Corps de l’article

Introduction

Depuis l’universitarisation de la formation infirmière en 2009, l’hybridation des dispositifs a transformé le système global de formation des Instituts de Formation en Soins Infirmiers (IFSI). Dès lors, les étudiantes et étudiants infirmiers peuvent être amenés à effectuer certaines activités d’apprentissage en distanciel. De plus, le référentiel de formation avance le fait que l’étudiante ou l’étudiant doit être avant tout considéré par les équipes éducatives comme un sujet autonome, auteur et acteur de sa formation. Tous ces aspects liés à cette réforme induisent la mise en oeuvre de nouvelles pratiques d’accompagnement des étudiantes et étudiants infirmiers dans un objectif d’autonomisation dans leurs apprentissages en contexte hybride.

Cette question de l’autonomisation accompagnée est d’autant plus cruciale que les IFSI se trouvent confrontés à un problème d’abandon des études, en particulier au cours de la deuxième année. Plusieurs travaux (Blangeois et al., 2009; Lamaurt et al., 2011) ont souligné notamment le mal-être de ces étudiantes et étudiants, dont le vécu douloureux aurait un effet sur leur sentiment d’autoefficacité à persister dans leurs études. De plus, pour ceux provenant directement de l’enseignement secondaire, la transition vers l’enseignement supérieur est souvent difficile à vivre. En effet, ils se retrouvent dans un dispositif de formation où, pour apprendre, ils doivent développer des capacités d’autorégulation. Ces dernières sont d’autant plus nécessaires dans un contexte d’hybridation alliant des modalités en présentiel et à distance (Depover et al., 2011). En conséquence, sans l’acquisition de compétences d’autorégulation, les étudiantes et étudiants infirmiers risquent de ne pas arriver au terme de leurs trois années de formation et d’abandonner leurs études. Afin de limiter ces abandons, chacune de ces personnes bénéficie, durant ses trois années d’études, d’un accompagnement de la part d’un formateur référent ou d’une formatrice référente.

Ainsi, l’hybridation des IFSI sollicite, entre autres, la capacité à l’autorégulation des étudiantes et étudiants infirmiers. Comme le rappelle Cosnefroy (2010, 2011), l’autorégulation ne se limite pas à un répertoire de stratégies efficaces pour apprendre. En d’autres termes, elle ne se réduit pas à la mise en oeuvre conjointe de stratégies cognitives et métacognitives. Des stratégies d’un autre type, dites « volitionnelles », sont également sollicitées : elles portent sur l’ensemble des processus de contrôle de l’action qui permettent de maintenir l’effort et la concentration. A contrario des stratégies cognitives et métacognitives d’autorégulation, les stratégies volitionnelles n’interviennent pas directement sur l’acte d’apprendre. Elles ont pour rôle de protéger l’intention d’apprendre en régulant notamment la motivation, l’émotion et l’attention.

La recherche présentée dans cet article vise deux objectifs interdépendants. Le premier est de vérifier l’existence de liens entre les stratégies volitionnelles adoptées par des étudiantes et étudiants d’un IFSI et deux autres dimensions spécifiques : d’une part, leur perception de l’accompagnement réalisé par leur formateur référent ou leur formatrice référente, et d’autre part, leur sentiment d’autoefficacité à persister en formation. Le terme de « perception » renvoie, d’après Cosnefroy (2011), à l’interprétation qu’une personne a de l’environnement dans lequel elle se trouve. Quant au second objectif, il vise à comprendre la nature des liens ainsi établis. Par conséquent, l’étude empirique est à la fois descriptive corrélationnelle et compréhensive, mais à dominante qualitative car sous-tendue par un paradigme interprétatif.

Les liens initialement supposés entre les trois dimensions centrales de cette recherche sont formalisés schématiquement en figure 1 ci-après. Cette dernière se lit selon le processus hypothétique suivant :

  • La perception qu’ont les étudiantes et étudiants infirmiers de l’accompagnement apporté par leur formateur référent ou leur formatrice référente a une influence sur les stratégies volitionnelles qu’ils utilisent durant leurs activités d’apprentissage présentielles et à distance (hypothèse 1).

  • À leur tour, ces stratégies ont un effet sur leur sentiment d’autoefficacité à persister en formation (hypothèse 2).

  • Enfin, la perception qu’ont ces étudiantes et étudiants de l’accompagnement apporté par leur formateur ou leur formatrice a un effet sur leur sentiment d’autoefficacité à persister en formation (hypothèse 3).

Figure 1

Formalisation schématique des trois hypothèses de recherche

Formalisation schématique des trois hypothèses de recherche

-> Voir la liste des figures

Après une brève description des concepts au coeur de chacune des trois dimensions à l’étude, l’article présente le contexte de l’étude empirique ainsi que quelques caractéristiques des étudiantes et étudiants interrogés. Puis il décrit la méthodologie d’analyse des données recueillies par questionnaire et par entretien auprès d’étudiants et étudiantes de deuxième année en IFSI, ainsi que les principaux résultats obtenus, ce notamment au regard des trois liens hypothétiques initialement posés. Enfin, il discute ces résultats, en examinant particulièrement le rôle joué voire l’influence exercée par le dispositif hybride sur la force et la nature des liens observés.

