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Introduction

Les cours en ligne ont pris un essor important au Québec depuis plusieurs années, et davantage depuis la pandémie. Par exemple, selon le rapport de l’Institut de recherche en économie contemporaine (Duhaime, 2022), au niveau collégial, les inscriptions-cours étaient de 9 900 en 2016-2017, de 12 000 en 2019-2020 et de 265 000 en 2020-2021. Contrairement aux cours en présentiel, alors que la professeure ou le professeur est souvent seul à concevoir son cours, à donner son cours et à répondre aux questions des étudiants et étudiantes, dans les cours en ligne en asynchrone, une coopération est particulièrement nécessaire du fait que l’enseignement est normalement assumé par deux catégories de personnel : les responsables des cours représentés par des professeurs et professeures ou des spécialistes en éducation – et les responsables de l’encadrement, souvent appelés tuteurs ou encadrants.

Bien que les recherches en pédagogie universitaire portent le plus souvent sur l’enseignement, tant en présentiel qu’en ligne, cet article élargit ce champ de recherche pour y inclure la communication par courriel qui se pratique en enseignement en ligne entre les responsables des cours et les responsables de l’encadrement. Chaulet et Datchary (2014) signalent le peu d’intérêt accordé à l’utilisation du courriel dans les communications, malgré les nombreuses insatisfactions des personnes qui les utilisent, et ce, particulièrement chez le personnel enseignant. Selon eux, l’absence de règle empêche un encadrement fort de la pratique enseignante. La gestion de ce travail est laissée à l’invisibilité des pratiques professionnelles, voire à la personnalité des individus, alors qu’elle devrait être plus ouverte et plus explicite, étant donné son impact sur les activités professionnelles (Gauducheau, 2012). Cet article propose de problématiser et d’intellectualiser cette communication par courriel en s’appuyant sur une revue de la littérature.

Les questions de recherche sont les suivantes :

  1. Quels sont les inconvénients à communiquer presque exclusivement par courriel?

  2. Comment une telle communication, entre les responsables des cours et les responsables de l’encadrement dans les cours en ligne offerts en asynchrone, peut-elle être efficace?

Nous présentons tout d’abord un portrait de la communication entre ces responsables de l’enseignement dans les cours en ligne. La méthodologie utilisée, les résultats, une interprétation des résultats et une discussion par rapport à ces résultats sont ensuite exposés.

1. La communication entre les responsables de l’enseignement dans les cours en ligne

Selon nos précédentes recherches (Racette et al., 2016, 2017; Racette et al., 2019; Racette et Bourdages-Sylvain, 2018), les deux catégories de personnel qui assument la tâche d’enseignement dans les cours en ligne offerts en asynchrone – les responsables des cours et les responsables de l’encadrement – sont séparées dans le temps et dans l’espace. Le travail de conception des cours précède le travail d’encadrement des étudiants et étudiantes. De plus, les responsables des cours travaillent, selon leur préférence, à partir de leur domicile ou de l’établissement, alors que les responsables de l’encadrement travaillent généralement à partir de leur domicile. Toutefois, ces responsables se doivent de communiquer entre eux pour offrir des cours de qualité. Par exemple, le contenu théorique des cours, les activités d’apprentissage et les barèmes de correction peuvent nécessiter des ajustements, que ce soit à cause d’erreurs retracées, du besoin de plus d’explications de la part des étudiants et étudiantes ou de la nécessité de diminuer ou d’augmenter le niveau de difficulté des travaux et des examens en fonction du rythme d’apprentissage de ceux‑ci. Bien que la plupart des responsables de l’encadrement et des responsables des cours désirent que ces informations soient échangées, afin d’apporter les correctifs nécessaires, les moyens de communication utilisés dans un contexte de travail à distance ne favorisent pas de tels échanges.

Dans plusieurs cas, il en résulte un faible contrôle sur le travail de chacun, surtout dû à de mauvaises interprétations des messages échangés, à des réponses incomplètes aux questions posées, à l’absence totale de réponse ou, encore, à un positionnement souvent volontaire à l’encontre des directives (Chaulet et Datchary, 2014; Racette et Bourdages-Sylvain, 2018). La mésinterprétation des courriels et le manque d’empathie créent des inimitiés, sans compter le temps important consacré aux incompréhensions qui nécessitent immanquablement de nombreux allers-retours de courriels. Les courriels universitaires, contrairement à ceux qui sont rédigés dans d’autres milieux professionnels, sont particulièrement longs et détaillés, ce qui contribue davantage à augmenter les conflits qu’à les apaiser (Romain et Fracchiolla, 2016). Loin de permettre de coopérer dans le travail d’offre de cours, les communications faites essentiellement par courriel n’encouragent pas les échanges sociaux et rendent difficile la création d’un climat d’empathie (Fracchiolla et Romain, 2020; Gauducheau, 2012; Racette et al., 2016; 2017; Racette et Bourdages-Sylvain, 2018). La coopération est définie ici par le désir d’aller plus loin que la tâche demandée ainsi que par la manifestation de sentiments de gratitude, sans considération monétaire (Tsai et Cheng, 2012).

