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Introduction et contexte

La préparation du personnel enseignant à la mise en oeuvre de la formation à distance (FAD) s’est imposée en raison de la pandémie de COVID-19, notamment dans les établissements d’enseignement supérieur. De fait, la question du développement professionnel (DP) est passée à l’avant-plan des préoccupations de ces établissements. En effet, la mise en oeuvre d’une formation à distance efficace nécessite de former adéquatement aussi bien ceux qui la conçoivent que ceux qui la dispensent, ceuxci n’étant pas toujours les mêmes. C’est la raison pour laquelle un processus différent doit être engagé pour l’élaboration des cours, la planification des stratégies d’enseignement et d’apprentissage, la communication et l’encadrement, ainsi que l’utilisation de technologies numériques (Gérin-Lajoie et al., 2022).

Plusieurs initiatives de formation ont été déployées par les centres de soutien pédagogique (CSP) des universités dans le monde, mais, dans une très large mesure, elles ont été concentrées sur les outils technologiques et avaient souvent recours à un format très transmissif de type webinaire de démonstration.

On s’interroge maintenant quant aux effets de ces initiatives à long terme, notamment sur les changements de pratiques des enseignants et enseignantes ou le développement de leur compétence numérique, dans le contexte où la formation à distance et la formation assistée par les technologies sont appelées à rester (Parent et al., 2022). Or, ce processus d’intégration pédagogique du numérique requiert un investissement de temps considérable (Kebritchi et al., 2017; Niemi et Kousa, 2020).

À cette occasion, après avoir dans un premier temps offert une série de documents explicatifs et de formations de type webinaires, par ailleurs très consultés (Poellhuber, 2020), le Centre de pédagogie universitaire (CPU) de l’Université de Montréal a développé des dispositifs de développement professionnel (DP) visant la transformation des pratiques pédagogiques enseignantes, en misant sur des éléments susceptibles de susciter de tels effets.

Selon Kennedy (2014), les dispositifs de DP relevant de stratégies « transmissives » (comme les webinaires) ont le potentiel de transmettre rapidement des renseignements à un grand nombre de personnes, mais ne mènent pas nécessairement à des changements profonds de pratiques. À l’opposé de ce spectre, l’usage des « communautés d’enquête » (inquiry-based communities), associé à des rétroactions provenant des personnes apprenantes, aurait le plus de potentiel pour transformer les pratiques. On retrouve entre ces deux extrêmes les stratégies « malléables », recourant à des communautés de pratiques et à des éléments tantôt transmissifs et tantôt transformateurs.

Roy et al. (2020) mettent en évidence les éléments les plus déterminants à considérer dans la conception d’un dispositif de DP à visée transformatrice  : une durée conséquente, la participation collective et la collaboration entre pairs enseignants, le recours à l’apprentissage actif, l’incorporation de rétroactions diverses émanant des étudiants et étudiantes, le fait de susciter une approche réflexive chez les enseignants et enseignantes, l’ancrage des formations pédagogiques dans des sujets et contenus spécifiques disciplinaires, et la cohérence de la formation avec les besoins. Des dispositifs de cette nature ont d’ailleurs été expérimentés récemment avec succès (Poellhuber et al., 2020; Roy et al., 2020). Dans cette recherche, les enseignants et enseignantes correspondant à un profil d’utilisateur avancé avaient un sentiment d’efficacité personnelle (SEP) élevé sur les plans pédagogique et technopédagogique.

Le SEP enseignant ressort comme une variable de première importance dans la littérature. Le SEP correspond aux croyances d’une personne en sa capacité d’agir et d’exécuter une tâche (Bandura, 1977; Coutinho et Neuman, 2008). Selon Talsma et al. (2018), il refléterait surtout la perception des performances antérieures de l’individu et serait un excellent indicateur des bonnes pratiques enseignantes (Ménard et al., 2012) en ayant notamment un impact sur l’engagement et la réussite des étudiants et étudiantes (Ross et Bruce, 2007). Deaudelin et al. (2002) montrent par ailleurs que plus les activités de formation sont pertinentes et offrent des occasions d’expérimenter des succès, plus s’accroissent la confiance et le SEP des enseignants et enseignantes. Par ailleurs, ceux qui possèdent un SEP élevé seraient plus enclins à intégrer les TIC et à changer leurs pratiques professionnelles (Melançon et al., 2013). Viser le développement du SEP enseignant serait donc une manière prometteuse d’entamer une démarche visant à modifier les pratiques enseignantes.

Les dispositifs de DP développés par le CPU ont pris la forme de trois écoles d’été ayant récolté plus de 3 500 inscriptions, s’adressant principalement aux professeurs et professeures ainsi qu’aux chargés et chargées de cours, cette dernière fonction pouvant. Un premier dispositif s’étant étendu sur presque trois semaines et comportant 21 activités de formation (webinaires, ateliers et communautés de pratiques) a été mis en oeuvre en mai 2020 et a déjà donné lieu à un compte rendu d’expérience (Michelot et al., 2021). Par la suite, la formule a été resserrée pour offrir des activités de formation plus condensées sur une période de trois jours intensifs, en juin et en août 2020. Ces écoles d’été correspondaient aux caractéristiques d’une formation malléable selon Kennedy. En effet, bien qu’elles incorporaient plusieurs activités transmissives (webinaires), elles comportaient aussi des ateliers longs et des moments d’échange de type communauté de pratique.

Par ailleurs, l’école d’été du mois d’août était précédée d’une journée d’accueil et d’intégration destinée aux nouveaux enseignants et enseignantes. Notons que le CPU organise un accueil de ces derniers depuis août 2016. L’intégration socioprofessionnelle du nouveau personnel enseignant est l’objectif principal de ce programme, qui est passé à distance lors de la pandémie en août 2020. Le tableau 1 présente les activités offertes pendant une journée type de ce programme d’accueil. De plus, ce programme était suivi de l’école d’été du mois d’août, à un moment où la directive institutionnelle imposait à presque tous les cours d’être proposés à distance.

Ce programme destiné au nouveau personnel enseignant est important, car hormis d’éventuelles expériences plus ou moins occasionnelles en tant qu’auxiliaires d’enseignement, les nouveaux enseignants et enseignantes en enseignement supérieur ne reçoivent guère de formation pédagogique préalable (Murtonen et Vilppu, 2020). De plus, ceux qui ont déjà une activité de recherche sont parfois plus intéressés par celleci que par l’enseignement (Wilkesmann et Schmid, 2014).

