Corps de l’article

1. Introduction et problématique

Depuis son introduction en didactique du français par Barré-De Miniac (1992), le «rapport à» a largement été étudié dans le cadre de recherches portant sur l’écrit, la lecture, l’écriture, la littérature, la grammaire, etc. (p. ex. Chartrand et Blaser, 2008; Colognesi et Lucchini, 2016; Émery-Bruneau, 2010; Gauvin et Aubertin, 2014). Le rapport à la langue écrite permet de rassembler ces différents «rapports à» sous la même expression qui sera privilégiée tout au long de cet article pour éviter tout parti pris théorique quant aux «rapports à» existants. Ces nombreuses contributions ont mené à diverses déclinaisons du rapport à la langue écrite et à l’exploration de ce rapport sur différents plans (scolaire/professionnel ou individuel/personnel) et suivant diverses dimensions (subjective, affective, axiologique, praxéologique, conceptuelle, etc.). Ces recherches ont été conduites auprès de différentes populations (personnes enseignantes, populations estudiantines de différents niveaux scolaires ou disciplines) et dans des contextes géographiques francophones variés (Québec, Ontario, France, Belgique, etc.).

En 2007, Reuter et ses collègues incluaient le «rapport à» dans le Dictionnaire des concepts fondamentaux des didactiques (2007). Toutefois, pour Chartrand et Blaser (2008), le rapport à l’écriture et le rapport à l’écrit en didactique du français était trop instable pour y attribuer l’appellation de concept. L’utilisation du terme «concept» nécessiterait, selon Fourez et ses collaborateurs (1997), que se soit standardisé l’usage d’une notion sur la base d’un accord au regard d’un cadre théorique. Pour van Campenhoudt et son équipe (2017), ce qui confère le statut de concept à une idée théorique, ce sont ses qualités d’opérationnalité et de transposition. La robustesse épistémologique recherchée permettrait donc de rendre objectivement observables les manifestations d’un concept selon différentes dimensions qui en constituent le cadre de référence partagé dans un domaine, mais offrant aussi une certaine latitude pour les spécificités des différents objets d’étude.

Or, en didactique du français, plus de trente ans après l’intégration du «rapport à» comme objet de recherche, la cohabitation des termes «notion» et «concept» demeure perceptible dans la littérature scientifique où diverses propositions conceptuelles sont mises de l’avant pour le définir. Puisque le rapport à la langue écrite influence notamment l’investissement et les choix de pratiques d’un sujet (p. ex. Lafont-Terranova et al., 2016), il importe de s’en soucier en contexte de recherche tout comme en contexte de formation et d’enseignement (Chartrand et Blaser, 2008). Comment le circonscrire? Dans cet article, nous souhaitons donc répondre à la question suivante: de quelle stabilité référentielle le rapport à la langue écrite bénéficie-t-il aujourd’hui?

2. Cadre de référence

D’après l’article théorique portant sur l’évolution du «rapport à» d’Émery-Bruneau (2014b), ce dernier aurait d’abord été conceptualisé dans le domaine de la psychanalyse. Il y était étudié pour déterminer si le rapport d’un individu était plus ou moins traumatique en considérant ses pulsions, ses désirs ainsi que son besoin de savoir, d’apprendre et de connaître (Lacan, 1966; Mosconi et al., 2000).

Le «rapport à» s’est ensuite vu transposé dans le domaine de la sociologie (Charlot, 2005) et de la didactique (Barré-De Miniac, 1992; Chevallard, 1985). En sociologie, Charlot (2005) a étudié le «rapport au savoir» d’une personne envers l’objet auquel elle donne un sens selon le contexte social dans lequel elle évolue. Selon lui, «[l]e rapport au savoir est l’ensemble (organisé) des relations qu’un sujet entretient avec tout ce qui relève de l’“apprendre” et du “savoir”» (Charlot, 2005, p. 94) et se base sur les dimensions épistémique, identitaire et sociale.

En didactique, en s’inspirant des travaux en psychanalyse et en sociologie sur le rapport au savoir, divers modèles ont été développés depuis son utilisation par Chevallard (1985). Ce dernier proposait d’envisager les plans personnel et institutionnel du rapport au savoir. Parmi les différents modèles développés, les travaux de Barré-De Miniac (1992, 2015) sur le rapport à l’écriture, de Chartrand et Blaser (2008) sur le rapport à l’écrit et de Falardeau et Simard (2007a) sur le rapport à la culture se sont révélés être fondateurs en inspirant des recherches subséquentes sur divers objets de la langue écrite. Dans son ouvrage d’abord paru en 2000, Barré-De Miniac (2015) énonce que «le rapport à l’écriture fait partie de la compétence scripturale» (p. 81). Ainsi, selon cette hypothèse, le rapport à l’écriture se substitue aux représentations dans le modèle de la compétence scripturale (Dabène, 1987, 1991), se liant également aux savoirs et aux savoir-faire. Quelques années plus tard, Chartrand et Blaser (2008) se détachent de la compétence scripturale en étudiant, sous l’appellation de rapport à l’écrit, les objets combinés lecture et écriture. Parallèlement, dans la foulée des travaux sur l’approche culturelle en enseignement se développe le rapport à la culture (Falardeau et Simard, 2007a, 2007b, 2011; Simard et al., 2007), dont le cadre sera repris dans les travaux sur le rapport à la lecture littéraire (Émery-Bruneau, 2010, 2011) et à la littérature (Émery-Bruneau, 2014a).

