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1. Contexte

La consommation de substances psychoactives (SPA) peut être associée à divers risques pour la santé, incluant le fait de développer un trouble lié à l’usage de substances (TLUS) (Organisation mondiale de la Santé, 2022). La consommation de SPA est également susceptible d’entraîner des difficultés sur le plan professionnel, social ou familial, et peut aggraver des problématiques de santé mentale préexistantes (Association canadienne pour la santé mentale, 2018 ; United Nations Office on Drug and Crime, 2020). En plus des risques préalablement évoqués, la consommation de SPA chez les personnes aînées représente un enjeu particulier. Celles-ci vont présenter davantage de risques de développer des problèmes de santé issus de leur consommation, en raison des effets physiologiques du vieillissement (Castle et al., 2016 ; Institut national de santé publique du Québec, 2020 ; Kuerbis et al., 2014 ; Taylor et Grossberg, 2012). À l’inverse, les effets de l’usage de SPA peuvent aggraver ou précipiter certains effets délétères du vieillissement, comme les troubles cognitifs, le risque d’infarctus pulmonaires, cardiaques et cérébraux, et contribuent à la perte d’autonomie des personnes (Beynon, 2009).

Plusieurs études suggèrent que l’usage de SPA chez les personnes aînées est en augmentation (Dowling et al., 2008 ; Kuerbis, 2019). Au Québec, le pourcentage de personnes de 65 ans et plus qui consomment des SPA (comme le cannabis et la cocaïne, mais excluant l’alcool) est passé de 0,7 % en 2008 à 1,9 % en 2015 (ministère de la Santé et des Services sociaux, 2022). En matière d’alcool, on estime que 15,7 % des personnes de 65 à 69 ans et 11 % de celles de 70 à 75 ans ont une consommation excessive d’alcool (définie ici par le fait de boire 4 verres ou plus pour les femmes, ou 5 verres ou plus pour les hommes en une même occasion, au moins 1 fois par mois) au Québec (Institut national de santé publique du Québec, 2020). À l’échelle internationale, on observe également une grande variation dans les taux de prévalence concernant les usages problématiques de SPA, avec des chiffres allant de 0,1 % (p. ex. diagnostic d’un trouble de l’usage d’opioïdes) à 32 % des 65 ans et plus présentant un usage problématique d’alcool (Choi et al., 2015 ; Kuerbis, 2020). Dans le même temps, notons que chez les personnes aînées, certains signes cliniques pouvant habituellement alerter sur un usage excessif de SPA (p. ex. troubles du sommeil, chutes, perte d’équilibre) vont souvent être attribués en premier lieu aux manifestations du vieillissement (Castle et al., 2016 ; Dowling et al., 2008). Cela contribue alors à des erreurs ou des retards de diagnostic, qui entravent par conséquent une potentielle prise en charge (Castle et al., 2016 ; Kuerbis, 2019).

Quand la perte d’autonomie est suffisamment importante pour qu’elle ne permette plus le maintien des personnes à leur domicile, ces dernières sont amenées à être hébergées dans des établissements spécialisés pour recevoir soins et soutiens adéquats (ministère de la Santé et des Services sociaux, 2018, 2021). Au Québec, des établissements comme les centres d’hébergement et de soins de longue durée ou les ressources intermédiaires accueillent ainsi une clientèle âgée en perte d’autonomie, présentant des déficits importants sur le plan physique et cognitif, avec une forte prévalence de démences et de symptômes comportementaux et psychologiques associés (ministère de la Santé et des Services sociaux, 2018). Ces milieux accueillent aussi de plus en plus fréquemment des personnes moins âgées, mais présentant une perte d’autonomie précoce du fait de certains enjeux de santé mentale et surtout d’une histoire de précarité sociale ou d’itinérance (Brown et al., 2012 ; ministère de la Santé et des Services sociaux, 2021). La présence simultanée d’une consommation de SPA, et les problématiques qui en découlent, complexifient alors davantage l’accompagnement de ces personnes au sein de ces établissements (Atkinson, 2016 ; Castle et al., 2016 ; Kuerbis et al., 2014).

Dans ces contextes d’hébergement, un usage problématique de SPA peut en effet compromettre la santé et la sécurité du/de la résident(e), mais également affecter celles des autres résident(e)s, du personnel, ainsi que la qualité des soins et de l’accompagnement offerts plus globalement (Castle et al., 2016 ; Kuerbis, 2020 ; Rao et Crome, 2011). Considérant le vieillissement de la population, l’augmentation du nombre de personnes âgées qui consomment des SPA, et donc la probabilité de retrouver ces dernières dans des établissements d’hébergement et de soins de longue durée, il est alors essentiel que ces milieux disposent de lignes directrices claires pour orienter l’intervention auprès des résident(e)s en perte d’autonomie chez qui la consommation de SPA peut créer des problèmes, même en dehors d’un trouble lié à l’usage de SPA (Grossi et al., 2021 ; Kuerbis, 2020 ; Substance Abuse and Mental Health Administration, 2020). Or, à notre connaissance, de telles lignes directrices n’existent pas au Québec, et restent encore très rares à l’international. L’objectif de cette étude est ainsi de brosser un portrait des pratiques d’intervention à destination des personnes âgées en perte d’autonomie consommant des SPA, chez qui cet usage peut donner naissance à diverses conséquences négatives, et qui résident au sein d’établissements d’hébergement et de soins de longue durée. Cette démarche permettra de mettre en lumière des pistes relatives à l’offre et à l’organisation des services permettant de mieux soutenir les intervenant(e)s et gestionnaires dans l’accompagnement de cette clientèle spécifique.

