Comptes rendus

Estée Fresco. Red Mitten Nationalism: Sport, Commercialism, and Settler Colonialism in Canada, Montréal, McGill-Queen’s University Press, 2022, 256 p.

  • Ollivier Hubert

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  • Ollivier Hubert
    Université de Montréal et Centre d’histoire des régulations sociales

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Couverture de Regards intellectuels sur la Révolution tranquille, II, Volume 23, numéro 2, printemps 2023, p. 5-173, Mens

La déconstruction historique des identités nationales est un domaine de recherche ancien, pleinement institutionnalisé depuis les années 1980 et, par conséquent, menacé d’une forme d’essoufflement théorique. La montée en puissance des études sur le colonialisme d’occupation offre à cet égard l’occasion d’un renouvellement des analyses critiques du nationalisme, en particulier lorsqu’il s’agit de sociétés qui, comme le Canada et le Québec, sont essentiellement issues d’un long processus inachevé d’invasion de territoires autochtones et, plus globalement, de dépossession. Le livre d’Estée Fresco, en prenant l’exemple de l’organisation de compétitions sportives internationales, montre comment les élites politiques et économiques canadiennes (et, pour ce qui concerne les Jeux olympiques de Montréal, québécoises) ont investi un champ symbolique particulier pour réactualiser l’innocence collective et reproduire le déni de la violence coloniale. La qualité de l’ouvrage vient du croisement réussi d’éléments issus du réservoir interprétatif des études critiques du colonialisme et d’outils théoriques empruntés aux études socioculturelles du sport et aux études médiatiques. Par l’observation du matériel promotionnel produit à l’occasion des cinq Jeux olympiques et Jeux du Commonwealth organisés entre 1976 et 2010, l’autrice raconte la manière dont s’est progressivement réalisée au Canada la fusion du commercialisme et du nationalisme dans l’expression d’un discours dominant sur l’identité collective typique des sociétés de colons. Chaque chapitre représente donc une étape sur le chemin qui conduit à une pénétration toujours plus grande des imaginaires nationaux et, plus spécialement, du répertoire idéologique de la glorification de la colonisation, de l’appropriation des cultures autochtones et du déni de la violence coloniale par le capitalisme commercial. Sur cette trame, les Jeux olympiques de Montréal en 1976 figurent à titre de balbutiement annonciateur. Largué par le gouvernement fédéral qui refuse de payer, le comité organisateur montréalais se tourne vers un modèle d’autofinancement qui ouvre la voie à la commercialisation de la fierté collective. Une mascotte baptisée « Amik » (« castor » en algonquin), une médaille figurant une partie de crosse et une danse autochtone à la cérémonie de clôture se manifestent comme autant d’écrans masquant la non-consultation des communautés autochtones de la région et la domination du récit glorifiant l’expérience historique de la majorité franco-québécoise. La stratégie d’un autofinancement par, notamment, la vente de produits dérivés se solde par un échec et les jeux de Montréal seront au bout du compte financés par les contribuables québécois. C’est seulement à l’occasion des jeux de Calgary (1988) que se met en place pour de bon le modèle aujourd’hui dominant qui consiste pour des firmes commerciales à capter la sentimentalité nationaliste. Tandis que les Montréalais auraient failli à la tâche de faire vibrer la corde patriotique à l’échelle canadienne, et donc à élargir le bassin des clientes et des clients susceptibles de croire soutenir une cause nationale en achetant quelques babioles, les Albertains ont su à la fois canadianiser l’imaginaire « cowboy » et promouvoir les intérêts des industries pétrolières. Les Jeux du Commonwealth tenus à Victoria en 1994 sont, quant à eux, les premiers de la série à ménager une place quelque peu substantielle aux expériences autochtones, à inclure des représentants et des représentantes autochtones dans l’organisation même des jeux et à ne pas balayer sous le tapis les torts du passé comme les défis du présent. Ce virage important signale le commencement d’un réalignement stratégique du discours politique sur la ligne de la réconciliation. Les Jeux olympiques de Vancouver (2010) seront l’occasion pour le Canada de faire rayonner à travers le monde l’image d’un pays comme toujours pétri de bonnes intentions inspirées par les plus hauts standards dans le domaine des valeurs morales. Les peuples autochtones y obtiennent le droit …