Plusieurs outils, plus riches en information que les courriels, pourraient être favorisés dans le travail de ces responsables de l’enseignement, et ce, pour que le message de l’interlocuteur ou de l’interlocutrice soit bien compris et que le ou la destinataire puisse y réagir adéquatement. Daft et Lengel (1986) définissent la richesse de l’information par la rapidité de compréhension d’un message à l’intérieur d’un délai donné. Le téléphone et la visioconférence (ex. : Zoom ou Teams), par exemple, sont plus riches en information que le courriel (Robinson et al., 2015; Romain et Fracchiolla, 2016). Ils donnent accès au paraverbal (ton de la voix, rythme, volume, débit), à une boucle de rétroaction plus rapide ainsi qu’au langage non verbal dans le cas des visioconférences (langage du corps). Malgré tout, c’est le courriel qui est majoritairement utilisé, surtout à cause de son indépendance au temps et à l’espace.

2. Méthodologie

Cette recherche vise à ce que les connaissances dans la conception des cours en ligne se positionnent au‑delà des aspects pédagogiques et technologiques, pour s’enrichir des pratiques reconnues dans la communication par courriel. Il s’agit d’une revue de littérature basée sur la méthodologie « herméneutique » selon Boell et Cezec-Kecmanovic (2014), qui vise à adapter la recherche de documents au fur et à mesure de l’interprétation des textes, en ajustant le nombre et les caractéristiques des textes à recenser. C’est une approche à visée descriptive, dans le cas des inconvénients qu’occasionne une communication presque exclusivement par courriel, et prescriptive, dans le cas des directives fournies dans leur utilisation efficace (De Saint‑André et al., 2010). Les critères retenus dans la catégorisation des pratiques ont été les suivants : 1) la pertinence de l’énoncé eu égard à l’objet d’étude, 2) la cohérence ou non-contradiction, 3) l’exhaustivité, 4) la crédibilité des sources, ou encore, le nombre de sources qui se confirment (Gohier, 1998).

La grille de catégorisation a émergé au fil de la recherche, laissant advenir l’inattendu. Nous avons effectué nos recherches à partir des bases de données en éducation et en sciences humaines et sociales, ERIC et Érudit, ainsi qu’à partir du moteur de recherche Google Scholar. Afin d’accéder à des documents professionnels, le navigateur Google Chrome a été utilisé. Les revues spécialisées en éducation ont aussi été consultées, telles que la Revue internationale des technologies en pédagogie universitaire (RITPU), la revue Distance et médiations des savoirs (DMS) et la Revue internationale de pédagogie de l’enseignement supérieur (RIPES). Les mots-clés suivants ont été utilisés : courriel, courrier électronique et communication, jumelés à chacun des mots suivants : travail, motivation, rédaction, stress, technostress, habiletés émotionnelles, télétravail, intelligence artificielle.

3. Résultats

Seuls les documents les plus exhaustifs ou les plus crédibles sont cités, bien que plus de 120 documents scientifiques et professionnels aient été analysés et compilés, et ce, jusqu’à ce que les nouveaux documents recensés n’ajoutent aucune valeur significative à notre recherche. Les directives et les inconvénients formulés par différents auteurs et autrices, dont le sens convergeait, ont été reformulés pour éviter la redondance des idées. Nous avons recensé les inconvénients liés à l’utilisation majoritaire de courriels pour communiquer ainsi que les directives d’efficacité dans leur utilisation, regroupées autour de ces trois variables : 1) la compréhension, 2) l’économie de temps, 3) la coopération. Un numéro est associé à chacune des directives (D), pour être repris à la figure 1, présentée plus loin.

