Corps de l’article

1. Introduction

Près de 73 % des universités canadiennes requièrent une évaluation de la compétence langagière, variant d’une institution à l’autre, comme condition d’admission à la spécialisation de français, langue seconde (FLS) dans les programmes de formation initiale à l’enseignement (PFIE) (Smith et coll., 2022). Au Nouveau-Brunswick, un niveau d’intermédiaire + sur l’entretien sur la compétence orale (ESCO) était une condition d’admission à un PFIE dans l’université anglophone où l’étude s’est déroulée (voir l’annexe 1 pour les niveaux et les critères d’évaluation, un « + » est accordé quand la compétence de la personne interviewée chevauche deux niveaux.).

En toile de fond sévit une pénurie sévère d’enseignants de FLS, et les candidats à l’enseignement (CAE) sont maintenant plus nombreux à être des apprenants de langues eux-mêmes et des finissants des programmes de FLS dans lesquels ils désirent enseigner (Association canadienne des professionnels de l’immersion, 2021). Ces deux facteurs ont incité plusieurs chercheurs (p. ex., Kaszuba, 2018; Learning, 2021) à suggérer aux facultés d’éducation offrant des PFIE du FLS de favoriser le soutien de la compétence langagière à même la formation en éducation plutôt que de miser sur des exigences d’admission.

Même si plusieurs études (p. ex., Cooke et Faez, 2018; Thibeault et Quevillon-Lacasse, 2021) ont souligné l’importance d’une compétence langagière élevée dans l’enseignement du FLS, il existe très peu de données sur ce que font les différentes universités pour accroitre les capacités langagières des CAE (Learning, 2021). Les chercheurs canadiens semblent avoir favorisé l’étude d’initiatives consistant en des séjours prolongés dans une communauté francophone (Boutouchent, 2016; Mady, 2018).

Reconnaissant les enjeux élevés quant à la réussite de l’ESCO, une université du Nouveau-Brunswick a développé une initiative pour soutenir l’amélioration de la compétence de production orale de ses CAE en créant un format similaire à celui de l’ESCO et en familiarisant les CAE à cette entrevue. Le PFIE de cette université est un programme post-diplôme intensif de 10 mois menant au brevet d’enseignement où les cours obligatoires sont dispensés en anglais et où la formation à la didactique du FLS est offerte comme spécialisation. Dans ce type de programmes, soutenir l’amélioration des compétences linguistiques s’avère plus difficile (Kaszuba, 2018).

Notre étude visait à examiner les effets d’une initiative d’appoint linguistique sur la réussite à l’ESCO des CAE de FLS. Notre objectif est de répondre à la question suivante : selon les perceptions des participants à l’étude, quelles étaient les contributions de séances d’appoint linguistique adoptant un enseignement centré sur la forme et une familiarisation avec le format de l’entrevue sur la réussite des candidats à l’enseignement sur l’ESCO ? Après avoir traité de l’évaluation de la compétence de production orale, des besoins linguistiques des CAE et de l’enseignement centré sur la forme (ECF) dans notre recension des écrits, nous poursuivons en présentant notre devis de recherche, nos résultats et notre discussion.