1. Stratégies volitionnelles, perception de l’accompagnement et sentiment d’autoefficacité

Sur le plan international, les stratégies volitionnelles sont moins étudiées que les stratégies cognitives et métacognitives d’autorégulation. Elles renvoient à la régulation motivationnelle de l’apprentissage. Cependant, comme le souligne Cosnefroy (2011), bien que les dimensions métacognitives et motivationnelles de l’autorégulation des apprentissages soient distinctes, elles restent néanmoins en interaction constante. En outre, si les stratégies volitionnelles trouvent un relatif écho dans la recherche auprès des enfants scolarisés, peu de travaux portent sur celles d’étudiants et étudiantes du supérieur et d’adultes en formation. D’une manière générale et quel que soit le public concerné, ces stratégies spécifiques permettent à l’individu de maintenir intentionnellement son engagement dans des activités dirigées par des buts : en l’occurrence ceux de se former et d’élargir ses connaissances, à des fins d’acquisition de professionnalisation, d’évolution personnelle ou encore de mobilité professionnelle. Plus précisément, elles soutiennent le fait de persister en formation et dans ses apprentissages ou, en d’autres termes, de maintenir ses efforts dans la durée, et ce, malgré les obstacles internes ou externes éventuellement rencontrés. Ainsi, les stratégies volitionnelles constituent un des leviers majeurs pour atteindre le but fixé en conjuguant, entre autres, l’influence de dimensions environnementales et celles plus personnelles au profit de sa propre persistance en formation et dans ses activités d’apprentissage. Dans la présente recherche, nous analysons les relations entre les stratégies volitionnelles des étudiants et étudiantes et deux dimensions internes et subjectives : leur perception de l’accompagnement apporté par le formateur référent ou la formatrice référente et leur sentiment d’autoefficacité à persister en formation.

Avant de décrire succinctement ce que recouvrent ces deux dimensions sur le plan conceptuel, il convient de présenter rapidement la taxonomie des stratégies volitionnelles adoptée pour cette recherche.

1.1 Les stratégies volitionnelles

Pintrich (1999, 2003, 2004), Zimmerman (1990, 2008), Corno (2001) ou encore Wolters (2003) font partie des chercheuses et chercheurs qui ont significativement contribué à produire des connaissances sur la volition dans l’apprentissage et principalement en milieu scolaire. Ils ont notamment en commun d’avoir élaboré des taxonomies de stratégies volitionnelles. Cependant, comme le pointe Cosnefroy (2010), les taxonomies produites divergent quelque peu : soit elles portent sur des processus identiques mais ne sont pas nommées de la même manière, soit elles classent ces processus différemment. De plus, les convergences ne sont pas suffisamment solides pour qu’un consensus scientifique entre ces auteurs puisse s’établir et proposer une taxonomie commune. Ce constat complique les recherches menées dans ce domaine à la fois sur les plans conceptuel et méthodologique. Pour contrer ou lever cette difficulté, Cosnefroy (2011) propose une nouvelle taxonomie, tout en intégrant les travaux de Kuhl (1987), Pintrich (1999) et Corno (2001). La particularité de celle-ci est de structurer les différentes catégories de stratégies volitionnelles en processus internes et externes d’autorégulation (tableau 1).

Tableau 1

Catégorisation des stratégies volitionnelles selon Cosnefroy (2011)

Catégorisation des stratégies volitionnelles selon Cosnefroy (2011)

-> Voir la liste des tableaux

Les processus internes d’autorégulation renvoient aux stratégies de régulation de la cognition ainsi qu’aux stratégies de contrôle de la motivation et des émotions. Ces stratégies permettent de résister aux distractions potentielles et aux tentations et, de surmonter la fatigue et l’ennui, tout en faisant face aux difficultés. En outre, les stratégies de contrôle de la motivation consistent à instaurer des buts de maîtrise, se manifestant alors par une volonté d’accroître ses propres connaissances, révélatrice d’une motivation intrinsèque. Quant aux processus externes d’autorégulation, ils correspondent aux stratégies de contrôle de l’environnement, aux stratégies d’accroissement des ressources disponibles et de structuration du temps. Ces stratégies ont une double fonction : se préserver de la distraction et créer un climat d’apprentissage favorable.

Cette taxonomie proposée par Cosnefroy (2011) a été mobilisée dans les recherches conduites par le groupe AdAPTE sur les stratégies volitionnelles (Baillet et al., 2016; Houart et al., 2019; Poncin et al., 2017). Plus précisément, elle a servi de point d’appui conceptuel à l’élaboration d’un questionnaire intitulé Se mettre au travail et y rester (Baillet et al., 2016). Ce questionnaire a été utilisé lors de la présente recherche afin d’étudier les stratégies volitionnelles adoptées par des étudiantes et étudiants infirmiers durant leurs activités d’apprentissage. Il est présenté plus loin dans l’article.