Guskey (2002) suggère d’élaborer pour le nouveau personnel enseignant un processus de DP systémique, continu et intentionnel afin qu’il puisse approfondir ses connaissances et développer ses compétences.

Tableau 1

Exemple de programme d’une journée d’accueil des nouveaux enseignants et enseignantes

Exemple de programme d’une journée d’accueil des nouveaux enseignants et enseignantes

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En résumé, les écoles d’été offertes par le Centre de pédagogie universitaire (CPU) de l’Université de Montréal correspondaient donc sur plusieurs points aux caractéristiques mises en évidence par Gruslin, et ce, de manière encore plus importante pour la formation des nouveaux enseignants et enseignantes en ce qui concerne la durée et la cohérence, qui était suivie d’une école d’été. Elles s’inscrivaient dans la durée (la première s’étendant sur deux semaines et les deux autres sur trois jours), répondaient à des besoins pressants du personnel enseignant (cohérence), avaient recours à certains moments à une participation collective (apprentissage actif) et à la collaboration entre les personnes participantes, et permettaient aux enseignants et enseignantes d’appliquer les apprentissages dans leur propre discipline, assurant ainsi un ancrage avec les contenus de leurs cours.

Cadre conceptuel

La présente recherche s’ancre dans les modèles de Kirkpatrick, de Guskey, et de Clarke et Hollingsworth, qui ont en commun de s’intéresser de manière centrale non seulement aux apprentissages réalisés par les enseignants et enseignantes se situant dans un processus de développement professionnel, mais aussi à leur transfert ou à leur mobilisation dans de nouvelles pratiques pédagogiques.

Les modèles de Kirkpatrick et de Guskey

Pour l’évaluation des formations continues offertes aux personnes adultes et professionnelles en exercice, le modèle de Kirkpatrick et Kirkpatrick (2006) est vraiment dominant. Ce modèle suggère d’évaluer les effets d’un programme de formation ou de développement professionnels selon quatre niveaux différents :

  1. la satisfaction;

  2. l’apprentissage ou les compétences développées par les personnes participantes à ce programme;

  3. les comportements mis en oeuvre à la suite de la formation (en éducation, on parlerait ici du transfert des apprentissages au domaine de la pratique);

  4. les résultats de ces comportements auprès de ceux qui en bénéficient (si on forme du personnel enseignant, on parlerait dans ce cas des effets auprès des étudiants et étudiantes).

Or, un grand nombre d’évaluations se limitent au premier niveau (Chalmers et Gardiner, 2015), celui de la satisfaction, qui a par ailleurs été critiqué pour avoir été mal défini. Guskey (2002) propose un modèle semblable focalisé sur le DP offert aux enseignants et enseignantes : on y recommande que les changements aux pratiques enseignantes soient évalués au troisième niveau. En ce qui concerne l’évaluation des programmes de DP des enseignants et enseignantes, tant Kirkpatrick et Kirkpatrick (2006) que Gusky (2002) proposent d’aller audelà de la satisfaction et d’évaluer aussi les connaissances ou compétences acquises par ces derniers (le niveau 2) et leur application dans les pratiques pédagogiques enseignantes (le niveau 3).

Le modèle interconnecté de croissance professionnelle de Clarke et Hollingsworth

Clarke et Hollingsworth (2002) proposent le modèle de croissance professionnelle où la notion de croissance réfère à un processus de développement professionnel continu et systémique, où le DP est considéré à partir des interactions entre quatre dimensions interconnectées : a) le « domaine personnel » (les connaissances, compétences, croyances et attitudes des enseignants et enseignantes); b) le « domaine de la pratique » (les pratiques pédagogiques); c) le « domaine des conséquences » (les résultats des changements apportés par l’enseignant ou l’enseignante à sa pratique professionnelle); d) le « domaine externe » (les sources d’information provoquant une réaction de l’enseignant ou de l’enseignante). Dans ce modèle très utilisé en éducation, un processus de DP peut prendre origine dans des déclencheurs d’un ou plusieurs de ces domaines. À titre d’exemple, dans une recherche sur la classe inversée (Poellhuber et al., 2020), il a été trouvé que des observations des enseignants et enseignantes relativement à des problématiques d’engagement étudiant (domaine des conséquences) et le désir d’innover dans leur pratique (domaine de la pratique) étaient à l’origine de la décision d’un grand nombre d’entre eux d’amorcer un processus visant à éventuellement adopter la classe inversée. Ce modèle est cohérent avec celui de Guskey (2002) dans la perspective où il propose de s’intéresser aux changements des pratiques enseignantes ainsi qu’à leurs effets sur les étudiants et étudiantes (domaine des conséquences).

L’autoefficacité des enseignants et enseignantes

Les théories motivationnelles dérivées de la théorie de l’apprentissage social (Bandura, 1986) reposent sur une vision interactionniste de la motivation, où on la voit comme un phénomène cognitif et affectif relié aux perceptions, aux interprétations et aux anticipations (Pintrich, 2003). Le SEP est central dans cette perspective et a été mobilisé dans plusieurs travaux portant sur le SEP enseignant. Le SEP est défini comme la croyance en ses capacités d’organiser et d’exécuter un groupe d’actions nécessaires à la gestion d’une situation future (Bandura, 1986). Les quatre sources d’information alimentant le sentiment d’autoefficacité sont de quatre ordres : la performance antérieure, l’observation ou l’apprentissage vicariant, la persuasion verbale et l’état physiologique et émotionnel, la performance antérieure étant considérée comme la source la plus importante du SEP. Appliqué aux actions d’un enseignant ou d’une enseignante, et se voulant plutôt spécifique à un domaine de tâches précis (p. ex. le SEP en gestion de classe, ou le SEP en lien avec l’intégration des TIC), le SEP enseignant pourrait ainsi concerner différentes dimensions de sa capacité à favoriser l’engagement ou la motivation de ses étudiants et étudiantes (Tschannen-Moran et Hoy, 2001), à intégrer des pédagogies actives, ainsi que le numérique (Poellhuber et al., 2020), etc. Selon Linnenbrink et Pintrich (2003), les théories sociocognitives de la motivation mettent en évidence son caractère multidimensionnel, situationnel, dynamique et évolutif. La modification du SEP des enseignantes et enseignants serait donc une cible tout à fait adéquate pour un programme de DP leur étant destiné.