2. Méthodologie

Nous avons choisi de réaliser une revue de portée de la littérature pour répondre à notre objectif de recherche. Cette dernière permet d’acquérir une meilleure compréhension d’un phénomène encore mal délimité, et sur lequel porte une littérature assez hétérogène (Aromataris et Munn, 2020 ; Tricco et al., 2018). La présente démarche suit un protocole, non enregistré, élaboré selon les principales recommandations méthodologiques PRISMA-ScR (Preferred Reporting Items for Systematic Reviews and Meta-Analyses Extension for Scoping Reviews, Tricco et al., 2018).

2.1. Question(s) de recherche

Nous avons considéré la question de recherche générale suivante : « Quelles sont les pratiques d’intervention auprès des personnes consommant des SPA et résidant dans des ressources d’hébergement accueillant une population âgée en perte d’autonomie ? » Cette interrogation se décline en 3 sous-questions : a) « Quelles sont les philosophies d’intervention sous-tendant ces pratiques ? » ; b) « Quels types d’intervention composent ces pratiques ? » ; et c) « Comment sont-elles concrètement mises en oeuvre ? »

2.2. Critères d’inclusion

Nous avons ciblé les études scientifiques primaires publiées de 2000 à 2021, en français ou en anglais, les 2 langues comprises par les membres de l’équipe de recherche. En plus de la littérature scientifique, une littérature grise constituée de documents relatifs aux pratiques d’intervention de clinicien(-ne)s, de gestionnaires ou d’organisations a été considérée. Les pratiques d’intervention sont appréhendées de manière ouverte pour capter toutes les actions et composantes psychosociales qui les influencent (p. ex. nature des programmes, attitudes du personnel, approches et cadres d’intervention) au sein des établissements d’hébergement et de soins de longue durée accueillant des personnes âgées en perte d’autonomie. La structure de ces milieux ainsi que les termes pour les désigner varient grandement sur le plan international (Howe et al., 2013). Nous n’avons pas restreint notre choix de documents à ceux traitant d’un TLUS diagnostiqué, considérant que le diagnostic en question n’est pas systématique dans ces milieux, et que la validité de ses critères est discutée auprès de cette population (Kuerbis, 2020 ; Substance Abuse and Mental Health Administration, 2020). Enfin, aucun critère d’âge n’a été considéré vis-à-vis de la clientèle de ces établissements, afin d’éviter l’exclusion d’études portant sur une clientèle sensiblement plus jeune, mais présentant déjà un profil gériatrique justifiant l’hébergement.

2.3. Repérage des études pertinentes

L’équipe de recherche a collaboré avec une bibliothécaire spécialisée en dépendance pour le choix des bases de données bibliographiques, la rédaction de la syntaxe et l’extraction des textes. Six bases de données répertoriant la littérature scientifique dans le domaine de la santé et des sciences sociales (MEDLINE ; EMBASE ; CINAHL ; PsychINFO ; Ageline et SocINDEX) et une base répertoriant spécifiquement la littérature en langue française (Érudit) ont été explorées. L’élaboration itérative de la syntaxe de recherche a débuté par une stratégie pour MEDLINE (Tableau 1) adaptée ensuite à chacune des autres bases de données ciblées. Les extractions ont été réalisées du 17 au 22 juin 2021. Une fois les études sélectionnées, leur bibliographie a été scrutée ainsi que les titres les citant tels qu’identifiés via Google Scholar afin de ne pas manquer d’articles pertinents sur le sujet.

Nous avons ciblé les sites Internet de 315 organisations gouvernementales et non gouvernementales ainsi que d’associations dans les domaines des dépendances et du vieillissement en Amérique du Nord (Canada et États-Unis), en Europe (France, Suisse, Royaume-Uni, Danemark, Norvège et Suède) et en Australasie (Australie et Nouvelle-Zélande) afin d’explorer la littérature grise. Nous avons choisi ces pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour des enjeux de faisabilité, afin de restreindre la quantité de sources pertinentes à explorer, tout en nous assurant que l’analyse subséquente se rapporte à des contextes politiques, socioéconomiques, et des systèmes de santé relativement similaires à ceux du Québec et du Canada. De plus, 31 expert(e)s sur les thématiques du vieillissement et de l’usage de SPA ont été sollicité(e)s pour orienter l’équipe de recherche vers des documents additionnels.