1.2 La perception de l’accompagnement

La distinction entre « accompagnement » et « tutorat » n’est pas toujours aisée. Pour Glikman (2011), le tutorat s’oriente essentiellement vers une aide pédagogique proposée à la personne apprenante. Quant à l’accompagnement, il intègre, selon l’auteure, des aspects supplémentaires tels que motivationnels, socioaffectifs ou métacognitifs. En outre, si dans la littérature le terme de « tuteur » désigne communément celui qui accompagne des personnes apprenantes en dispositif à distance ou hybride, celui de « formateur », quant à lui, est davantage utilisé dans les formations présentielles. Enfin, à l’instar de Peraya et al. (2014), on peut considérer le dispositif hybride comme intégrant l’ensemble des caractéristiques des formations présentielles et à distance. Ainsi, comme le contexte de réalisation de la présente étude porte sur le dispositif hybride de formation, cette recherche s’appuie sur les travaux réalisés autant sur l’accompagnement que sur le tutorat. En synthèse de travaux de recherche réalisés par plusieurs auteurs (Alava et Pruvost-Safourcade, 2008; Berrouk et Jaillet, 2013; De Lièvre, 2005; Denis, 2003; Depover et al., 2011), Rodet (2012) décline la fonction d’accompagnement du formateur ou de la formatrice en dispositif hybride en sept aspects (tableau 2).

Tableau 2

Les sept aspects de la fonction d’accompagnement du formateur ou de la formatrice en dispositif hybride (Rodet, 2012)

Les sept aspects de la fonction d’accompagnement du formateur ou de la formatrice en dispositif hybride (Rodet, 2012)

-> Voir la liste des tableaux

Le premier aspect de l’accompagnement porte sur l’accueil et l’orientation de la personne apprenante. Pour Rodet (2012) et Paul (2009, 2012), cet aspect consiste, entre autres, à lui expliquer les valeurs et le projet de l’établissement afin qu’elle puisse éventuellement ressentir un sentiment d’appartenance. Le deuxième concerne l’aspect organisationnel de l’accompagnement. Il aide la personne apprenante à développer une organisation afin d’exercer son autonomie en formation (Paul, 2012; Rodet, 2012). Quant au troisième, l’aspect pédagogique de l’accompagnement, Burton et al. (2011) et Rodet (2011, 2012) s’accordent à dire qu’il consiste notamment à aider la personne apprenante à résoudre ses difficultés d’apprentissage ou méthodologiques. Le quatrième, qualifié de « socioaffectif et motivationnel » fait référence, comme le pointent Glikman (2002, 2011), Paul (2009, 2020) et Rodet (2011), à une relation individualisée, ajustée entre besoins et attentes de la personne accompagnée. Dans l’accompagnement technique, le formateur ou la formatrice encourage particulièrement la personne apprenante à utiliser les outils numériques en formation (Rodet, 2012). Pour l’aspect métacognitif, il consiste à l’aider à exercer sa réflexivité. Selon Paul (2009, 2012) et Beauvais (2009), ce procédé métacognitif favorise la responsabilisation de la personne accompagnée. Enfin, le septième et dernier aspect consiste, quant à lui, à aider la personne apprenante dans la préparation de ses évaluations.

Cette caractérisation de la fonction d’accompagnement en sept dimensions est le point d’appui pour l’élaboration d’un questionnaire conçu selon les besoins spécifiques de la présente recherche. Celui-ci vise à cerner les perceptions d’étudiantes et étudiants infirmiers de l’accompagnement mené par leur formateur référent ou leur formatrice référente et, par conséquent, à appréhender la deuxième dimension centrale au coeur de ce travail.

1.3 Le sentiment d’autoefficacité à persister en formation

Le sentiment d’autoefficacité renvoie au fait de se sentir capable d’exercer un contrôle sur ses comportements pour les mener à bien, et ce, en interaction avec l’environnement et en fonction du but visé (Bandura, 2003). Il constitue l’un des moteurs des stratégies d’autorégulation des conduites humaines, dont les volitionnelles. Le sentiment d’autoefficacité participe à la régulation du comportement humain. Il constitue une source motivationnelle majeure à l’engagement dans l’activité et au regard du but fixé. Dans le domaine de la formation, comme le précise Bandura (2009), plus le sentiment d’autoefficacité d’une personne apprenante est élevé, plus elle est en mesure de persister dans ses études. De ce fait, il existe un lien, sur le plan théorique, entre le sentiment d’autoefficacité et la persistance dans un comportement. L’articulation entre ces deux concepts est d’autant plus importante à établir que l’une des trois dimensions de ce travail de recherche est le sentiment d’autoefficacité à persister en formation.

Sur le plan empirique, en particulier psychométrique, Bandura (2003) conseille d’utiliser des outils adaptés au contexte dans lequel le sentiment d’autoefficacité est mesuré. Heutte (2011) a notamment suivi cette préconisation pour construire l’échelle du sentiment d’autoefficacité en formation. Cette échelle a été adaptée de celle produite en 2003 par Follenfant et Meyer. Elle est utilisée dans la présente étude empirique afin d’étudier le sentiment d’autoefficacité en formation des étudiantes et étudiants infirmiers.

