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1. Mise en contexte

Le projet au coeur de cet article s’inscrit dans la recherche-action MultinumériC menée par Jean-François Boutin (UQAR) dans le cadre de l’action concertée FRQSC-MÉQ portant sur le numérique en éducation (2020-2023[1]). Marc Fillion, enseignant de français à l’école secondaire Pointe-Lévy, a manifesté son intérêt à faire partie de cette recherche.

Le projet de cocréation réalisé avec cet enseignant tente de répondre à un besoin identifié dans le cadre de sa pratique. Selon lui, les élèves de cinquième secondaire éprouvent de grandes difficultés liées à la réussite de l’épreuve unique de français et au passage secondaire/collégial dans cette matière. Les résultats nationaux à l’épreuve unique de français (5e secondaire) de 2019 témoignent d’ailleurs de ces difficultés (Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur [MEES], 2019a). En effet, le taux de réussite est au-dessus de 92 % pour les critères concernant l’argumentation : adaptation à la situation de communication (97,4 %), cohérence du texte (99,3 %) et utilisation du vocabulaire approprié (92,9 %). En ce qui concerne les critères de langue, le taux de réussite est nettement plus bas : construction des phrases et ponctuation appropriée (78,8 %) et respect de l’orthographe d’usage et grammaticale (58 %). De tels résultats montrent que les élèves maitrisent bien la partie discursive de l’épreuve, contrairement à la partie linguistique (Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur [MEES], 2019a).

Les difficultés rencontrées par les élèves de cinquième secondaire en français persistent lorsqu’ils atteignent le niveau collégial, et ce, même si leur cours de français mise sur l’intégration des connaissances pour une meilleure maîtrise de la langue (Conseil Supérieur de l’Éducation, 2010). En effet, les attentes en français des cours collégiaux sont beaucoup plus grandes, ce qui occasionne de nombreux échecs lors de la première session de cours (Commission d’évaluation de l’enseignement collégial, 2001). Plusieurs enseignant.e.s de français au cégep mentionnent d’ailleurs que les élèves éprouvent de grandes difficultés à l’écrit, qu’ils ne possèdent pas de stratégies efficaces d’écriture ou de lecture et que les exigences du parcours collégial sont trop grandes par rapport à celles des cours dispensés au secondaire (Roberge, 2008; Lampron et Blaser, 2012).

Par ailleurs, plusieurs élèves ne se sentent pas suffisamment préparés pour les cours de français qu’ils suivent au cégep, notamment en raison du manque d’arrimage entre les contenus du secondaire et du collégial (Conseil Supérieur de l’Éducation, 2010; Lampron et Blaser, 2012). Marc Fillion, enseignant de français en cinquième secondaire, souhaite donc aider ses élèves à mieux réussir l’épreuve unique et à développer les compétences nécessaires pour faciliter la transition en français écrit au cégep où les attentes sont nettement plus élevées.

Les difficultés rencontrées dans le cours de français par les élèves de Marc au fil des années permettent de définir le projet comme suit : cocréation et validation d’un outil d’autorégulation en correction textuelle auprès d’élèves de cinquième secondaire. L’outil numérique cocréé permet aux élèves, par l’autoconsignation de leurs méprises rédactionnelles, d’établir leur propre portrait évolutif, en temps réel et mobile, de leurs forces et difficultés en syntaxe, en ponctuation ainsi qu’en orthographes lexicale et grammaticale.

Les sections suivantes présentent le projet en s’appuyant sur la méthode des 4 P (Lacelle et Lalonde, sous presse; Lacelle et al., 2019, 2022; Martel, 2022; Martel et al., 2020; Richard et al., 2017; Richard et Lacelle, 2020), analysent et interprètent les compétences développées par les élèves et l’enseignant pendant le processus de cocréation et décrivent les points forts ainsi que les améliorations possibles à apporter à l’outil.

2. Présentation du chantier

Cette section décrit plus spécifiquement la cocréation et la validation de l’outil d’autorégulation en correction textuelle. La présentation du projet s’appuie sur les quatre principes qui régissent le processus de cocréation, c’est-à-dire la méthode des 4 P : élaboration du Portrait du milieu et des acteur.rice.s, description du Processus de cocréation, présentation du Projet cocréé et analyse des Productions d’élèves (Lacelle et Lalonde, sous presse; Lacelle et al., 2019, 2022; Martel, 2022; Martel et al., 2020; Richard et al., 2017; Richard et Lacelle, 2020).

2.1. Portraits du milieu et des acteurs

Le projet se déroule à l’école secondaire publique Pointe-Lévy, située à Lévis, sur la Rive-Sud du Saint-Laurent, dans la région de Québec (Centre de services scolaire des Navigateurs). En 2021, cette école comptait 2251 élèves issus d’un milieu favorisé (Ministère de l’Éducation [MEQ], 2022a). Elle possède d’ailleurs de nombreuses ressources numériques facilement accessibles pour les enseignant.e.s et les élèves pendant les cours. En effet, Pointe-Lévy dispose d’ordinateurs Chromebook, de tablettes, de projecteurs, de TNI, de matériel artistique numérique et d’un studio de production. Par ailleurs, l’école offre une connexion internet et un réseau wifi. Les élèves ont également le droit d’utiliser leur téléphone intelligent à l’école et dans les classes, à la discrétion de l’enseignant.e. De plus, enseignant.e.s et élèves sont doté.e.s d’une adresse courriel émise par le Centre de services scolaire (CSS) leur permettant d’accéder à plusieurs plateformes numériques, dont la suite Google et la suite Office. Le numérique est donc particulièrement présent et disponible dans cette école pour les enseignant.e.s qui souhaitent en faire usage.