La construction des courriels ne saurait se limiter à un seul modèle. Autant la forme et le contenu que les registres langagiers contribuent à la variété des courriels et dépendent autant des contextes culturel, organisationnel, générationnel que des intervenants eux-mêmes. Toutefois, certaines règles transversales peuvent contribuer à une efficacité de communication par courriel. Bien que le savoir-faire influe sur le savoir-être et vice-versa, nous présentons, d’une part, les inconvénients et les directives qui se rapportent à l’utilisation des courriels (savoir-faire) et, d’autre part, ceux se rapportant aux habiletés émotionnelles (savoir‑être).

3.1 L’utilisation des courriels (savoir-faire)

Selon plusieurs autrices et auteurs (Bourget, s.d; Byron, 2008; Horvitz et Iqbal, 2007; Samara et Baynton, 2022), les raisons d’utiliser les courriels se résument à l’absence de contraintes spatiales et temporelles, à une rapidité des échanges d’informations et à une disponibilité de temps de réflexion avant de répondre aux demandes. De plus, les courriels permettent à l’information de circuler facilement, directement et sans intermédiaire. Un suivi sur des échanges se fait facilement par ce moyen de communication. Toutefois, l’utilisation des courriels dans le travail est aussi associée à du technostress.

Gauthier (2009) et Kefi (2020) définissent le technostress par un mal-être physique et/ou mental dans l’utilisation des technologies, ce qui entraînerait des répercussions sur la satisfaction au travail (Bondanini et al., 2020) ainsi que moins d’engagement organisationnel (Carlotto et al., 2017; Nisafani et al., 2020; Stich et al., 2019). Bien que le technostress puisse résulter de dysfonctionnements dans les technologies ainsi que de problèmes de sécurité, selon Nisafani et al. (2020), il prend aussi naissance dans la manière de s’approprier celles-ci. Une mauvaise préparation à utiliser la technologie peut provoquer un épuisement physique et émotionnel (Bondanini et al., 2020; Carlotto et al., 2017; Nisafani et al., 2020). Sur le plan physique, par exemple, l’épuisement peut se traduire par la production d’un taux de cortisol élevé ou une fatigue oculaire. En matière d’épuisement émotionnel, les travailleuses et travailleurs peuvent devenir irritables, fatigués, en colère et développer de l’anxiété. Plus précisément, les courriels occasionnent des interruptions dans le travail, une incitation à travailler plus vite, la possibilité de rejoindre les utilisateurs n’importe où et n’importe quand ainsi que la difficulté des travailleuses et travailleurs à suivre l’évolution rapide des technologies.

Relativement à la qualité du travail, étant donné que les courriels ne favorisent pas les explications détaillées, dans des échanges majoritairement par courriel, le transfert des connaissances se fait très peu ou pas du tout (Taskin, 2006). Bien qu’au niveau universitaire, les courriels soient relativement longs, selon Fracchiolla et Romain (2020), le transfert des connaissances est entravé par les mauvaises interprétations et les conflits. Ces autrices exposent ces dérives à travers trois exemples de courriels échangés entre universitaires. Les courriels qui portaient d’abord sur un objet dégénèrent en conflit entre les personnes. La cause établie est l’impolitesse, intentionnelle ou non, pouvant perturber l’ordre social.

De plus, le travail qui se fait par courriel devient invisible aux membres du personnel qui ne font pas partie de ces échanges, entraînant une perte de vue d’ensemble du travail (Racette et al., 2019). Les interactions sociales étant presque inexistantes, un manque de confiance envers les correspondants et correspondantes est susceptible de s’installer ainsi qu’un manque de valorisation du travail réalisé. Chacun peut être vu plus négativement lorsqu’il communique par courriel que lorsqu’il communique en face-à-face, puisque les interprétations sont facilitées en l’absence du paraverbal et du non verbal (Gauducheau, 2012; Gronier, 2018). Une certaine déshumanisation des relations est susceptible de s’installer. La peur de commettre des erreurs s’intensifie, ces erreurs pouvant être fortement reprochées par les correspondants et correspondantes (Enel, 2016; Fernandez et al., 2014). De plus, ce moyen de communication offre peu de possibilités de corriger les erreurs rapidement (Pudelko, 2017; Racette et al., 2017). Il peut s’en suivre un manque d’engagement, davantage de détresse, de la dépersonnalisation et moins de considération par rapport à la position hiérarchique des correspondants et correspondantes (Carlotto et al., 2017; De la Rupelle et al., 2015).