Chacun de ces trois rapports comprend des dimensions distinctes. Nous les présentons et, pour éviter les redites, nous les définissons de façon plus approfondie dans les résultats. Barré-De Miniac (2015) convoque quatre dimensions pour le rapport à l’écriture: 1) l’investissement de l’écriture; 2) les opinions et les attitudes; 3) les conceptions; 4) les modes d’investissement et de verbalisation. Pour le rapport à l’écrit (Chartrand et Blaser, 2008), quatre autres dimensions sont mises de l’avant: 1) affective; 2) axiologique; 3) conceptuelle (idéelle); 4) praxéologique. Finalement, Falardeau et Simard (2007a) mentionnent trois dimensions pour le rapport à la culture: 1) épistémique; 2) subjective; 3) sociale. Ainsi, les dimensions du «rapport à» deviennent opérationnelles quand elles sont liées à un objet. C’est pourquoi, dans le cadre de la synthèse présentée dans cet article, nous ciblons la langue écrite comme objet du rapport. Cette dernière se distingue de la langue orale par les traces utilisées pour la représenter, soit les lettres en français (Catach, 2022). L’écrit se divise en deux volets: l’écriture pour la production de l’écrit et la lecture pour la réception (Chartrand et Blaser, 2008).

Pour répondre à la question soulevée précédemment, l’objectif de cet article est d’analyser les ramifications du rapport à la langue écrite sur les plans théorique et méthodologique dans la littérature scientifique en didactique du français afin d’en dégager la stabilité.

3. Méthodologie

La méthodologie de recherche choisie pour répondre à l’objectif de recherche est la synthèse de connaissances (Fortin et Gagnon, 2022). Ce type de recherche permet de recenser les savoirs provenant de textes sources de qualité portant sur un sujet donné afin d’en dégager une compréhension globale (Fortin et Gagnon, 2022).

Pour mener à bien cette synthèse de connaissances, les mots-clés «rapport à» et ceux associés à la langue écrite (écrit, écriture, grammaire, orthographe, lexique, syntaxe, texte, lecture, littérature, langue…) ont été utilisés dans les bases de données Érudit, Sofia, ERIC et Google Scholar, ainsi que dans les bases de données institutionnelles des universités québécoises (Archipel, Constellation, Sémaphore, Depositum, Espace INRS, R-Libre, Cognitio, dépôt institutionnel de l’UQO, Papyrus, Savoirs UdeS, Corpus UL, Spectrum et eScholarship). Les références des écrits ont également été consultées afin d’élargir le champ de recherche. La littérature grise, incluant les rapports de recherche, a aussi été explorée.

Ces démarches ont permis de retenir 108 écrits scientifiques. Les écrits du corpus ont été sélectionnés en suivant les critères d’inclusion et d’exclusion présentés au tableau 1. Un tri à partir des titres et des résumés a d’abord été effectué avant que ne soient triés les textes complets selon cinq critères d’inclusion et d’exclusion.

Tableau 1

Critères d’inclusion et d’exclusion de la synthèse de connaissances

Critères d’inclusion et d’exclusion de la synthèse de connaissances

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En suivant ces critères, des 108 écrits scientifiques recensés, 38 ont été éliminés et 70 écrits scientifiques, dont 39 articles, 9 mémoires, 8 chapitres de livres, 4 actes de colloques, 4 rapports de recherche, 4 thèses et 2 livres, ont été retenus pour constituer le corpus final.

3.1 Analyse du corpus

La condensation des données s’est faite en identifiant les informations relatives à la démarche méthodologique (questions et objectifs de recherche, population ciblée), au cadre conceptuel (définition du rapport, des dimensions et des plans) et aux apports de la recherche. Trois types d’analyse ont servi à traiter les écrits faisant partie du corpus. En premier lieu, étant donné le large éventail de dimensions présentes (N = 25) dans les textes sources, une analyse par catégories conceptualisantes (Paillé et Mucchielli, 2021) a été effectuée. Cette analyse a mené à la création de sept grandes catégories de dimensions. Ces catégories ont été nommées avec des termes englobant en fonction de la fréquence de leur utilisation pour définir les dimensions dans les textes sources. En deuxième lieu, les définitions, les dimensions et les plans du «rapport à» ont fait l’objet d’une analyse thématique (Paillé et Mucchielli, 2021) à l’aide du logiciel MAXQDA. Ce deuxième type d’analyse a permis de tester les catégories dans un codage fermé afin de dégager leurs limites et leur porosité. Une contre-vérification a été réalisée à la suite de l’analyse thématique. En troisième lieu, une analyse de fréquences a porté sur les populations étudiées. Nous présentons les résultats tirés de ces analyses dans la prochaine section.