L’équipe de recherche est composée d’un professeur-chercheur, d’un cochercheur-praticien et de ses élèves ainsi que d’une assistante de recherche. Le professeur-chercheur, Jean-François Boutin, est professeur en didactique de la littératie à l’Université du Québec à Rimouski (UQAR), campus de Lévis. L’enseignant qui oeuvre à titre de chercheur-praticien au sein du projet de cocréation, Marc Fillion, enseigne la discipline du français en cinquième secondaire depuis plus de 30 ans. Il est également titulaire d’une maitrise en éducation et chargé de cours en didactique du français au secondaire. L’assistante de recherche, Alexandra Beaudoin, est quant à elle étudiante à la maitrise en éducation. Elle possède un baccalauréat en enseignement en adaptation sociale et scolaire de l’Université du Québec à Rimouski (UQAR), campus de Lévis.

2.2. Processus

Soucieux de ses étudiants et de leur réussite, non seulement dans son cours, mais également à l’épreuve unique de français et dans leurs cours ultérieurs de français au collégial, Marc s’engage dans la recherche-action en 2020. Son projet s’inscrit dans un chantier lié au français, langue d’enseignement au secondaire, et répond aux exigences de l’action concertée, soit favoriser le développement des compétences numériques et multimodales des élèves et de l’enseignant. Le besoin recensé par l’enseignant lors de la première rencontre de cocréation permet à l’équipe de recherche de cibler deux objectifs pour le projet :

  • développer une stratégie numérique et multimodale de correction de texte (grille de consignation des méprises);

  • optimiser le code de correction utilisé par les élèves.

En ce qui concerne le premier objectif, l’enseignant mentionne que les élèves doivent développer une stratégie de correction plus efficace de leurs textes, afin notamment de faciliter la transition vers leurs études collégiales. En effet, comme mentionné précédemment, les attentes en écriture au cégep sont plus grandes que celles au secondaire. L’enseignant explique d’ailleurs qu’il a déjà une stratégie en place qu’il juge efficace, mais assurément complexe. Par le biais du numérique, l’enseignant de cinquième secondaire souhaite optimiser celle-ci. Pour ce qui est du deuxième objectif, Marc souhaite bonifier la démarche de correction de texte en discutant avec les autres membres de l’équipe de recherche. Il croit qu’« à trois têtes, nous serons en mesure d’améliorer la stratégie de révision et de correction » qu’il utilise déjà auprès de ses élèves. La seconde rencontre permet à Marc de bien énoncer ses besoins en lien avec les deux objectifs du projet :

  • mieux lier deux outils préexistants au projet (la grille de consignation des méprises et le code de correction);

  • rendre la procédure de correction amusante ou, du moins, plus plaisante pour les élèves;

  • rendre le code de correction plus significatif et concret pour les élèves;

  • utiliser le numérique afin de simplifier la démarche;

  • épurer la grille de consignation des méprises qui compte un grand nombre de codes.

Les besoins exprimés par l’enseignant permettent à l’assistante de recherche de développer une version numérique de la grille de consignation des méprises. Cette version est présentée aux deux autres membres de l’équipe lors de la troisième rencontre. Cette rencontre permet notamment à l’équipe de recherche de cibler un objectif de quatre productions écrites à réaliser avec les élèves pendant l’année. Cela permettra aux élèves de consigner quatre traces dans la grille de consignation des méprises et d’ainsi suivre leur évolution en écriture pendant l’année scolaire (autorégulation). La grille de consignation des méprises sera expliquée plus en détail dans la prochaine section qui porte sur le projet.

La quatrième rencontre mise sur la démarche de correction en six étapes. L’enseignant souhaite rendre le code de correction plus stimulant et simple d’utilisation pour les élèves. Pendant la rencontre, l’équipe cherche à ludifier, au moyen d’analogies, le code de correction. Cependant, il demeure difficile à comprendre et long à réaliser. Par ailleurs, l’enseignant réitère l’importance du lien qui doit exister entre la démarche de correction en six étapes et la grille de consignation des méprises. Ainsi, au terme de la rencontre, les codes de la grille de consignation des méprises sont reliés à une étape de code de correction.

La cinquième rencontre permet à l’équipe de revenir sur la démarche de correction. Marc présente une nouvelle version de cette démarche qu’il qualifie de « à la carte ». Ainsi, le code de correction envisagé n’est plus séquentiel, mais dynamique. À l’aide de la grille de consignation numérique, les élèves peuvent désormais identifier les catégories de méprises dans lesquelles ils ont le plus de difficulté et choisir l’étape ou les étapes de correction qu’ils doivent prioriser. Les analogies sont donc rejetées et les étapes de corrections préalablement utilisées par l’enseignant sont reprises par l’équipe de recherche. L’idée de Marc de rendre le code de correction dynamique permet de répondre aux besoins préalablement identifiés, soit de rendre celui-ci plus concret et simple d’utilisation.

La sixième et dernière rencontre avant l’implantation de l’outil en classe permet de faire un retour sur la grille de consignation des méprises et sur les besoins de Marc pendant l’année scolaire. En effet, l’utilisation de l’outil en classe (grille de consignation numérique et code de correction « à la carte ») nécessitera la présence de l’assistante de recherche qui l’a développé. Par ailleurs, comme un grand nombre de productions écrites sont prévues pendant l’année, l’assistante de recherche aidera l’enseignant lors de la correction afin de le soulager de cette tâche lourde et fastidieuse (Sow, 2015). De plus, lors de cette rencontre, l’enseignant annonce à l’équipe de recherche que la direction de son école lui permet d’avoir un charriot de Chromebook dans sa classe.

