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Comment parler de sexualité avec les jeunes dans le cadre d’une relation socio-éducative ? Ce sujet doit-il être traité par tous les professionnel∙le∙s ou réservé à la famille ou à des spécialistes ? Quelle attitude adopter face à des pratiques qui associent sexualité et échanges sexuels ? Ces questions sont apparues dans le cadre d’une recherche réalisée en Suisse sur les transactions sexuelles impliquant des jeunes, qui a récolté les points de vue de jeunes de 14 à 25 ans et des professionnel∙le∙s du travail social qui les prennent en charge. Les postures des professionnel∙le∙s interrogé∙e∙s se sont avérées très diverses face à ces questions. Certain∙e∙s estiment que l’éducation sexuelle, comprise comme toute forme d’intervention liée à la sexualité, fait partie intégrante de leur mission. D’autres pensent au contraire qu’elle relève davantage de la sphère familiale ou d’une expertise particulière. Or, quelle que soit leur position, elles et ils se trouvent souvent confronté∙e∙s, directement ou indirectement, au sujet de la sexualité et peuvent se sentir démuni∙e∙s. C’est encore plus le cas lorsqu’il s’agit des expériences de transactions sexuelles concernant des jeunes. C’est d’ailleurs pour répondre à ces préoccupations que la Fondation Oak a mandaté la HES-SO Haute École de travail social Fribourg (HETS-FR) en Suisse pour réaliser une étude sur cette thématique.

Intitulée « Sexe, relations… et toi ? » (2015-2017) (Colombo et al., 2017a), cette recherche s’est intéressée aux transactions sexuelles impliquant des jeunes, du point de vue des jeunes et des professionnel∙le∙s qui les accompagnent. Les transactions sexuelles sont comprises comme des formes de transaction sociale (Schurmans, 2013), c’est-à-dire des processus dynamiques, impliquant différentes formes de négociation donnant lieu à des formes de « compromis » entre liberté et contrainte. Il peut s’agir, par exemple, de (se faire) offrir un verre ou de l’argent, d’être accepté·e dans un groupe ou encore de s’échanger des photos érotiques. Par ailleurs, elle diffère par son intérêt double, porté autant sur le point de vue des jeunes engagé∙e∙s dans des transactions sexuelles que sur celui des professionnel∙le∙s responsables du suivi socio-éducatif de ces jeunes.

Cet article se focalise sur le point de vue des professionnel∙le∙s et analyse plus particulièrement leurs représentations. Les résultats montrent que leurs représentations de la sexualité et des transactions sexuelles sont marquées par l’hétéronormativité (Butler (2005 [1999]), c’est-à-dire que la sexualité est essentiellement vue comme hétérosexuelle et qu’une différence est faite entre la sexualité des filles et celle des garçons. Selon ces représentations, les hommes sont encouragés à expérimenter leur sexualité au travers de diverses relations (plutôt hétérosexuelles) et à se montrer performants sur le plan sexuel, alors qu’il est attendu des femmes que leur sexualité soit associée à une relation amoureuse et qu’elles se montrent discrètes et responsables, surtout en ce qui concerne la contraception. Ces attentes sociales se fondent notamment sur la représentation d’une différence naturelle entre la sexualité féminine, associée à des besoins relationnels et affectifs, et la sexualité masculine, qui serait biologiquement liée à un appétit sexuel impérieux (Bozon, 2012). Nos analyses suggèrent que même si ce n’est pas toujours de manière consciente, ces représentations influencent les pratiques d’intervention, qui sont principalement orientées vers les jeunes femmes et leur respectabilité sur le plan sexuel.

La première section de cet article présente le cadre théorique de cette étude. La deuxième rend compte de la démarche méthodologique de l’enquête. Dans la troisième section, nous analysons les représentations qui se dégagent des discours des professionnel∙le∙s à la lumière de l’hétéronormativité, pour ensuite, dans la section suivante, examiner comment ces représentations peuvent légitimer des interventions professionnelles focalisées sur la sexualité des jeunes femmes. Finalement, dans la cinquième section, nous examinons la notion d’estime de soi, très présente dans les discours des professionnel∙le∙s rencontré∙e∙s, et ses potentiels effets sur l’occultation d’autres rapports sociaux, tels que la classe sociale et la race traversant les expériences des jeunes. En conclusion, nous mettons en lumière comment les discours professionnels font appel à la responsabilité des femmes, confirmant un certain « ordre du genre » qui différencie les sexualités féminines et masculines et fait reposer principalement sur les filles la responsabilité de la respectabilité en matière de sexualité.