2. Recension des écrits

2.1 Compétence de la production orale et son évaluation

Dans le domaine de l’acquisition de la langue, la compétence à l’oral se définit comme étant la capacité d’un apprenant à mobiliser ses connaissances et ses habiletés automatisées pour utiliser un vocabulaire et une grammaire de base de façon compréhensible et fluide (Wu et Ortega, 2013). Elle se mesure par des tests d’élicitation où les personnes testées doivent écouter une série de phrases pour ensuite les répéter le plus précisément possible (Wu et Ortega, 2013). Par ailleurs, l’American Council for the Teaching of Foreign Languages (ACTFL) propose une définition adoptant une perspective plus large de la compétence à l’oral. On parle plutôt des capacités fonctionnelles de la langue parlée, c’est-à-dire ce qu’un apprenant peut faire à l’oral de façon spontanée dans un contexte réel d’emploi de la langue (ACTFL, 2012). L’un des tests standardisés proposés par l’ACTFL pour mesurer la compétence à l’oral est l’ESCO. Ce test, dont le Nouveau-Brunswick utilise une version modifiée, se veut interactif et bidirectionnel. Les examinateurs de l’ESCO analysent des échantillons de discours oraux en fonction d’une impression globale de la compétence du français parlé en utilisant un modèle tridimensionnel d’analyse comprenant les fonctions (actes de parole), le contenu et l’exactitude (ministère de l’Éducation et de la Petite enfance du Nouveau-Brunswick,2019). L’ESCO ne s’appuie pas sur une théorie donnée (ACTFL, 2012). La définition plus large de la compétence orale adoptée par l’ACTFL ainsi que le test développé par cette association pour mesurer les capacités fonctionnelles d’un apprenant de langue n’est pas sans poser de problème en ce qui concerne la fiabilité et la validité de l’ESCO.

Plusieurs chercheurs ont remis en question la fiabilité et la validité de construit de l’ESCO (p. ex. Bachman, 1988; Isbel et Winke, 2019; Onal, 2022; Salaberry et Cohen, 2006). Bachman (1988) a notamment souligné l’importance de distinguer la compétence mesurée des procédures utilisées pour obtenir des productions attestant de ces capacités, une préoccupation qui nuit notamment à la fiabilité et à la validité de l’ESCO. En effet, la capacité de parler en français de la personne testée est comparée à celles d’un locuteur natif très instruit (Onal, 2022). Deuxièmement, le format même de l’entrevue est ambigu. Même si les examinateurs sont formés et certifiés, il reste que le niveau accordé à la personne testée repose sur le jugement d’un seul examinateur (Isbel et Winke, 2019). De plus, l’examinateur contrôle étroitement le déroulement de l’ESCO en choisissant des questions auxquelles doit répondre la personne testée. La performance à l’ESCO dépend donc énormément de l’examinateur lui-même et la nature de l’interaction est inégale, car l’examinateur exerce un pouvoir sur la personne testée (Onal, 2022).

Malgré ces lacunes, dans le contexte américain, l’ESCO est le test de prédilection pour évaluer les compétences langagières des (futurs) enseignants. Plusieurs études (p. ex., Brooks et Daarhover, 2014 ; Huhn, Bell et Chambless, 2021 ; Kissau et coll., 2019) ont par ailleurs souligné la contribution de l’intégration de l’ESCO dans des PFIE. Les professeurs étant sensibilisés aux conditions de sortie du PFIE, les CAE avaient davantage l'occasion de s'exprimer dans la langue cible en dehors des cours proprement dits, de connaître et d’être sensibilisés aux normes et procédures de l'ESCO, et de participer à des entretiens fictifs.

2.2 Les besoins linguistiques des futurs enseignants

Depuis trente ans, les recherches internationales sur les CAE des L2 se concentrent sur le développement de leur compétence orale (Brooks et Darhower, 2014). Malgré l'accent mis sur l’atteinte d’un niveau élevé de compétence (avancé + ou supérieur au Nouveau-Brunswick) pour arriver à soutenir les élèves dans la construction de leurs connaissances et de leurs compétences linguistiques (p. ex., Cooke et Faez, 2018 ; Thibeault et Quevillon-Lacasse, 2021), la compétence orale demeure un domaine jugé problématique par les CAE, ce qui engendre une insécurité nuisant à leur confiance (Cook et Faez, 2018). Au Nouveau-Brunswick, Le Bouthillier et Kristmanson (2023) ont rapporté que les CAE participant à leur étude s’intéressant à l’identité professionnelle de CAE du français langue seconde faisaient état d’écarts langagiers nuisant à leur réussite à l’ESCO, surtout en ce qui a trait à leurs compétences interactionnelles à l’oral, et du désir qu’on les corrige à l’oral dans l’immédiat. Les CAE de L2 déplorent par ailleurs, de manière générale, le style magistral des cours universitaires de langue/littérature de niveau avancé et le manque d'occasions pour interagir sur des sujets d'intérêt pour les enseignants (Brooks et Darhover, 2014; Kissau et coll., 2019, 2022).