Les rencontres subséquentes seront décrites plus en détail dans les prochaines sections puisqu’elles sont en lien avec le développement de l’outil et son utilisation en classe (sections « Projet » et « Production »). Pendant l’année scolaire 2021-2022, les outils ont été mis à l’essai dans les trois classes de cinquième secondaire de l’enseignant. De plus, l’outil a subi plusieurs améliorations in situ selon les besoins identifiés par les élèves et l’enseignant après chacune des productions écrites. D’ailleurs, ces mêmes besoins ont permis à l’assistante de recherche de développer des portraits de classe permettant à Marc d’adapter son enseignement en fonction des besoins en écriture de ses élèves et de ses classes.

2.3. Projet

2.3.1. Grille numérique de consignation des méprises

La grille de compilation des maladresses, réalisée en 2012 par Chartrand (annexe 1), est utilisée depuis plusieurs années par le cochercheur-praticien. Cette grille sert donc de point d’ancrage dans l’outil numérique développé par l’assistante de recherche. En effet, pour réaliser une correction efficace des productions écrites, l’enseignant doit laisser des marques de ses décisions pédagogiques sur les copies des élèves (Roberge, 2008). Les commentaires codés sont privilégiés, notamment pour éviter une surcharge de travail à l’enseignant qui réalise la correction, mais également parce qu’ils permettent d’engager les élèves dans leur processus d’apprentissage et leur procurent plus d’avantages en ce qui concerne le développement de leur écriture à long terme (Bitchener et Ferris, 2012; Eslami, 2014; Ferris, 2010; Jodaie, Farrokhi et Zoghi, 2011; Lee, 2008).

La grille de compilation des maladresses de Chartrand (2012) contient sept grandes catégories de méprises : le texte (TE), le vocabulaire (VO), la syntaxe (SY), la ponctuation (PO), l’orthographe lexicale (OL), l’orthographe grammaticale (OG) et la conjugaison (CO). Ces grandes catégories sont divisées en codes chiffrés qui représentent un type d’erreur. Les types d’erreur comprennent également une description permettant de les identifier dans une production écrite d’élève. Par exemple, le code OG1 exprime une erreur dans le genre du nom. La grille de Chartrand (2012) a été modifiée par l’équipe de recherche (annexe 2) et recense les principales méprises rencontrées par l’enseignant dans les productions écrites des élèves de cinquième secondaire. Par ailleurs, certains codes et explications ont été modifiés afin que les élèves soient en mesure de les comprendre plus facilement.

La grille de compilation des maladresses est utilisée conjointement avec une démarche de consignation dans le but d’aider les élèves à écrire de meilleurs textes en français (Chartrand, 2012). Au sein de cette démarche, le travail de l’enseignant consiste à utiliser les codes de la grille pour identifier les méprises commises par les élèves dans leurs productions écrites et le travail de l’élève consiste alors à consigner ces méprises dans la grille de compilation. La démarche doit être réalisée de façon régulière et continue afin que les élèves puissent compiler, pour chaque trace écrite, les maladresses qu’ils commettent. Après quelques textes, il leur est possible de voir les codes qui se répètent, de même que les codes dans lesquels ils semblent s’améliorer. Cette démarche mise sur l’autorégulation des apprentissages (Zimmerman, 2000) et s’inscrit dans le modèle de l’apprentissage régulé en situations scolaires proposé par Cartier (2006). En effet, la démarche de consignation des méprises amène l’élève à planifier ses tâches, à contrôler leurs avancées et à réaliser les ajustements nécessaires en vue d’atteindre un but initialement fixé. Elle est le coeur de l’outil numérique cocréé qui vise notamment à rendre les élèves actifs et indépendants dans leurs apprentissages, c’est-à-dire à faire d’eux des apprenants autorégulés (Taji, 2020).

L’outil d’autorégulation en correction textuelle cocréé correspond ainsi à une version modifiée de la grille de compilation des maladresses de Chartrand (2012) et propose la même démarche que cette auteure. Le numérique permet cependant d’y ajouter un nouvel élément, soit un portrait dynamique et évolutif des difficultés et des forces recensées par les élèves dans la grille. Ce portrait transforme justement la grille de compilation des maladresses en une représentation graphique autorégulatoire permettant aux élèves d’avoir un aperçu rapide et visuellement clair de leurs forces et de leurs faiblesses en français.

L’outil numérique contient deux éléments principaux : le fichier maitre de l’enseignant et le document de l’élève (grille de consignation des méprises et portrait en écriture). Le fichier maitre (figure 1) est une feuille de calculs Google qui contient toutes les informations relatives aux élèves. Lors de l’année de mise à l’essai, Marc enseigne à trois groupes d’élèves de cinquième secondaire. Ainsi, le fichier maitre contient trois onglets qui représentent chacun de ces groupes. Chaque onglet comporte un tableau qui présente plusieurs informations : le prénom et le nom de chaque élève, leur numéro de matricule, le numéro de leur groupe et leur adresse courriel. Le fichier maitre contient toutes ses informations puisqu’il les communique, au moyen d’une formule, à chaque document envoyé aux élèves. L’enseignant peut facilement accéder aux documents des élèves en cliquant sur les hyperliens. C’est également à partir de ce fichier que l’enseignant peut créer de nouvelles copies de l’outil. La figure 1 présente le fichier maitre que l’assistante de recherche a créé, pour Marc, pour l’année scolaire 2021-2022. Dans la figure 1, les noms des élèves de même que leurs adresses courriel sont ombragés afin de maintenir leur confidentialité.