ApprÉhender les reprÉsentations sociales et normes qui encadrent la sexualitÉ des jeunes

Ayant pour objectif de saisir les représentations et expériences des jeunes à propos des transactions sexuelles, la recherche « Sexe, relations … et toi ? » (Colombo etal., 2017a) a été réalisée à l’échelle de la Suisse de 2015 à 2017 en trois langues (français, allemand, italien). Les données ont été récoltées par le biais de trois démarches : un sondage en ligne réalisé auprès de jeunes de 14 à 25 ans (6500 réponses valides), des entretiens qualitatifs menés auprès de 37 jeunes du même âge ayant eu des expériences de transactions sexuelles et, enfin, des focus groups et un entretien individuel réalisés auprès de 34 professionnel∙le∙s ayant accompagné des jeunes concerné∙e∙s. Cet article se concentre sur le troisième volet, à savoir les données récoltées auprès des professionnel∙le∙s. Les transactions sexuelles sont définies comme toute expérience d’ordre sexuel (baisers, caresses, dévoilement de parties intimes, sexe oral et rapports pénétratifs) associée à un échange financier, matériel ou symbolique. Il s’agit de processus dynamiques qui impliquent des formes de négociation variées (Schurmans, 2013) où différents types d’interaction et notamment des formes d’imposition plus ou moins évidentes ou directes (Rémy, 1996) se produisent. Tout en reprenant l’idée d’un continuum entre transactions marchandes et non marchandes (Tabet, 2004), ces transactions sexuelles sont appréhendées selon l’approche des « sexualités négociées » (Combessie et Mayer, 2013) qui intègre une diversité de types d’échange (économies financière, affective et de la reconnaissance) et qui prend en compte dans l’analyse de la sexualité les rapports épidermiques, mais également les enjeux de séduction et les régulations et (auto-)contrôles liés à la sexualité.

La sexualité est donc appréhendée aussi bien dans ses dimensions biologiques (pratiques sexuelles physiques et corporelles, leurs manifestations et conséquences biologiques) que sociales (relations et interactions sociales, significations). Plus précisément, cette définition s’appuie sur le postulat que la sexualité humaine s’apprend et que les comportements sexuels sont encadrés par des règles et des interdits moraux ou légaux qui prennent des formes variables selon les sociétés et les époques (Jaspard, 2005) et qui font l’objet de représentations sociales et de normes qui peuvent influencer l’intervention sociale.

Comme nous l’avons démontré ailleurs (par exemple : Colombo etal., 2017b ; Carbajal, Colombo, Tadorian, 2019), ces normes sont largement traversées par l’hétéronormativité (Butler, 2005), système asymétrique et bicatégoriel de genre où les sexualités féminine et masculine sont considérées dans un rapport hiérarchisé et où l’hétérosexualité est la norme (Butler, 2005 [1999]). L’hétéronormativité détermine les attentes de rôles et pratiques des hommes et femmes en matière de sexualité. La correspondance entre attentes et comportements est contrôlée à travers ce que Payne et Smith (2016) nomment la « police du genre » : « Gender policing is the social process of enforcing cultural expectations for “normal” masculine and feminine expression » (Payne et Smith, 2016, p. 129). Celle-ci se manifeste par exemple à travers les insultes de la « pute » (Pheterson, 2001) ou de la « salope », destinées à contrôler la sexualité des femmes en agissant sur leur respectabilité. La correspondance entre attentes et comportements permet la reproduction de l’« ordre du genre », c’est-à-dire à la fois à la « mise en ordre (le classement) hiérarchique des groupes de sexe et le rappel à l’ordre des normes de masculinité et de féminité » (Clair, 2013, p. 113).

MÉthodologie

Afin de saisir les représentations des professionnel∙le∙s à propos des transactions sexuelles et de leur accompagnement, cinq focus groups, mixtes en termes de professions et constitués de 6 à 8 personnes (33 au total), ont été réalisés en Suisse romande (3), en Suisse allemande (1) et en Suisse italienne (1). D’une durée de 110 à 140 minutes, ces entretiens ont été réalisés par l’équipe de recherche (deux animateur.trice.s pour chaque entretien) dans la langue de la région concernée. Ils ont été enregistrés, retranscrits et traduits en français lorsque nécessaire. Entretiens collectifs basés sur des discussions thématiques permettant à chaque participant·e de s’exprimer autour de thèmes définis au préalable (Krueger, 1998), ces focus groups avaient pour objectif de saisir les représentations sociales des professionnel∙le∙s comprises comme : « une forme de connaissance, socialement élaborée et partagée, ayant une visée pratique et concourante à la construction d’une réalité commune à un ensemble social » (Jodelet, 1989, p. 53).

Les professionnel∙le∙s interrogé∙e∙s possèdent, pour la plupart, une formation sociale (éducatrices et éducateurs sociaux, assistantes et assistants sociaux, animatrices et animateurs socioculturels, psychologues) ; d’autres, une éducation en santé (infirmières et infirmiers scolaires) et certain∙e∙s bénéficient d’un diplôme postgrade d’éducatrice/éducateur en santé sexuelle ou de conseillère/conseiller en santé sexuelle. Ces personnes ont en commun de travailler auprès des jeunes et d’avoir été confrontées, directement ou indirectement, au moins une fois dans le cadre de leur travail, à des cas d’échanges sexuels ou se sentaient concernées par la thématique de la sexualité des jeunes.