2.3 Enseignement centré sur la forme (ECF)

Étant donné le format « entrevue orale » de l’ESCO ainsi que les besoins exprimés par les CAE quant au développement de l’interaction orale et à la correction immédiate des erreurs, l’adoption d’un ECF dans les séances d’appoint linguistique permettait de tenir compte du contexte particulier de l’ESCO et du besoin de s’exprimer à l’oral en utilisant adéquatement les fonctions linguistiques requises pour obtenir les niveaux avancés de l’ESCO. L’ECF amène les apprenants à porter attention aux caractéristiques de la langue cible dans des tâches orientées vers le sens dans des contextes similaires à ceux où ils seront appelés à utiliser leur L2 (Ranta et Lyster, 2018). Cette approche se distingue d’un enseignement centré sur la forme où les éléments langagiers sont enseignés de façon séquentielle et souvent décontextualisée (Ellis et coll., 2002). L’ECF comporte des techniques d’enseignement proactives et réactives. L’ECF proactif implique un enseignement planifié permettant aux apprenants de remarquer et d'utiliser des caractéristiques de la langue cible qui, autrement, ne seraient pas utilisées ou même remarquées dans le discours en classe, tandis que l’ECF réactif consiste en de la rétroaction corrective (Lyster, 2015), c’est-à-dire, l’acte pédagogique effectué en réponse à une erreur à l’oral pour encourager une prise de conscience linguistique ou le développement langagier. Les avantages de cette approche réactive de l’ECF pour l’apprentissage de la L2 sont bien documentés dans la littérature scientifique, une synthèse récente rapportant une ampleur des effets allant de moyenne à grande; en d’autres mots, d’une grande efficacité (Li et Vuono, 2019). La rétroaction corrective à l’oral permet aux apprenants de réévaluer la forme de leur message au moment où ils essaient de communiquer. Ils sont plus susceptibles de se concentrer sur la forme du message en faisant correspondre la forme au sens voulu, une condition essentielle à l’acquisition de la L2 (Doughty et Varela, 1998). Dans un contexte s’apparentant à celui de la présente étude, Mart (2019) a notamment souligné les effets positifs de l’ECF, à la fois de type proactif et réactif sur l’apprentissage d’éléments grammaticaux dans un cours universitaire de littérature où l’ECF était employé pour favoriser des liens entre la forme et le sens lors de discussions en classe.

Étant donnée la préoccupation persistante des CAE envers leur compétence orale en français et envers leur capacité à interagir oralement avec précision, nous voulons examiner les expériences des participants aux séances d’appoint linguistique par rapport à leur réussite sur l’ESCO et par rapport aux séances. Nous désirons contribuer à élargir les connaissances au sujet des initiatives prises par les facultés d’éducation canadienne pour soutenir l’amélioration linguistique de leurs CAE désirant enseigner le FLS pendant la formation initiale même en adoptant l’ECF.

3. Méthodologie

Nous avons adopté un devis d'étude de cas qualitative permettant d’étudier en profondeur un phénomène dans son contexte (Merriam, 2009; Stake, 2005). Les séances d’appoint linguistique étaient un système délimité auquel un nombre limité de CAE ont participé. Plusieurs sources d'information ont été utilisées pour tenter de reconstruire des descriptions détaillées du développement de la compétence en français des participants : résultats à l’ESCO et rétroactions des évaluateurs, groupes de discussion, guides hebdomadaires des séances et matériel de soutien. Dans cet article, nous présentons les résultats à l’ESCO ainsi que les analyses des groupes de discussion où les participants s’expriment sur leurs expériences d’apprentissage du FLS dans les séances d’appoint.