Figure 1

Fichier maitre de l’enseignant

Fichier maitre de l’enseignant

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Le second élément développé par l’assistante de recherche est le document de l’élève qui est séparé en deux onglets, la grille de consignation des méprises et le portrait en écriture.

La grille de consignation des méprises est une adaptation de la grille de compilation des maladresses réalisée par Chartrand (2012). L’assistante de recherche a utilisé différentes formules afin que la grille effectue automatiquement les calculs : le nombre de méprises par critère, le nombre de méprises par mots, le nombre total de méprises, etc. La figure 2 présente ladite grille contenue dans le premier onglet de l’outil.

Figure 2

Grille de consignation des méprises

Grille de consignation des méprises

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La figure 3 présente le portrait en écriture (vierge) qui se trouve dans le second onglet de l’outil.

Figure 3

Portrait en écriture vierge

Portrait en écriture vierge

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Lorsque l’élève entre ses méprises dans la grille de consignation, le portrait se dessine. La figure 4 présente un portrait réel d’élève.

Figure 4

Exemple réel de portrait en écriture

Exemple réel de portrait en écriture

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Ce portrait, sous forme de diagramme à bandes verticales, indique le nombre de méprises commises par l’élève selon la catégorie de méprises indiquée par la légende (syntaxe, ponctuation, orthographe lexicale et orthographe grammaticale). Le graphique ne tient pas compte des méprises commises dans les catégories texte (TE) et vocabulaire (VO) puisqu’elles n’influencent pas la note qu’obtient l’élève aux critères 4 (SY et PO) et 5 (OL et OG) de la grille d’évaluation ministérielle (annexe 3). L’équipe de recherche a donc décidé d’inclure uniquement, dans le diagramme, les catégories de méprises (SY, PO, OG, OL) associées aux critères 4 et 5 de la grille d’évaluation ministérielle, puisque c’est dans celles-ci que les élèves ont le plus de difficulté (MEES, 2019a). Le graphique indique aussi le nombre de méprise par mot commis par l’élève dans son texte. L’enseignant de Pointe-Lévy accorde une grande importance à cette donnée puisque, pour réussir l’épreuve unique en français, les élèves doivent commettre 1 faute aux 17 mots ou moins. Ce seuil représente le nombre de fautes maximum qu’un élève peut faire (24 pour la syntaxe et la ponctuation et 35 pour les orthographes lexicale et grammaticale) dans un texte de 500 mots (nombre de mots requis pour l’épreuve unique) avant qu’un.e correcteur.rice du ministère ne cesse la correction de leur texte. Le nombre de méprises par mots a été calculé pour ces deux maximums d’erreurs (1/14 et 1/20) et la moyenne des deux résultats représente le fameux 1/17 (Ministère de l’Éducation [MEQ], 2022b). Selon Marc, cette donnée parle beaucoup aux élèves qui l’utilisent pour savoir s’ils sont prêts ou non pour l’épreuve unique.

2.3.2. Code de correction « à la carte »

Le deuxième outil utilisé par l’enseignant est un code de correction, en six étapes, tiré du manuel Le Remue-méninge, activités grammaticales 1 (Léger, 2017). L’enseignant oblige les élèves à réaliser le code de correction et leur demande même de laisser des traces sur leur texte. Comme mentionné précédemment, l’enseignant souhaite rendre cette démarche de correction plus plaisante aux yeux de ses élèves puisqu’il la juge primordiale pour la majorité d’entre eux. Le code de correction de Léger (2017) est une démarche en six étapes qui a comme particularité d’être réalisée phrase par phrase. Ainsi, l’élève doit appliquer toutes les étapes de la démarche à une phrase avant de poursuivre vers une seconde phrase de son texte. La démarche de correction proposée par Léger (2017) a été modifiée par le cochercheur-praticien au fil des années d’utilisation puisqu’il trouvait certaines étapes longues à réaliser et difficiles à comprendre par les élèves. Voici les six étapes du code de correction inspirées de la démarche de Léger (2017) qu’utilise l’enseignant :

  1. Délimiter la phrase graphique.

  2. Vérifier que la phrase a un verbe principal (un seul).

  3. Trouver le groupe sujet de la phrase (et vérifier l’accord du verbe).

  4. Trouver le groupe complément de phrase de la phrase (virgules ou non ?).

  5. Délimiter le groupe verbe (virgules simples ?).

  6. Vérifier les accords (« lunettes »).

Malgré les modifications apportées, l’enseignant remarque depuis plusieurs années que les élèves s’engagent dans les deux premières étapes du code de correction, mais se lassent et lâchent prise pour les autres étapes du code. L’enseignant leur soumet donc un sondage afin de connaitre leur point de vue au sujet du code de correction. Il découvre que les élèves considèrent la plupart des étapes utiles, sauf l’étape 2 (vérifier que la phrase a un verbe principal) et l’étape 5 (délimiter le groupe verbe). Ces étapes sont également les moins bien comprises par les élèves, et ce, malgré les explications dispensées en début d’année scolaire. Par ailleurs, un élève mentionne que le code de correction n’aborde pas l’orthographe lexicale. Finalement, ce qui émane du sondage c’est que les élèves n’aiment pas la démarche de correction proposée par l’enseignant, car ils la trouvent trop longue à réaliser.