Tableau 1

Stratégie de recherche adaptée à la syntaxe de MEDLINE

Stratégie de recherche adaptée à la syntaxe de MEDLINE

Tableau 1 (suite)

Stratégie de recherche adaptée à la syntaxe de MEDLINE

Légende de la syntaxe utilisée

/

descripteur du vocabulaire contrôlé

ti, ab, kf

Champs « Titre » (ti), « Résumé » (ab), mots clés de l’auteur (kf)

Exp

« Explode », Permet d’aller chercher tous les sujets se trouvant sous le sujet éclaté dans le thésaurus.

or, and, not

OU, ET, SANS Opérateurs booléens

ADJn

ADJn est un opérateur de proximité qui permet de récupérer les références qui contiennent les termes recherchés, dans n’importe quel ordre, éloignés d’un certain nombre (n) de mots de l’autre.

NOTE : ADJ1 repère les mots un à côté de l’autre, peu importe l’ordre

ADJ2 repère les mots, peu importe l’ordre, avec 0 ou 1 mot entre les deux.

*

Caractère de troncation (NOTE : gene* recherche : gene, genes, genetics, and generation)

?

Caractère de remplacement optionnel qui remplace 0 ou 1 caractère dans un mot ou à la fin d’un mot.

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2.4. Sélection des titres

Dans le cas de la littérature scientifique, une première étape de sélection consistait en l’examen du contenu (titre, résumé et mots-clés) des notices bibliographiques via la plateforme Covidence. Afin de s’assurer d’une convergence dans les manières de sélectionner les titres, un exercice à l’aveugle avait préalablement porté sur 198 notices, soit 2,1 % des 9 538 notices identifiées initialement. Par la suite, 2 autrices de l’article (JB, KPJ) procédaient à la sélection de manière indépendante. Au cours d’une seconde étape, une de ces 2 mêmes autrices évaluait les documents retenus dans leur intégralité afin d’en déterminer l’admissibilité. Deux réviseuses ont ultérieurement confirmé les motifs d’exclusions (CB, JB). Dans le cas de la littérature grise, chacun des textes était sélectionné (titre et résumé) puis lu en entier par 1 des auteurs (LPB, MBL). La Figure 1 présente toutes les informations relatives à cette démarche de repérage et de sélection.

2.5. Recension des écrits

Une fiche de lecture a été développée, testée et validée en équipe, afin de colliger et cartographier les données pertinentes. Elle inclut une description des pays, SPA, milieux d’hébergement, devis de recherche ainsi que des espaces pour les observations relatives aux 3 questions de recherche (CB, JB, KPJ, MG). Des adaptations ont été apportées à la fiche de lecture pour la littérature grise, afin de préciser les caractéristiques de chacun des écrits (p. ex. autorat, lectorat visé). La même procédure de rédaction et de relecture a été adoptée (CB, MBL, LPB). Les informations relatives aux caractéristiques des études ainsi que les résultats ont été consignés, puis synthétisés.

2.6. Stratégie d’analyse

L’ensemble des documents retenus a fait l’objet d’une analyse thématique (Braun et Clarke, 2006 ; Paillé et Mucchielli, 2012). Notre démarche était guidée par les 3 sous-questions de recherche (c’est-à-dire, les philosophies sous-tendant les pratiques d’intervention, le contenu de ces pratiques et leur organisation concrète) qui ont représenté les 3 pôles thématiques de l’analyse. Nous avons élaboré une première version des résultats sur la base de l’analyse de la littérature scientifique. Les données pertinentes issues de la littérature grise sont venues ajouter des compléments d’information.

Figure 1

Organigramme de processus

Organigramme de processus

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3. Résultats

3.1 Brève description des documents retenus

Un total de 21 articles scientifiques et de 44 documents de la littérature grise a été retenu. Une synthèse regroupant les principales caractéristiques de ces documents est présentée dans le Tableau 2 (littérature scientifique) et le Tableau 3 (littérature grise). La majorité des documents ciblent la consommation d’alcool ou de tabac. Néanmoins, quelques documents considèrent l’usage de toutes les SPA, sans distinction, incluant celles ayant un statut illégal. Dans les sections qui vont suivre, nous spécifierons le type de SPA auquel il est fait référence lorsque cela est nécessaire.

Tableau 2

Tableau récapitulatif des études retenues issues de la littérature scientifique (n = 21)

Tableau récapitulatif des études retenues issues de la littérature scientifique (n = 21)

Tableau 2 (suite)

Tableau récapitulatif des études retenues issues de la littérature scientifique (n = 21)

Tableau 2 (suite)

Tableau récapitulatif des études retenues issues de la littérature scientifique (n = 21)

Tableau 2 (suite)

Tableau récapitulatif des études retenues issues de la littérature scientifique (n = 21)

Tableau 2 (suite)

Tableau récapitulatif des études retenues issues de la littérature scientifique (n = 21)

Tableau 2 (suite)

Tableau récapitulatif des études retenues issues de la littérature scientifique (n = 21)

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Tableau 3

Tableau récapitulatif des documents retenus issus de la littérature grise (n = 44)

Tableau récapitulatif des documents retenus issus de la littérature grise (n = 44)

Tableau 3 (suite)

Tableau récapitulatif des documents retenus issus de la littérature grise (n = 44)