3.1 Participants et échantillonnage

Des CAE inscrits à un programme intensif de formation des enseignants de dix mois avec une spécialisation en FLS ont participé aux séances et ont été sélectionnés selon un échantillonnage intentionnel typique (Merriam, 2009) en étant invités à participer aux séances s’ils n’avaient pas un niveau avancé +. Dix des participants aux séances d’appoint linguistique ont accepté de participer à l’étude. Les participants suivaient aussi trois cours obligatoires enseignés en français pour la spécialisation en FLS. Les étudiants ayant un niveau de compétence avancé ou supérieur ont effectué au moins 50 % de leur stage en français. Deux étudiants ayant un niveau de compétence intermédiaire + ont reçu la permission d’un des districts scolaires de suivre un stage en FLS, puisque l'université leur fournissait un soutien linguistique.

Trois groupes différents de séances d’appoint linguistique de trois à cinq participants ont été formés en fonction des niveaux de compétence. Ces groupes se sont rencontrés sur Zoom chaque semaine à des moments différents, pendant une heure (trois blocs de huit semaines, pour un total de vingt-quatre heures de sessions, séparées par deux stages de huit semaines). La facilitatrice des séances d’appoint a fixé des objectifs linguistiques basés sur l'échelle de l'ESCO et a fourni un guide hebdomadaire pour les sessions ainsi que du matériel de soutien (p. ex., des cartes de vocabulaire, des leçons de grammaire sur vidéo) sur une plateforme de gestion de l'apprentissage. Ces guides hebdomadaires accompagnés de matériel de soutien représentaient des stratégies d’enseignement proactives de l’ECF. Par exemple, pour la première séance destinée à se présenter dans le cadre d’une entrevue professionnelle, l’animatrice avait accompagné le guide hebdomadaire par un document avec une structure textuelle de l’entretien d’embauche comportant trois étapes et un autre avec des mots et des cadres lexicaux clés ainsi qu’une vidéo où on donnait des conseils pour se présenter de façon réussie. Les séances d’appoint linguistique consistaient en discussions concernant des enjeux liés à l’enseignement en général ou de la L2 couverts dans l’actualité ou de sujets liés aux compétences transversales. Par exemple, pour la deuxième séance, l’animatrice avait choisi la question de l’insécurité linguistique, car il en était question dans le journal Acadie Nouvelle à ce moment. Elle avait donc fourni, en plus du guide hebdomadaire et du document avec des mots et des cadres lexicaux liés à l’insécurité linguistique, l’article tiré du journal et un balado traitant des accents et de la langue. Pendant les séances, l'animatrice offrait de la rétroaction corrective oralement ou par écrit dans le clavardage, adoptant ainsi une approche réactive de l’ECF. Les CAE pouvaient suivre les séances sans participer à l’étude et les résultats obtenus à l’ESCO n’avaient aucun effet sur leur réussite au PFIE. La facilitatrice était une enseignante en service d’une école secondaire avec plus de 14 ans d’expérience détenant la responsabilité de préparer ses propres élèves à l’ESCO. Elle connaissait bien les critères de réussite et la procédure suivie lors des entrevues orales.

Le niveau de compétence orale fourni par les CAE dans leur dossier de demande d’admission au PFIE avec une spécialisation en FLS a été utilisé comme base de référence dans l’étude. À la fin du mois de janvier 2021, la compétence orale des participants a été examinée au moyen de l'ESCO par un examinateur indépendant licencié par la province du Nouveau-Brunswick. Cet examen visait à familiariser les participants avec l’ESCO, à permettre aux CAE de s’exercer à la passation de l’ESCO, à valider leur compétence de production orale actuelle et à leur fournir des pistes d’amélioration. L’examinateur, embauché pour les fins de la présente étude a aussi rédigé un rapport pour chacun des participants soulignant ses points forts et ses points à travailler par rapport à la compétence linguistique à la suite de la passation de l’entrevue. La compétence orale a été réévaluée en juin 2021, à la fin de l'intervention linguistique et les CAE ont reçu un autre rapport individuel pour les aider à poursuivre leur apprentissage langagier après la complétion du PFIE.