Comme souligné en introduction, cette étude empirique s’appuie sur une démarche mixte à dominante qualitative, dont le paradigme est interprétatif. Elle comporte une double visée : descriptive corrélationnelle et compréhensive. En conséquence et pour traiter les hypothèses (figure 1), elle se déroule en deux phases complémentaires. Tout d’abord, il s’agit de vérifier l’existence (ou non) d’un lien entre les trois dimensions précédemment décrites, pour ensuite déterminer la force et la direction de ce lien. Cette première phase est menée à partir des réponses d’étudiantes et étudiants infirmiers à un questionnaire en ligne (effectué par Google Forms). L’objectif de la seconde phase est de comprendre la nature de ce lien, ce à partir des propos recueillis lors d’entretiens individuels auprès d’étudiantes et étudiants volontaires et ayant répondu au questionnaire. Cependant, dans la première phase de l’étude, le sentiment d’autoefficacité en formation est mesuré sans la notion de persistance. C’est lors de la deuxième phase empirique que le sentiment d’autoefficacité des étudiantes et étudiants à persister en formation est étudié. Ce choix s’appuie sur les propos de Fortin et Gagnon (2016), soulignant la complémentarité des phases quantitative et qualitative dans les méthodologies mixtes. Avant de développer la méthodologie mise en oeuvre, il convient de préciser le contexte de l’étude ainsi que les principales caractéristiques des étudiantes et étudiants infirmiers sollicités pour cette étude empirique.

2. L’étude empirique menée auprès d’étudiantes et étudiants en soins infirmiers

2.1 Le contexte de l’étude empirique et les caractéristiques des étudiantes et étudiants sollicités

Au moment du recueil de données, les étudiantes et étudiants infirmiers appartiennent à la promotion 2018-2021 d’un IFSI de la région lyonnaise. Ils sont inscrits en deuxième année de formation. Le choix de ce terrain d’investigation est lié à la mise en oeuvre d’une hybridation des modalités pédagogiques, notamment au travers des activités d’apprentissage proposées aux étudiantes et étudiants. Tout comme nombre de dispositifs hybrides (Peraya et al., 2014), il est caractérisé par cinq grandes composantes : 1) la mise à distance et les modalités d’articulation des phases présentielles et distantes; 2) l’accompagnement humain; 3) les formes particulières de médiatisation et 4) de médiation liées à l’utilisation d’un environnement technopédagogique; et enfin, 5) le degré d’ouverture du dispositif. Le résultat du test de positionnement HySup[1] (2012‑2019) place ce dispositif dans la catégorie des « dispositifs hybrides centrés sur l’apprenant ». Plus précisément encore, à l’intérieur de cette catégorie, il le situe dans le type dit « métro », ce qui signifie qu’il se distingue par un accompagnement de proximité de la part des formateurs et formatrices. Quant au choix du public pour réaliser cette étude, il résulte du fait que la question de la persistance dans les études est plus aiguë en deuxième année de formation, comme précisé en introduction.

Sur les 56 étudiantes et étudiants de deuxième année sollicités, 44 ont répondu au questionnaire en ligne. Quant au panel des étudiantes et étudiants interviewés, il est constitué des 22 personnes répondantes au questionnaire qui ont accepté d’être reçues en entretien. Comme le montre le tableau 3, celles-ci sont majoritairement jeunes, de sexe féminin et, pour la plupart célibataires et sans enfant. Elles bénéficient le plus souvent d’un financement de leurs études par leurs parents. Inscrite essentiellement en formation initiale, une personne participante sur deux est engagée dans une activité professionnelle à côté de ses études. Enfin, peu de personnes participantes se sont déjà formées, avant leur entrée en IFSI, selon une modalité hybride de formation.

Tableau 3

Caractéristiques des personnes participantes (promotion 2018-2021, IFSI ESSSE de Lyon, 2020)

Caractéristiques des personnes participantes (promotion 2018-2021, IFSI ESSSE de Lyon, 2020)

-> Voir la liste des tableaux

2.2 La méthodologie de recueil et d’analyse des données

Comme précisé plus haut, la première phase de l’étude empirique vise à vérifier l’existence de corrélations entre les trois dimensions au coeur de cette recherche, conformément au jeu d’hypothèses posées (figure 1). Le questionnaire en ligne, réalisé en février et mars 2020, intègre les deux échelles mentionnées précédemment : l’échelle intitulée Se mettre au travail et y rester (54 items correspondant aux six catégories de stratégies volitionnelles) élaborée par Baillet et al. (2016) et l’échelle d’autoefficacité en formation de Heutte (2011) comprenant 10 items. À ces deux échelles est associé le questionnaire sur la perception de l’accompagnement évoqué précédemment (38 items correspondant aux sept dimensions d’accompagnement). Enfin, d’autres questions sont intégrées au début du questionnaire afin de cerner le profil des personnes répondantes, selon les aspects décrits dans le tableau 3. Un dictionnaire des variables (Lécluse-Cousyn, s.d., annexe 1) a été élaboré afin de préciser l’ensemble des questions posées dans le questionnaire, le choix des options de réponse et leur format. Les réponses aux 44 questionnaires individuels font l’objet d’un traitement statistique en recourant au coefficient de corrélation de Spearman (au regard de la petite taille de l’échantillon), à l’aide du logiciel jamovi 1.2.27. Le corpus a nécessité une préparation en amont avec Excel, afin d’homogénéiser les données recueillies. Pour faciliter le traitement statistique, un score moyen total des échelles de Likert pour chaque catégorie de stratégie et pour chaque perception de l’accompagnement a été calculé. En outre, les propriétés psychométriques de l’ensemble du questionnaire ont été vérifiées à cette occasion.

