Hors-dossierRecensions

Astrid von Busekist, La religion au tribunal. Essai sur le délibéralisme, Paris, Albin-Michel, coll. « Humanités politiques », 2023, 384 p.

  • Georges Mercier

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  • Georges Mercier
    Sciences Po, CERI (CNRS)

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Couverture de Au nom de l’universel : le Québec et les droits humains au XX<sup>e</sup> siècle, Volume 31, numéro 3, hiver 2024, p. 7-248, Bulletin d'histoire politique

Dans un article-fleuve paru en 1997, le théoricien du droit Stanley Fish déclarait impossible la détermination théorique de la juste frontière entre l’État et l’Église. De la difficile extension lockéenne de la tolérance aux athées et aux catholiques à cette myriade de tentatives de résolutions heureuses fleurissant dans la « philosophie libérale de la religion », Fish retrouvait le même problème fondamental de l’incompatibilité théorique des ordres normatifs : les commandements de l’Église et de l’État sont foncièrement hétérogènes. Pourtant, là où le libéralisme s’érige sur la reconnaissance d’une pluralité réelle de ces ordres normatifs, et qu’il reconnaît généralement — à la manière de John Rawls et de ceux, nombreux, qui l’ont suivi — l’impossibilité de trancher en toute neutralité entre différentes « doctrines compréhensives du Bien », la plupart des philosophes libéraux de la religion finissent par proposer un principe prétendant faire exactement cela : résoudre l’incompatibilité normative préalablement posée, ne pensons ici, par exemple, qu’au principe de « respect mutuel » théorisé par Amy Gutman et Dennis Thompson. Évidemment, ces principes prétendument « neutres » ont souvent des implications morales et politiques particulières — la neutralité de l’enseignement général, l’égalité des hommes et des femmes, la permissibilité de l’avortement, la laïcité de l’État, etc. — qui ne sont pas sans déplaire au fondamentaliste religieux idéaltypique, celui qui habite, n’en déplaise à certains, nos sociétés plurielles, pour qui une interprétation de la parole révélée de Dieu outrepasse nécessairement les prérogatives du pouvoir temporel et qui ne cesse (et ne cessera) pas de présenter certaines demandes d’« accommodement » à l’État libéral. En dépit de la prétention à la neutralité ultimement revendiquée, le jeu théorique semble ainsi voué à achopper sur les paramètres philosophiques définissant son problème central lui-même : dès lors que deux ordres normatifs sont posés comme incompatibles, la quête d’une solution théoriquement satisfaisante — qui ne laissera personne en reste et garantira a priori la stabilité sociale — s’apparente à résoudre la quadrature du cercle. Au moins, tel est l’argument que proposait Stanley Fish. Or, s’il apparaît raisonnable de lui concéder le point théorique, est-ce le cas en pratique ? Plutôt qu’une théorie, ne pourrions-nous pas avoir une compréhension pratique des liens entre l’État et l’Église débouchant sur une certaine éthique mobilisable lorsque le moment vient d’arbitrer ou d’envisager ces débats ? D’une certaine manière, c’est là exactement ce que propose Astrid von Busekist dans le brillant et éclairant ouvrage en question ici. Impossibilité théorique n’implique pas impossibilité pratique : face aux dilemmes, nombreux, que présentent les revendications religieuses pour l’État libéral, ce dernier n’est pas démuni de ressources et de solutions créatives, mais il ne saurait prétendre les connaître avant d’en avoir fait l’expérience dans des cas précis. Le titre dévoile déjà la méthode d’enquête que cette professeure de Sciences Po, qui s’est fait connaître en partie pour ses lumineux travaux sur la notion de « frontière », adopte. Elle propose une reconstruction empirique minutieuse de trois litiges distincts confrontant religion et État libéral ayant mené à trois « solutions » toutes aussi distinctes (l’éducation religieuse, la circoncision et les modalités du divorce juif). À partir de ces cas, elle construit trois idéauxtypes utiles pour envisager les options qui s’offrent aux sociétés libérales lorsque vient le moment de juger de la place adéquate de la religion dans la Cité. Le sous-titre, quant à lui, dévoile l’approche « athéorique » (plutôt qu’« antithéorique ») qu’elle revendique, pour laquelle son ouvrage représente un séduisant plaidoyer. Par « délibéralisme », en effet, il faut comprendre autant « dé-libéralisme », à savoir une sortie d’un libéralisme absolutiste pour lequel la …

Parties annexes