La mixité des groupes de discussion a permis d’obtenir un éventail large de perspectives au sein d’un même groupe, tout en évitant le décalage des fonctions et statuts (par exemple : infirmier.ère et médecin) pouvant avoir une incidence sur l’expression libre de la parole et la production des données (Kitzinger, Maková, Kalampalikis, 2004). Afin de contourner ces limites, nous avons réalisé un entretien individuel complémentaire avec une femme médecin en Suisse romande.

Semi-dirigés, ces entretiens se divisaient en deux parties thématiques : d’une part, les représentations de la sexualité et des transactions sexuelles des jeunes et, d’autre part, les pratiques d’accompagnement des jeunes développées par les professionnel∙le∙s. Une attention particulière a été portée au choix du vocabulaire et à la traduction des termes, en tenant compte des différences linguistiques. Les données ont été codées par le biais du logiciel ATLAS.ti, puis une analyse de contenu a été réalisée (Blanchet et Gotman 1992) sur la base d’une grille d’analyse des repères normatifs composant les représentations des actrices et acteurs (Karsz, 2004 ; Colombo, Pulzer, Parazzeli, 2016) permettant d’appréhender le sens d’un comportement selon le point de vue d’un individu qui l’exerce : comment les répondant∙e∙s expliquent-elles ou ils les pratiques de transactions sexuelles et se représentent-elles ou ils les jeunes qui les pratiquent ? (repères cognitifs) ; comment légitiment-elles ou ils leur posture professionnelle ? (repères éthiques) et quelles stratégies d’intervention privilégient-elles ou ils ? (repères politiques). L’analyse des données récoltées a permis d’une part d’élaborer une typologie des postures professionnelles s’inscrivant sur un continuum entre la protection et l’accompagnement ; et, d’autre part, de mettre en lumière l’influence des normes de genre sur l’intervention professionnelle.

La rÉfÉrence À l’hÉtÉrosexualitÉ comme norme sexuelle implicite

Nous avons mis en lumière dans un article précédent (Carbajal et Colombo, 2021) que les postures professionnelles dégagées à partir de l’analyse des résultats sont associées à la fois aux représentations de la sexualité, des transactions sexuelles et à celles des jeunes qui y sont impliqué∙e∙s. En ce qui concerne leurs représentations de la sexualité, lorsque les professionnel∙le∙s interrogé∙e∙s décrivent la façon dont elles et ils interviennent auprès de jeunes sur les questions de sexualité, elles et ils se réfèrent implicitement, voire explicitement, à l’hétérosexualité. Les autres orientations sexuelles et affectives ne sont pratiquement pas thématisées, sauf dans les trois focus groups où des professionnel∙le∙s travaillant spécifiquement avec des publics homosexuels étaient présent∙e∙s, mais sans que cette thématique fasse l’objet d’une discussion approfondie.

La plupart du temps, les professionnel∙le∙s semblent implicitement supposer que la norme est l’hétérosexualité, adoptant un discours présupposant que les relations auxquelles les jeunes font référence sont forcément hétérosexuelles. Par exemple, lorsqu’une jeune femme lui a annoncé qu’elle était en couple, Claudine[1] lui a immédiatement donné des conseils contraceptifs, supposant qu’il s’agissait d’un partenaire masculin, sans évoquer la possibilité que la jeune femme fasse référence à une relation avec une femme.

Et puis je lui demande un peu comment va sa vie et elle me dit « Je suis amoureuse. » et puis je lui dis « C’est magnifique et tout. Comment il s’appelle, il habite où ? » […] parce que moi je la connais suffisamment pour lui dire « Alors maintenant que c'est sérieux, si jamais, en matière sexuelle, si t’as des questions, si y’a quelque chose, pense à te protéger ».

Claudine, animatrice socioculturelle dans un centre de rencontres pour filles en Suisse romande

Si elle n’est pas forcément consciente ou volontaire, cette manière de parler de sexualité peut laisser entendre que l’hétérosexualité est la seule norme acceptable en matière de sexualité. Amaouche (2010) fait le même constat dans une étude réalisée auprès d’intervenant∙e∙s travaillant avec des jeunes hommes exerçant la prostitution dans une gare à Paris. Par exemple, en disant à un jeune homme : « Si tu as une copine, mets une capote », ces personnes excluent à la fois la possibilité qu’il y ait des relations homosexuelles et celle qu’il y ait des relations sexuelles en dehors d’une relation de couple durable.

Cette représentation de la sexualité, que ce soit celle des hommes ou des femmes, comme étant « naturellement » hétérosexuelle renvoie à ce que Butler (2005 [1999]) nomme l’hétéronormativité. Cette auteure montre que ce système de références normatives prédomine en matière de sexualité dans notre société. Nos résultats révèlent que même dans le champ du travail social, dont la lutte contre les inégalités de genre est l’un des principes, les pratiques professionnelles sont marquées par ce système de références normatives et peuvent même contribuer involontairement à le reproduire, en légitimant l’hétérosexualité comme seule forme de sexualité socialement acceptable.