Les pratiques pédagogiques

La pratique enseignante a fait l’objet de plusieurs conceptualisations et travaux de recherche, notamment par Altet et al. (2012). La perspective adoptée dans la présente recherche est pragmatique et se centre sur les pratiques pédagogiques enseignantes et les changements envisagés ou effectifs à ces pratiques. Plusieurs programmes de formation offerts par les centres de pédagogie universitaire aux enseignants et enseignantes visent à les amener à développer des pratiques pédagogiques plus pédocentrées, c’est-à-dire centrées sur les étudiants et étudiantes. Les pédagogies actives, dont les méthodes pédagogiques phares sont l’apprentissage coopératif, la méthode des cas, et l’apprentissage par problème et par projet mettent l’accent sur des approches pédocentrées. Les avantages de ces pédagogies actives sont très bien documentés sur la réussite étudiante (Braxton et al., 2000; Freeman et al., 2014). Par exemple, Nguyen et al. (2021) ont observé, dans leur revue de littérature, des effets positifs sur les plans affectif et comportemental en ce qui concerne l’autoévaluation de l’apprentissage par les étudiants et étudiantes, leur participation aux activités et leur satisfaction à l’égard du cours. Trigwell et Prosser (2004) ont développé un instrument de mesure, l’approach to teaching inventory, destiné à évaluer dans quelle mesure les pratiques pédagogiques sont centrées sur les étudiants et étudiantes ou centrées sur les enseignants et enseignantes.

Le climat d’innovation

Le climat de classe a fait l’objet de recherches depuis bon nombre d’années. Or, c’est assez récemment qu’on a commencé à s’intéresser au climat institutionnel dans lequel le personnel enseignant évolue. Ainsi, l’adoption de pratiques pédagogiques pédocentrées par des enseignantes et enseignants très habitués aux approches magistrocentrées (ce qui serait le cas de plus de la moitié de ceux qui enseignent à l’université selon Bara Stolzenberg et al., 2014) représente un défi majeur, et le climat institutionnel serait d’une grande importance pour cela (Kober, 2015; Rankin et Reason, 2008). En réponse à ce besoin, l’équipe de Walter et al. (2016) a développé un instrument pour mesurer le climat institutionnel au niveau du département ou de la faculté, puisque la culture disciplinaire de l’enseignement peut être très différente d’une discipline à l’autre.

Objectif

L’objectif de cette recherche consiste à étudier les effets des dispositifs de DP sur le SEP des enseignantes et enseignants nouveaux et d’expériences, et sur les changements de pratiques envisagés ou effectifs à la suite de ces formations.

Un premier objectif spécifique visait, plus particulièrement, à évaluer les effets de ces dispositifs sur le SEP des enseignantes et enseignants, leurs apprentissages et leurs intentions de mettre en pratique ces apprentissages en enseignement et en FAD. Cet objectif mobilise le deuxième niveau du modèle de Guskey (les apprentissages et les compétences développées) et approche le troisième niveau par le biais des pratiques anticipées. Cet objectif a été décliné en quatre sousquestions de recherche :

  • Q1 L’autoefficacité en FAD évolue-t-elle au fil du temps?

  • Q2 La participation à certaines activités de formation contribuetelle à l’autoefficacité en FAD?

  • Q3 Le climat de travail influence-t-il l’autoefficacité en FAD?

  • Q4 Le type d’approches pédagogiques mobilisées atil évolué au fil du temps en fonction du type de formations suivies?

Un second objectif spécifique, complémentaire, visait à interpréter l’influence des formations suivies sur les compétences développées et les pratiques pédagogiques envisagées par les enseignants et enseignantes en fonction de leur degré d’autoefficacité en FAD.

Méthodologie

La recherche mise sur une méthodologie mixte à forte composante quantitative. Elle a permis d’analyser différentes dimensions, notamment le SEP pédagogique et technopédagogique enseignant à partir d’une échelle adaptée de Michelot et al. (2021). Deux questions ouvertes portaient sur les apprentissages réalisés et les intentions relatives aux apprentissages réalisés à l’occasion des formations suivies et aux intentions de mise en pratique de ces apprentissages.

La dimension quantitative de la recherche

Au tout début de la pandémie, la collecte de données s’est initialement déroulée dans un objectif d’amélioration de la qualité du service. Ce n’est que dans un second temps qu’une démarche de documentation plus fine a été mise en oeuvre, suivant un protocole essentiellement quantitatif. Le projet a alors obtenu une approbation éthique de la part du Comité d’éthique de la recherche en éducation et en psychologie de l’Université de Montréal.

Les femmes constituaient 58 % des personnes répondantes au T1 et 50 % au T2. Les professeurs et professeures représentaient une grande majorité de l’échantillon (de 63 % au T1 à 82 % au T2; tableau 1).

La recherche repose sur un échantillon volontaire de personnes participantes aux diverses formations décrites plus haut. Nous leur avons demandé de répondre aux questionnaires à trois temps de mesure : i) quelques jours avant la participation à une formation (noté « T1 »; n = 234); ii) dans les deux semaines qui suivaient lesdites formations (noté « T2 »; n = 224); iii) en mai 2022, soit plusieurs mois après lesdites formations (noté « T3 »; n = 41). En outre, à l’occasion de la première collecte, nous avions demandé aux individus de répondre aux mêmes questions avec le contexte suivant : « selon ce dont je me rappelle d’avant le début de la pandémie, au début mars 2020 [...] ». Cela a permis de reconstruire un quatrième temps de mesure prépandémie (noté « T0 »; n = 71). Au total, 570 questionnaires (n = 570; figure 1) ont été recueillis au fil des différentes étapes des collectes.

Une proportion de 67,2 % des personnes répondantes étaient des femmes, 32,4 % des hommes et 0,4 % s’identifiaient à un autre genre. Sur le plan professionnel, 50,4 % étaient des chargés ou chargées de cours ou d’enseignement, 35,6 % des professeurs ou professeures d’université, 3,2 % des auxiliaires d’enseignement et de recherche et 11,0 % exerçaient des professions diverses (conseiller(ère)s pédagogiques, bibliothécaires, coordonnateur(trice)s de stages, responsables de laboratoires, membres de personnels administratifs, etc.), qui, malgré l’intitulé de leur fonction, ont aussi des charges de cours ou des tâches d’enseignement (p. ex. encadrement étudiant, animation d’ateliers, etc.) ou de prestations de laboratoires.