La seconde phase de l’étude empirique, fondée sur une approche qualitative, vise à comprendre la nature des liens observés lors de l’enquête par questionnaire. Elle repose principalement sur le point de vue des 22 personnes répondantes qui se sont portées volontaires pour un entretien[2] semi-dirigé. Le guide d’entretien (Lécluse-Cousyn, s.d., annexe 2) comporte trois parties majeures. Si la première regroupe des questions générales portant sur les trois dimensions étudiées, la deuxième porte sur un ensemble de questions plus précises afin d’apporter des éléments de réponse aux hypothèses. Il s’agit en particulier de comprendre le lien éventuel entre, d’une part, les stratégies volitionnelles utilisées par chaque étudiant et étudiantes lors de ses activités d’apprentissage en modalité présentielle ou à distance et la perception de l’accompagnement de son formateur référent ou de sa formatrice référente et, d’autre part, ces stratégies et son sentiment d’autoefficacité à persister en formation. De plus, cette partie aborde la perception de l’étudiante ou l’étudiant concernant l’hybridation du dispositif de formation dans lequel il étudie, afin de s’interroger sur le rôle joué -voire l’influence exercée- par celui-ci sur la force et la nature des liens observés. Enfin, la dernière partie du guide permet à la personne interviewée de relater des propos qu’elle n’aurait pas exprimés jusqu’alors. Par ailleurs, il est important de préciser que, même si les entretiens ont été réalisés au début de la crise sanitaire liée au virus de la COVID-19, les propos relatés par les étudiantes et étudiants portent sur leur expérience vécue avant la crise. Ainsi, leur perception de l’hybridation du dispositif de formation n’est pas en lien avec l’organisation de l’enseignement supérieur durant la pandémie. Enfin, chaque étudiante ou étudiant interviewé est invité à valider la retranscription écrite de l’intégralité de l’entretien afin de garantir l’exactitude et l’approbation des propos recueillis. Les 22 retranscriptions sont analysées en adoptant la méthode par catégories conceptualisantes (Paillé et Mucchielli, 2016), tout en ayant recours au logiciel d’analyse qualitative QDA-Miner-6.0. Cette méthode d’analyse implique notamment une préparation du corpus de données (ici qualitatives et retranscrites), un travail de repérage des catégories à la fois a priori (à partir des trois dimensions conceptuelles de départ) et a posteriori (catégories émergentes), un développement suivi d’une validation des catégories et, enfin, un schéma de modélisation reprenant l’ensemble des résultats obtenus dans l’étude. Ce dernier est notamment présenté dans la discussion des résultats à la fin de cet article.

3. Les principaux résultats de l’étude empirique

Cette partie présente les principaux résultats issus des deux grandes phases de l’étude empirique et vise à travailler les trois hypothèses (figure 1).

3.1 Les résultats relatifs à la première phase empirique

Le traitement statistique visant la recherche de corrélations entre les dimensions de la recherche induit trois séries de résultats.

  • Il existerait un lien entre la perception des 44 personnes répondantes au questionnaire quant à l’accompagnement du formateur référent ou de la formatrice référente et les stratégies volitionnelles qu’elles utilisent lors de la réalisation de leurs activités d’apprentissage. Une corrélation s’observe en particulier entre la moyenne des stratégies volitionnelles et celle relative aux perceptions de l’accompagnement. Le coefficient de corrélation est faible (rs = 0,307) et le lien est significatif (valeur p = 0,043). Le sens du lien est, quant à lui, positif, ce qui signifie que les deux dimensions vont dans la même direction croissante.

  • Un lien existerait également entre les stratégies volitionnelles utilisées par ces personnes répondantes et leur sentiment d’autoefficacité en formation. En effet, une corrélation est mise en évidence entre la moyenne des stratégies volitionnelles et celle relative au sentiment d’autoefficacité en formation. Le coefficient de corrélation est faible (rs = 0,365) et le lien est significatif (valeur p = 0,015). Le sens de la relation est positif, ce qui signifie que les deux dimensions vont dans la même direction croissante.

  • Par contre, il n’existerait pas de lien, du moins sur le plan statistique, entre leur perception de l’accompagnement mené par leur formateur référent ou leur formatrice référente et leur sentiment d’autoefficacité en formation. En effet, le coefficient de corrélation est négligeable (rs = 0,140) et le lien est non significatif (valeur p > 0,05).

Pour ce qu’elles ont d’essentiel, ces trois séries de résultats vont dans le sens des hypothèses 1 et 2 (voir figure 1).

3.2 Les résultats relatifs à la seconde phase empirique

Comme souligné précédemment, la méthode adoptée pour analyser les données qualitatives issues des 22 entretiens, à l’aide du logiciel QDA Miner 6.0, est celle par catégories conceptualisantes (Paillé et Mucchielli, 2016). Ce type d’analyse vise à comprendre la nature des deux liens observés lors de la première phase empirique et tels qu’exposés précédemment. Concernant le premier lien[3], les stratégies volitionnelles utilisées par les étudiantes et étudiants seraient soutenues par l’association de trois perceptions de l’accompagnement du formateur ou de la formatrice et sont résumées dans le tableau 4.