3.2 Analyse des données

Les résultats obtenus à l’ESCO avant le début du programme (août 2020) et à la fin de celui-ci (juin 2021) ont été comparés afin de mesurer les gains dans la compétence de production orale des CAE. À la fin de chaque bloc de formation universitaire de huit semaines, un groupe de discussion distinct a été organisé avec chacun des trois groupes des séances d’appoint linguistique (T1 – octobre 2020 ; T2 – février 2021 et T3 – juin 2021). Les groupes de discussion ont été guidés par un protocole d'entretien comprenant des questions ouvertes liées aux expériences lors des séances et à des passations de l’ESCO, ainsi que des questions liées à la perception de leur compétence linguistique et à leur confiance à utiliser le français dans divers contextes, y compris dans la salle de classe du stage. Ces groupes de discussion ont été dirigés par la facilitatrice et présentés comme une séance habituelle d'utilisation et de pratique de la langue où les thèmes de discussion étaient liés aux expériences des CAE par rapport à l’amélioration de la langue orale et l’ESCO. Les participants ont été notifiés que, lors de cette séance, ils seraient enregistrés et que le contenu des enregistrements serait utilisé à des fins de recherche.

Le tableau suivant présente les participants par pseudonyme et indique les temps où ils étaient présents aux groupes de discussion (T1 – octobre 2020, T2 – février 2021 et T3 – juin 2021) ainsi que leur niveau de compétence à l’ESCO avant le début et à la fin du PFIE. Dans l’annexe 1, il est question de six niveaux. Le demi-niveau représenté par le « + » est accordé par l’examinateur lorsque la personne interviewée chevauche deux niveaux.

Tableau

Participants, niveau obtenu à l’ESCO avant le début et à la fin du programme, et participation aux groupes de discussion

Participants, niveau obtenu à l’ESCO avant le début et à la fin du programme, et participation aux groupes de discussion

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Les données issues de transcriptions des groupes de discussion (1 heure x 3 groupes à 3 moments : T1, T2 et T3) ont fait l’objet d’analyses qualitatives (Creswell, 2007; Merriam, 2009). L'analyse préliminaire a consisté à diviser les transcriptions en unités de sens et à mettre en évidence les citations pertinentes par rapport aux caractéristiques de l’ECF et à la passation de l’ESCO. Ces données ont ensuite été codées en fonction de thèmes récurrents et communs.

4. Résultats et discussion

Nous cherchions à savoir si les séances d’appoint linguistique avaient eu des effets sur la réussite de CAE sur l’ESCO et quelles étaient les perceptions des participants par rapport à ces effets. En réponse à notre question, nous comparerons d’abord les résultats à l’ESCO des participants avant le début et à la fin du PFIE pour ensuite présenter les résultats de l’analyse qualitative par rapport aux perceptions des participants aux effets des séances d’appoint linguistique.

4.1 Résultats obtenus à l’ESCO

La comparaison des résultats de l’ESCO révèle que tous les participants ont augmenté leur cote entre le début et la fin du PFIE (voir Tableau 1). La moitié des participants a augmenté d’un niveau, tandis qu’une autre moitié a gagné un demi-niveau. D’une part, les résultats obtenus avant le début du PFIE confirmaient l’observation de Kissau et ses collaborateurs (2022) à l’effet que les CAE ne possèdent pas la compétence orale exigée (avancé + ou supérieur pour le Nouveau-Brunswick.) pour être en mesure d’enseigner. D’autre part, les gains effectués entre la première et la dernière passation de l’ESCO illustrent que les diverses universités offrant un PFIE du FLS peuvent soutenir le développement du niveau de compétence orale, même si le programme est de courte durée et que les cours obligatoires sont offerts en anglais.

4.2 Amélioration des compétences orales et l’ECF

Les séances d’appoint linguistique visaient à bonifier les occasions d’interagir en français et à soutenir les CAE à la réussite de l’ESCO, une condition d’embauche pour les enseignants du FLS au Nouveau-Brunswick. Les CAE participant à l’étude se sont tous améliorés à l’ESCO et ils ont partagé leurs perceptions par rapport à la façon dont les séances auraient contribué à cette amélioration de leurs compétences.

