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Présentation

L’ouvrage résumé et critiqué est intitulé L’écriture du primaire au secondaire: du déjà-là aux possibles. Résultats de la recherche ÉCRICOL et est dirigé par Maurice Niwese. L’ouvrage comprend six grandes sections : la préface et l’introduction, la partie 1, la partie 2, la partie 3, les conclusions générales, ainsi que le témoignage et la postface. Un résumé de ces sections est présenté, ensuite un bref point de vue sur l’ouvrage est émis.

Préface et introduction

La préface écrite par Martine Derivry trace un bref portrait de la recherche et de l’ouvrage. Ensuite, l’introduction, rédigée par Maurice Niwese, présente le projet de recherche ÉCRICOL duquel sont issues les données dépeintes dans l’ouvrage, la structure du livre, ainsi que les divers outils de collectes de données utilisés dans le projet. Le projet ÉCRICOL s’est déroulé en classe de sixième au collège français, équivalent de la sixième année du primaire québécois: 20 collèges, 29 classes, 48 personnes enseignantes (français et sciences) et 744 élèves de milieux socioéconomiques variés ont été impliqués dans ce dernier. Dans le cadre du projet, deux dispositifs inspirés des ateliers d’écriture ont été mis en oeuvre: un en français invitant les élèves à écrire un conte merveilleux et l’autre en sciences amenant les élèves à rédiger un texte explicatif. Deux versions (une version initiale et une version réécrite définitive) des textes des élèves ont été collectées. Un questionnaire aux élèves a également été passé avant l’expérimentation et un entretien, après celle-ci. Les personnes enseignantes participantes ont également répondu à deux questionnaires, l’un portant sur leur rapport à l’écriture et l’autre sur leurs pratiques d’enseignement de l’écriture. Les parents des élèves ont aussi eu à répondre à un formulaire sociolinguistique.

Première partie: «Savoirs, savoir-faire et effets de la réécriture»

La première partie porte sur les textes d’élèves collectés dans le cadre de la mise en place des dispositifs. Cette partie est divisée en quatre chapitres (1, 2, 3 et 4). Les trois premiers sont liés à la classe de français, alors que le quatrième porte sur la classe de sciences. Dans le premier chapitre, la compétence scripturale, modèle central de l’ouvrage, est définie et la grille d’analyse des textes est présentée. Dans ce chapitre, 532 textes écrits par 266 élèves ont été analysés. Une progression chez les élèves est remarquée entre la première et la dernière version des textes, ainsi que des difficultés à reprendre la structure du schéma narratif en cinq temps dans leurs propres productions écrites (Niwese et El Hajj, 2022). Dans le deuxième chapitre, portant sur la compétence pragmatique, trois cas sont présentés pour illustrer les différentes appropriations de la réécriture chez les élèves. Les personnes autrices notent l’importance de l’intertextualité et de l’accompagnement de l’élève pour l’amener à progresser en écriture littéraire (Lafont-Terranova et al., 2022). Dans le troisième chapitre, la compétence lexicale de 90 élèves est étudiée grâce à deux versions de textes. Roubaud et Sardier (2022) ont ainsi pu constater une compétence scripturale en cours de développement chez les élèves qui utilisent des expressions, ici appelées prêt-à-écrire, comportant certaines maladresses, par exemple l’élève qui écrit «le matin levé» plutôt «le soleil levé» (p. 104) ou encore «comme si de rien ne s’était passé» au lieu de «comme si rien ne s’était passé» (p. 105), et que celles-ci devraient faire l’objet d’un enseignement du vocabulaire. Dans le quatrième chapitre, les textes explicatifs rédigés en sciences par 224 élèves sont analysés. Comme dans le premier chapitre, une progression est observée entre la version initiale et la version réécrite (Schneeberger et al., 2022).

