distingue de celui de l’enseignement vertical, dans lequel la personne enseignante occupe la majeure partie du temps de parole en classe, de manière magistrale, pour transmettre le savoir. Lorsqu’elle donne la parole aux élèves, c’est généralement pour les questionner, en attendant d’eux des réponses précises. Dans la PDP, ce sont généralement les élèves qui occupent la majeure partie du temps de parole en classe en pratiquant le dialogue avec leurs pairs. Ce temps leur permet de coconstruire du sens en faisant appel aux connaissances de la personne enseignante et des pairs. Les résultats de l’étude de Barrow (2015) montrent d’ailleurs que les enfants remarquent, après quelques ateliers de PDP, le changement de rapport à la parole et à l’autorité de leur enseignant ou de leur enseignante.

Dans la PDP, le rapport au pouvoir se distingue également de celui de l’enseignement vertical, dans lequel la personne enseignante peut être en position de pouvoir ou de dominance dans sa relation avec l’élève. Selon Anderson et al. (2015), lorsque la personne enseignante agit dans une position de pouvoir, elle influence ses élèves en ayant le contrôle des ressources, comme le savoir, et en utilisant les punitions. Lorsqu’elle est en position de dominance, les élèves se laissent influencer parce qu’ils ont peur. Dans la PDP, la personne enseignante est dans un rapport de pouvoir plutôt horizontal, mais sans impliquer une absence d’autorité (PhiloCité, 2020). Selon Anderson et al. (2015), les élèves peuvent reconnaître l’autorité de la personne enseignante et acquiescer à ses demandes volontairement lorsqu’ils accordent de la valeur à ses caractéristiques personnelles et professionnelles. De plus, ils peuvent se laisser influencer par la personne enseignante parce qu’ils reconnaissent sa valeur sociale. Dans la PDP, la valeur sociale de la personne enseignante tient en grande partie à son rôle d’animatrice, qui vient avec des responsabilités.

Ces rapports aux savoirs, à la parole et au pouvoir combinés tendent à permettre un climat hors menace (Lévine et al., 2014). Dans l’étude de Leng (2020), les participants affirment que l’une des raisons pour laquelle ils s’engagent dans la PDP est le fait que cette dernière offre un environnement intellectuel sécuritaire qui favorise l’apprentissage et le développement des élèves.

5.2 Les responsabilités de la personne animatrice en contexte de PDP

Comme développé précédemment, les rapports aux savoirs, à la parole et au pouvoir de la PDP exigent un rapport particulier à l’autre. Ce rapport à l’autre semble mener à une éthique du respect inconditionnel, qui pourrait avoir pour conséquence d’exiger certaines responsabilités pour la personne animatrice.

5.2.1 Accorder le statut d’interlocuteur valable

Sous l’angle de l’égalité, la personne enseignante a la responsabilité d’accorder à ses élèves le statut d’interlocuteur valable, ce qui demande un niveau élevé de sensibilité. En effet, selon Lévine (2014), chaque élève est considéré « comme un interlocuteur valable, ni enfant, ni adulte, mais comme un être humain à égalité avec d’autres êtres humains, pour ce qui concerne son droit à penser » (p. 68). Autrement dit, « c’est le pari de l’égalité des intelligences » (PhiloCité, 2020, p. 36) selon lequel l’élève est autant capable de vérité que la personne enseignante, ce qui rejoint le déplacement des rapports aux savoirs dont il était question précédemment. Ce statut commande un respect de l’élève et de ses idées. Lors de la PDP, la personne enseignante est respect-oriented (LaRusso et al., 2008) dans le sens où elle aide l’élève à penser par et pour lui-même en valorisant son point de vue et sa participation, et en misant sur une relation de qualité. Le statut d’interlocuteur valable semble ainsi dépasser le respect mérité qui prendrait la forme de règles de politesse dans le dialogue ou qui accorderait de manière égale un droit de parole à tous, sans une écoute attentive des propos avancés qui permet de mieux comprendre l’autre et de coconstruire le sens. Il semble aussi dépasser le respect mutuel, puisque la personne enseignante accorde ce statut à son élève avant même de le connaître. Elle ne s’attend pas à un respect mutuel de la part de son élève, elle porte une attention particulière à son existence et à ses besoins en adaptant ses attitudes et ses comportements parce que, chez elle, le respect est une valeur intrinsèque. La personne enseignante qui pratique le dialogue philosophique a la qualité d’être respectueuse; l’agir respectueux est sa manière d’agir habituelle.