Tout comme dans des études effectuées dans des contextes américains (Brooks et Darhover, 2014 ; Kissau et coll., 2019, 2022), les participants ont fait état d’expériences langagières antérieures tant scolaires qu’universitaires où peu d’accent avait été mis sur l’interaction orale et encore moins sur la précision linguistique à l’oral, comme en témoigne l’extrait suivant dans un contexte universitaire :

« Les cours offerts aux étudiants [universitaires dans un baccalauréat d’art en langue française] comme moi qui a pris l’immersion française pouvaient seulement être des cours d’écriture et de lecture. Et c’était seulement comme des questions et pas vraiment comme corrigé quand j’ai fait une erreur oralement. Alors ça c’était mon expérience avec le français. »

Sophie, octobre 2020

De plus, de façon unanime, les participants ont partagé se sentir moins compétents à l’oral qu’en lecture et en écriture, et qu’en tant que futurs enseignants de langue, leur compétence à s’exprimer oralement était aussi importante que leurs compétences pédagogiques. Ils ont exprimé leurs préoccupations spécifiques par rapport à l’amélioration et au maintien de leur compétence orale, comme dans l’étude de Cook et Faez (2018). Par exemple, l’une des participantes (juin 2021) a mentionné que, dans les discours véhiculés dans la société, les CAE devraient déjà avoir une compétence élevée à l’oral avant l’admission au PFIE. Lynn (juin 2021) a surenchéri en déclarant que les CAE devaient avoir toutes les occasions possibles pour accroitre leur niveau de langue et leur précision linguistique à l’extérieur des cours de didactiques obligatoires de la spécialisation du FLS, car l’apprentissage d’une L2 était un travail de toute une vie. Les CAE attribuaient un rôle à la faculté d’éducation comme un partenaire essentiel dans le soutien à l’amélioration linguistique, comme le préconisait Kaszuba (2018).

Les participants ont soulevé l’importance d’avoir des occasions de s’exprimer de façon étendue sur des sujets d’importance pour des enseignants et pour la réussite à l’ESCO, tout en ayant de la rétroaction corrective comme l’a souligné une participante en février 2021 : « Je pense qu’il faut avoir d’la rétroaction tout l’temps, parce que comment est-ce qu’on change [sinon] ? ». Différents participants ont réitéré qu’obtenir de la rétroaction corrective pendant qu’ils communiquaient un message jouait un rôle crucial dans leur apprentissage de la langue. Li (2018) a rapporté que les apprenants expriment une préférence pour la rétroaction, alors que les enseignants hésitent parfois à utiliser la rétroaction corrective de peur de miner la confiance des apprenants. Les participants ont affirmé que le format adopté lors des séances, c’est-à-dire de petits groupes de CAE de niveau de compétence orale similaire, était très propice à la mise en oeuvre de l’ECF, car il favorisait la prise de risque linguistique. Sasha l’a expliqué ainsi :

« Les sessions, c’est un bon lieu de explorer la langue avec [laquelle] je n’suis pas confiante. Je peux vérifier mon connaissance et je peux vérifier les choses que je ne connais pas dans un lieu où je peux demander sans être inconfortable ou mal à l’aise.

février 2021

Outre d’offrir de participer à des tâches orales orientées vers le sens dans des contextes similaires à ceux où ils seront appelés à utiliser leur L2, l’ECF a permis aux participants de développer leur conscience métalinguistique par rapport à leur utilisation de la langue orale ainsi que de faire des connexions entre le sens et la forme (Li, 2018; Ranta et Lyster, 2018) comme l’a affirmé Sasha :

« Je crois que la chose qui m’a vraiment aidé c’est je suis dans un[e] [séance] de conversation où je dois utiliser le français intentionnellement. Je dois être consciente, pas seulement de la fluidité, mais aussi de la précision. »

juin 2021

Les participants ont partagé avoir pris conscience des deux aspects des transferts translinguistiques, positifs et négatifs, des différences entre la grammaire parlée et écrite, d’éléments linguistiques comme l’utilisation correcte de pronoms personnels, de marqueurs de relation, de temps de verbes, de mots indicateurs temporels ou spatiaux et d’anglicismes. Quant à la compétence orale, les participants ont élargi leur conception de celle-ci en affirmant l’importance des composantes pragmatique et sociolinguistique pour devenir un usager compétent en plus de la composante linguistique. Par exemple, en octobre 2020, Lynn a expliqué avoir appris à conjuguer de nombreux temps de verbes sans jamais savoir réellement à quoi ils servaient et que c’était seulement lors des séances qu’elle a commencé à comprendre pourquoi et comment on les utilisait pour réaliser certains actes de parole.