Tableau 3 (suite)

Tableau récapitulatif des documents retenus issus de la littérature grise (n = 44)

Tableau 3 (suite)

Tableau récapitulatif des documents retenus issus de la littérature grise (n = 44)

Tableau 3 (suite)

Tableau récapitulatif des documents retenus issus de la littérature grise (n = 44)

Tableau 3 (suite)

Tableau récapitulatif des documents retenus issus de la littérature grise (n = 44)

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3.2 Axe 1 : philosophies d’intervention

L’objectif ou l’obligation d’abstinence relative à la consommation de SPA est une approche fréquemment en vigueur dans les établissements accueillant les personnes âgées en perte d’autonomie (Abdullah et al., 2008 ; Beideman et al., 2018 ; Boucek et al., 2019 ; Carosella et al., 2002 ; Klein et Jess, 2002 ; Lemke et Schaefer, 2012 ; Mjelde-Mossey, 2007 ; Schonfeld et al., 2010 ; Stefanacci et al., 2009 ; Watt et al., 2004 ; White et al., 2015). Toutefois, il existe également des milieux où l’accent est davantage mis sur une approche de réduction des méfaits qui cherche avant tout à réduire les risques et les conséquences négatives liés à l’usage de SPA (Adler et al., 2002 ; Emiliussen et al., 2021 ; European Monitoring Centre for Drugs and Drug Addiction, 2010 ; Harnett et Jönson, 2020 ; Johannessen et al., 2021 ; Jönson et al., 2021 ; Menecier-Ossia et al., 2014 ; Rota-Bartelink, 2011b ; Rota-Bartelink et Lipmann, 2010 ; Vaucher et Broers, 2019 ; Watt et al., 2004 ; Wenger, 2019). La réduction des méfaits s’articule ici autour du soutien à l’autodétermination des personnes aînées qui consomment, de l’idée d’une intervention pragmatique, ou encore du droit à la dignité et à l’absence de stigmatisation, tout en tenant compte des enjeux de perte d’autonomie que peuvent rencontrer les personnes (Adler et al., 2002 ; Atkinson, 2016 ; Bachmann, Cornut, et al., 2019, 2019 ; Bachmann, Gotsmann, et al., 2019 ; Canadian Mental Health Association, 2010 ; European Monitoring Centre for Drugs and Drug Addiction, 2010 ; Harnett et Jönson, 2020 ; Jönson et al., 2021 ; Rota-Bartelink, 2011b, 2011a ; Rota-Bartelink et Lipmann, 2010).

Force est surtout de constater que le cadre d’intervention se caractérise souvent par un processus de négociation implicite. Il s’agit alors de trouver un équilibre entre : 1) le respect des droits et libertés individuelles ; et 2) la prévention des conséquences négatives pour la santé et la sécurité des résident(e)s, considérant leur degré de vulnérabilité, ainsi que pour le personnel, la vie collective et l’organisation des soins (Grossi et al., 2021). Concrètement, les pratiques de régulation entourant la consommation des résident(e)s se situent par conséquent souvent quelque part sur un continuum allant de l’interdiction de la consommation/l’obligation d’abstinence à un « laisser-faire ». Dans le cas où la consommation est tolérée, elle reste réglementée (p. ex. nature des SPA autorisées, modalités d’approvisionnement, de distribution et de consommation, rôle du personnel) considérant les spécificités de ces milieux et de la clientèle hébergée (Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec, 2021 ; Emiliussen et al., 2021 ; European Monitoring Centre for Drugs and Drug Addiction, 2010 ; Harnett et Jönson, 2020 ; Horowitz, 2015 ; Johannessen et al., 2021 ; Jönson et al., 2021 ; Klein et Jess, 2002 ; McCabe, 2007 ; Schwartz et Lasky, 2002 ; Wenger, 2019 ; Zhang et al., 2022).

3.3 Axe 2 : pratiques d’intervention

3.3.1 Des programmes ciblant l’usage de SPA

Plusieurs programmes dédiés spécifiquement à l’accompagnement des résident(e)s âgé(e)s qui consomment des SPA sont décrits (Abdullah et al., 2008 ; Boucek et al., 2019 ; Canadian Mental Health Association, 2010 ; Mjelde-Mossey, 2007 ; Rota-Bartelink, 2011b ; Rota-Bartelink et Lipmann, 2010 ; Schonfeld et al., 2010 ; Wenger, 2019). Certains de ces programmes offrent un service de dépistage de la consommation problématique de SPA par le biais d’outils standardisés valides auprès de la population aînée (Abdullah et al., 2008 ; Schonfeld et al., 2010, 2015 ; Simonton, 2020). L’Alcohol, Smoking and Substance Involvement Screening Test (ASSIST), l’Alcohol Use Disorders Identification Test (AUDIT) ou le 10-item Short Michigan Alcoholism Screening Test – Geriatric Version (S-MAST-G) ont ici été utilisés. Dans le cas où de tels outils n’existent pas, notamment quand il faut évaluer le mésusage de certains médicaments ou SPA illégales, des questions spécifiques ont été développées par les équipes (Schonfeld et al., 2010, 2015).