Des interventions focalisÉes sur la sexualitÉ des jeunes femmes

En plus de se référer principalement à l’hétéronormativité, la plupart des discours des professionnel∙le∙s se focalisent sur la sexualité des jeunes femmes, celle des jeunes hommes n’étant pratiquement pas discutée ni perçue comme problématique. Par exemple, Urs, éducateur en santé sexuelle, se dit choqué de la connaissance et l’ouverture des garçons en matière de sexualité, mais le problème lui semble surtout être la pression qui est mise sur les filles, qui peuvent être amenées à accepter des pratiques sexuelles non souhaitées.

Les garçons dans les différents niveaux du secondaire[2] regardent régulièrement du porno. Je trouve choquant l’ouverture avec laquelle ils en parlent et comment ils peuvent mettre la pression sur les femmes. Ils connaissent des pratiques sexuelles et je trouve que la pression est plus grande sur les femmes dans les milieux d’éducation inférieure, avec moins de stabilité externe tout comme interne, et elles sont plus vite d’accord de faire certaines choses que, par exemple, à l’époque

Urs, éducateur en santé sexuelle dans les écoles en Suisse allemande

Si leurs discours déplorent des représentations naïves, voire stéréotypées, que les jeunes auraient de la sexualité et des rôles masculins et féminins, rares sont ceux qui déconstruisent ou remettent en question ces attentes de comportement liées au genre, à l’image de Danièle, assistante sociale.

Les garçons pensent qu'il faut se comporter comme des étalons et puis les filles, elles pensent encore que les garçons sont des princes charmants qui vont venir les enlever sur un cheval blanc. Donc je trouve qu’il y a un décalage entre ce qu’ils peuvent imaginer de ce que c’est. […] Je me rends compte que le grand écart… par exemple une jeune fille qui pense qu’elle est légitime d’essayer quatre ou cinq garçons de son collège parce qu’elle a l’impression que c’est le message que la société tolère et puis que tout d’un coup, ses expériences en fait ont été filmées et elles circulent ou bien quelqu’un a lancé une rumeur et puis qu’elle se rend compte qu’elle est la salope du collège parce qu’elle a couché avec cinq garçons […]. Si on a une estime de soi correcte, qu’on a un milieu familial soutenant et qu’on a des vrais amis, je pense qu’on peut supporter ce genre de grand écart. Mais si c’est une jeune fille qui est déjà stigmatisée, qui ne reçoit pas le soutien dont elle pourrait avoir besoin au niveau de sa famille ou bien qui vit d’autres expériences traumatiques en parallèle, je me dis : « Ben voilà, c’est un petit morceau de psychisme qui se liquéfie » et puis voilà.

Danièle, assistante sociale dans un service en charge de la protection des mineur∙e∙s en Suisse romande

Comme on le voit, si cette intervenante estime qu’il y a un décalage entre les représentations que les jeunes ont de la sexualité et les attentes sociales de comportement qui leur sont adressées, elle ne commente pas l’injonction faite aux garçons de « se comporter comme des étalons ». L’essentiel de ses propos consiste à constater l’injonction paradoxale face à laquelle peuvent se retrouver les jeunes filles, encouragées à expérimenter sur le plan sexuel, tout en risquant de mettre en péril leur respectabilité. À ses yeux, le soutien de la famille et des ami∙e∙s, ainsi que l’estime de soi peuvent permettre aux jeunes filles de composer avec ces attentes contradictoires qui pèsent sur elles. Si elle ne commente pas le fait que certaines filles puissent avoir une multiplicité de partenaires sexuels, ses propos ne remettent toutefois pas en question les comportements qui peuvent contribuer à discréditer la respectabilité de ces jeunes filles, comme le fait de filmer à leur insu leurs expériences sexuelles ou de diffuser des contenus sexuels les concernant sans leur consentement.

Comme le montre une enquête réalisée en Suisse auprès de jeunes de 24 à 26 ans, la rediffusion de contenu à caractère sexuel sans le consentement des personnes concernées est majoritairement le fait de jeunes hommes, alors que les contenus diffusés concernent surtout des jeunes filles (Barrense-Dias etal., 2018). Or, comme le montre Mercier (2018), qui a analysé des discours publics sur le sexting, ce sont souvent les comportements des jeunes filles qui sont considérés comme problématiques par les adultes, par exemple lorsqu’elles ont envoyé des photos d’elles suggestives ou qu’elles se sont engagées dans des transactions sexuelles filmées. Plutôt que d’être considérées comme le problème principal, les situations d’humiliation ou de harcèlement qui s’en suivent ne sont considérées que comme leur conséquence logique, dont les filles sont tenues pour principales responsables. Ce faisant, de tels discours, même s’ils se veulent préventifs, peuvent contribuer à essentialiser l’idée que « la sexualité est particulièrement négative, dangereuse, voire destructrice pour les filles » (Mercier, 2018, p. 70) et renforcer par conséquent les normes binaires du genre. Dans le même sens, on peut supposer que si la sexualité des garçons est moins commentée par les professionnel∙le∙s, c’est parce que dans le système de références hétéronormatif, afficher une sexualité performante est associé au processus « normal » de socialisation sexuelle masculin.