4. Résultats

Les 70 textes du corpus portent sur le rapport à la langue écrite sous différentes appellations, soit rapport à l’écrit (N = 24), à l’écriture (N = 17), à l’orthographe (N = 5), à la culture (N = 5), à la littérature (N = 3), à la lecture littéraire (N = 3), à l’écrit/ure (N = 2), à l’écriture littéraire (N = 2), à l’écrit+ (N = 2), à la lecture (N = 1), au texte (N = 1), à l’écriture épistolaire (N = 1), à l’erreur lexicale (N = 1), à la grammaire (N = 1) et au langage (N = 1)[1]. Les résultats de l’analyse des définitions données, des dimensions et des plans évoqués sont présentés et une synthèse des résultats conclut cette section.

4.1 Définitions du rapport à la langue écrite

L’analyse des définitions du rapport à la langue écrite extraites du corpus permet d’observer une certaine stabilité. Si un petit nombre de personnes autrices le définissent sur la base de ses dimensions (N = 6) ou de manière plutôt aléatoire (N = 9), la majorité d’entre elles (N = 47) reprennent une formulation inspirée de la définition de la sociologie (Charlot, 2005). Ainsi, près des deux tiers des définitions recensées regroupent quatre éléments: 1) un nom désignant ce qu’est le «rapport à», 2) le sujet de ce rapport, 3) un mot reliant le sujet à l’objet et 4) l’objet de ce rapport. La formule suivante illustre cette régularité.

Le «rapport à…» se définit comme quelque chose(1) qu’un sujet(2) entretient avec(3) un objet(4).

Issue des travaux de Charlot (2005), puis reprise par Barré-De Miniac (2015) et par Chartrand et Blaser (2008), cette structure varie légèrement d’un texte à l’autre. Parfois il n’y a pas de verbe, parfois le sujet est omis ou est abordé plus tard dans le texte.

L’élément 1 de la formule est présent dans toutes les définitions et est constitué d’un groupe du nom désignant ce qu’est le «rapport à». Les noms les plus fréquemment employés sont «signification» (N = 24), «relation» (N = 23) et «sens» (N = 8). À l’instar de Chartrand et Blaser (2008), certaines personnes autrices combinent ces trois noms: «une relation de sens ou de signification» (N = 5). Dans certains cas, le «rapport à» est désigné comme «un ensemble de…» (N = 17) et précède à l’occasion les termes «signification» (N = 7) et «relation» (N = 6). De manière plus marginale, d’autres noms comme «représentation» (N = 2), «liaison» (N = 1) et «outil d’enseignement» (N = 1) sont utilisés. Qu’il soit employé seul ou à l’intérieur d’une locution, c’est le nom «signification» qui demeure le plus fréquemment interpelé pour définir ce qu’est le «rapport à».

L’élément 2 de la formule se retrouve dans 40 textes du corpus et correspond au sujet dont on étudie le «rapport à». Certaines personnes autrices utilisent un terme général pour désigner ce dernier, comme l’individu (N = 5), une personne (N = 3) ou encore un groupe de personnes (N = 1). Le vocable «sujet» employé seul est présent à 11 reprises. Le «sujet singulier, mais aussi nécessairement culturel et social» (Chartrand et Blaser, 2008, p. 111) est présent dans quatre écrits scientifiques. D’autres personnes autrices privilégient des appellations plus spécifiques telles que «sujet situé» (N = 4), «sujet-lecteur-situé» (N = 1) ou «scripteur» (N = 5). Le terme «sujet», comme il était employé par Charlot (2005), est celui qui est le plus fréquent (N = 11).

L’élément 3 de la formule présentée revient 46 fois dans le corpus. Lorsqu’il prend la forme d’un verbe faisant le pont entre le sujet et l’objet (N = 17), le verbe «entretenir», aussi issu des travaux de Charlot (2005), est le plus fréquent (N = 5) suivi du verbe «attacher» (N = 3) associé aux travaux de Barré-De Miniac (2007, 2008, 2015). Majoritairement, il s’agit d’une préposition, d’une conjonction ou d’une locution adverbiale: «avec» (N = 10), «à propos» de (N = 6), «et» (N = 5), à (N = 5), «à l’égard de» (N = 2), etc. Le verbe «entretenir» et la préposition «avec» sont les termes les plus fréquents.

L’élément 4 de la formule concerne l’objet du «rapport à». Celui-ci est présent dans toutes les définitions (N = 47). Parfois, le terme générique «objet» est utilisé (N = 3), mais dans la majorité des définitions données, l’une des composantes de la langue écrite est retenue: «l’écriture, son apprentissage et ses usages» (N = 11), «l’écrit» (N = 5), «la lecture littéraire» (N = 2), etc. La spécification de l’objet semble dépendre de la population à l’étude. Par exemple, l’objet de la définition de Blaser, Beaucher et leurs pairs (2014), s’intéressant à de futures personnes enseignantes, prend la forme suivante: «[…] l’écriture, de son enseignement et de son apprentissage (dimension conceptuelle) et les activités personnelles et professionnelles de l’individu en lien avec l’écriture (dimension praxéologique)» (p. 7). L’expression «l’écriture, son apprentissage et ses usages» utilisée initialement par Barré-De Miniac (2015) reste la forme la plus fréquente (N = 11).