Le sondage permet à l’équipe de cocréation d’avoir de bonnes pistes pour améliorer la démarche de correction. Après plusieurs rencontres infructueuses à tenter de modifier les étapes du code de correction, l’enseignant propose de revoir la façon de l’utiliser. Il propose une démarche de correction « à la carte ». En effet, la grille numérique de consignation des méprises permet à l’élève d’avoir un portrait de ses forces et de ses difficultés en écriture. Ainsi, en se fiant à ce portrait, l’élève peut choisir les étapes du code de correction qui servent à l’aider à éliminer le type d’erreurs qu’il commet le plus dans ses textes. L’équipe de recherche se penche donc sur une façon de lier la grille de consignation des méprises au code de correction. Pour ce faire, l’équipe de cocréation revoit chacune des étapes et les lie à un code de la grille de consignation des méprises. Par ailleurs, une étape est ajoutée pour la correction de l’orthographe lexicale. L’équipe modifie également le nom de chacune des étapes pour qu’elles deviennent non plus des étapes séquentielles, mais bien des actions de correction permettant de dynamiser la démarche de correction. Les actions ne sont pas numérotées, ce qui permet aux élèves de choisir celle(s) qui correspond(ent) à leurs besoins en écriture. Voici les six actions de correction de la démarche modifiée et améliorée par le processus de cocréation :

  • Action GNS : Trouver le GNS de la phrase (et vérifier l’accord du verbe).

  • Action G_CP : Trouver le G_CP de la phrase (virgules ou non ?).

  • Action PHRASE : Délimiter la phrase graphique et vérifier que la phrase a un verbe principal.

  • Action GV : Délimiter le GV (virgules simples ?).

  • Action ORTHOGRAPHE : Vérifier l’orthographe lexicale.

  • Action ACCORDS : Vérifier les accords (« lunettes »).

Marc souhaite également dynamiser la présentation de la démarche de correction. Ainsi, l’assistante de recherche réalise un schéma des actions de correction (inspiré par Léger, 2017) qui permet de casser l’aspect procédural de la démarche. La figure 5 illustre le schéma des actions de correction. L’application Prezi est d’ailleurs utilisée pour dynamiser la présentation du schéma en classe. De plus, un code de couleurs, semblable à celui utilisé dans le graphique du portrait, est utilisé pour identifier les catégories de méprises (syntaxe, ponctuation, orthographe lexicale, orthographe grammaticale) auxquelles correspondent les actions de correction.

Figure 5

Les actions de correction

Les actions de correction

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2.4. Productions

2.4.1. La consignation des méprises par les élèves

L’outil de consignation des méprises est validé pendant deux années scolaires auprès des élèves de cinquième secondaire de l’école Pointe-Lévy. À l’an 1 (année scolaire 2021-2022) l’outil est présenté aux trois classes de Marc, deux issues du programme d’éducation intermédiaire (PEI) et une du programme de formation générale. Les trois classes comportent un total de 75 élèves. Pendant l’année, les élèves réalisent quatre productions écrites qui peuvent être consignées dans la grille de consignation des méprises. En cinquième secondaire les productions écrites proposées sont des textes argumentatifs ou des lettres d’opinion afin de bien préparer les élèves à l’épreuve unique de français qui requiert l’écriture de ce genre de textes.

Les quatre traces produites permettent aux élèves de générer leur portrait en écriture sous la forme d’un diagramme à bandes. Ils peuvent ainsi voir l’évolution de leurs erreurs, de même que leurs forces et leurs difficultés. Les élèves doivent ensuite utiliser les actions de correction dans le but de s’améliorer dans les catégories de méprises où ils commettent le plus d’erreurs. La figure 4 présente un exemple réel de portrait d’élève. Il est possible de remarquer qu’au premier texte, l’élève commet un nombre d’erreurs similaire (12) en syntaxe et en orthographe grammaticale. Pour ce texte, les difficultés principales de l’élève résident donc dans ces deux catégories de méprises. Le diagramme présente également le nombre de méprises par mot qui est, dans ce cas-ci, 1 faute aux 14 mots. Le graphique montre d’ailleurs que l’élève s’est amélioré entre le premier et le quatrième texte, notamment grâce au nombre de méprises par mot qui passe de 1/14 au premier texte à 1/29 au quatrième texte.

Figure 4

Exemple réel de portrait en écriture

Exemple réel de portrait en écriture

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Les quatre productions écrites réalisées dans l’année permettent ainsi de valider l’outil à quatre reprises et de le bonifier à chaque fois. En effet, le numérique facilite la modification rapide de l’outil et la diffusion aux élèves. Ainsi, les coquilles rencontrées dans les formules utilisées dans la grille de consignation des méprises ont rapidement été corrigées pour permettre aux élèves d’avoir constamment un portrait fiable de leurs forces et de leurs difficultés en écriture. Les rencontres de cocréation réalisées pendant la validation de l’outil en classe ont également permis d’obtenir les réactions de l’enseignant et ses recommandations pour le bonifier. Ces deux éléments seront décrits dans les prochaines sections.