Figure 1

Répartition des personnes participantes selon le temps de réponse

Répartition des personnes participantes selon le temps de réponse

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Le questionnaire a été passé en ligne. En plus de questions sociodémographiques (tranche d’âge, statut professionnel, discipline, etc.), les personnes répondantes devaient remplir trois échelles de Likert.

La première échelle portait sur le sentiment d’autoefficacité en formation à distance (cf. descriptif au tableau A.1 en annexe). Adaptée du modèle de Prior et al. (2016) et décrite par les auteurs dans le cadre d’une étude préliminaire menée au début de la pandémie (Michelot et al., 2021), cette échelle a vu son utilisation prolongée. Elle est constituée de 45 items qui sont répartis sur six facteurs : i) l’attitude générale à l’égard des TIC (notée « SEP_FAD_AttitudesTIC »); ii) les compétences numériques au quotidien (« SEP_FAD_NumQuot »); iii) les compétences génériques en enseignement (« SEP_FAD_Ennseigement »); iv) l’aptitude à animer des interactions avec un groupe-classe (« SEP_FAD_Interactions »); v) les compétences numériques en enseignement (« SEP_FAD_NumEns »); vi) les habiletés relatives à la manipulation de l’environnement numérique d’apprentissage (ENA, « SEP_FAD_ENA »). Les indices de fidélité des scores sont qualifiables d’excellents (ω = 0,93; IC95% [0,92; 0,94]; α = 0,93; IC95% [0,92; 0,94]; tableau A.2 en annexe). Cette échelle a été employée aux quatre temps de mesure.

La deuxième échelle portait sur les approches d’enseignement (cf. descriptif en annexe, tableau A.3), grâce à une échelle élaborée sur la base de l’approach to teaching inventory (ATI; Trigwell et Prosser, 2004) et du postsecondary instructional practices survey (PIPS; Walter et al., 2015). Le questionnaire a été traité sous la forme de deux échelles distinctes : i) six questions pour déterminer les approches pédagogiques centrées sur l’étudiant ou l’étudiante (ω = 0,92; IC95% [0,88; 0,95]; α = 0,92; IC95% [0,91; 0,93]); ii) six questions pour distinguer les approches centrées sur l’enseignant ou l’enseignante (ω = 0,84; IC95% [0,78; 0,88]; α = 0,84; IC95% [0,81; 0,86]; tableau A.4 en annexe). Les indices de fidélité des scores sont qualifiables de bons à excellents.

Le climat d’innovation au sein de l’unité d’enseignement (cf. descriptif en annexe, tableau A.5) a été mesuré grâce à une échelle adaptée du survey of climate for the improvement of teaching in academic departments (SCII; Walter et al., 2015). Seize items ont été remobilisés; ils étaient tirés de quatre des six facteurs de l’échelle : i) l’ouverture au DP; ii) la collégialité; iii) le leadership; iv) la valorisation de l’innovation. Les indices de fidélité des scores sont qualifiables d’excellents (ω = 0,93; IC95% [0,90; 0,95]; α = 0,93; IC95% [0,92; 0,93]; tableau A.6 en annexe).

Plusieurs questions étaient posées quant aux activités de DP suivies selon qu’elles étaient transmissives, malléables ou transformatives, reprenant ainsi la catégorisation du CDP de Kennedy (2014). Enfin, des questions ouvertes permettaient aux personnes répondantes de partager leurs perceptions sur la formation à distance.

Les analyses ont été opérées avec jamovi 2.3.21.0, avec le module esci, et JASP 0.16.4, avec les modules Distributions et Reliability.

Les données manquantes ont été remplacées par la moyenne de la variable. Parmi les différentes stratégies de remplacement des données manquantes, le remplacement par la moyenne est discuté, car celuici est moins performant que d’autres stratégies (p. ex. imputation multiple, kNN, etc.). Bien qu’elle soit imparfaite, son recours est parfois évoqué dans des situations ayant un faible nombre de données manquantes (ici < 10 % Fox-Wasylyshyn et El-Masri, 2005; Howell, 2007). En revanche, il s’agit d’une méthode aisément accessible avec les logiciels d’analyse utilisés. Enfin, elle performe aussi bien que certaines autres méthodes de remplacement et reste préférable au nonremplacement (Daniel et Gill, 1991).

La fidélité des scores des échelles a été calculée (α de Cronbach et ω total de McDonald).

Quant aux tests statistiques, l’étude des conditions d’application des tests paramétriques (p. ex. test t, ANOVA) a été réalisée au regard de la normalité des distributions (test Kolmogorov-Smirnov; normalité si p > 0,05) et de l’homogénéité des variances (test de Levene; homoscédasticité si p > 0,05). En cas de variances hétérogènes, la correction de Welch a été employée. Dans le cas où les hypothèses de normalités étaient violées, les tests non paramétriques ont été adoptés, soit les tests de Mann-Whitney lorsqu’il s’agissait de comparer deux échantillons, et de Kruskal-Wallis, lorsque plus de deux échantillons étaient comparés. Les corrélations ont été étudiées avec le ρ de Spearman.

Le seuil de significativité où p < 0,05 a été retenu. Nous rapportons aussi les tailles de l’effet, notamment ε2 (test Kruskal-Wallis), en retenant les seuils proposés par Cohen (1992).

Des tests post hoc ont été utilisés pour effectuer des comparaisons multiples entre les groupes. Le test post hoc de Tukey a été appliqué pour recenser les paires de groupes qui présentaient des différences significatives entre eux. De plus, le test post hoc de Holm a également été utilisé pour ajuster les valeurs p corrigées lors des comparaisons multiples.

La dimension qualitative de la recherche

Au terme des activités de formation (T2), les personnes participantes étaient par ailleurs invitées à indiquer quelles compétences elles avaient le sentiment d’avoir développées et quelles compétences elles imaginaient pouvoir remobiliser prochainement.