Ainsi, en reprenant les éléments les plus fréquents des définitions recensées, le rapport à la langue écrite se définit comme la relation ou un ensemble de relations qu’un sujet entretient avec un objet [lié à la langue écrite], son apprentissage et ses usages.

4.2 Dimensions du «rapport à»: catégories et ensembles de dimensions

Pour rendre le «rapport à» opérationnalisable, les deux tiers des personnes autrices ont convoqué différentes dimensions (N = 48). Selon les écrits consultés, on retrouve une dimension (N = 1), deux dimensions (N = 2), trois dimensions (N = 8) ou cinq dimensions (N = 3), mais dans la majorité des cas le «rapport à» est conceptualisé sur la base d’un ensemble de quatre dimensions (N = 34). Ces dimensions sont alors nommées et agencées différemment. De l’analyse des définitions données de ces dimensions, sept catégories et trois ensembles de dimensions sont proposés.

4.2.1 Catégories des dimensions

Le corpus étudié présente 25 dimensions différentes. L’analyse des définitions de chacune a permis de procéder à une catégorisation pour mettre en évidence les ressemblances, et ce, malgré la variété des appellations retrouvées dans les textes du corpus. Les catégories créées de cette manière demeurent perméables et sont au nombre de sept: 1) interactions sociales, 2) valeurs, 3) affects, 4) conceptions, 5) savoirs, 6) méta et 7) pratiques. Chacune d’entre elles intègre une ou plusieurs dimensions retrouvées dans les textes sources. Nous présentons chacune de ces catégories en relevant les occurrences des termes, tels qu’employés dans les textes sources, pour définir les dimensions qui les composent. Ensuite, nous soulignons les recoupements qui existent entre les différentes catégories.

La catégorie des interactions sociales inclut uniquement la dimension sociale (N = 14). Pour éviter toute confusion avec les termes «relations» ou «ensemble des relations» présents dans la définition du «rapport à», l’appellation «interactions sociales» a été choisie, même si le terme le plus fréquent pour décrire la dimension sociale dans les divers textes est «relations» (N = 7). La catégorie des interactions sociales implique principalement les influences (N = 3) d’autrui sur la pratique ou sur le rapport du sujet à l’objet, ainsi que les relations (N = 7) et les interactions (N = 3) sociales ayant un impact sur ce dernier.

La catégorie des valeurs comprend les dimensions axiologique (N = 23) et esthétique (N = 2). La fréquence terminologique pour définir ces dimensions dans les textes sources renvoie à l’idée de valeur (N = 18) et, plus marginalement, à l’importance (N = 5) accordée à l’objet.

La catégorie des affects comprend cinq dimensions: 1) affective (N = 23), 2) subjective (N = 12), 3) investissement (N = 10), 4) opinions et attitudes (N = 9), 5) opinions, sentiments, valeurs et attitudes (N = 1). Nous la définissons grâce aux termes qui reviennent le plus souvent dans les textes sources, soit les sentiments (N = 22), l’investissement (N = 22) et les émotions (N = 11) face à l’objet du «rapport à».

La catégorie des conceptions est associée à huit dimensions: 1) conceptuelle (N = 13), 2) conceptions (N = 11), 3) conceptuelle (idéelle) (N = 3), 4) idéelle (N = 3), 5) cognitive et métacognitive (N = 2), 6) cognitive (N = 1), 7) cognitive et épistémique (N = 1), 8) conceptions et représentations (N = 1). Le terme conceptions (N = 26) étant le plus fréquemment utilisé pour définir chacune de ces huit dimensions, il permet d’identifier cette catégorie de laquelle font aussi partie les représentations (N = 20) et les idées (N = 8).

La catégorie des savoirs inclut seulement la dimension épistémique (N = 10). Cette catégorie comprend les savoirs (N = 10), leurs rôles (N = 5), leur place (N = 2) et leur statut (N = 1), ainsi que les savoir-faire (N = 3) liés à l’objet du rapport.

La catégorie méta inclut trois dimensions: 1) mode de verbalisation (N = 7), 2) métascripturale (N = 3), 3) mode d’investissement (de verbalisation) (N = 2). Celle-ci se définit par les procédures (N = 3), les démarches (N = 2) ainsi que les verbalisations (N = 3) ou les manières de parler de l’objet (N = 2).

La catégorie des pratiques est uniquement liée à la dimension praxéologique (N = 27). Cette catégorie regroupe les pratiques (N = 15) et la manière (N = 7), le moment (N = 4), le contexte (N = 8) et les lieux (N = 6) dans lesquels l’activité de lecture ou d’écriture est pratiquée, ainsi que ce qui est lu ou écrit (N = 8) par le sujet.