Deuxième partie: «Rapport à l’écriture des élèves et des enseignants»

La deuxième partie est basée sur les questionnaires passés aux élèves et aux personnes enseignantes. Elle est divisée en trois chapitres (5, 6 et 7). Le cinquième chapitre aborde les conceptions de l’écriture des élèves, soit la dimension conceptuelle du rapport à l’écriture: 289 questionnaires ont été remplis par les élèves avant la mise en place des dispositifs dans leur classe. Il en ressort que les élèves ont des conceptions de l’écriture assez larges, que les principales difficultés déclarées sont liées à l’orthographe et que bien écrire pour elles et eux est associé à la calligraphie (Colin et al., 2022). Dans le sixième chapitre, ce sont les pratiques d’écriture et de lecture des élèves (N = 289) qui sont décrites. Deux résultats saillants émergent des analyses des questionnaires : 1) les élèves ont un sentiment positif envers l’écriture scolaire; 2) elles et ils ont peu l’occasion de produire des écrits personnels et créatifs à l’école (Niwese et al., 2022). Le septième chapitre traite des conceptions et des pratiques d’écriture des personnes enseignantes (N = 44), en français et en sciences, au collège. Par les questionnaires, les personnes enseignantes des deux disciplines indiquent majoritairement faire écrire les élèves pour répondre à des questions dans des exercices et pour faire recopier des notes de cours. La moitié des personnes enseignantes indiquent également éprouver elles-mêmes des difficultés en écriture.

Troisième partie: «Contexte, discipline et compétence scripturale»

La troisième partie comprend deux chapitres (8 et 9). Dans le huitième chapitre, les facteurs socioculturels issus du formulaire rempli par les parents (N = 266) sont croisés avec les résultats des deux versions des textes écrits (N = 532) par les élèves. Ainsi, différents facteurs influençant les performances des élèves en écriture sont mis en lumière: profil des écoles, scolarité des parents, origines et langues des familles. Les personnes autrices mentionnent également l’importance des pratiques des personnes enseignantes dans les apprentissages des élèves, surtout celles et ceux éprouvant des difficultés (Niwese et Lucchini, 2022). Dans le neuvième chapitre, Niwese (2022) compare les deux versions des textes écrits par 266 élèves en français et écrits par 264 élèves en sciences. Il en vient entre autres à la conclusion que la réécriture permet l’amélioration des textes dans les deux disciplines, sauf pour l’intelligibilité des textes en sciences.

Conclusions générales

Dans les conclusions générales, Niwese (2022) rappelle les éléments clés des différents chapitres, ouvre sur des pistes de recherches futures et émet quelques recommandations. Il indique d’ailleurs que les dispositifs, mettant l’accent sur la réécriture d’une deuxième version du même texte, pourraient être utilisés dans les classes afin d’enseigner et d’évaluer l’écriture.

Témoignage et postface

Le témoignage d’une personne enseignante de français, Cécile Champie, ayant vécu le projet avec ses élèves vient bonifier l’ouvrage. Dans ce dernier, elle montre l’enthousiasme de ses élèves, l’évolution de ses pratiques, ainsi que les forces et les limites du dispositif proposé par l’équipe de recherche.

L’ouvrage se termine par une postface signée par Christiane Blaser, qui souligne l’apport de la recherche ÉCRICOL en saluant notamment la grille d’analyse créée dans le cadre de celui-ci.

Point de vue

Forces et faiblesses

Comme le mentionne Christiane Blaser dans la postface, l’ouvrage issu du projet de recherche ÉCRICOL dirigé par Maurice Niwese est un véritablement tour de force. Dans les prochains paragraphes, les points forts et les points qui auraient demandé à être clarifiés sont présentés.