Ensuite, ces programmes offrent des séances d’éducation (pour les résident(e)s et le personnel), du counselling personnalisé pour les résident(e)s, un suivi de la consommation, des groupes de soutien, de l’intervention brève ou encore des thérapies de substitution pour la nicotine (Abdullah et al., 2008 ; Boucek et al., 2019 ; Canadian Mental Health Association, 2010 ; Mjelde-Mossey, 2007 ; Schonfeld et al., 2010, 2015 ; Wenger, 2019 ; Winnipeg Regional Health Autority, 2018). Pour sa part, le Wicking Project met davantage l’accent sur la promotion de l’autodétermination des résident(e)s (Rota-Bartelink, 2011a ; Rota-Bartelink et Lipmann, 2010). Ce programme se veut adaptable à chaque résident(e), à leurs capacités et limitations éventuelles en termes d’autonomie, et offre notamment une gestion personnalisée de la distribution en alcool et cigarettes, un suivi par un(e) médecin, et enfin un programme individualisé en matière de loisirs et d’activités récréatives.

3.3.2 Autres interventions

Certains milieux proposent des interventions moins structurées. Ainsi, les intervenant(e)s des établissements peuvent offrir des conseils aux résident(e)s, en particulier pour l’arrêt de leur consommation de tabac (Adler et al., 2002 ; Carosella et al., 2002 ; Centre for Addiction and Mental Health et al., 2006 ; Hartz et Kuhlman, 2004 ; Lemke et Schaefer, 2012 ; Watt et al., 2004). D’autres activités incluent une utilisation adaptée de techniques comportementales et de l’entrevue motivationnelle pour soutenir l’engagement des résident(e)s vers un objectif de réduction de la consommation (Centre for Addiction and Mental Health et al., 2006 ; Wilkinson et National Drug Research Institute [Australia], 2018). Plusieurs documents soulignent dans ce contexte la pertinence de l’association entre un traitement médicamenteux et un accompagnement psychosocial (Hartz et Kuhlman, 2004 ; Kumar, 2005 ; Lester et Kohen, 2008 ; Simonton, 2020 ; White-Campbell, 2020 ; Zhang et coll., 2022). Certains milieux vont créer un contrat de soin personnalisé délimitant la consommation des résident(e)s, selon leur condition, et les conséquences en cas de non-respect de celui-ci (Grossi et al., 2021 ; Lefrançois, 2015 ; McCabe, 2007 ; Menecier-Ossia et al., 2014 ; Williams, 2006). Il s’agit alors de trouver l’équilibre entre le confort de la personne et le bon déroulement de la vie collective (Lefrançois, 2015). Finalement, plusieurs établissements ont mis en oeuvre des stratégies contrôlées de distribution pour les substances légales (AdvantAge Ontario, 2018 ; Harnett et Jönson, 2020 ; McCabe, 2007).

3.3.3 Les établissements de consommation supervisée pour personnes aînées

Ces programmes de consommation supervisée (wet eldercare facilities), qui se déploient à l’échelle d’un établissement entier ou d’une unité spécialisée à l’intérieur d’un centre d’hébergement et de soins de longue durée plus traditionnel, s’adressent surtout aux personnes aînées consommant de l’alcool (McCann et al., 2017). Toutefois, certains établissements ont fini par intégrer le fait que d’autres SPA puissent être consommées, considérant les réalités et la complexité des trajectoires des personnes hébergées (Harnett et Jönson, 2020 ; Jönson et al., 2021 ; McCann et al., 2017 ; Vossius et al., 2011). Habituellement, on observe que la consommation d’alcool et des autres SPA est prohibée dans les espaces partagés, pour ne pas nuire aux résident(e)s qui souhaitent limiter leur consommation, mais le personnel « ferme les yeux » sur ce qui se passe à l’intérieur des chambres (Jönson et al., 2021 ; McCann et al., 2017 ; Vossius et al., 2011). Les résident(e)s se procurent leur consommation par leurs propres moyens, mais peuvent aussi être assisté(e)s par le personnel dans le cas des SPA légales (McCann et al., 2017 ; Vossius et al., 2011). Dans le cas d’une consommation de SPA illégales, les résident(e)s ont accès à du matériel sécuritaire de consommation (p. ex. seringues) (McCann et al., 2017).

La gestion des finances des résident(e)s est ici un moyen qui peut être utilisé pour réguler la consommation : le personnel verse un montant quotidien aux résident(e)s, ce qui permet de réduire la probabilité de consommation excessive (McCann et al., 2017 ; Vossius et al., 2011). Chaque résident(e) se voit attribuer un(e) intervenant(e) principal(e) pour l’aider dans ses tâches quotidiennes (lessive, ménage, tâches administratives, etc.). De plus, diverses activités collectives et individuelles sont organisées, selon les intérêts (McCann et al., 2017 ; Vossius et al., 2011). Enfin, au-delà de la consommation de SPA, ces établissements veillent à répondre aux besoins de base de leur clientèle et peuvent offrir des soins palliatifs pour les résident(e)s en fin de vie (Harnett et Jönson, 2020 ; Jönson et al., 2021 ; McCann et al., 2017 ; Vossius et al., 2011).