4.2.2 Liens et perméabilités des catégories

Comme indiqué précédemment, ces catégories sont perméables et plusieurs liens existent entre elles. C’est notamment le cas entre la catégorie des affects et celle des valeurs. Les termes «opinions» et «valeurs», par exemple, reviennent dans les définitions des dimensions constituant l’une et l’autre de ces catégories. Il apparaît toutefois nécessaire de les distinguer d’un point de vue théorique, les affects et les valeurs étant deux éléments dissemblables (Legendre, 2005). La fréquence des termes utilisés pour les définir dans les textes sources justifie les choix de les associer à une catégorie plutôt qu’à une autre. Le terme «opinion» est plus souvent présent dans les dimensions regroupées sous la catégorie des affects (N = 10), alors qu’il est beaucoup moins fréquent dans la catégorie des valeurs (N = 2). Le terme «valeurs» revient plus fréquemment dans la catégorie des valeurs (N = 18) que dans la catégorie des affects (N = 4). Ainsi, nous avons classé le terme «opinions» et les dimensions qui lui étaient associées dans la catégorie des affects et le terme «valeurs», dans la catégorie des valeurs.

Des rapprochements peuvent aussi être faits entre la catégorie des conceptions et celle des savoirs. En effet, les termes «conceptions», «savoirs» et «savoir-faire» se trouvent dans la définition des dimensions qui sont rassemblées sous chacune de ces catégories. L’analyse nous permet cependant de les distinguer et de les associer à l’une des deux catégories d’abord sur la base de la fréquence lexicale. La catégorie des savoirs compte 13 occurrences des termes «savoir» ou «savoir-faire» et 2 du terme «conception». A contrario, la catégorie des conceptions compte 14 occurrences de ce dernier terme et seulement une de chacun des termes liés aux savoirs. Ensuite, c’est sur la base de différences sémantiques que ces deux catégories se distinguent; les conceptions se définissent grâce aux idées et aux représentations, alors que les savoirs font plutôt référence aux connaissances détenues.

Des liens peuvent également être tissés entre la catégorie des pratiques et la catégorie méta. Or, nous les distinguons en deux catégories pour mettre en évidence la présence, dans le «rapport à», des pratiques (ce qui est fait et la manière de le faire) et de la verbalisation des procédures langagières (manière de parler de ses pratiques langagières, soit la catégorie méta).

L’investissement (N = 1), l’engagement (N = 2), le temps (N = 4) et la fréquence (N = 1) se retrouvent dans la catégorie des pratiques en plus d’être présents dans la catégorie des affects. Toutefois, il semble que les termes «temps» et «fréquence» soient plus souvent utilisés dans les affects, nous les associons donc à la catégorie des affects.

4.2.3 Ensembles de dimensions

Il est aussi possible de regrouper les dimensions proposées dans les textes sources selon les cadres fondateurs auxquels ils réfèrent. En effet, trois cadres fondateurs en didactique de la langue écrite opérationnalisant le «rapport à» semblent avoir influencé les travaux subséquents: 1) le rapport à l’écriture; 2) le rapport à l’écrit; 3) le rapport à la littérature[2] (voir figure 1).

Le premier ensemble est celui du rapport à l’écriture tel que mis de l’avant par Barré-De Miniac (2015). Il regroupe quatre dimensions: l’investissement de l’écriture, les opinions et attitudes, les conceptions et les modes d’investissement et de verbalisation. Barré-De Miniac les a utilisées dans plusieurs de ses travaux (2002, 2007, 2008, 2011), ainsi que Cardoso et Álvares Pereira (2015) dans un article portant sur le rapport à l’écriture et par Guernier et Barré-De Miniac (2009) dans un article portant sur le rapport à l’écrit. De plus, au sujet du rapport à la lecture, trois de ces dimensions ont été reprises par Dionne (2010) pour opérationnaliser le rapport à la lecture. Seule la dimension mode d’investissement et de verbalisation n’a pas été retenue.

Le deuxième ensemble est inspiré du rapport à l’écrit, tel qu’initialement théorisé par Chartrand et Blaser (2008) sur la base des quatre dimensions suivantes: affective, axiologique, conceptuelle (idéelle) et praxéologique. Ces quatre dimensions ont été utilisées dans de nombreux travaux sur le rapport à l’écrit (Blaser et al., 2014; Blaser et al., 2015; Blaser et al., 2014; Bousquet et Desmeules, 2017; Maynard et Armand, 2015) et sur le rapport à l’écrit+ (Maynard et Armand, 2016). Ces dimensions ont aussi été retenues par des personnes didacticiennes s’intéressant au rapport à l’écriture (Lafont-Terranova et Niwese, 2016; Niwese et Bazile, 2014). Des personnes chercheuses ont également adapté ce rapport: 1) en renommant une dimension, pensons à Chartrand et Prince (2009) qui ont renommé la dimension conceptuelle (idéelle) seulement idéelle, 2) en éliminant une de ces dimensions, c’est le cas d’Anctil (2010) qui n’implique pas la dimension affective dans ses recherches sur le rapport à l’erreur lexicale; 3) en changeant une dimension, comme l’a fait l’équipe de Dezutter (2017) en remplaçant la dimension conceptuelle par la dimension cognitive et métacognitive.