De même, dans notre étude, dans plusieurs situations relatées au cours de l’enquête, les filles sont tenues pour responsables de l’engagement dans des transactions sexuelles, les propos de plusieurs professionnel∙le∙s suggérant qu’il pourrait être lié à certains comportements féminins jugés inopportuns, comme porter des décolletés ou des mini-jupes, se maquiller de manière exagérée ou encore utiliser un langage vulgaire. Ces comportements sont perçus comme provocateurs et potentiellement dangereux, car ils peuvent non seulement entraîner les jeunes femmes dans des expériences sexuelles qu’elles ne maîtrisent plus, mais aussi avoir des effets sur leur réputation.

Léa, éducatrice sociale dans un foyer de filles, cite l’exemple d’une jeune femme qui avait des relations sexuelles en échange d’argent qu’elle utilisait pour s’acheter des habits. Alors que la jeune fille considère cette pratique comme de la « débrouille », aux yeux de l’intervenante, elle semble plutôt refléter une banalisation dangereuse de pratiques qui pourraient mettre en péril sa réputation.

[Je pense] à une jeune fille [de 15-16 ans] qui se prostituait […]. Et j’avais eu une discussion avec elle en lui disant : « Mais t’es pas un objet, tu dois prendre soin de ton corps ! » […Elle me disait :] « Mais Madame, [je ne fais que me] débrouiller en ville, faire deux-trois petits trucs et puis je reviens avec plein de nouveaux habits. » Donc vraiment, c’était banalisé. Elle sortait avec un monstre rouge à lèvres rouge et je lui disais « Mais ça ne joue pas, ce n’est pas très joli pour ton âge. »

Léa, éducatrice dans une structure semi-fermée pour jeunes mineur∙e∙s présentant des problèmes de santé physique, psychique et sociale en Suisse romande

Ces représentations influencent la posture professionnelle adoptée et le type d’intervention privilégié par les professionnel∙le∙s. Dans une telle perspective, l’objectif de l’intervention professionnelle privilégiée par plusieurs professionnel∙le∙s est d’inciter les jeunes femmes à adopter des attitudes qui correspondent davantage à ce qui paraît être considéré comme une sexualité saine (liée au respect de soi et de son corps), structurante (liée à l’affectivité et opposée à des multiples partenaires) et responsable (en lien avec la prévention). Que ce soit au nom d’arguments hygiénistes ou moraux, l’intervention est axée sur le comportement des jeunes femmes, qui sont encouragées à adopter des conduites responsables à la fois sur le plan sanitaire et moral.

Plus précisément, les jeunes femmes sont perçues par plusieurs intervenant∙e∙s comme devant être protégées, d’une part, contre les risques de grossesses indésirées et les infections sexuellement transmissibles (IST) (argument sanitaire) et, d’autre part, contre le risque de « mauvaise réputation » (argument moral). Concernant l’argument sanitaire, comme l’illustrent les propos de Bianca, le degré de responsabilité dont font preuve les jeunes femmes face à la contraception et la protection contre les IST est même utilisé par plusieurs répondant∙e∙s comme mesure de leur état de maturité psychique.

Lors de mes consultations […] il y a des filles qui viennent chez nous de manière spontanée, pour chercher un contraceptif, donc elles ont une approche à la sexualité que je trouve assez « mûre », même si elles ont 15-16 ans. Mais, il y a des réflexions de la part de ces filles derrière ces actes : « Si je me rapproche de la sexualité, je veux être tranquille, ne pas courir des risques, ni attraper des IST. » Puis, il y a d’autres cas où ce sont plutôt les parents, la mère, le père ou l’éducateur qui sont plus préoccupés. Alors, c’est eux qui amènent la fille chez nous. Dans ce cas, les filles en question pensent tout savoir déjà, mais, au contraire, elles risquent énormément, et elles ne savent presque rien de la sexualité.

Bianca, conseillère en santé sexuelle dans un centre de planning familial au Tessin

Dans la description que les professionnel∙le∙s font de ces situations, les comportements des jeunes hommes sont rarement évoqués, tout comme la question de leur éventuelle part de responsabilité dans ces questions sanitaires et morales.