Le caractère chronophage des courriels est reconnu, sans compter la communication incomplète ou trop lente due à l’absence du paraverbal et du langage du corps ainsi qu’à la lenteur de la boucle de rétroaction (Bourget, s.d.; Byron, 2008; Carlotto et al., 2017; Gronier, 2018; Horvitz et Iqbal, 2007; Samara et Baynton, 2022). Les erreurs écrites laissent davantage de traces que les erreurs dites et contribuent à augmenter le stress, tout comme le sentiment d’urgence et le sentiment d’affairement suscités par l’immédiateté des courriels. De plus, les interruptions fréquentes que nécessite le traitement des courriels contribuent à surcharger la tâche de l’employé (Denis et Assadi ,2005). L’attention au travail est donc fragmentée. Pour réussir à répondre à tous les courriels reçus, il n’est pas rare de constater un temps de travail quotidien allongé.

Selon Carlotto et al. (2017), le technostress dans les échanges de courriels se traduit par de l’incrédulité, de la fatigue, de l’anxiété et de l’inefficacité. Les principaux problèmes liés au contenu des courriels concernent l’impolitesse, de trop longs messages, des messages mal articulés, l’inutilité des messages ou le manque de liens avec les demandes adressées (Gronier, 2018; Nico et Thorsten, 2020). Quant aux courriels transférés, ils sont parfois décontextualisés et longs à lire, ce qui les rend difficiles à comprendre.

Il est toutefois possible de contourner ces difficultés. Selon plusieurs autrices et auteurs (Bourget, s.d.; Byron, 2008; Carlotto et al., 2017; Gronier, 2018; Horvitz et Iqbal, 2007; Samara et Baynton, 2022), une bonne utilisation des courriels professionnels implique que ceux-ci soient envoyés pendant les heures de travail seulement (D23) afin d’éviter de susciter un sentiment d’urgence chez les destinataires. Pour empêcher l’encombrement des boîtes courriel, les destinataires principaux et les destinataires en copie sont choisis minutieusement (D6), en fonction du niveau d’intervention attendu de chacun. Lorsque l’objet d’un courriel est convaincant, clair et en lien direct avec le contenu du courriel (D3), il sert de premier coup d’oeil au correspondant ou à la correspondante sur l’urgence de le lire et d’y donner suite. Il constitue également une introduction au sujet abordé et une facilité à retracer le courriel ultérieurement. De plus, l’objet est modifié lorsqu’après plusieurs échanges, le sujet traité dans le courriel a été modifié (D4).

Afin d’éviter l’encombrement de courriels, et pour que ceux-ci circulent librement, leur taille demeure réduite. Ainsi, des pièces sont ajoutées aux courriels seulement lorsqu’elles sont vraiment nécessaires (D7). Les documents Word sont convertis en format PDF (D5) avant d’être joints à un courriel afin d’optimiser leur présentation et d’éviter qu’ils soient modifiés ultérieurement. Toutefois, cette directive ne s’applique pas relativement à un texte collaboratif que les correspondants et correspondantes s’échangent par courriel. Dans un tel cas, afin de travailler sur la bonne version, ceux-ci datent ou numérotent les fichiers par rapport aux différentes versions envoyées, ou encore, les initialisent afin d’identifier le dernier correspondant ou la dernière correspondante qui y a travaillé (D16). Le courriel ne comprend que l’essentiel d’un message (D1). Afin de faciliter les échanges, lorsque plusieurs points doivent être discutés, ou pour converser, un autre moyen de communication est utilisé, tel que le téléphone ou la visioconférence (D10).

La formule d’appel adaptée au ou à la destinataire (Bonjour; Chère unetelle; Madame X; etc.) (D13) est normalement suivie d’une mise en contexte (D14), aussi appelée « phrase d’accroche », qui sert à préparer le ou la destinataire à ce qui va suivre (ex. : À la suite de notre rencontre; Tout d’abord, je vous remercie pour votre document; etc.). La mise en contexte est adaptée au degré de proximité qui existe avec le ou la destinataire. Par rapport au contenu du message, afin d’en faciliter la lecture ainsi que la compréhension, il est bien organisé, cohérent, court et bien articulé (D2).