L’objectif de cet apport qualitatif à la recherche ne poursuivant pas l’exhaustivité, nous avons adopté une approche lexicométrique que nous abordons comme une approche inductive tendant à élaborer des constructions théoriques à partir de nos données textuelles (Gephart, 1993). Il s’agit d’un traitement quantitatif de données qualitatives. Nous avons alors porté notre choix sur la méthode lexicométrique développée par Reinert (1983, 1987, 1990) qui vise à « dégager les structures signifiantes d’un texte » (Née, 2017, p. 124). La méthode de Reinert, également connue sous le nom d’Alceste, est une méthode d’analyse hiérarchique descendante qui crée des classes d’énoncés aussi homogènes que possible en leur sein et aussi différents que possible des autres classes (Reinert, 1983). Elle permet de souligner la perspective relationnelle entre les mots en partant du principe qu’ils tirent leur sens de leur positionnement dans un corpus de textes plus grand (Brodnik et Brown, 2018). Les lexèmes repérés par le logiciel sont confrontés et agglomérés avec les autres lexèmes du corpus et la classification hiérarchique descendante permet d’effectuer une hiérarchisation distinguant des classes de segments selon leur non-similarité; de fait, les schémas de similitudes et de différences deviennent le coeur de l’analyse (Mohr, 1998). L’analyse de similitude utilisée ici est une façon de représenter visuellement le vocabulaire du corpus qui permet d’étudier la relation entre les termes, selon des flux qui illustrent les liens entre les termes les plus fréquents dans les commentaires formulés. En outre, l’analyse de similitude sépare les termes en blocs avec des sommets et des arêtes de différentes couleurs qui permettent de mieux représenter les relations entre les mots.

Les questions ouvertes ont été analysées avec le logiciel IRaMuTeQ alpha 2. Les personnes participantes avaient été, au préalable, catégorisées selon leur autoefficacité en FAD, pour faire en sorte que leur discours sur les compétences (qu’elles avaient le sentiment d’avoir développées et imaginaient pouvoir remobiliser prochainement) puisse être étudié selon leur score d’autoefficacité en FAD. Les individus étaient ainsi placés dans un des quatre groupes correspondant au quartile de leur score d’autoefficacité en FAD (de Qmin à Q1 : n = 24; de Q1 à Q2 : n = 30; de Q2 à Q3 : n = 46; de Q3 à Qmax : n = 47).

Les analyses de similitude ont été opérées selon l’indice de cooccurrence des termes et selon l’algorithme Fruchterman-Reingold de dessin basé sur les forces (force-directed algorithms) optimisant le positionnement des noeuds d’un graphe pour en faciliter la visualisation. La fonction edge.betweenness.community a été employée en vue de la détection de la structure communautaire basée sur l’interdépendance des arêtes. Dans les graphiques présentés en annexe, chaque communauté de termes est représentée sous la forme de halos de couleurs reliés les uns aux autres selon la distance entre ces communautés.

Nous soulignons toutefois que l’approche lexicométrique est ici abordée comme un outil permettant d’aider à l’émergence de pistes d’interprétation en complément à la dimension quantitative. Le traitement quantitatif des données qualitatives n’exonère pas, selon nous, le chercheur ou la chercheuse de se questionner sur sa posture et sa place.

Résultats

Le premier objectif et l’étude des questions de recherche

Q1. L’autoefficacité en FAD évolue-t-elle au fil du temps?

Le sentiment d’autoefficacité en FAD (SEP-FAD) évolue au fil des quatre temps de mesure (la figure 2 présente, sous la forme de nuages de points, les boîtes à moustaches des réponses à l’échelle d’autoefficacité en FAD aux T0, T1, T2 et T3), diminuant d’abord entre le T0 et le T1 ( = 5,65; IC95% [5,29; 6,01] et Med = 5,41, puis  = 5,23; IC95% [5,07; 5,40] et Med = 5,37), puis progressant au T2 ( = 5,38; IC95% [5,18; 5,58] et Med = 5,41) et, surtout, au T3 ( = 6,24; IC95% [5,92; 6,56] et Med = 5,73).

Figure 2

Nuages de points du sentiment d’autoefficacité en FAD selon le temps de mesure

Nuages de points du sentiment d’autoefficacité en FAD selon le temps de mesure

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Cette différence est significative et la taille de l’effet est petite à moyenne (F[3; 566) = 6,88; p < 0,001; η2 = 0,04). Notons que le test post hoc de Tukey montre des différences significatives moyennes à fortes entre le T1 et le T3 (MD = –1,01; t[566] = -4,28; p < 0,001; d = –0,72) et entre le T2 et le T3 (MD = –0,86; t[566] = –3.65; p = 0,002; d = –0,62; tableau 2).

Tableau 2

Test post hoc de comparaison de Tukey du sentiment d’autoefficacité en FAD selon le temps de mesure. Comparaisons basées sur les moyennes marginales estimées

Test post hoc de comparaison de Tukey du sentiment d’autoefficacité en FAD selon le temps de mesure. Comparaisons basées sur les moyennes marginales estimées

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Le constat est similaire pour chacun des facteurs de l’échelle. Le test de Kruskal-Wallis montre un effet significatif pour l’échelle et pour la plupart des facteurs, quoique la taille de l’effet soit petite (tableau 3). La comparaison pair à pair ne révèle de différence au seuil de significativité qu’entre T0 et T3 que pour le facteur relatif au numérique en enseignement (W = 3,61; p = 0,052). Entre T1 et T3, la différence est significative pour le numérique en enseignement (W = 5,92; p < 0,001), le numérique au quotidien (W = 5,20; p = 0,001), les environnements numériques d’apprentissage (W = 5,24; p < 0,001), l’attitude avec les TIC (W = 3,85; p = 0,033) et pour l’ensemble de l’échelle d’autoefficacité en FAD (W = 6,34; p < 0,001). Aucune différence significative n’est relevée pour les autres facteurs.

La réponse à la première question de recherche est que sur le long terme, l’ensemble des dimensions du SEP évoluent de manière positive, mais que cette évolution n’est statistiquement significative que pour quelques-unes des sous-échelles.

Tableau 3

ANOVA unidirectionnelle de Kruskall-Wallis sur les différents facteurs du sentiment d’autoefficacité en FAD selon le temps de mesure

ANOVA unidirectionnelle de Kruskall-Wallis sur les différents facteurs du sentiment d’autoefficacité en FAD selon le temps de mesure

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Q2. La participation à certaines activités de formation contribue-t-elle à l’autoefficacité en FAD?

L’effet du type de formations suivies (transmissives, malléables et transformatives) sur l’autoefficacité en FAD a été étudié par le biais d’une question portant sur les formations suivies en plus des formations proposées par le CPU. Si le fait d’avoir suivi tous les types de formations semble avoir un effet positif comparativement à ceux qui n’ont suivi qu’un ou deux types de formations ( = 6,19; IC95% [5,68;6,69] et Med = 6,49 contre  = 5,99; IC95% [5,64; 6,34] et Med = 6,00), celui-ci ne semble pas significatif (tWelsh [71,15] = –0,66; p = 0,255).