Réticent∙e∙s à avancer des justifications uniquement hygiénistes ou morales, d’autres professionnel∙le∙s privilégient une approche de l’éducation sexuelle se voulant holistique et non uniquement axée sur les aspects sanitaires et les risques sexuels. Ainsi, elles et ils mobilisent davantage des arguments comme l’affirmation de soi et l’importance du plaisir sexuel féminin, conçu comme étant tout aussi important que le plaisir masculin. Néanmoins, leur intervention paraît surtout se focaliser sur la sexualité des jeunes femmes, considérées comme peu conscientes de leur plaisir ou de leurs désirs, comme l’exprime Isabelle.

Je parle plutôt des jeunes filles. […] Des fois, elles vont avoir des rapports où le plaisir ou l’envie ne sont pas forcément présents ou en tout cas pas conscientisés. Je me suis trouvée à poser la question : « Mais est-ce que vous aviez envie, qu’est-ce qui vous fait plaisir, qu’est-ce qui ne vous fait pas plaisir, est-ce que vous arrivez à le dire ? » Eh non, elles n’arrivent pas à le dire.

Isabelle, conseillère en santé sexuelle dans un centre de planning familial en Suisse romande

Comme en témoigne Claudine, cet encouragement au plaisir et à l’épanouissement peut toutefois entrer en contradiction avec les attentes sociales adressées aux filles, soumises à une injonction paradoxale d’avoir une sexualité épanouie sans pour autant se faire traiter de « pute » (Colombo etal., 2017b).

Et puis tout de suite, elle dit : « Ah non, mais moi je suis vierge. » […] Sous-entendu : « Je ne suis pas une pute. » Et je pense qu’elle se n’adresse pas à moi en disant ça, elle s’adresse vraiment à la société parce qu’en travaillant avec des filles, ce que je vois, c’est vraiment qu’il faut beaucoup beaucoup se défendre des rumeurs, des stéréotypes qu’on a sur les filles […]. « Si je fais ça, on va dire que je suis une pute. […] Et même quand je ne le fais pas, j'ai l’air d’être une pute. »

Claudine, animatrice socioculturelle dans un centre de rencontres pour filles en Suisse romande

Ces résultats montrent que des discours professionnels se voulant préventifs et attentifs aux jeunes peuvent paradoxalement avoir pour effet de confirmer une représentation hétéronormée de la sexualité. Les jeunes femmes apparaissent comme des victimes dont la sexualité est à préserver et à protéger, surtout lorsqu’il est question de transactions sexuelles, tandis que les jeunes hommes sont essentiellement pensés, comme ceux qui proposent voire achètent la sexualité des femmes ou encore comme des agresseurs dans des situations d’abus, ce qui renforce l’idée selon laquelle la sexualité masculine est prépondérante et assertive (Amsellem-Mainguy et Dumollard, 2016). Les situations relatées semblent d’ailleurs confirmer cette répartition des rôles en fonction des genres, comme en témoigne par exemple Léa, en parlant des situations d’abus sexuels rencontrées dans sa pratique en foyer.

Souvent [en cas d’abus], soit il y a eu une procédure qui n’a pas débouché, soit les parents ont dit : « Tu as eu tout ce que tu as mérité » ou ils ne les ont pas crues donc ça n’a rien donné. Soit elles n’osent pas porter plainte parce qu’elles ont peur. Ou alors les garçons ils disent : « Ouais mais t’as dit que tu voulais, t’as jamais dit que t’étais pas d’accord » alors que la jeune fille n’a jamais dit qu’elle était d’accord non plus. Et puis elle était peut-être déjà trop saoule ou trop droguée pour pouvoir se manifester aussi.

Léa, éducatrice dans une structure semi-fermée pour jeunes mineur∙e∙s présentant des problèmes de santé physique, psychique et sociale en Suisse romande

Ces représentations genrées conduisent non seulement à reproduire les normes genrées de la sexualité masculine et féminine, mais aussi à écarter les jeunes hommes du champ d’action des professionnel∙le∙s et à rendre les jeunes femmes seules responsables des éventuelles conséquences de comportements dits à risques, occultant tous les facteurs structurels qui peuvent intervenir dans ces situations.

Dans la section suivante, nous allons voir que la notion d’estime de soi, largement mobilisée par les professionnel∙le∙s, peut paradoxalement contribuer à renforcer cette responsabilisation des jeunes femmes, tout en contribuant à construire une distinction entre deux catégories de jeunes femmes.

La sexualitÉ des jeunes femmes, une affaire d’estime de soi ?

La notion d’estime de soi est amplement utilisée par les professionnel∙le∙s rencontré∙e∙s pour expliquer l’engagement (ou non) des jeunes dans des transactions sexuelles, associées par la plupart à des comportements « à risque ». Perçue par plusieurs comme un facteur de protection, elle est corrélée à la maturité de ces jeunes et à leur capacité à explorer, tout en posant leurs limites, comme l’illustrent les propos de Danièle.