Avant de répondre à un courriel, le correspondant ou la correspondante s’assure que la demande lui est bien adressée, c’est-à-dire qu’il ou elle n’est pas simplement mis en copie (D9), évitant que plusieurs personnes répondent inutilement à un même message. Les demandes adressées par courriel reçoivent une réponse dans les 24 heures (D22), même s’il s’agit simplement d’informer du moment où le correspondant ou la correspondante compte y revenir. Pour les contenus qui peuvent entraîner des conséquences importantes sur le travail ou sur les émotions des correspondants et correspondantes, avant d’envoyer un courriel, un brouillon est enregistré afin de le relire un peu plus tard (D17), à tête reposée, et de s’assurer qu’il reflète bien le message à transmettre. Un tel recul est également nécessaire pour éviter qu’un mot ou une phrase ait pu faire oublier le reste du message ou, encore, ait pu faire réagir trop fortement, pouvant occasionner une réponse inappropriée. Dans le cas d’un transfert de courriel, l’autorisation aux précédents correspondants et correspondantes est demandée (D25). Lorsque le courriel à transférer comprend plusieurs échanges, l’essentiel en est résumé et les attentes par rapport aux nouveaux destinataires sont formulées (D19), afin d’éviter que ces derniers soient dans l’obligation de lire toute la correspondance.

Un message se termine avec une impression positive (D24), par exemple, en sollicitant une action, en remerciant ou en invoquant une perspective à venir. La formule de politesse est adaptée à la nature de la relation professionnelle et au degré de proximité qui existent entre les intervenants (ex. : Cordialement; Bonne journée; etc.). La dernière section, la signature, permet de fournir des informations sur l’expéditeur et les moyens pour le rejoindre (D8). Puisqu’elle constitue sa marque de commerce, une signature automatisée relativement courte est utilisée, comprenant le nom du correspondant ou de la correspondante et son titre, sa position dans l’organisation, le statut juridique, l’adresse et le site Web de l’organisation ou l’adresse de son propre site Web, son numéro de téléphone, son adresse courriel et, si désiré, les liens vers les médias sociaux qu’il ou elle utilise.

Dans la boîte courriel, il est possible de prioriser les courriels à traiter en utilisant les signets de couleur (D12), placés au bout de chaque courriel, en fonction de la signification qu’on leur attribue. Par exemple, le rouge peut signifier « Urgent », le vert « Pour référence », etc. Lorsqu’un courriel comprend plusieurs destinataires, la fonction « Réponse à tous » n’est utilisée que lorsqu’elle est vraiment nécessaire (D11), afin d’éviter l’encombrement des courriels. Une réponse adressée exclusivement à l’expéditeur suffit dans la plupart des cas. Si une réponse est attendue de plusieurs personnes, après en avoir convenu, il peut être aidant que les correspondants et correspondantes répondent en apposant leurs initiales à la suite de l’objet, ou à la suite des initiales de quelqu’un d’autre dans l’objet (D18), permettant ainsi à l’expéditeur de retracer plus facilement les réponses de chacun et chacune.

3.2 Les habiletés émotionnelles à traiter les courriels (savoir-être)

Étant donné que les correspondants et correspondantes montrent moins de retenue devant un écran que devant une personne, certains courriels laissent transparaître des émotions agréables et, parfois même, davantage que lors de conversations en face-à-face. Mais, l’inverse est aussi vrai. Du fait que l’énergie émotionnelle est plus rapide que la pensée, des émotions désagréables sont parfois exprimées sans retenue (Carlotto et al., 2017; Romain et Fracchiolla, 2016). Lorsque les courriels souffrent d’un manque d’habiletés émotionnelles, en plus d’être stressants, ils peuvent devenir blessants et générer de la méfiance (Centre d’études sur le stress humain, 2019). La qualité du travail en souffre tout comme le bien-être des individus. De plus, les émotions tendent à être imitées par l’entourage. Elles seraient contagieuses (van Hoorebeke, 2008), d’où l’importance de bien gérer ses émotions avant qu’elles ne constituent du stress pour soi‑même et pour les autres.

Les émotions de base sont au nombre de six : la peur, la tristesse, la joie, la colère, la surprise et le dégoût (Damasio, 1999). Les autres émotions sont dites secondaires ou d’arrière-plan. Par exemple, le fait d’être enragé, frustré, furieux ou irrité, se rapporte à la colère ou, le fait d’être angoissé ou désorienté se rapporte à la peur. Une émotion désagréable est le signal qu’un besoin n’est pas satisfait. Par exemple, la peur signale un danger; la tristesse, un manque; la colère, une injustice (École d’administration publique, 2021). Pour limiter le stress émotionnel, il ne s’agit surtout pas d’éviter d’avoir des émotions ni d’éviter de les observer. Les émotions désagréables ont leur utilité. Elles constituent des avertissements pour amener l’individu à s’occuper de ce qui ne va pas. Malgré tout, un équilibre est à rechercher entre se laisser submerger par les émotions et les réprimer totalement (Damasio, 1999).