2.4.2. Les portraits de classe

Pendant la validation de l’outil en classe, l’enseignant remarque qu’il serait intéressant de produire des portraits en écriture pour ses trois classes. En effet, il considère qu’il perd un temps considérable à entrer manuellement dans les portraits de chaque élève afin de relever les difficultés communes à une classe. Il aimerait avoir accès aux moyennes de groupes afin de connaitre les besoins en écriture de chaque classe. Il croit que les données issues de ces portraits l’aideront à différencier son enseignement. L’assistante de recherche se lance donc dans le développement d’une feuille de calculs Google lui permettant de répondre à la demande de l’enseignant. De là naissent les portraits de classe qui correspondent à la moyenne des fautes commises par les élèves d’un même groupe selon la catégorie de méprise. Le portrait présente également la moyenne du ratio de méprise par mots obtenu par ces mêmes élèves. La figure 6 illustre le portrait du groupe 65, un des groupes PEI de Marc pendant l’année scolaire 2021-2022.

Figure 6

Portrait en écriture du groupe 65 (groupe PEI, 2021-2022)

Portrait en écriture du groupe 65 (groupe PEI, 2021-2022)

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3. Analyse et interprétation du projet

La section qui suit permet de rendre compte des compétences liées à la littératie médiatique multimodale (LMM), au français et au numérique mobilisées par le cochercheur-praticien et les élèves pendant l’année de validation de l’outil d’autorégulation en correction textuelle. Elle décrit également les points forts et les améliorations possibles à apporter au projet.

3.1. Développement de compétences en littératie médiatique multimodale

Tout d’abord, l’utilisation de l’outil repose sur la production de textes par les élèves. Dans le cadre scolaire, le texte produit est sous forme analogique notamment, puisque c’est ce qui est attendu des élèves de cinquième secondaire à l’épreuve unique de français. Une fois les productions écrites terminées, l’enseignant est placé en position de réception puisqu’il doit les lire. L’enseignant est également en posture de production puisqu’il utilise différents codes pour signaler à l’élève les méprises contenues dans son texte. Lorsque les productions écrites sont corrigées et codées, l’élève doit utiliser l’outil numérique de consignation des méprises pour consigner ses erreurs et générer son portrait en écriture. Cette démarche d’autorégulation est facilitée par l’utilisation du numérique puisque les calculs et le portrait sont générés automatiquement par la feuille de calculs Google. L’élève doit ensuite interpréter le graphique en vue de cibler ses forces et ses difficultés en écriture. La démarche de correction amène aussi l’élève à mobiliser ses compétences en LMM. En effet, une fois le portrait en écriture généré et analysé par l’élève, ce dernier doit prendre différentes décisions pédagogiques qui le mènent à réaliser des exercices en ligne selon ses besoins et à cibler la ou les action(s) de correction nécessaire(s) pour la correction de son prochain texte. Ainsi, l’outil numérique de consignation des méprises et la démarche de correction forcent le passage d’un rapport traditionnellement « monomodal » lié à la production de textes vers un environnement d’autorégulation foncièrement multimodal, notamment grâce au numérique (hypertextualité, représentations graphiques et mathématiques, etc.).

3.2. Développement de compétences et de savoirs en français

Les deux outils ont été cocréés pour aider les élèves en écriture, notamment pour qu’iels réussissent l’épreuve unique de français, mais également pour faciliter le passage du secondaire au collégial dans cette matière. La grille de consignation des méprises tout comme les actions de correction sont des outils qui favorisent l’autonomie des élèves dans leur correction et les placent dans une situation d’autorégulation de leurs apprentissages. En effet, à l’aide des outils, les élèves doivent comprendre l’encodage de leurs méprises et consigner les codes dans la grille numérique. Une fois leur portrait généré, ils doivent relever leur(s) principale(s) difficulté(s) en écriture et prendre en charge leurs apprentissages en réalisant les exercices compensatoires en demandant l’aide de l’enseignant et en utilisant les actions de corrections dans leur prochaine production écrite. Cependant, pour obtenir de réels acquis en écriture, les élèves doivent participer à la démarche de consignation des méprises et déployer les efforts nécessaires pour s’améliorer. Les élèves qui s’engagent dans la démarche proposée développent, selon l’enseignant, une motivation supplémentaire à écrire, car ils voient de réelles améliorations. Par ailleurs, l’enseignant note que les élèves posent des questions plus précises en ce qui concerne leurs méprises et possèdent un meilleur doute orthographique lorsqu’ils doivent composer un texte. L’enseignant mentionne aussi un intérêt plus grand des élèves pour l’enseignement de la théorie en classe, puisqu’ils y voient de réels bénéfices pour leurs besoins en écriture. En ce sens, plusieurs élèves ont amélioré leur ratio du nombre de méprises par mot pendant l’année. Il est cependant important de rappeler que les outils mis en place ne sont pas efficaces sans la présence de l’enseignant et le dévouement de l’élève à la tâche. Néanmoins, dans de telles conditions, l’enseignant remarque que les élèves développent une meilleure efficacité de correction et d’autoévaluation, de même que des caractéristiques importantes d’un apprenant autorégulé.

3.3. Développement de la compétence numérique

Pendant la cocréation et la validation de l’outil numérique d’autorégulation en correction textuelle, l’enseignant tout comme les élèves ont mobilisé différentes dimensions de la compétence numérique, dont développer et mobiliser ses habiletés technologiques et résoudre une variété de problèmes avec le numérique (Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur [MEES], 2019b).