La question de la maturité psychique est très importante parce qu’il y a ceux[3] qui peuvent s’essayer en ayant une bonne estime d’eux et puis en disant : « Ben voilà, ça fait partie de mon développement normal et puis mon exploration d’adolescent. » Et puis il y a ceux qui n’arrivent pas à mettre des limites parce qu’ils ne sont pas matures. Ils ont vécu dans une famille où il y a eu des problèmes. Et du coup, ceux-là sont des victimes potentielles parce qu’ils vont penser qu’il faut faire ce que les autres demandent pour être acceptés, intégrés.

Danielle, assistante sociale dans un service en charge de la protection des mineur∙e∙s en Suisse romande

Or, on constate que si l’estime de soi est perçue comme un facteur de protection pour l’ensemble des jeunes, son absence est surtout considérée comme un facteur de vulnérabilité surtout pour les jeunes femmes, parfois pour les jeunes hommes mais uniquement lorsqu’ils sont homosexuels. En effet, comme on l’a vu, dans les représentations des répondant∙e∙s, les transactions sexuelles sont souvent associées à des situations asymétriques, dans lesquelles une personne, le plus souvent un homme, profite voire exploite l’autre, le plus souvent une femme, plus rarement un jeune homme homosexuel. Dans ce contexte, une ou un jeune ayant une bonne estime d’elle ou de lui-même est vue comme capable de se respecter, de savoir ce qu’elle ou il veut et de s’affirmer pour éviter ce type de situations, alors que celle ou celui qui en manque est plus susceptible d’être victime de la pression des pairs et de se laisser entraîner dans des situations pouvant déboucher sur la violence. C’est ce qu’explique par exemple René, travailleur social.

Et puis l’autre où ça commence à devenir une sexualité entre guillemets « problématique » qui fait souffrir, en tout cas les gens qu’on côtoie, c’est surtout par rapport à des jeunes qui ont une très très faible estime de soi et qui sont prêts à tout pour être simplement aimés. Et puis, ils ne savent pas très bien ce que ça veut dire «amour». La sexualité, c’est un peu la même chose. Et puis on peut se donner à n’importe qui. […] Il y a des jeunes qui, malgré leurs difficultés – je rencontre peu de gens qui ne sont pas en difficulté – mais malgré leurs difficultés, ils tiennent la route parce qu’ils ont une structure qui fait qu’ils peuvent la tenir, j’entends ils ont été aimés.

René, travailleur social et responsable d’un service communal de jeunesse dans un canton de Suisse romande

Wilkins et Miller (2017) analysent la notion d’estime de soi, attribuée principalement aux filles, comme une construction sociale. En effet, elle est attribuée à soi-même et aux autres selon des idées faisant l’objet d’un consensus. Ces chercheuses mettent en lumière, à partir de l’analyse de 66 entretiens auprès des jeunes femmes (âgées entre 14 et 22 ans), que dans plusieurs sociétés occidentales actuelles, l’estime de soi est associée à une sexualité respectable, alors que son absence renvoie à un non-respect de soi et à une mauvaise réputation. Les jeunes femmes interviewées par Wilkins et Miller (2017) mobilisent le concept d’estime de soi à la fois pour expliquer le comportement sexuel des autres femmes et pour les étiqueter et, en même temps, pour se classer entre elles. L’article souligne le rôle fondamental de la classe sociale dans le renforcement des hiérarchies de statut entre les femmes : dans leurs discours, une mauvaise réputation est attribuée aux femmes de classes sociales défavorisées qui manquent d’assurance personnelle, ne savent pas se respecter, cherchent à attirer l’attention ou se laissent manipuler par des hommes.

On retrouve cette logique dans les discours de nos répondant∙e∙s à propos de l’estime de soi, qui prennent appui sur les comportements sexuels, plutôt que sur des informations évaluatives d’ordre psychologique. Les comportements sexuels considérés comme « sains » et responsables sont associés à une bonne estime de soi, alors que les conduites relevant d’une sexualité « problématique », comme des transactions sexuelles, seraient la conséquence d’un manque d’estime de soi.

Aux yeux des personnes interviewées, l’estime de soi s’acquiert essentiellement au sein de la famille, comme le suggèrent notamment les propos de Danièle ou de René ci-dessus. Plus précisément, d’un côté, il y aurait des contextes familiaux propices à la construction de l’estime de soi des enfants, car à même d’offrir un environnement stable à leurs enfants et des parents capables de procurer à leurs enfants de bases solides d’amour et des repères clairs. À l’opposé, il y aurait des familles déstructurées avec des parents ou des personnes de référence peu présentes, instables émotionnellement, souvent, victimes elles-mêmes ou eux-mêmes (notamment les mères) d’abus sexuels et n’étant pas en mesure de proposer un cadre affectif rassurant, ce qui générerait une faible estime de soi des jeunes.