Dans chacun des chapitres, les cadres de référence sont abordés avec une grande transparence. Ainsi, diverses décisions théoriques ont été prises par l’équipe, ce qui est absolument nécessaire pour bien guider la personne lectrice. La compétence scripturale est alors définie en fonction des savoirs, des savoir-faire et du rapport à l’écrit/ure, une représentation schématique de la compétence aurait été la bienvenue afin de saisir comment tous ces termes s’articulent et de s’y référer au fil de la lecture. Il est mentionné que les savoirs et les savoir-faire comprennent des sous-compétences, ce qui justifie tantôt l’emploi du singulier, tantôt l’emploi du pluriel pour aborder la ou les compétences. En ce sens, il n’est pas étonnant de retrouver l’emploi de la compétence pragmatique, issue de la composante sociopragmatique de la compétence scripturale. Il aurait été intéressant que les personnes autrices se prononcent sur les rapprochements et les différences théoriques entre savoir-faire et sous-compétences. À la fin de ma lecture, je ne suis pas certaine que ces termes soient synonymes et de bien comprendre où s’articulent compétence lexicale et compétence pragmatique dans la compétence scripturale par rapport aux savoirs et aux savoir-faire. Encore une fois, l’illustration de cette articulation aurait été aidante.

Les méthodes de collectes de données et d’analyse mobilisées sont clairement explicitées tout au long du livre. Cette explicitation montre bien la rigueur de toute l’équipe de chercheuses et de chercheurs et permet à la personne lectrice de comprendre la démarche employée par cette dernière. Au fil des chapitres, différents angles d’analyse ont été proposés, qu’ils soient linguistiques, communicatifs ou littéraires. Les thèmes liés au littéraire sont une importante contribution de l’ouvrage, car peu de personnes chercheuses les ont rendus aussi opérationnels et peu d’entre elles s’y sont intéressées dans l’analyse de textes d’élèves. En contrepartie, un certain glissement entre les termes analyse et évaluation peut être observé dans certains chapitres abordant les textes d’élèves. Si l’idée de penser à l’évaluation est bonne selon moi, il faudrait néanmoins distinguer la pratique d’analyse de recherche effectuée par la personne chercheuse et la pratique d’évaluation posée par la personne enseignante sur les textes de ses élèves. Concernant la pertinence de la recherche, le problème de recherche est, pour moi, devenu clair lors des conclusions générales. Même si toute personne oeuvrant en didactique de l’écriture peut comprendre l’utilité de la recherche, il aurait été souhaitable que celle-ci soit mise en lumière plus explicitement dès les premières pages de l’ouvrage.

Je tiens à souligner l’humilité des personnes chercheuses qui ont fait une place à une enseignante-critique ayant participé au projet ÉCRICOL avec ses élèves. Mme Champie mentionne notamment le fait que le découpage des séances est mal adapté au terrain. Comme il s’agit d’une difficulté rencontrée dans maintes recherches, je pense qu’il est essentiel d’avoir accès au point de vue des personnes enseignantes, permettant ainsi au monde scientifique de continuer à être à l’écoute des préoccupations du terrain. Ce témoignage permet également de mieux comprendre comment le dispositif s’est déployé dans les classes. D’ailleurs, un chapitre dédié à un questionnaire auprès des personnes enseignantes ou des observations en classe aurait pu être pertinent afin de documenter sa mise en oeuvre. Ainsi, des différences de résultats auraient pu être constatées entre la façon de déployer les dispositifs et les performances des élèves dans les différentes versions de leurs textes.

Pertinence/utilité de l’ouvrage

La pertinence de l’ouvrage est incontestable. Au-delà du grand échantillon mobilisé auprès d’écoles, d’élèves, de parents et de personnes enseignantes, l’apport théorique de l’ouvrage en ce qui a trait à la compétence scripturale est indiscutable. L’intérêt de ce dernier est aussi de combiner différents points de vue, disciplines scolaires et scientifiques. L’ouvrage contribue également à mettre en lumière les facteurs influençant l’apprentissage (niveau de scolarité des parents, langue parlée à la maison, etc.) tout en rappelant l’impact des pratiques d’enseignement et d’évaluation sur celui-ci. Dans ce cas-ci, la pratique est liée aux occasions de réécriture et d’accompagnement offertes aux élèves.