3.4 Axe 3 : mise en oeuvre et organisation des interventions

3.4.1 Hétérogénéité des politiques internes

Les politiques internes des différents établissements formalisent si la consommation est autorisée, sous quelles conditions (p. ex. accord d’un[e] médecin, antécédents de santé, niveau d’autonomie, etc.), selon quelles modalités et quoi faire en cas de non-respect du cadre (p. ex. transfert ou exclusion de la personne, appel auprès des autorités, etc.) (Adler et al., 2002 ; Beideman et al., 2018 ; Carosella et al., 2002 ; Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec, 2021 ; Emiliussen et al., 2021 ; Harnett et Jönson, 2020 ; Horowitz, 2015 ; Jönson et al., 2021 ; Klein et Jess, 2002 ; Lemke et Schaefer, 2012 ; Schwartz et Lasky, 2002 ; Stefanacci et al., 2009 ; Watt et al., 2004, 2009 ; White et al., 2015 ; Williams, 2006). Dans certains cas, ces politiques couvrent aussi la distribution des SPA (essentiellement alcool, tabac, voire cannabis) par les familles qui visitent les résident(e)s ou l’achat des SPA légales par le personnel (Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec, 2021 ; Emiliussen et al., 2021 ; Stefanacci et al., 2009 ; Watt et al., 2009). Toutefois, de nombreux établissements manquent encore de politiques claires et celles qui existent restent peu exhaustives (Nelson, 2011 ; Rao et Crome, 2011 ; Watt et al., 2009 ; White et al., 2015).

3.4.2 L’enjeu de la formation

La formation et la sensibilisation du personnel concernant les enjeux entourant la consommation de SPA chez les personnes aînées est cruciale (Atkinson, 2016 ; Bachmann, Cornut, et al., 2019 ; Bachmann, Gotsmann, et al., 2019 ; Butt et al., 2020 ; Canadian Mental Health Association, 2010 ; Hartz et Kuhlman, 2004 ; Lemke et Schaefer, 2012 ; Menecier-Ossia et coll., 2014 ; Rao et Crome, 2011 ; Rota-Bartelink, 2011a ; Schwartz et Lasky, 2002 ; Watt et al., 2004 ; White et al., 2015 ; Zhang et al., 2022). Ce besoin de formation concerne tout autant les intervenant(e)s externes offrant des programmes en dépendance dans ces milieux que le personnel des établissements pour personnes aînées (Abdullah et al., 2008 ; Mjelde-Mossey, 2007). En plus des connaissances spécifiques (p. ex. soins cliniques, soins de base, dépendances, démences et symptômes associés, troubles du comportement, douleur chronique, etc.), le développement d’un savoir-être empreint d’empathie et d’acceptation inconditionnelle est essentiel pour l’accompagnement de ces résident(e)s (Rota-Bartelink et Lipmann, 2010 ; Winnipeg Regional Health Autority, 2018).

3.4.3 L’intégration des soins et les processus de collaboration

Considérant la complexité de ces profils, l’intervention dans ces milieux repose sur une collaboration étroite entre les différent(e)s professionnel(le)s agissant dans l’établissement (médecins, gestionnaires, infirmier[-ère]s, intervenant[e]s psychosociaux[-ales], préposé[e]s, etc.) (Johannessen et al., 2021 ; Rota-Bartelink et Lipmann, 2010 ; Watt et al., 2004). Il est suggéré que des canaux efficaces de communication soient disponibles pour faciliter la collaboration entre les professionnel(le)s (Wenger, 2019). Rota-Bartelink et collègues mettent également en lumière la nécessité de disposer de suffisamment de personnel pour assurer un accompagnement satisfaisant (Rota-Bartelink, 2011b). D’autres documents appuient davantage le fait de pouvoir solliciter facilement différentes ressources offrant des services complémentaires (Bachmann, Cornut, et al., 2019 ; Bachmann, Gotsmann, et coll., 2019 ; Barry et al., 2015 ; Johannessen et al., 2021 ; Lemke et Schaefer, 2012 ; Rota-Bartelink et Lipmann, 2010 ; Watt et al., 2004). Il peut par exemple s’agir de faire venir en soutien des consultant(e)s spécialisé(e)s dans le domaine des dépendances, de la santé mentale, de la gérontopsychiatrie ou de la neuropsychologie afin de mieux répondre aux besoins des résident(e)s (Bachmann, Cornut, et al., 2019 ; Bachmann, Gotsmann, et al., 2019 ; Barry et al., 2015 ; Canadian Mental Health Association, 2010 ; Johannessen et al., 2021 ; Lemke et Schaefer, 2012 ; Rota-Bartelink et Lipmann, 2010, 2010 ; Schonfeld et al., 2010 ; Schwartz et Lasky, 2002 ; White et al., 2015). Finalement, quelques études abordent le processus de collaboration entre le personnel des établissements et les résident(e)s (Burgess et Scott, 2006 ; Grossi et al., 2021 ; Harnett et Jönson, 2020 ; Rota-Bartelink et Lipmann, 2010). En ce sens, plusieurs documents détaillent le fort pouvoir décisionnel à donner à la personne aînée, principalement dans l’élaboration des règles de vie, du contrat de soin ou encore de la gestion de leur budget, tout en tenant compte de leurs capacités et limitations. L’entourage des résident(e)s doit également être considéré dans ces discussions (Schwartz et Lasky, 2002 ; Stefanacci et al., 2009).