Parmi ces familles, figurent notamment celles issues de l’immigration. En effet, certain∙e∙s professionnel∙le∙s établissent une relation entre migration et déstructuration, voire violence. Les répondant∙e∙s en charge du suivi de ces jeunes expliquent qu’à des trajectoires migratoires souvent parsemées d’obstacles, de violations et de traumatismes, souvent sexuels, s’ajoutent de grandes difficultés à construire un rapport positif à leur corps ainsi que, dans certaines familles, la présence des tabous sexuels, des normes patriarcales et des règles rigides qui empêchent les jeunes femmes de vivre une sexualité libre. Les jeunes femmes migrantes sont ainsi perçues comme cumulant des vulnérabilités de genre, des précarités économiques et des déficiences familiales et psychologiques. C’est par exemple ainsi que Matteo, psychologue, explique l’engagement d’une jeune femme qui a des relations sexuelles avec des hommes beaucoup plus âgés qu’elle en échange d’avantages matériels et affectifs.

La petite fillette d’Afrique, requérante d’asile, pour laquelle tout le monde s’inquiète car elle ne va pas bien à l’école… et puis voilà, elle a des relations avec quatre ou cinq petits vieux, et puis voilà… elle gagne très bien sa vie comme ça, quoi ! […] On peut bien s’imaginer que cette fillette-là a vu sa mère violée, violentée, bref… tout ce que l’on peut s’imaginer pour quelqu’un qui vient d’Afrique et qui est arrivée en Suisse en passant par le Portugal avec de l’argent de la prostitution. Une personne qui déjà à 16 ans a fait tout ça, c’est juste la réalité des faits qui parle : son équilibre a été bien chamboulé par ce voyage.

Matteo, psychologue, responsable d’un foyer qui accueille des jeunes en rupture familiale situé au Tessin

Ces propos laissent entendre que le comportement de cette jeune femme pourrait être lié à ses origines culturelles ou à son parcours migratoire. L’analyse montre qu’alors que la question de l’agentivité semble détachée de tout rapport de classe et de race, dans les discours des professionnel∙le∙s, le déficit d’estime de soi est principalement attribué à des jeunes femmes issues de milieux sociaux défavorisés ou avec un parcours migratoire, perçues comme des victimes potentielles d’abus, car elles n’auraient pas pu acquérir une estime de soi suffisante pour se protéger et poser leurs limites, étant issues d’un milieu ne leur offrant pas des conditions de socialisation adéquates.

Ces discours sur l’agentivité construisent en fait deux catégories de jeunes femmes, qui orientent l’intervention : d’une part, les jeunes filles à protéger, car, victimes d’une socialisation familiale défaillante, elles n’ont pas acquis la maturité nécessaire pour affirmer leurs droits et se « respecter », et, d’autre part, celles qui n’en ont pas besoin, car elles ont la maturité nécessaire pour dire « non » et « se respecter ». Les conceptions néolibérales de responsabilité comprise comme le libre arbitre et le choix autonome influencent la compréhension de l’agentivité, masquant les rapports de genre, de race et de classe, tout en renforçant la responsabilité des jeunes femmes et en déresponsabilisant les jeunes hommes (Chmielewski, Tolman, Kincaid, 2017). Or, en faisant de l’engagement des jeunes femmes dans des comportements sexuels considérés comme « à risque » un problème d’estime de soi, le risque est que les professionnel∙le∙s occultent les enjeux structurels (sociaux, économiques, de genre et migratoires) sous-jacents à ces expériences (Amaouche, 2010). En outre, le recours à cette notion peut focaliser l’intervention sur certains publics (les femmes et plus particulièrement celles de classes défavorisées ou racisées) et d’en écarter d’autres qui pourraient avoir aussi besoin d’une prise en charge socio-éducative.

Conclusion

Les représentations sociales de la sexualité qui prédominent dans nos sociétés occidentales sont fortement marquées par une conception hétéronormative, qui présente l’hétérosexualité comme la norme et les sexualités masculine et féminine comme étant naturellement différentes, les femmes apparaissant comme les principales responsables de la respectabilité sexuelle. Les résultats de notre enquête montrent que ces représentations sociales sont tellement ancrées qu’il est difficile, même pour des professionnel∙le∙s du travail social, de les déconstruire, ce qui peut avoir pour effet paradoxal de renforcer l’ordre du genre et les inégalités qu’elles et ils cherchent pourtant à contrer. Ainsi, leur intervention est essentiellement focalisée sur les jeunes femmes, qui sont encouragées à faire preuve de comportements matures et responsables face à la contraception et à la protection contre les IST, de contrôler leur habillement et leur maquillage et d’affirmer leurs droits sexuels en ayant une bonne estime d’elles-mêmes. Même si la sexualité et les transactions sexuelles ne sont de loin pas vécues de façon problématique par tous les jeunes (Colombo et Carbajal, 2019), il apparaît essentiel d’agir non seulement sur les comportements des jeunes et leur responsabilité individuelle, mais également sur les représentations sociales de la sexualité et les conditions structurelles qui peuvent contribuer aux souffrances et inégalités vécues par certaines et certains d’entre eux.