Tableau 4

Les trois perceptions de l’accompagnement du formateur ou de la formatrice soutenant les stratégies volitionnelles utilisées par les étudiantes et étudiants (promotion 2018-2021, IFSI ESSSE de Lyon, 2020)

Les trois perceptions de l’accompagnement du formateur ou de la formatrice soutenant les stratégies volitionnelles utilisées par les étudiantes et étudiants (promotion 2018-2021, IFSI ESSSE de Lyon, 2020)

-> Voir la liste des tableaux

À titre d’exemples, quelques verbatims illustrent ces trois résultats. Ainsi, selon Clarisse, sa motivation à se mettre au travail et à y rester est soutenue par sa formatrice référente lorsque celle-ci la rassure et l’aide à reprendre confiance en elle : « Elle n’arrête pas de nous dire : “Je sais que vous allez y arriver. Je crois en vous.” Elle nous pousse, nous encourage. Si on doute un peu, elle est là et on s’y remet. » Par ailleurs, pour Josi, un effort de compréhension de son projet professionnel par son formateur lui donne envie de mettre en place des stratégies visant à instaurer des buts de maîtrise : « On se sent pris au sérieux et accompagné dans notre projet donc on a encore plus envie d’en savoir plus [...]. » Enfin, le fait d’être correctement informé par son formateur référent ou sa formatrice référente a un effet sur les stratégies de structuration du temps pour se mettre au travail et y rester. Plus particulièrement, cela permet de mieux anticiper et planifier son travail. C’est ce qu’évoque notamment Capucine : « [...] quand on est bien informé, ça permet d’anticiper et de s’organiser correctement. »

Quant au second lien[4], le sentiment d’autoefficacité à persister en formation des étudiants et étudiantes serait soutenu par l’association de stratégies volitionnelles pouvant être regroupées en cinq catégories (tableau 5).

Tableau 5

Les cinq catégories de stratégies volitionnelles soutenant le sentiment d’autoefficacité à persister en formation des étudiants et étudiantes (promotion 2018-2021, IFSI ESSSE de Lyon, 2020)

Les cinq catégories de stratégies volitionnelles soutenant le sentiment d’autoefficacité à persister en formation des étudiants et étudiantes (promotion 2018-2021, IFSI ESSSE de Lyon, 2020)

-> Voir la liste des tableaux

Voici quelques verbatims qui illustrent ces résultats. Pour Samira, le respect de son fonctionnement personnel renvoie à une organisation respectant son rythme de travail et soutient son sentiment d’autoefficacité à persister dans ses études : « Je pense que l’organisation personnelle est essentielle pour se sentir capable d’aller jusqu’au bout. » Quant à Céline, la gestion de son environnement de travail correspond à des rituels lui permettant de créer une ambiance agréable d’apprentissage. Ceux-ci soutiennent son sentiment de se sentir capable de persister en formation : « [...] quand je me mets dans mon environnement de travail, j’ai toutes les conditions qui sont favorables pour apprendre. Et donc c’est ça qui me fait me sentir capable d’aller jusqu’au bout. » Par ailleurs, la motivation intrinsèque de certains étudiants et étudiantes à l’égard de leur formation leur permet de se sentir capables de persister dans leurs études. Elle se manifeste notamment par un plaisir ressenti en formation, comme en témoigne Faustine : « [...] vraiment, j’adore ce que je fais. C’est pour cela que je me sens capable de persévérer jusqu’au bout. » Parmi les étudiants et étudiantes ayant besoin de leurs pairs pour se motiver à travailler peut être citée Amina, pour qui l’apprentissage en binôme soutient son sentiment d’autoefficacité à persister dans ses études : « le fait de travailler à deux [...] on se repose l’une sur l’autre [...]. Donc oui, je me sens capable d’aller jusqu’au bout de la formation comme ça, pas de problème. » Enfin, pour d’autres, une gestion personnelle de leurs émotions a un effet sur leur sentiment de se sentir capables de persister en formation. Tom l’explique de façon éloquente : « [...] mon adaptation en continu de mes émotions [...] me fait dire que j’y arriverai forcément tôt ou tard. »

Pour conclure cette partie, il convient de rappeler que les entretiens abordent également la perception des étudiantes et étudiants de l’hybridation du dispositif de formation dans lequel ils étudient. Les résultats de leur analyse mettent en évidence que 16 étudiantes et étudiants sur 22 perçoivent des limites en lien avec les activités qu’ils réalisent à distance. La principale limite citée par les personnes interviewées réside dans le manque de rétroaction immédiate de la part des formateurs et formatrices. En effet, comme l’exprime Faustine : « Si on n’a pas compris, on a beau regarder la vidéo plusieurs fois, on n’a pas compris. » D’autres, dont Angèle, évoquent un sentiment de solitude lors de l’exécution d’activités à distance. Celui-ci est notamment lié au manque d’interaction avec les formateurs et formatrices ou les pairs : « Ne pas avoir quelqu’un en face de nous avec qui on peut échanger [...] non, ça ne me convient pas. » Enfin, les résultats montrent également que, pour 17 étudiantes et étudiants sur 22, leur perception quant à l’hybridation des modalités des activités d’apprentissage proposées par le dispositif a un effet sur les stratégies qu’ils utilisent pour se mettre au travail et y rester. Les stratégies mentionnées par les personnes interviewées sont celles permettant notamment de concilier leur formation avec leur vie personnelle. En effet, un emploi du temps proposant une alternance de cours présentiels et de travail à distance leur octroie une certaine souplesse d’organisation. C’est ce que rapporte notamment Karine : « Le fait d’avoir des temps à la maison plutôt qu’à l’école ça permet de mieux s’organiser entre l’école et la vie de famille. » Dès lors, cette articulation harmonieuse entre la formation et la vie personnelle a davantage été relatée par les étudiantes et étudiants en reprise d’études, inscrits en formation continue et ayant des enfants.