Un autre aspect important soulevé par les participants est la prégnance accrue de certains éléments linguistiques (Lyster, 2015). Sasha (octobre, 2021) a déclaré : « Pour moi, ce qui est intéressant, c’est d’[entendre] les choses qui arrivent dans les séances [apparaître] pendant les autres cours [de didactique]. (…) Je [remarque] des choses (…) que je n’aurais pas vues autrement.». Christy, a surenchéri en disant qu’elle avait fait le même constat et que cela lui permettait de participer plus activement dans les cours de didactique, car elle se sentait plus confiante en sachant qu’elle possédait les connaissances linguistiques pour s’exprimer avec précision.

4.3 L’ESCO comme outil de développement linguistique

Tous les participants, à l’exception d’un, ont éprouvé de la nervosité quant à l’ESCO comme condition d’admission à la spécialisation FLS du PFIE. Sasha, qui a obtenu un niveau supérieur à l’ESCO à la fin du PFIE, a déclaré avoir échoué à l’examen linguistique d’entrée à un autre PFIE (février 2021) et s’être inscrite à l’université dont il est question dans l’étude « parce que j’ai été acceptée ici ». Les tests de compétence linguistique comme condition d’admission peuvent donc constituer des barrières à l’accès à un PFIE avec une spécialisation du FLS de CAE pouvant atteindre le niveau de compétence requis avec un soutien linguistique additionnel pendant le PFIE (Kaszuba, 2018).

Selon les participants, l’intégration de l’ESCO à même les séances d’appoint linguistique a contribué de façon importante à leur développement langagier (Brooks et Daarhover, 2014 ; Huhn et coll., 2021; Kissau et coll., 2019). Les participants aux séances d’appoint linguistique ont rapporté avoir une meilleure compréhension des critères de réussite, du format de l’ESCO et des procédures après avoir participé à l’entrevue en janvier 2021 et après avoir reçu de la rétroaction de l’examinateur. Par exemple, Madelyn (février, 2021) a expliqué qu’elle était « très nerveuse pendant [s]on OPI parce que c’était pour entrer dans le programme, et aussi [qu’elle ne savait] pas à quoi [s]’attendre. Mais, maintenant, qu’[elle en sait plus au sujet de l’ESCO, c’était] plus facile. ». Un aspect crucial de cette rétroaction à la suite de la passation de l’ESCO à la fin janvier 2021 était que les participants avaient des objectifs précis d’amélioration ainsi que des stratégies pour y arriver. Sophie et Emma par exemple (février 2021) ont déclaré que la rétroaction spécifique reçue leur avait permis de savoir exactement ce qu’elles faisaient bien, mais aussi, les points à améliorer. Elles se sont senties encouragées. De plus, en se servant de l’ESCO comme base sur laquelle faire ses choix par rapport à un ECF proactif, la facilitatrice a su outiller les participants à la passation de l’ESCO. Sophie (février 2021) a précisé : « [avoir] pris les choses que j’ai appris dans les séances en première semestre (…) et j’ai comme utilisé ces apprentissages dans mon entrevue. ».

5. Conclusion

Notre étude ajoute aux connaissances de ce que font les universités pour soutenir les compétences linguistiques des CAE, outre les séjours prolongés dans une communauté francophone. Les analyses qualitatives ont permis d’examiner les perceptions des CAE par rapport à des séances d’appoint linguistique adoptant l’ECF et la familiarisation à l’ESCO. Dans le contexte de pénurie sévère d’enseignants de FLS qualifiés, cette étude propose des pistes fructueuses pour soutenir l’amélioration de la compétence orale des CAE à même les PFIE de FLS. Des recherches futures adoptant un devis de recherche mixte permettraient d’ajouter aux analyses qualitatives de cette étude.