5.2.2 Établir des règles et maintenir un traitement juste

Sous l’angle de la justice, la personne enseignante a la responsabilité d’établir certaines règles et de les faire respecter, ce qui demande un niveau élevé d’effort lors de la PDP. Cela pourrait également contribuer au fait que l’élève perçoive que le traitement de l’autorité est juste. Chaque groupe qui pratique la philosophie se base sur un langage, sur une démarche et sur des règles (Lipman, 2011). Ces règles peuvent être établies avec les jeunes et être discutées pour mieux répondre aux besoins des élèves ou du groupe-classe : « si l’enseignant avance généralement des règles en un premier temps, les élèves peuvent aussi animer le débat et énoncer leurs propres règles, sachant qu’elles devront être respectées par tous pour que le jeu fonctionne » (Brenifier, 2007, p. 22)[3]. La règle qui demande que chacun soit attentif à l’idée de l’autre, par exemple, vise à faire en sorte que le groupe soit bienveillant, c’est-à-dire que, dans ce groupe, l’élève sente que ses idées sont écoutées et qu’elles ont de la valeur. Les élèves peuvent d’ailleurs avoir la perception que les règles favorisent la fluidité du dialogue et qu’elles leur procurent un sentiment de sécurité, de sorte que même les élèves réticents participent (Demessie et al., 2009).

Ces règles peuvent d’abord être vues sous l’angle du respect utilitaire. Les élèves peuvent apprécier le calme du dialogue et le fait de ne pas avoir à crier pour se faire entendre (Cassidy et Heron, 2020). Ils pourraient aussi vouloir respecter les règles pour éviter les conséquences. Pour la personne enseignante, les règles peuvent être utilitaires dans le sens où elles sont un moyen de soutenir les rapports à la parole et au pouvoir souhaités. Sous l’angle du respect mutuel, il est possible que les élèves appliquent les règles s’ils s’attendent à ce que les autres fassent de même. Sous l’angle du respect mérité, l’élève et la personne enseignante peuvent les appliquer parce qu’ils reconnaissent que l’accès à la parole et l’expression des idées sont un droit. D’un côté, la personne enseignante peut utiliser la PDP pour faire de l’éducation aux droits (Cassidy, 2017). De l’autre, les élèves peuvent percevoir la PDP comme une occasion d’exercer leurs droits d’accès et d’expression de la parole et peuvent reconnaître la nature réciproque de ces droits en acceptant la responsabilité d’accueillir l’opinion des autres (Barrow, 2015). De plus, les règles pourraient faire en sorte que l’élève s’engage dans des comportements jugés appropriés ou polis selon les normes venant réguler les interactions pendant la PDP. Il se peut d’ailleurs que les élèves apprécient la structure de la PDP parce qu’elle semble appuyer l’engagement et l’autorégulation (Cassidy et al., 2018).

Enfin, les règles qui s’appliquent pendant la PDP pourraient appuyer un respect inconditionnel, puisqu’elles permettent le maintien du statut d’interlocuteur valable de chaque élève et qu’elles font en sorte que le processus dialogique soit inclusif, pour chaque élève et pour chaque idée. En effet, les élèves peuvent percevoir que les ateliers de PDP les ont aidés à développer cette conscience (awareness) des autres (Kitami, 2019).