Tout d’abord, l’utilisation de l’outil en classe oblige l’enseignant à se familiariser avec la feuille de calculs Google et à en comprendre les différentes fonctionnalités en vue de corriger les petites coquilles qui peuvent survenir dans les formules ou pour aider les élèves à générer leur portrait. L’enseignant mentionne d’ailleurs, dans les différentes rencontres, qu’il se sent plus compétent avec l’utilisation de l’outil et de ses différentes fonctionnalités, mais qu’il a encore du chemin à faire, notamment pour générer les documents des élèves en début d’année scolaire ainsi que les portraits de groupe. En effet, cette tâche a été réalisée par l’assistante de recherche pendant la première année de validation. Néanmoins, cette dernière a pris soin de créer des guides d’utilisation des différentes plateformes nécessaires à l’utilisation de l’outil pour aider l’enseignant ou les nouveaux enseignants qui l’utiliseront dans leurs classes.

Les élèves, quant à eux, ont pu mobiliser leur compétence numérique en contexte scolaire. En effet, ils utilisent couramment le numérique dans leur vie extrascolaire, que ce soit pour jouer à des jeux vidéo, écouter de la musique ou des vidéos en ligne, ou encore, naviguer sur les différents réseaux sociaux. Ils sont branchés matin et soir pour rester en contact avec leurs ami.e.s, leur famille et le monde extérieur (Agence de la santé publique du Canada, 2018; Wiard, 2020). En revanche, les compétences numériques nécessaires aux activités scolaires sont souvent différentes de celles utilisées par les élèves au quotidien. L’outil numérique de consignation des méprises leur permet ainsi de développer et de mobiliser certaines habiletés technologiques nécessaires dans le cadre scolaire et qui, pour certains, seront également nécessaires dans le cadre de leur futur emploi. La grille numérique de consignation des méprises est une feuille de calculs Google qui place les élèves dans une situation de résolution de problème. En effet, ils y consignent les codes recensés dans leurs productions écrites dans le but de générer un graphique. Celui-ci permet de visualiser concrètement le portrait de leurs forces et de leurs difficultés en écriture. Ils évaluent ensuite ce portrait afin de choisir la ou les action(s) de correction adaptée(s) à leur besoin. Ils ajustent leur démarche à chaque production écrite afin de progresser en écriture. Les actions de correction sont accessibles, à même leur outil numérique, à l’aide d’un hyperlien qui mène à un Prezi. Ils doivent donc être en mesure de faire de la lecture numérique afin de pouvoir accéder au Prezi et aux actions de correction dont ils ont besoin.

3.4. Les points forts et les améliorations possibles du projet

Pendant l’année de validation, l’avis des élèves et du cochercheur-praticien a été relevé à trois reprises afin de connaitre les forces et les améliorations possibles à apporter à l’outil numérique de consignation des méprises. La plupart des élèves ont grandement apprécié la clarté et l’efficacité de la grille comme le mentionne le commentaire suivant d’un élève : « La grille est claire, utile, efficace et facile à utiliser ». Plusieurs sont également contents de ne plus avoir à réaliser la totalité du code de correction pour corriger leurs textes. Ils apprécient de pouvoir choisir la ou les actions de correction qui leur permettent de faire moins d’erreurs dans leurs productions. Ils aiment aussi voir, en un seul coup d’oeil, les erreurs fréquentes qu’ils commettent dans leurs textes. L’aspect visuel (graphique) semble un atout indispensable de l’outil. Certains élèves mentionnent d’ailleurs ces éléments lors de l’entretien réalisé en avril 2022 :

Élève 1 : « C’était beaucoup plus visuel, pis tu voyais sur quoi il fallait que tu travailles, sur quel type de fautes il fallait que tu travailles. »

Élève 3 : « T’es capable de voir la progression, t’es capable de voir si te concentrer sur tes erreurs suite à l’utilisation, si ça change de quoi. »

Élève 4 : « Les diagrammes ça permettait de voir une évolution pis aussi dans quoi t’avais le plus de difficulté pis je trouve que c’était vraiment un bon moyen de vraiment réaliser c’était quoi que tu devais travailler. »

Malgré cela, certains élèves trouvent que la saisie des codes dans la grille est longue et que certains codes sont encore difficiles à comprendre. Cet aspect problématique est d’ailleurs relevé dans certains travaux de recherche en lien avec l’utilisation d’un code de correction (Niquet, 1991; Veslin et Veslin, 1992; Roberge, 2000; Roberge, 2006; Roberge, 2008; Ferris, 2010). D’autres élèves mentionnent également que l’outil n’offre pas suffisamment de rétroactions positives. Plusieurs aimeraient que l’outil génère des commentaires positifs lorsqu’ils se sont améliorés ou des commentaires constructifs qui ciblent ce sur quoi ils doivent travailler. De plus, les élèves aimeraient que l’outil leur propose des hyperliens permettant d’accéder aux règles grammaticales selon le type d’erreur commis. Finalement, les élèves considèrent l’outil efficace, mais préféreraient l’utiliser s’il était coloré et ludique. Même si plusieurs élèves semblent accorder leur succès en écriture à la grille de consignation des méprises, une élève est plus pragmatique et mentionne que l’outil n’est pas utile sans la présence de l’enseignant et le dévouement de l’élève à la tâche d’écriture. En effet, l’enseignant joue un rôle essentiel en ce qui concerne l’utilisation de l’outil en classe puisqu’il utilise les codes de la grille dans sa correction et est présent pour répondre aux questions des élèves et pour les aider à s’améliorer selon leurs besoins en écriture.