4. Discussion

L’objectif de cette étude était de documenter les caractéristiques des initiatives et pratiques d’intervention ciblant les personnes aînées en perte d’autonomie qui consomment des SPA au sein d’établissements d’hébergement et de soins de longue durée, chez qui cet usage peut entraîner diverses problématiques. L’analyse des 21 articles scientifiques et 44 documents de la littérature grise retenus a permis de dégager plusieurs éléments relatifs aux philosophies d’intervention, au contenu des pratiques d’intervention, et à l’organisation concrète de ces dernières.

4.1. Milieu de soin et milieu de vie

Les philosophies d’intervention ici décrites renvoient souvent à des obligations réglementaires semblant difficiles à concilier. D’une part, sous le prétexte de protéger la santé et la sécurité des résident(e)s, souvent en grande perte d’autonomie, et des intervenant(e)s, on peut justifier l’abstinence comme seul objectif des interventions (Beideman et al., 2018 ; Grossi et al., 2021). D’autre part, on souhaite aussi offrir des services respectant l’autodétermination, le bien-être et la dignité des personnes, ce qui nécessiterait alors de les laisser consommer si cela est leur objectif (Jonson et al., 2021 ; Lefrançois, 2015). Cette situation paradoxale questionne plus largement sur le mandat de ces milieux, et sur la nature des régulations qui doivent s’y appliquer. En effet, les milieux d’hébergement et de soins de longue durée sont souvent présentés, y compris au Québec, comme étant simultanément des milieux de soin, milieux de vie collective, et un espace privé, lieu de vie de la personne (Adler et al., 2002 ; ministère de la Santé et des Services sociaux, 2021). Ce flou conduit le personnel à faire face à de réels défis éthiques, quand leurs pratiques d’intervention doivent tenir compte de considérations qui peuvent sembler difficilement conciliables (Zhang et coll., 2022 ; Lefrançois, 2015). En l’absence de lignes directrices claires, on constate alors que le personnel développe des stratégies personnelles, à la marge, plus tolérantes pour faire face aux réalités qui défient les réglementations en vigueur (Adler et al., 2002 ; Emiliussen et al., 2021 ; Harnett et Jönson, 2020 ; Rao et Crome, 2011).

Il faut aussi considérer que le statut légal et les représentations sociales associées à une SPA peuvent aussi avoir une incidence sur la manière de concevoir et d’organiser l’intervention auprès des personnes âgées en perte d’autonomie qui consomment. Dans le cadre de notre démarche, nous relevons, sans surprise, que l’essentiel des écrits porte sur les SPA légales, l’alcool, le tabac, voire le cannabis dans certains pays. Pour autant, cela ne signifie pas que les SPA illégales sont inexistantes au sein des milieux accueillant des personnes âgées en perte d’autonomie (Harnett et Jönson, 2020 ; McCann et al., 2017 ; Taylor et Grossberg, 2012). Toutefois, la consommation d’une SPA illégale peut entraîner des réponses différentes de ce qui peut valoir pour l’alcool ou le tabac (p. ex. contact des autorités policières) (Jönson et al., 2021 ; McCann et al., 2017). D’autres études ont souligné comment les attitudes personnelles des professionnel(le)s vis-à-vis de certaines SPA peuvent influencer la nature de leurs interactions avec leur clientèle âgée (de Graaf et al., 2023 ; Grossi et al., 2021 ; Johannessen et al., 2021). La considération accordée aux personnes âgées qui consomment des SPA illégales peut avoir des conséquences sur le plan de leur santé, le degré de confiance qu’elles ont dans l’équipe d’intervenant(e)s, et peut surtout réactualiser des enjeux de stigmatisation auxquelles ces personnes ont déjà pu être exposées durant leur parcours de vie (Jönson et al., 2022).

4.2. Des obstacles à l’intervention

Rares sont ainsi les milieux d’hébergement qui proposent des interventions pour accompagner les personnes âgées qui consomment des SPA et qui peuvent vivre des enjeux en lien avec cet usage. Lemke et collègues (2012) montrent que moins d’un tiers des établissements proposent des prises en charge spécifiques, incluant par exemple prévention, promotion de la santé, réduction des méfaits, aux personnes aînées qui consomment des SPA. Cette proportion est encore plus faible quand les résident(e)s présentent une démence ou un trouble de santé mentale. Selon le personnel rencontré dans l’étude de Watt et collègues (2004), le manque de soutien institutionnel constitue une des barrières principales au développement de cet accompagnement. D’autres sources suggèrent que les milieux institutionnels doivent agir pour disposer d’une politique standardisée définissant le socle minimal de prise en charge, alliant évaluation de la consommation, suivi et traitement multidisciplinaire, si nécessaire et selon les objectifs et capacités des personnes (Phillips, 2014 ; Rao et Crome, 2011 ; Substance Abuse and Mental Health Administration, 2020 ; Zhang et al., 2022).