5.2.3 Une attention bienveillante envers l’élève et les idées

Sous l’angle de la bienveillance, lors de la PDP, la personne enseignante a la responsabilité de porter une attention bienveillante (bien-veiller) à l’élève et aux idées, ce qui demande un niveau élevé de sensibilité et d’effort. La PDP exige un caring thinking, qui peut être défini comme « une certaine modalité de la pensée orientée vers le souci pour les valeurs (le bien, le juste), modelée par les émotions et les relations interindividuelles et incarnée par une posture active de soin vis-à-vis des autres et des outils de la recherche philosophique collective » (Hawken, 2021, p. 20). D’une part, la responsabilité de la personne enseignante n’est pas de traiter les vulnérabilités de l’élève, mais plutôt de bien veiller à ce que l’élève se sente bien en portant une attention particulière à ses besoins. Par exemple, si l’élève a une difficulté de langage, la personne enseignante doit porter une attention bienveillante à cette vulnérabilité pour qu’il se sente à l’aise d’exprimer ses idées. Cependant, la personne enseignante ne traite pas la difficulté de langage; cela relève du rôle de l’orthophoniste. Les observations menées en classe par Cassidy et al. (2018) semblent refléter la bienveillance de la personne enseignante face aux vulnérabilités de ses élèves. Ainsi, un élève dans le spectre de l’autisme qui avait habituellement besoin d’assistance en classe participait de manière indépendante à la PDP; un autre a été capable de se retirer lui-même de l’atelier et de réintégrer le groupe par la suite lorsqu’il s’est senti apte à poursuivre le dialogue. Lors des entretiens menés par Lancaster-Thomas (2017), les élèves affirment qu’avec la PDP, ils se sentent capables d’être à l’écoute des points de vue et des sentiments de leurs pairs. L’attention bienveillante de la personne enseignante pourrait en effet lui permettre d’adapter sa parole et ses comportements pour que le processus dialogique dépasse les vulnérabilités particulières de chacun.

D’autre part, la personne enseignante a la responsabilité de prendre soin des idées, car chaque idée a une valeur dans le processus dialogique et doit donc être écoutée et comprise par le groupe. Dans l’étude de Gorard et al. (2015), les élèves qui ont pratiqué la PDP pendant plusieurs semaines ont la perception d’être plus patients lorsqu’ils écoutent les points de vue des autres. Lors de la PDP, la personne enseignante peut demander un temps d’arrêt pour qu’une idée soit bien réfléchie, pour qu’elle soit mise en relation avec d’autres, pour demander qu’elle soit évaluée, pour examiner sa contribution au développement de la recherche commune, etc. Avec la PDP, la personne enseignante est d’ailleurs encouragée à développer chez les élèves le respect des idées différentes (Zengin, 2022), qui ne sont pas accessoires, mais qui représentent le moteur de la recherche : dans le cadre de la PDP, les différences font une différence. Pour leur part, les élèves estiment que la PDP contribue à améliorer leurs relations sociales (Gagnon et al., 2013). Ils ont le sentiment d’être plus ouverts aux idées des autres et plus en mesure d’accepter et de respecter les différences.

La PDP permet de discuter des règles, d’intégrer le groupe et de s’y risquer, d’écouter l’autre et de s’intéresser à ses idées, de penser avec les autres plutôt que d’être en concurrence, en installant « une certaine distance entre celui qui parle et ce qu’il dit » (Brenifier, 2007, p. 152). Pour ce faire, la personne enseignante doit veiller à ce que le processus dialogique soit autocorrectif (Gagnon et Yergeau, 2016), c’est-à-dire que le groupe puisse revenir sur une idée, la réévaluer, la corriger, l’abandonner, etc. Avec la pratique, la plupart des élèves semblent d’ailleurs internaliser la qualité de l’autocorrection et tenir davantage compte des points de vue des autres pour élargir le leur (Benade, 2011). Le processus dialogique pourrait en effet aider les élèves de trois manières : 1) en les amenant à reformuler les propos de leurs pairs avec l’aide de la personne enseignante; 2) en utilisant l’autocorrection et en construisant sur les idées des autres; et 3) en comprenant mieux les problèmes abordés (Mourra Ferreira, 2012). Bref, l’attention accordée à chaque élève et à chaque idée semble faire du processus dialogique un processus inclusif où ni l’élève ni l’idée ne sont exclus.

Conclusion

Pour conclure, nous soutenons que les responsabilités de la personne enseignante lors de la PDP s’inscrivent dans une éthique du respect inconditionnel. Considérer l’élève comme étant capable de vérité autant que soi et traiter l’élève et chaque idée avec une attention bienveillante selon des règles justes sont des responsabilités qui requièrent un niveau élevé d’effort et de sensibilité. Ces responsabilités requièrent une éthique du respect qui dépasse celles qui se fondent uniquement sur un respect utilitaire, mérité ou mutuel. Elles requièrent que la personne enseignante porte en elle le respect inconditionnel. Selon Michaud et Gregory (2022), la personne qui prône une valeur sans la pratiquer est un sophiste. La PDP pourrait permettre que l’élève se sente respecté, parce que la personne enseignante porte en elle le respect inconditionnel qui anime son éthique professionnelle.