Le troisième ensemble, soit le rapport à la littérature (Émery-Bruneau, 2014a), est inspiré des travaux sur le rapport à la culture (Falardeau et Simard, 2007a) où trois dimensions sont abordées (épistémique, subjective et sociale). Émery-Bruneau (2010) leur ajoute une dimension praxéologique empruntée au rapport à l’écrit (Chartrand et Blaser, 2008).

Comme les catégories, ces ensembles sont perméables. Certains travaux relatifs au rapport à l’écriture littéraire (Lamb et al., 2017) s’appuient en partie sur des dimensions empruntées à l’ensemble du rapport à l’écrit (affective et conceptuelle) et à l’ensemble du rapport à la littérature (sociale). La dimension axiologique du rapport à l’écrit a également été modifiée pour la dimension esthétique. Il en va de même pour des travaux relatifs au rapport à la littérature (Lépine et al., 2022) qui combinent à la fois les quatre dimensions de l’ensemble du rapport à la littérature et la dimension axiologique associée à l’ensemble du rapport à l’écrit. Du côté de l’équipe de Colognesi (2017) au regard du rapport à l’écrit, l’association d’une dimension du premier ensemble, le mode d’investissement et de verbalisation, au second ensemble entraîne la création d’une cinquième dimension, soit la dimension métascripturale. Ainsi, au fil du temps, différentes personnes chercheuses ont tenté des réorganisations des dimensions ou les ont adaptées au contexte particulier de leur recherche.

Dans la figure 1 (voir page suivante), nous représentons les trois principaux ensembles, ainsi que les dimensions évoquées dans les différents travaux cités. Les dimensions sont également mises en relation avec les aspects dans lesquels nous les classons. Pour chaque ensemble, les noms des dimensions en caractères gras sont associés aux cadres fondateurs.

L’ensemble sur le rapport à l’écrit(Chartrand et Blaser, 2008) est celui qui est le plus fréquemment convié comme cadre de référence (N = 25) dans la recension, et ce, pour étudier le rapport à l’écrit, à l’écrit+, à l’écriture, à l’écrit/ure et à l’écriture littéraire.

Figure 1

Ensembles des dimensions du rapport à

Ensembles des dimensions du rapport à

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4.3 Plans du «rapport à»

Dans les écrits recensés, les personnes chercheuses abordent le «rapport à» sur un même objet selon différents angles chez un même individu. Les écrits traitant du «rapport à» des élèves peuvent ainsi être tantôt scolaires tantôt extrascolaires (Barré-De Miniac, 2002; Cardoso et Álvares Pereira, 2015) ou encore personnels (Guernier et Barré-De Miniac, 2009). Pour traiter de ces angles chez les élèves, le terme «contexte» est utilisé (Cardoso et Álvares Pereira, 2015). Du côté des personnes enseignantes, le «rapport à» est étudié selon différents angles: personnel et socioprofessionnel (Péret et al., 2007), professionnel, scolaire et personnel (Gauvin et Aubertin, 2014) ou encore personnel et didactique (Émery-Bruneau, 2010). Le terme «plan», emprunté aux travaux sur le rapport à la culture (Falardeau et Simard, 2007a, 2007b, 2011; Simard et al., 2007), est utilisé dans certains cadres de référence relatifs à l’étude des rapports à la lecture littéraire et à la littérature (Beaudry et al., 2018; Émery-Bruneau, 2010, 2010, 2014a; Lépine et al., 2022) pour désigner ces angles permettant de préciser les variables à observer pour décrire le rapport d’une même personne à un même objet. Les plans les plus récurrents sont les plans personnel (N = 5) ou individuel (N = 4), et pédagogique (N = 5) ou didactique (N = 4). Le plan pédagogique (allant de pair avec le plan personnel) est issu des travaux sur le rapport à la culture, alors que le plan didactique (allant de pair avec le plan individuel) est propre aux rapports à la lecture littéraire ou à la littérature.

4.4 Populations du «rapport à» étudiées

Sur le plan méthodologique, les populations étudiées varient selon les recherches. Certains écrits n’ont pas ciblé de population en raison de leur caractère théorique (N = 14), alors que 56 d’entre eux contiennent des informations sur une ou plusieurs de ces populations: des élèves (N = 25), de futures personnes enseignantes (N = 12), des personnes enseignantes (N = 22). L’analyse plus détaillée de chacune de ces populations, ainsi que des «rapports à» et de leurs objets (voir tableau 2), montre un portrait inégal et une étude non systématique des objets et des populations. Par exemple, dans le corpus, aucune étude ne s’intéresse au rapport à la lecture d’élèves du primaire, alors que des résultats sont disponibles pour le rapport à l’écrit et à l’écriture chez cette même population. Plusieurs données existent pour documenter le rapport à l’écrit de futures personnes enseignantes et de personnes enseignantes au secondaire et au postsecondaire. Toutefois, selon notre recension, aucune étude ne s’est penchée sur le rapport à l’écrit des personnes enseignantes du primaire. Ainsi, le portrait des objets des différents «rapports à» et des populations étudiées est pour le moment parcellaire.