La partie suivante de cet article entreprend une discussion des résultats précisés à l’instant. Avant de les présenter sous la forme d’un schéma de modélisation, elle aborde les limites de l’étude.

4. Discussion des résultats

La principale limite de cette recherche porte sur le faible nombre de personnes répondantes lors de la première phase empirique, limitant ainsi la portée des résultats obtenus. C’est pourquoi il convient de faire preuve de prudence quant aux conclusions émises ci-après.

Le schéma de modélisation (figure 2) s’appuie sur les hypothèses de recherche formalisées schématiquement en figure 1. Toutefois, compte-tenu des résultats obtenus durant l’étude empirique, seuls les liens relatifs aux hypothèses 1 et 2 sont représentés. Ces derniers sont notés respectivement 1 et 2 sur la figure.

Le premier lien renvoie à la relation entre la perception des étudiantes et étudiants de l’accompagnement mené par leur formateur référent ou formatrice référente (intitulée « ACC » dans la figure 2) et les stratégies volitionnelles qu’ils utilisent durant leurs activités d’apprentissage présentielles et à distance (notées « VOL »). Il met notamment en évidence les trois perceptions qui soutiendraient ces stratégies et telles que précisées précédemment : 1) celle que le formateur ou la formatrice aide à prendre confiance en soi (« CONF »); 2) celle d’être accompagné ou accompagnée dans son projet professionnel (« PROF »); et 3) celle relative à une qualité des informations transmises par le formateur référent ou la formatrice référente (« INF »). En outre, les résultats portant sur la perception de ces étudiantes et étudiants concernant l’hybridation de leur dispositif de formation mettent en évidence qu’une majorité d’entre eux relatent un manque de rétroaction immédiate de la part des formateurs et formatrices et un sentiment de solitude, notamment lorsqu’ils étudient à distance. Ces propos renvoient à ceux de Deschryver et al. (2011) postulant que si le formateur ou la formatrice ne développe pas les compétences requises pour accompagner efficacement les personnes apprenantes en dispositif hybride, celles-ci peuvent ressentir un sentiment d’isolement et de délaissement. Dès lors peut se poser la question d’une nouvelle professionnalité des formateurs et formatrices accompagnant des étudiantes et étudiants infirmiers, requise par l’hybridation des IFSI. L’acquisition de nouvelles compétences leur permettrait-elle de rétablir, au sein de leur relation d’accompagnement étudiant, certaines formes de présence malgré la distance géographique? Cette réflexion constitue une perspective de recherche intéressante, en permettant notamment aux IFSI de s’interroger sur la mise en oeuvre de l’accompagnement des étudiantes et étudiants infirmiers au sein de leur dispositif hybride de formation.

Figure 2

Proposition d’un schéma de modélisation des résultats obtenus (promotion 2018-2021, IFSI ESSSE de Lyon, 2020)

Proposition d’un schéma de modélisation des résultats obtenus (promotion 2018-2021, IFSI ESSSE de Lyon, 2020)

-> Voir la liste des figures

Quant au second lien, il fait référence à la relation entre les stratégies volitionnelles utilisées par les étudiantes et étudiants durant leurs activités d’apprentissage présentielles et à distance (notées « VOL » sur la figure 2) et leur sentiment d’autoefficacité à persister en formation (intitulé « AEPF »). Il met en évidence les cinq catégories de stratégies volitionnelles qui soutiendraient ce sentiment et telles que précisées dans la précédente partie :

  1. celles permettant de respecter leur fonctionnement personnel (« RFP »);

  2. celles relatives à la gestion de leur environnement de travail (« GET »);

  3. celles renvoyant à une motivation intrinsèque à l’égard de leur formation (« MIF »);

  4. celles se référant au besoin des pairs (« BP »);

  5. celles se rapportant à une gestion personnelle de leurs émotions (« GPE »).

Ces cinq catégories de stratégies font écho aux travaux de Cosnefroy (2022). En effet, selon l’auteur, l’utilisation isolée de stratégies volitionnelles ne permet pas de produire une autorégulation. C’est bien leur association, dans une certaine configuration, qui permet notamment à une personne apprenante d’autoréguler efficacement ses apprentissages. À l’instar de Corno (2004, 2008), ces catégories de stratégies font référence aux habitudes et styles de travail des personnes apprenantes, manifestant alors des compétences volitives. Une nouvelle piste de recherche consisterait à considérer le développement de ces compétences volitives comme l’un des leviers permettant de soutenir le sentiment d’autoefficacité à persister en formation des étudiantes et étudiants infirmiers. Au regard de cette perspective, les IFSI peuvent mener une réflexion sur l’acquisition de telles compétences par leurs étudiants et étudiantes afin d’optimiser leur transition de l’enseignement secondaire vers le supérieur et de limiter ainsi l’abandon de leurs études.