Le fait d’avoir participé à des formations transmissives a un effet significatif, quoique faible (χ2[3] = 9,75; p = 0,021; ε2 = 0,09). La différence est significative entre personnes n’ayant jamais participé à une formation transmissive et personnes y ayant participé à quelques reprises (W = 4,35; p = 0,011; respectivement  = 5,00; IC95% [4,29; 5,71] et Med = 5,41 contre  = 6,32; IC95% [5,85; 6,79] et Med = 6,71).

Malgré des différences observables entre personnes n’ayant jamais suivi de formations malléables et entre personnes en ayant suivi à quelques reprises ( = 5,87; IC95% [5,43; 6,31] et Med = 5,53 contre  = 6,34; IC95% [5,65; 7,02] et Med = 6,71), cette différence n’est pas statistiquement significative. Le constat est similaire pour les formations transformatrices ( = 5,87; IC95% [5,35; 6,39] et Med = 6,00 contre  = 6,51; IC95% [6,09; 6,93] et Med = 6,87).

Par ailleurs, des différences peuvent être observées avant (T1) et après (T2) les formations, généralement à la hausse (tableau 4). Par exemple, au terme du 1er cycle de formation, donné en avril 2020 soit quelques semaines après le début de la pandémie, le score moyen en autoefficacité en FAD avait progressé de 0,36. Plusieurs diminutions de la moyenne du score d’autoefficacité en FAD sont observables à l’occasion de certaines formations. Cette diminution apparente doit toutefois être relativisée en considérant les intervalles de confiance.

Dans le cas spécifique du nouveau personnel enseignant pour qui des formations ad hoc étaient offertes, on peut observer de nettes progressions. Si l’effet des formations de l’été 2021 et de l’hiver 2021-2022 n’est guère observable considérant le très faible nombre de personnes répondantes, l’effet de la formation d’accueil des nouveaux enseignants et enseignantes à l’été 2020 est plus évocateur quoique non statistiquement significatif. Pour ces derniers, la figure 3 illustre la progression du sentiment d’autoefficacité en FAD et des différents facteurs la composant avant (T1) et après (T2) la formation. Par exemple, la progression entre le T1 et le T2 est comprise entre MD = –1,12 (compétence numérique au quotidien) et MD = –3,01 (compétence numérique en enseignement); cette progression est de MD = –1,88 pour l’ensemble de l’échelle. Seul le sentiment de compétence avec les ENA semble avoir légèrement régressé (MD = 0,38).

Tableau 4

Évolution de l’autoefficacité en FAD avant (T1) et après (T2) les formations

Évolution de l’autoefficacité en FAD avant (T1) et après (T2) les formations

* NaN : insuffisance de personnes répondantes.

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Figure 3

Évolution de l’autoefficacité en FAD et de ses facteurs avant (T1) et après (T2) la formation d’accueil aux nouveaux enseignants et enseignantes de l’été 2020. Les rectangles d’incertitude représentent l’intervalle de confiance à 95 %

Évolution de l’autoefficacité en FAD et de ses facteurs avant (T1) et après (T2) la formation d’accueil aux nouveaux enseignants et enseignantes de l’été 2020. Les rectangles d’incertitude représentent l’intervalle de confiance à 95 %

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La réponse à la question de recherche Q2 est donc que la participation aux formations influence positivement les différentes dimensions du SEP enseignant, et ce, plus particulièrement quand différents types de formations sont suivies (transmissives, malléables et transformatrices).

Q3. Le climat de travail influence-t-il l’autoefficacité en FAD?

L’ANOVA unidirectionnelle de Kruskal-Wallis ne permet pas d’établir d’évolution statistiquement significative du climat d’innovation ou de ses facteurs au fil du temps. Le score de climat reste relativement stable au fil des temps de mesure (T0 :  = 7,30; IC95% [6,90; 7,71]; T1 :  = 7,58; IC95% [7,19; 7,96]; T2 :  = 6,83; IC95% [5,67; 7,98]; T3 :  = 7,48; IC95% [6,93; 8,02]).

En outre, aucune corrélation de Spearman notable ou significative n’a été observée entre l’autoefficacité en FAD et ses facteurs, d’une part, et le climat d’innovation et ses facteurs, d’autre part (tableau 5). Dans le cas présent, en réponse à Q3, il semble donc que le climat de travail n’influence pas le SEP en FAD.

Tableau 5

Corrélations de Spearman entre l’autoefficacité en FAD et ses facteurs et le climat d’innovation et ses facteurs

Corrélations de Spearman entre l’autoefficacité en FAD et ses facteurs et le climat d’innovation et ses facteurs

Note. Plus la teinte est foncée, plus la corrélation de Spearman est forte; les valeurs sont non significatives.

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Q4. Le type d’approches pédagogiques mobilisées a-t-il évolué au fil du temps?

L’évolution du recours à des méthodes pédocentrées et magistrocentrées a été étudiée au fil des T0, T1 et T3. L’ANOVA unidirectionnelle ne permet pas d’établir une différence significative entre les différents temps sur le plan des méthodes pédagocentrées (F[2; 131] = 1,07; p = 0,345) et magistrocentrées (ANOVA de Welch; F[2; 63,35] = 0,13; p = 0,876).

En revanche, une augmentation du recours à des méthodes pédocentrées peut tout de même être observée (figure 4). Bien que le test post hoc de Holm soit non significatif (t[131] = –0,138; p = 0,509; d = –0,29), la taille de l’effet est qualifiable de faible à moyenne. La différence moyenne entre T0 et T3 est de -0,53 (T0 :  = 7,28; IC95% [6,84; 7,72]; T3 :  = 7,82; IC95% [7,19; 8,45]).

Figure 4

Évolution des stratégies pédagogiques pédocentrées (pointillés) et magistrocentrées (trait plein)

Évolution des stratégies pédagogiques pédocentrées (pointillés) et magistrocentrées (trait plein)

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En réponse à Q4, le score de l’échelle de l’approche pédocentrée a légèrement augmenté au fil du temps, bien que cette augmentation ne soit pas statistiquement significative.

Le second objectif et le discours des personnes formées

Les commentaires des personnes participantes aux formations ont été étudiés par une analyse lexicométrique permettant d’étudier la fréquence des termes employés pour définir les compétences, ainsi que leurs relations. Cette approche nous permet d’envisager quelques pistes d’interprétation afin de prolonger les résultats quantitatifs.

En l’espace, chacune des grappes générées dans le cadre de l’analyse permet de déterminer les termes associés aux compétences développées et aux compétences remobilisables selon le quartile d’appartenance de l’individu en matière de score d’autoefficacité en FAD.