Tableau 2

Population et objet du «rapport à» étudiés

Population et objet du «rapport à» étudiés

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4.5 Synthèse des résultats

À la lumière de ces résultats, il semble y avoir une certaine stabilité quant à la définition du rapport à la langue écrite. En effet, la formule que nous avons proposée à la section 4.1 en témoigne. De plus, l’analyse des ensembles présente la cohabitation de trois cadres théoriques mouvants, ce qui entraîne une certaine instabilité dans la manière de déplier le «rapport à» pour déterminer les variables à considérer. Bien que le nombre et le nom des dimensions, ainsi que les termes utilisés pour les définir varient, une forme de stabilité peut être observée grâce aux sept catégories issues de notre analyse. Ces résultats montrent que le champ entourant le «rapport à» continue de se développer au fil des nouvelles propositions de dimensions et de regroupements. À cela s’ajoutent les plans qui apparaissent somme toute assez peu considérés par les personnes chercheuses ne se penchant pas sur l’ensemble de dimensions du rapport à la culture. Finalement, le croisement des différents objets du «rapport à» et des populations ciblées par les diverses études montre que son exploration pourrait être poursuivie. 

5. Discussion

Les analyses menées ont mis en évidence les particularités du rapport à la langue écrite en le définissant de manière à identifier les façons de le conceptualiser pour le rendre opérationnel (Raîche et Noël-Gaudreault, 2008). Après plus de trois décennies d’existence dans le domaine de la didactique du français, le rapport à la langue écrite comme objet de recherche a évolué, s’est transformé et offre maintenant une certaine stabilité référentielle en ce qui a trait à la définition qui lui est donnée ainsi qu’aux aspects convoqués pour le décrire. Cependant, les dimensions et les plans choisis pour concevoir les cadres de référence des différentes études continuent à varier, témoignant d’une recherche d’adaptation de ce concept permettant d’éclairer des contextes et des objets variés, qui ont tous leurs particularités.

La définition qui en émerge est basée sur les fréquences de formulation et d’utilisation terminologique dans les différents écrits sources étudiés. Ainsi, elle amalgame les différentes propositions dans une visée descriptive de ce qui apparaît commun: le rapport à [la langue écrite] se définit comme la relation ou l’ensemble des relations qu’un sujet entretient avec un objet [lié à la langue écrite], son apprentissage et ses usages. L’ajout de «son apprentissage et ses usages» (Barré-De Miniac, 2015), s’adaptant autant à l’élève qu’à la (future) personne enseignante, montre l’appropriation de la définition du rapport au savoir par les personnes chercheuses en didactique du français.

Les plans étudiés, bien que peu interpelés, ont permis, dans certains travaux, de documenter, chez les (futures) personnes enseignantes, le «rapport à» sous des angles professionnel (pédagogique ou didactique) et individuel (personnel). Il apparaît que prendre en compte ces plans offre une perspective tenant compte des influences et des contradictions entre le côté professionnel et le côté personnel (Beaudry et al., 2018). Du côté des élèves, ce sont les différents contextes (scolaire et extrascolaire ou personnel) qui ont été étudiés (Cardoso et Álvares Pereira, 2015). La recherche sur le rapport à l’écriture menée par Cardoso et Álvares Pereira (2015) permet de considérer les dualités entre le «rapport à» qui est scolaire, c’est-à-dire une relation avec l’écriture orientée vers l’évaluation, la contrainte, l’insécurité scripturale, etc., et qui est extrascolaire, soit une relation plus dirigée vers la créativité, le plaisir, la détente, le jeu, etc. En didactique du français, considérer ces plans ou ces contextes pourrait bien participer à saisir l’écart perceptible entre l’engagement affectif déclaré par les jeunes au regard du français qui s’altère au fil de leur scolarité (Gouvernement du Québec, 2012) et le fait qu’elles et ils écrivent et lisent plus que jamais dans leur réalité (Calkins, 2020).

Que l’on considère ou non les plans dans les écrits étudiés, le rapport à la langue écrite sert à la description (Émery-Bruneau, 2014a). En 2016, Lafont-Terranova et ses collègues mentionnaient que des variables psycho-socio-affectives servaient à offrir un cadre pour l’étude des différents aspects du «rapport à» d’un individu. L’analyse de catégories conceptualisantes que nous avons menée a permis de faire émerger du corpus sept aspects considérés lors des recherches pour appréhender le phénomène du rapport à la langue écrite de différentes populations. Ainsi, pour l’observer, le décrire ou l’explorer, les personnes chercheuses prennent en compte un ou plusieurs de ces aspects: les interactions sociales (relations sociales, influences), les valeurs (importance), les affects (sentiments, investissement et émotions), les conceptions (représentations, idées), les savoirs (savoirs et savoir-faire), le méta (démarches, procédures, verbalisations) et les pratiques (ce que le sujet lit ou écrit, manière, lieux, contexte). Cette déclinaison nous semble permettre de préciser les variables psycho-socio-affectives à considérer pour étudier le «rapport à». Cependant, comme aucune recherche de notre corpus ne s’est penchée sur tous ces aspects à la fois, il apparaît que les choix dépendraient du contexte théorique de la recherche, des sujets et de l’objet étudiés. Ainsi, la personne chercheuse utilise totalement ou partiellement des cadres existants (ensembles), ajoute, supprime ou modifie certaines dimensions ou conçoit un nouvel ensemble de dimensions en fonction du contexte de l’étude.