La gestion des émotions porte sur une dimension personnelle, par la capacité d’introspection afin de comprendre ses propres émotions. Elle porte aussi sur une dimension interpersonnelle, par la capacité à comprendre les émotions des autres personnes et d’y réagir d’une façon constructive. Selon Goleman (1997), l’individu se sert de ses émotions pour apprendre par rapport à lui-même, par rapport aux autres, et par rapport aux situations (D35). Il s’assure d’y voir clair avant de s’exprimer. La gestion des émotions permet de limiter les réflexes de résistance (Byron, 2008). Orientée vers l’intérieur, elle permet de déterminer les émotions en cause et de les analyser, avec bienveillance envers soi-même et les autres (D21). En s’attardant au contenu informationnel plutôt qu’à la charge émotionnelle d’un courriel (D15), le risque de conflit s’en trouve diminué (Fracchiolla et Romain, 2020). Pour se donner le temps de réflexion nécessaire à la bonne gestion des émotions, avant de réagir impulsivement, plusieurs stratégies peuvent être mises en place. Par exemple, lorsqu’il est particulièrement difficile d’y voir clair, une réflexion de quelques minutes sur la situation ou, même, de plusieurs heures dans certains cas, permet de se calmer et de voir le problème autrement. Il est également aidant d’écrire le problème que suscite un courriel, en prenant le soin d’envisager plusieurs solutions possibles, afin d’augmenter la probabilité de choisir la meilleure. L’expéditeur qui manifeste de bonnes intentions est susceptible d’attirer les bonnes grâces des correspondants et correspondantes et de donner davantage de sens aux informations échangées. De tels courriels contribuent au maintien de relations dotées de confiance, de valorisation et de respect (Kourilsky, 2014; Loisier, 2009), en plus de permettre de travailler sur les causes réelles des problèmes. L’individu va au‑delà de ses perceptions premières, et ajuste ses pensées et ses comportements afin de susciter des impacts positifs sur ses propres émotions et celles des autres (Goleman, 1997). Une bonne gestion des émotions favorise la performance au travail, la spontanéité et la confiance (van Hoorebeke, 2008).

Selon Fracchiolla et Romain (2020), la coopération entre universitaires repose principalement sur la politesse interactionnelle dans les courriels, allant de l’anti-menaçant (s’il vous plaît; merci; etc.) à l’expression de désaccord et au refus de coopérer. Lorsque plusieurs adresses courriel sont mises en copie, et qu’un discours dépréciatif est utilisé, il y a un risque d’une montée en tension de l’ensemble des correspondants (Romain et Fracchiolla, 2016). Pour créer des courriels non menaçants, Gauthier (2009) et De la Rupelle et al. (2015) proposent que l’individu soit à l’affût de son langage interne, pour que celui‑ci soit constructif (D26). Il évite ainsi d’amplifier un malaise que provoque un courriel ou de dramatiser une situation. Mais, que les échanges proviennent d’un courriel ou d’un autre moyen de communication, pour arriver à gérer ses émotions de façon constructive, de l’énergie y est consacrée (CESH, 2019) (D33). Le correspondant ou la correspondante s’efforce de manifester un bon état d’esprit envers le ou la destinataire (D34), et évite ainsi que le texte ne trahisse les pensées négatives qu’il aurait pu avoir. L’expéditeur tente de manifester son empathie (D32) ou, encore, de faire ressentir son sourire, sans toutefois en faire trop. C’est une question de jugement. Par exemple, voici quelques pensées qui contribuent à se mettre dans de bonnes dispositions envers le correspondant ou la correspondante : la situation dans laquelle il se trouve est probablement difficile; il subit sûrement beaucoup de pression; il fait probablement tout ce qu’il peut dans les circonstances; ou encore, il n’est pas parfait, personne ne l’est. De plus, il est possible de distraire un correspondant ou une correspondante qui manifeste de la colère en ayant de l’empathie (D32) pour ses émotions. Le dialogue en visioconférence, au téléphone ou en face-à-face, plus riche en interactions, se prête davantage à la formulation de critiques qui invite à beaucoup d’échanges, ainsi que pour désamorcer une mésentente (D27). En outre, l’expression des émotions dans les courriels est à éviter (D20), car elles sont difficiles à écrire et fastidieuses à lire.