Les individus ayant un sentiment d’autoefficacité en FAD particulièrement faible, soit du minimum au 1er quartile (figure 5) mentionnent des éléments de base, particulièrement sur le plan technique. En matière de compétences développées, les outils StudiUM (l’instance Moodle de l’Université de Montréal) et Zoom, voire Teams, prédominent. Plusieurs fonctionnalités utiles à l’enseignement à distance sont ainsi soulignées, comme la gestion de carnets de notes numériques. On souligne aussi le développement de stratégies à plus ou moins haut niveau, comme le recours au sondage ou le travail en équipe et les modalités d’évaluation. Sur le plan des stratégies remobilisables, les personnes répondantes ont fait mention des compétences qui placent l’étudiant et l’étudiante au coeur des activités, grâce à des outils de communication, à de l’encadrement et à des travaux en groupe. On reconnaît également la possibilité de faire des vidéos. Pour une enseignante, les formations lui ont permis de « démystifier Zoom et Team[s] et comprendre les bases du fonctionnement [et] de mieux comprendre la notion d’encadrement et des communications dans le cadre de la formation en ligne ». Une autre déclare avoir désormais « un portrait de tout le potentiel », mais regrette qu’il y ait eu « trop d’information » : elle va « tenter ce [qu’elle peut] réalistement adapter ».

Figure 5

Compétences développées et remobilisables [Qmin, Q1]

Compétences développées et remobilisables [Qmin, Q1]

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Quant aux individus se trouvant entre le 1er et le 2e quartile dans leur autoefficacité en FAD (figure 6), les mentions paraissent se complexifier. Le propos d’une enseignante résume selon nous cette catégorie de façon évocatrice : « découverte de l’existence de nouveaux outils, mais pas de nouvelles compétences », bien que cela reste « encore à digérer » pour cette autre enseignante qui se sent « mieux outillée pour entreprendre la transition du présentiel au virtuel ». Sur le plan des compétences développées, on peut noter que les aspects technologiques prédominent dans le dernier quartile et que les apprentissages se complexifient pour inclure davantage d’éléments pédagogiques dans les quartiles supérieurs. Les personnes répondantes semblent être en mesure de recourir à de nouveaux outils technologiques, à mettre en place des stratégies d’enseignement et d’encadrement. Du côté des compétences remobilisables, on note toujours la présence de Zoom et de StudiUM/Moodle comme logiciels, mais y sont associées des fonctionnalités plus complexes telles que le tableau blanc, la gestion d’équipes et de groupes, les évaluations, etc. En outre, des individus rapportent une plus grande sensibilité à la planification pédagogique. Un enseignant se voit ainsi en mesure de remobiliser « les meilleures pratiques proposées pour l’enseignement à distance ».

Figure 6

Compétences développées et remobilisables [Q1, Q2]

Compétences développées et remobilisables [Q1, Q2]

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Au-delà de la médiane en autoefficacité en FAD, entre le 2e et le 3e quartile (figure 7), les compétences développées par les enseignants et enseignantes semblent davantage s’orienter vers l’approfondissement de l’enseignement à distance, l’animation et la dynamisation. C’est ce que résume cet enseignant qui note l’» approfondissement des connaissances concernant Moodle et l’amélioration des compétences concernant Zoom » ou cette collègue qui souligne que l’« utilisation de Zoom, [l’]approfondissement des fonctions de Moodle (carnet de notes, activités), [les] différentes dimensions de la FAD ont été développés ». On semble par ailleurs vouloir rendre l’étudiante ou l’étudiant actif dans ses apprentissages, l’engager dans une démarche pédagogique. En ce qui a trait aux compétences remobilisables, des stratégies moins communes sont évoquées, par exemple le recours aux sondages en direct TurningPoint. On mentionne le souhait d’aller vers l’organisation de séances synchrones et asynchrones, et vers davantage d’interactivité. Moodle est à la jonction des compétences développées et remobilisables, ce qui dénote la découverte de nouvelles fonctions à l’ENA institutionnel. Cette ouverture à davantage de réflexion pédagogique est verbalisée par cette répondante qui souhaite cheminer dans sa « réflexion sur les approches pédagogiques existantes et utilisées [ainsi que] sur quoi miser » ou cette autre qui envisage de remobiliser « les connaissances et compétences technopédagogiques ».

Figure 7

Compétences développées et remobilisables [Q2, Q3]

Compétences développées et remobilisables [Q2, Q3]

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Enfin, parmi les personnes ayant le plus haut niveau d’autoefficacité en FAD, soit entre le 4e quartile et le maximum (figure 8), l’analyse nous suggère que le rapport à l’étudiant ou l’étudiante est développé comme une compétence à part entière, une compétence qui exige adaptation, compréhension, souci, pédagogie et connaissance de la diversité. Cette enseignante se satisfait d’être mieux outillée pour la « planification et conceptualisation d’un cours (activités...), création et utilisation de ressources pédagogiques », tandis que son collègue explique que les formations lui ont permis de développer une « meilleure maîtrise des enjeux numériques et pédagogiques ». Les enseignants et enseignantes mentionnent les interactions, l’engagement et la créativité pédagogique. Sur le plan des compétences remobilisables, Zoom et Teams constituent les deux principaux pôles et plusieurs fonctionnalités avancées y sont encore associées. Moodle, une fois encore, se trouve à la jonction des compétences développées et remobilisables. La réflexion sur le recours au numérique éducatif et à la FAD est ainsi mise en perspective, comme chez cette participante qui retient l’importance du « juste équilibre entre ce qui sera offert en mode synchrone et asynchrone et l’importance de rendre actifs les étudiants pour les engager et les garder motivés (travail en sous-groupe dans des salles, permettre la communication régulièrement, etc.) »

Figure 8

Compétences développées et remobilisables [Q3, Q4]

Compétences développées et remobilisables [Q3, Q4]

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En lien avec le second objectif de la recherche, nous avons interprété les analyses de proximité de la manière suivante. Plus le SEP des enseignantes et enseignants est élevé, plus les compétences et approches pédagogiques développées et potentiellement remobilisées se complexifient. Celles-ci constituent d’abord un noyau très technocentré sur les outils institutionnels de base mis à disposition, puis s’enrichissent graduellement d’aspects liés à l’activité des étudiants et étudiantes, à la pédagogie de l’enseignement à distance, ainsi qu’à des activités collaboratives ou à des outils plus sophistiqués qui les soutiennent.