L’enseignant est d’ailleurs très satisfait de l’outil numérique de consignation des méprises. Effectivement, il constate un investissement supplémentaire des élèves dans les tâches d’écriture grâce à l’utilisation de l’outil. Il trouve que les élèves sont plus conscients des erreurs qu’ils commettent dans leurs textes et remettent plus souvent en question l’écriture ou l’accord d’un mot. De plus, il apprécie les portraits de classe qui lui permettent de différencier son enseignement d’une classe à l’autre et qui lui fournissent une preuve efficace à présenter aux élèves lorsqu’ils sont en désaccord avec la notion enseignée. L’enseignant est également très satisfait que le numérique lui permette d’assurer un suivi constant auprès des élèves, mais aussi auprès des parents. Marc explique que l’outil est un bon moyen pour communiquer avec les parents puisqu’il leur permet de mieux comprendre la note obtenue par leur enfant en écriture, notamment dans les critères 4 (syntaxe et ponctuation) et 5 (orthographe lexicale et grammaticale) de la grille ministérielle.

Dans un autre ordre d’idée, il ne se sent pas toujours compétent lorsqu’il utilise l’outil, compte tenu du fait que l’assistante de recherche l’a développé. Il souhaite avoir plus d’autonomie pour modifier les documents et produire les copies pour les élèves puisque dans les prochaines années scolaires il sera seul pour effectuer l’implantation de la grille de consignation numérique en classe. Il aimerait donc avoir des outils pour rendre son utilisation plus efficace et rapide. En somme, les élèves, tout comme l’enseignant, apprécient l’utilisation de l’outil en classe.

Tous les commentaires relevés pendant l’année de validation ont permis à l’assistante de recherche de faire des modifications in situ aux outils cocréés. Certaines modifications ont également été réalisées pendant l’été afin que les outils soient prêts pour la rentrée scolaire de 2022. Voici la liste des principales modifications apportées :

  • correction des calculs de la grille de consignation des méprises pour qu’ils fonctionnent (aucune coquille dès la troisième production écrite);

  • ajout d’un hyperlien vers des exercices pour aider les élèves à s’améliorer selon leurs besoins;

  • ajout d’une extension Google (Autocrat) qui permet d’automatiser la création des copies de l’outil et l’envoi de celles-ci aux élèves en début d’année scolaire. Un guide d’utilisation est créé par l’assistante de recherche afin d’aider l’enseignant à s’approprier l’utilisation de l’extension rapidement;

  • ajout d’une extension Google (Consolidate Sheet) qui permet de calculer efficacement les moyennes des méprises commises dans chaque catégorie d’erreur d’un groupe d’élèves afin de produire des portraits de classe en écriture. Cette procédure évite de devoir faire la saisie des données de chaque élève manuellement en vue de calculer la moyenne des groupes. Un guide d’utilisation a également été créé par l’assistante de recherche afin d’aider l’enseignant à s’approprier l’utilisation de l’extension rapidement.

Ces modifications ont d’ailleurs pu être vérifiées grâce à une seconde année de validation qui s’est conclue récemment (année scolaire 2022-2023).

Conclusion

La passation de l’épreuve unique de français est une tâche ardue pour plusieurs élèves de cinquième secondaire. Les résultats à celle-ci démontrent, chaque année, qu’au terme de leurs années d’études secondaires, les élèves présentent des difficultés marquées en écriture, notamment en orthographes lexicale et grammaticale, de même qu’en syntaxe et en ponctuation (Bureau, 1985; Conseil supérieur de l’éducation, 1987; Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur [MEES], 2019a; Lombart, 2013; Vincent et Gagnon-Bischoff, 2019). Ces difficultés persistent lorsque les élèves entament leur cours de français au niveau collégial (Roberge, 2008).

Le présent projet, animé par le désir d’un enseignant de cinquième secondaire d’aider ses élèves en français a ainsi permis de cocréer et de valider un outil numérique d’autorégulation en correction textuelle. Cet outil comprend une grille de consignation des méprises et une démarche de correction « à la carte ». La grille de consignation des méprises permet à l’élève, par l’autoconsignation de ses méprises rédactionnelles, de générer un portrait de ses forces et de ses difficultés en syntaxe et en ponctuation ainsi qu’en orthographes lexicale et grammaticale. Une fois le portrait généré, l’élève entame une démarche d’autorégulation dans laquelle il doit choisir les exercices à réaliser pour s’améliorer de même que la ou les action(s) de correction qu’il devra utiliser pour la correction de sa prochaine rédaction. L’outil a grandement été apprécié par les élèves et l’enseignant, notamment pour sa pertinence, son efficacité et sa simplicité.

Cette appréciation a d’ailleurs suscité l’intérêt d’une autre enseignante de l’école secondaire Pointe-Lévy, Sandra Roy-Mercier, qui a décidé de l’utiliser lors de la seconde année de validation (2022-2023). L’addition de cette chercheuse-praticienne à l’équipe de cocréation a permis de réaliser une amélioration importante de l’outil numérique de consignation des méprises : l’ajout d’un onglet comportant un diagramme qui présente les pourcentages d’erreurs commises aux critères 4 (PO et SY) et 5 (OG et OL) de la grille ministérielle (annexe 3). Ce diagramme est intéressant puisqu’il permet de comparer les textes entre eux, et ce, peu importe le nombre de mots qu’il contient. Pendant cette deuxième année de validation, l’enseignante a d’ailleurs déjà remarqué de nombreux bienfaits liés à l’utilisation de l’outil en classe : diminution du nombre de méprises dans les copies de ses élèves, augmentation de l’intérêt en écriture, etc. Ainsi, le processus de cocréation se poursuit toujours et permet encore d’améliorer l’efficacité de l’outil pour les élèves et les enseignant.e.s qui en font usage.