Le manque de formation du personnel est également une thématique revenue à de nombreuses reprises au sein des documents que nous avons explorés (Johannessen et al., 2021 ; Klein et Jess, 2002 ; Lemke et Schaefer, 2012 ; Watt et al., 2004). Cela représente un point crucial, considérant que la complexité des profils alliant perte d’autonomie (incluant limitations physiques, troubles cognitifs et autres maladies dégénératives ou chroniques) et consommation de SPA, requiert une sensibilisation et une expertise spécifique de la part des intervenant(e)s (Johannessen et al., 2021 ; Lemke et Schaefer, 2012). La collaboration interdisciplinaire et entre services est un autre facteur définissant un accompagnement de qualité. L’Association canadienne pour la santé mentale soulignait il y a déjà plus d’une décennie le trop faible niveau de collaboration entre les acteur(-trice)s de la santé et des services sociaux impliqué(e)s auprès des personnes aînées (Canadian Mental Health Association, 2010). Au-delà de la collaboration entre les différent(e)s acteur(-trice)s pertinents sur cette thématique, c’est plus largement l’intégration des soins qui est questionnée et qui nécessite un appui supplémentaire, encore une fois considérant le croisement des problématiques rencontrées, notamment de la part des décideur(-euse)s politiques (Rota-Bartelink, 2011a).

4.3. Approche universaliste versus spécialisée

Se dessine finalement un certain clivage entre une approche « universaliste » et une approche dite « spécialisée » (Infodrog, 2022 ; Kessler et al., 2012 ; Vaucher et Broers, 2019). Dans l’approche universaliste, on souhaite intégrer les personnes aînées qui consomment des SPA dans les milieux « traditionnels » d’hébergement et de soins de longue durée (Vaucher et Broers, 2019). Toutefois, à ce jour, les ressources humaines ou matérielles des milieux traditionnels sont rarement suffisantes ou adaptées pour accommoder les besoins complexes de ces personnes (Vaucher et Broers, 2019). La différence de vécu avec la clientèle gériatrique « traditionnelle » fait également que ces résident(e)s ont des difficultés à s’y sentir intégré(e)s (European Monitoring Centre for Drugs and Drug Addiction, 2010). À l’opposé, l’approche spécialisée regroupe des établissements dédiés uniquement à l’accueil de cette population, tels que les établissements de consommation supervisée (European Monitoring Centre for Drugs and Drug Addiction, 2010 ; Jönson et al., 2021). Toutefois, ce type de résidence ne constitue pas toujours un contexte idéal pour les résident(e)s souhaitant réduire leur consommation, en plus d’indirectement contribuer à leur stigmatisation, car cela reviendrait à les cloisonner dans une ressource étiquetée pour personnes consommant des SPA (Vaucher et Broers, 2019).

4.4. Limites de l’étude

Notre démarche présente certaines limites. Tout d’abord, si les documents retenus abordent tous la question des interventions accompagnant la consommation de SPA chez les personnes aînées hébergées dans des milieux d’hébergement et de soins de longue durée, certains articles scientifiques fournissent peu de détails sur le contenu des interventions en question. L’intégration complémentaire de la littérature grise a néanmoins permis d’accéder à un contenu plus exhaustif. Une deuxième limite concerne le fait qu’une bonne part des documents retenus ciblent, explicitement ou non, la consommation de SPA légales (alcool, tabac). Si cela représente les SPA les plus consommées, y compris dans ces milieux, on manque encore d’information sur les interventions ciblant la consommation d’autres catégories de SPA, notamment du cannabis, ou des substances illégales qui peuvent pourtant être consommées par certaines personnes aînées.

5. Conclusion

Cette étude constitue l’une des premières à documenter les pratiques en matière d’accompagnement des personnes aînées consommant des SPA dans des milieux d’hébergement et de soins de longue durée, chez qui cet usage peut susciter des problématiques diverses. En privilégiant une revue de la portée, la combinaison de la littérature scientifique et grise offre un large éventail de détails provenant de contextes diversifiés. Obtenus à la suite d’une démarche rigoureuse suivant les lignes directrices PRISMA pour les revues de la portée, nos résultats pourront contribuer à éclairer les intervenant(e)s, gestionnaires et décideur(-euse)s du réseau de la santé et des services sociaux du Québec, ainsi que de systèmes similaires ailleurs dans le monde, dans la bonification de l’offre de soin, notamment dans le champ du soutien à l’autonomie des personnes aînées et de la dépendance. L’implantation d’interventions adaptées aux besoins complexes de cette population particulière contribuera plus largement à l’amélioration de la qualité des soins et des pratiques cliniques dans ces milieux d’hébergement, à l’heure où le vieillissement de la population est un phénomène qui se précipite dans de nombreux pays, et auquel les services doivent s’ajuster efficacement.