Par ailleurs, selon une majorité d’étudiantes et étudiants, l’alternance de modalités, présentielles et à distance, des activités d’apprentissage proposées par le dispositif hybride leur permettrait de développer des stratégies afin de mieux articuler leur formation avec leur vie personnelle. Ceux qui ont mentionné ces stratégies sont, le plus souvent, des adultes en reprise d’études. Selon Cosnefroy (2010, 2011), l’adulte en formation présente la particularité de devoir gérer à la fois sa vie personnelle et sa reprise d’études. Cette double gestion peut parfois, comme le pointe l’auteur, l’amener à poursuivre plusieurs buts en concurrence, pouvant d’ailleurs remettre en cause sa persistance en formation. Dès lors, cet agencement de l’apprentissage selon la vie personnelle peut s’apparenter à la construction, pour ces étudiants et étudiantes, de leur environnement personnel d’apprentissage (EPA), au sens amené par Jézégou (2014). En effet, l’auteure souligne que la personne apprenante dispose des composantes spatiotemporelles, pédagogiques et de communication éducative médiatisée au sein de l’environnement éducatif dans lequel elle étudie pour apprendre par elle-même et en interaction avec les autres. Elle associe ce comportement agentique à une « forme d’auto-ingénierie d’un environnement personnel d’apprentissage, dont les forces motrices relèvent de l’autodirection en formation » (p. 277). De leur côté, Roland et Talbot (2014) désignent l’EPA comme un « environnement élaboré par l’apprenant lui-même dans le cadre d’activités académiques d’apprentissage en mobilisant des outils, dispositifs et ressources numériques, non numériques ainsi que d’autres individus [...] » (p. 292). Ainsi, en favorisant la construction par les étudiantes et étudiants infirmiers en reprise d’études d’un EPA permettant un équilibre entre leur formation et leur vie personnelle, le dispositif hybride de formation soutiendrait-il leur sentiment d’autoefficacité à persister en formation? Il serait intéressant d’étudier cette question dans une recherche ultérieure.

Conclusion

Pour conclure, il importe de mentionner les apports scientifiques et praxéologiques de la recherche à l’origine de l’article. Tout d’abord, celle-ci contribue au développement des travaux sur l’autorégulation des apprentissages au sein d’un dispositif hybride de l’enseignement supérieur. Ses résultats tendent à montrer que les stratégies volitionnelles utilisées par les étudiantes et étudiants infirmiers durant leur apprentissage participent à la construction de leur EPA. À titre d’exemple, les résultats ont révélé qu’une articulation des composantes de temps et de lieux inhérentes au dispositif hybride, notamment par les étudiantes et étudiants en reprise d’études, leur permet de concilier leur formation avec leur vie personnelle. La question serait alors de déterminer en quoi le dispositif hybride de formation permet de répondre aux besoins et attentes de ce profil spécifique de personnes apprenantes. De plus, cette recherche contribue aussi à l’étayage des études portant sur l’accompagnement mené par les formateurs et formatrices dans un dispositif hybride d’enseignement supérieur. Elle participe également à la production de connaissances dont les IFSI peuvent se saisir pour la mise en oeuvre d’ingénieries technicopédagogiques pour l’hybridation de leurs dispositifs de formation. Elle leur apporte notamment des éléments de réflexion sur la nouvelle professionnalité des formatrices et formateurs inscrits dans une relation d’accompagnement avec les étudiantes et étudiants infirmiers. Une autre question porterait sur les compétences du formateur ou de la formatrice requises par l’hybridation, afin de lutter contre le sentiment d’isolement engendré par l’apprentissage étudiant à distance. En outre, cette recherche permet d’enrichir le questionnement relatif au phénomène d’abandon des études en soins infirmiers, en ouvrant notamment une piste de réflexion sur le développement par les personnes apprenantes de compétences volitives. La question porterait alors sur leur intérêt d’acquérir ces compétences afin de soutenir leur sentiment d’autoefficacité à persister en formation et d’ainsi optimiser leur transition de l’enseignement secondaire vers le supérieur.

Enfin, cette recherche met en évidence, au regard des résultats obtenus, la résonance de l’autorégulation lorsqu’elle est abordée sous l’angle de l’agentivité humaine. S’autoréguler signifie alors « faire en sorte que les choses arrivent par son action propre et de manière intentionnelle » (Bandura, 2009, p. 17), cela en interaction avec son environnement, tout en dépassant ses propres déterminismes et conditions d’existence (Jézégou, 2019). Certes, vue sous cet angle, l’autorégulation renvoie au contrôle exercé sur une action donnée du point de vue tant cognitif que métacognitif et volitionnel. Mais, en même temps, cette autorégulation peut être freinée, anéantie ou au contraire favorisée, portée par des facteurs environnementaux. Selon cette perspective à dominante psychosociale, l’étude de la volition -en tant qu’une des trois faces majeures de l’autorégulation- ne met pas de côté l’influence exercée également par les facteurs environnementaux. Au regard de l’objet de cette recherche, si les trois dimensions à l’étude relèvent des facteurs que l’on peut qualifier d’internes à l’étudiante et à l’étudiant elles sont également soumises, à des degrés divers, à la perception qu’ont ceux-ci du dispositif de formation dans lequel ils étudient.