Malgré cette variabilité dans le choix des dimensions pour établir les cadres de référence des différents travaux, les aspects qui émergent de la catégorisation pourraient bien enrichir ce champ de recherche en offrant une certaine stabilité quant à l’opérationnalisation du rapport à la langue écrite. En effet, en brossant un portrait global de ce qui a pu et pourra être considéré pour l’étudier, ces sept aspects constituent, en quelque sorte, la base commune théorique permettant de rendre observables les manifestations du «rapport à». L’arrimage entre les plans pour les personnes enseignantes (p. ex. Beaudry et al., 2018; Émery-Bruneau, 2010; Falardeau et Simard, 2007a) et les contextes pour les élèves (Cardoso et Álvares Pereira, 2015) pourrait également documenter, par un vocabulaire commun, l’écart, les dualités, les oppositions, ainsi que les influences de l’individuel et du scolaire/didactique pour ces deux populations.

5.1 Limites de cette synthèse de connaissances

En ce qui a trait aux objets du «rapport à», il existe un rapport à la grammaire (Gauvin et Aubertin, 2014) et un rapport à l’orthographe (p. ex. Le Levier, 2021; Péret et al., 2007), mais nous n’avons pas trouvé de rapport à la syntaxe défini et opérationnalisé. D’ailleurs, d’autres mots-clés liés spécifiquement aux genres de textes pourraient être utilisés dans les banques de données afin de documenter davantage cet aspect du «rapport à». Dans cette synthèse de connaissances, le rapport au texte a été évoqué, mais pas les ramifications des «rapports à» liés aux genres de texte, ce qui constitue une limite. Néanmoins, les écrits que nous avons recensés nous ont permis de documenter les objets, les définitions et les dimensions dégageant un portrait des recherches sur le «rapport à».

Dans cette recherche, nous nous sommes surtout intéressées à la stabilité du «rapport à» dans la littérature scientifique. Ainsi, nous nous sommes davantage concentrées sur les cadres d’analyse et certains aspects méthodologiques, comme les populations étudiées dans les recherches sources. En ce sens, l’influence du choix des dimensions constituant le cadre de référence des recherches recensées sur la collecte, le traitement et l’analyse des données n’a pas été étudié, pas plus que les limites énoncées par chacune d’elles. En considérant ces éléments, ne pas avoir dégagé les influences empiriques qui pouvaient exister entre les dimensions constitue une autre limite de notre étude. Toutefois, les cadres d’analyse nous ont permis de noter certains liens théoriques entre différentes dimensions. Pensons notamment à la relation entre les aspects «affects» et «pratiques» (illustrée par une flèche à la figure 1). Dans des écrits anglophones traitant spécifiquement des pratiques (p. ex. Cutler et Graham, 2008; Gilbert et Graham, 2010; Perrier, 2002), les termes «temps» et «fréquence» sont associés aux pratiques, alors que dans les écrits sur le rapport à la langue écrite issus de notre recension, ces termes sont plus souvent associés aux affects. Nous émettons l’hypothèse que travailler avec le «rapport à» peut impliquer un lien direct entre les affects et la pratique d’une activité (si j’aime faire quelque chose, j’y consacre du temps et je le fais fréquemment), ce qui corrobore les résultats de Blaser et son équipe (2015) quant au rapport à l’écrit des personnes étudiantes au baccalauréat en enseignement professionnel.

6. Conclusion

Cet article a mis en lumière les stabilités et les instabilités de l’étude du rapport à la langue écrite en didactique du français. Les similitudes et les points de divergence entre les définitions du «rapport à», les objets traités, les plans, les sujets ayant participé aux études et les dimensions permettant de l’opérationnaliser ont été présentés. Les influences de différents travaux ont été abordées. Nous avons ainsi pu démontrer la stabilité des définitions du «rapport à». En effet, depuis son intégration en didactique du français, la structure utilisée dans plus de la moitié des textes de notre corpus pour définir le rapport à la langue écrite est similaire à celle proposée par Charlot (2005) pour le rapport au savoir. Également, de l’analyse par catégories conceptualisantes ont émergé sept catégories, qui se sont révélées être des aspects pouvant être considérés dans l’étude du «rapport à». Ainsi, peu importe l’objet et le sujet (qu’il soit élève, personne étudiante ou personne enseignante), s’intéresser au rapport à la langue écrite permet de s’interroger sur les interactions sociales, les valeurs, les affects, les conceptions, les savoirs, le méta et les pratiques en jeu.

Van Campenhoudt, Marquet et Quivy (2017) mentionnent que l’opérationnalisation et la transposition permettent de conférer le statut de concept à une idée théorique. La stabilité des définitions et les aspects relevés montrent bien que le rapport à la langue écrite, transposé et repris à maintes reprises en didactique du français, serait un concept, un concept qui poursuivra sa transformation et qui continuera d’être étudié et ramifié au fil des années, montrant ainsi son caractère vivant et évolutif.