Un équilibre est à rechercher dans l’intensité des propos et le ton utilisé. Un style trop formel signale le désir de garder ses distances et de se positionner au-dessus, alors qu’un style trop familier est inapproprié dans un contexte professionnel. Un ton neutre (D36) permet de garder l’attention sur le contenu informationnel, plutôt que de laisser les émotions désagréables prendre toute la place et d’en venir aux menaces, aux insultes ou aux reproches (Gronier, 2018; Kourilsky, 2014; Loisier, 2009; Romain et Fracchiolla, 2016). Une validation de ses perceptions (D31) permet d’éviter de croire que tout va bien ou que tout va mal. Finalement, démontrer de la courtoisie (D28), utiliser des formules de politesse adéquates et valoriser l’interlocuteur ou l’interlocutrice, lorsque la situation s’y prête (D29), permettent de faire preuve de civisme et de respect, nécessaires à de bonnes relations (Romain et Fracchiolla, 2016). À titre d’exemples, en annexe, des courriels dont les habiletés émotionnelles sont peu constructives et d’autres plus constructives sont présentés.

Pour simplifier la tâche dans la rédaction des courriels, l’intelligence artificielle (IA) peut être attrayante. Selon Ferguson (2019), l’IA pourrait avoir pour effet de diminuer les habiletés sociales des travailleurs ainsi que de déshumaniser les pratiques. Dans ce sens, l’IA vient en opposition avec une bonne gestion des émotions qui vise à démontrer de l’empathie envers le correspondant ou la correspondante, dans le but de bâtir une relation de confiance (D30).

4. Interprétation

Pour répondre à la première question de recherche qui porte sur les inconvénients à communiquer presque exclusivement par courriel, nous retenons les interruptions fréquentes dans le travail, l’incitation à travailler plus vite et la possibilité d’être joint ou jointe n’importe où et n’importe quand. Les interactions sociales étant pratiquement inexistantes, il y a peu de possibilités de corriger les erreurs rapidement et la communication est souvent incomplète et trop lente. Ces conditions de communication démotivent, sans compter le manque de valorisation des uns et des autres dans un tel contexte. Dans un sentiment d’urgence et d’affairement, les correspondantes et correspondants sont amenés à mal interpréter les courriels, surtout ceux qui ne sont pas bien organisés. De plus, le manque d’interactions sociales amène une méfiance de l’autre, qui peut se cristalliser avec le temps. Les courriels blessants et stressants génèrent de la méfiance et ont un impact négatif sur la qualité de la communication. Cette méfiance augmente la peur de faire des erreurs qui ne manqueraient pas d’être reprochées.

Par rapport à la deuxième question de la recherche, qui concerne l’efficacité d’utiliser les courriels dans l’acte d’enseigner dans les cours en ligne, nous reportons à la figure 1 un résumé des directives recensées ainsi que le numéro attribué à chacune d’elles.

Ce classement vise à fournir une vue d’ensemble des directives d’efficacité dans l’utilisation des courriels, efficacité que cette recherche nous amène à définir par ces trois variables : 1) la compréhension, 2) l’économie de temps, 3) la coopération dans l’utilisation des courriels. Ainsi, 2 directives se rapportent à la compréhension, 7 à l’économie de temps et 15 à la coopération. Toutefois, comme la bonne compréhension d’un message fait aussi économiser du temps, nous avons recensé 3 directives relativement à ces deux variables. De plus, 3 directives se rapportent à la compréhension et à la coopération, 2 à l’économie de temps et à la coopération et, finalement, 4 directives nous semblent se rapporter aux trois variables simultanément, pour un total de 36 directives.

5. Discussion

Il n’est pas étonnant que la communication par courriel entraîne des difficultés chez les responsables dans l’acte d’enseigner, dans les cours en ligne offerts en asynchrone, étant donné le technostress et la charge émotionnelle qu’elle génère. Comme le constate Gauducheau (2012), les courriels concourent à des débordements de tâche ainsi qu’aux malentendus et aux conflits. Ils donnent un sentiment de maîtrise et de liberté jusqu’à ce qu’ils soient trop problématiques, pratiquement, psychologiquement, cognitivement et temporellement, menant à une servitude envers l’outil (Chaulet et Datchary, 2014). Parce que ces responsables travaillent à distance les uns des autres, qu’ils se connaissent peu ou pas du tout, alors que leur travail est fortement complémentaire, leur situation exige une communication par courriel particulièrement efficace. Pour le moment, aucune directive ne guide leur travail à ce chapitre. Pourtant, comme le signalent Nisafani et al. (2020), une bonne utilisation des technologies dépend en grande partie d’une bonne préparation des travailleurs et travailleuses à les utiliser. Nous avons donc répertorié les inconvénients à communiquer exclusivement par courriel mais, surtout, les directives qui permettent d’en tirer la meilleure efficacité.

Figure 1

Directives d’efficacité dans la communication par courriel en enseignement en ligne

Directives d’efficacité dans la communication par courriel en enseignement en ligne

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Ces directives recensées dans l’utilisation efficace des courriels ont été regroupées autour des variables de compréhension, d’économie de temps et de coopération. Notons que la coopération implique de travailler dans la gratitude et dans le désir d’aller plus loin que la tâche demandée. Il s’agit d’un objectif particulièrement exigeant dans une communication presque exclusivement par courriel dans un contexte d’enseignement, en l’absence de règles pour réguler les attentes et développer des interactions négociées (Fracchiolla et Romain, 2020). C’est probablement ce qui explique que les pratiques existantes sont souvent éloignées de celles qui sont privilégiées dans la littérature.

Toutefois, ces directives doivent être balisées en termes d’importance les unes par rapport aux autres dans le contexte du travail dans les cours en ligne en mode asynchrone. Certaines d’entre elles semblent plus essentielles que d’autres, telles que celles de garder l’attention sur le contenu informationnel plutôt que sur la charge émotionnelle (D15) et de valider ses perceptions (D31), comparativement à présenter les pièces jointes en format PDF (D5) ou de n’envoyer des courriels que pendant les heures de travail (D23). De plus, cette dernière directive peut être particulièrement contraignante dans le contexte où les responsables de l’encadrement seraient appelés à travailler à des heures irrégulières.

Pour limiter les mauvais courriels, le recours à l’IA permettrait d’en écrire plus facilement, mais manquerait certainement de sincérité. De tels courriels feraient ombrage à la coopération dans les échanges, particulièrement nécessaire dans ce contexte où le travail de l’un complète le travail de l’autre dans les cours en ligne offerts en asynchrone. À la limite, ce sont les machines qui échangeraient entre elles, générant une pauvreté de relation.

Conclusion

Une communication presque exclusivement par courriel, qui ne repose sur aucun repère, peut devenir inefficace dans le travail et affecter le bien-être des individus, surtout à cause du technostress et de la charge émotionnelle qu’elle génère. Notre revue de littérature nous a permis de mettre en lumière les écueils, qui ne manquent pas de se présenter dans une communication par courriel, ainsi que de regrouper les directives pour une utilisation efficace des courriels, celles‑ci étant réparties entre les variables de compréhension, d’économie de temps et de coopération. Nous considérons que ces liens sont nécessaires pour faire progresser l’efficacité dans le travail d’enseignement dans les cours en ligne offerts en mode asynchrone. Le caractère novateur des directives en lien avec les difficultés rencontrées dans un travail à distance, dans l’acte d’enseigner en ligne, pourra permettre d’entreprendre des recherches plus poussées.

Une recherche terrain permettrait d’évaluer dans quelle mesure les inconvénients recensés se retrouvent dans la communication par courriel entre les responsables de l’enseignement dans les cours en ligne. Une recherche pourrait également confirmer, infirmer ou compléter les directives qui visent une plus grande efficacité dans leurs communications par courriel. Mais, au‑delà de la bonne utilisation des courriels, d’autres éléments doivent être pris en compte pour que ce moyen de communication soit davantage aidant pour les individus et les établissements d’enseignement, tels que l’adoption d’une politique d’utilisation du numérique, qui pourrait inclure, entre autres, le droit à la déconnexion chez les enseignants et enseignantes (Chaulet et Datchary, 2014) ainsi que de directives par rapport à la séparation de la vie professionnelle et de la vie privée (Carlotto et al., 2017; Nico et Thorsten, 2020). Une politique de civilité, qui fait son apparition de plus en plus dans les organisations, pourrait également contribuer à renforcer la coopération entre ces responsables dans leurs échanges de courriels (Couture, 2022; Laborde, 2019). En fait, les technologies apportent de grands avantages. Elles ont permis d’offrir de l’enseignement en ligne, que les établissements d’enseignement adoptent de plus en plus pour répondre à la demande croissante des étudiants et étudiantes. Elles ont également permis d’utiliser différents moyens pour communiquer et, même, de travailler à distance. Bien que ces changements soient aidants, ils présentent des inconvénients qui exigent certainement des correctifs dans leur utilisation.