Discussion

Résultats clés de l’analyse quantitative

Les analyses statistiques réalisées entre T0 et T3 et entre T1 et T3, donc sur le long terme, permettent de mettre en évidence le fait que le SEP-FAD enseignant a augmenté de manière significative, ainsi que toutes les sous-échelles liées aux éléments technologiques (le numérique en enseignement, le numérique au quotidien, les ENA, l’attitude envers les TIC). Le SEP en enseignement a aussi progressé, cette hausse se rapprochant du seuil de significativité. Par ailleurs, même si elle est non significative, l’évolution du SEP en enseignement croît aussi de manière importante dans l’ensemble de l’échantillon entre le T1 et le T2. C’est d’ailleurs la sous-échelle où l’accroissement est le plus fort. Les pratiques centrées sur les étudiants et étudiantes progressent également, quoique de manière plus modeste.

Le fait que cette différence ne soit pas significative peut probablement être imputé au petit nombre de personnes participantes. Par ailleurs, on pourrait penser que si l’intervention était à plus long terme et peut-être davantage sur les volets enseignement, on aurait peut-être un effet significatif. Sur le plan méthodologique, il y aurait probablement un intérêt à persévérer dans la prise de mesures post-intervention plus éloignées, comme lors de l’année de la pandémie.

Ainsi, les écoles d’été, un dispositif de DP de type malléable, ont permis à l’ensemble des enseignants et enseignantes de développer leur SEP sur la quasi-totalité des échelles du SEP-FAD, mais cette progression s’observe surtout sur le long terme, sauf pour le SEP enseignement, qui s’observe aussi à brève échéance. Plusieurs études arrivent à la conclusion que l’intégration des TIC ou le développement professionnel sont des processus exigeants, qui nécessitent d’être inscrits dans la durée, surtout lorsqu’ils impliquent également un changement de pratiques pédagogiques (Beichner et al., 2007).

Le fait que ce sont les éléments liés au numérique qui ont le plus progressé lors de la pandémie témoigne possiblement de la centration des écoles d’été initiales sur des éléments technologiques, ce qui est cohérent avec les données qualitatives recueillies soulignant que tous les enseignants et enseignantes rapportent avoir développé des compétences relatives à Moodle et Zoom, les ENA institutionnels adoptés et soutenus par l’établissement qui avait émis des directives pour que ce soit ces outils qu’ils utilisent. Ce résultat est aussi cohérent avec la centration des efforts institutionnels de formation et de soutien autour de l’ENA Moodle et de l’environnement de webconférence Zoom.

Le fait d’avoir participé à des formations transmissives a un effet significatif, quoique faible lorsqu’on compare les personnes n’ayant jamais participé à une formation transmissive et les personnes y ayant participé à quelques reprises. La mise en place de formations transmissives correspondait à un impératif d’urgence lors de la pandémie ainsi qu’à une rareté des ressources humaines disponibles pour donner les formations. Les résultats montrent que cette approche était en partie fondée et peut permettre d’atteindre certains résultats.

L’absence de liens entre le climat et le SEP-FAD est un résultat un peu étonnant à première vue. Une explication possible est le fait que lors de la pandémie, il n’y avait plus vraiment de différence dans les pratiques des facultés et unités relativement à la FAD. Les directives venaient directement du Vice-rectorat aux études et aux affaires étudiantes et le niveau de soutien offert aux enseignants et enseignantes était très élevé (ressources additionnelles engagées au CPU, budget d’auxiliaires d’enseignement, etc.). Dans ce contexte, le personnel enseignant de toutes les facultés était soumis aux mêmes conditions, l’absence de variations entre les facultés expliquant l’absence de relations entre les échelles du climat d’innovation et celles du SEPFAD.

Lors de la pandémie, c’est du côté du nouveau personnel enseignant que les changements au SEP-FAD ont été les plus importants (même s’ils sont non significatifs), en raison du niveau exceptionnellement faible de départ. Cela pourrait possiblement être dû au contexte de la pandémie. Le processus d’embauche des nouveaux enseignants et enseignantes participant à la séance du mois d’août avait débuté avant la pandémie dans la plupart des cas. Ceuxci se sont retrouvés en août à devoir composer avec une obligation institutionnelle d’enseigner à distance, ayant développé peu de compétences préalables avec le numérique et les ENA institutionnels (Moodle et Zoom). De manière cohérente avec cette hypothèse d’explication, leur niveau de SEP-FAD préalable a augmenté entre la période pandémique (été 2020) et la période « postpandémique » (étés 2021 et 2022).

Du reste, on a parfois pu constater un certain reflux du SEP en FAD aussitôt après la participation aux formations, tandis que ce SEP remontait ensuite audelà du niveau initial. Ces observations, qui peuvent certes sembler déroutantes à première vue, rappellent le fameux adage socratique du « je ne sais qu’une chose, c’est que je ne sais rien » et relevé en psychologie sous l’expression d’effet « Dunning-Kruger » (Kruger et Dunning, 1999). L’effet Dunning-Kruger est un biais selon lequel les individus ont tendance à surestimer leurs compétences ou leurs connaissances lorsqu’ils sont novices ou non qualifiés et, à l’inverse, à les sous-estimer tandis qu’ils en savent davantage. Nous proposons donc que ce genre de formations puisse impliquer, chez les enseignantes et enseignants, un léger recul sur leur sentiment de compétence, ceuxci découvrant de nouveaux outils pédagogiques ou remettant en cause certaines de leurs pratiques. Dans un second temps, et après avoir « digéré » le contenu de ces formations en les mettant éventuellement en pratique, le SEP progresserait ensuite.

Résultats clés de l’analyse qualitative

Le dispositif de formation a donné lieu à la perception du développement de compétences remobilisables pour l’ensemble des personnes participantes, particulièrement liée à des éléments techniques comme la maîtrise de l’ENA ou de Zoom. Compte tenu de la programmation demeurant assez largement centrée sur ces outils, cela est peu surprenant. Comme évoqué précédemment, les enseignants et enseignantes étaient soumis à une directive institutionnelle les enjoignant de donner leurs cours par le biais de Moodle ou de Zoom. Plus les personnes répondantes évoluent selon le quartile, plus l’éventail des compétences remobilisables s’élargit et touche à des aspects pédagogiques, notamment reliés aux spécificités de la formation à distance. Par ailleurs, des habiletés et compétences développées ou remobilisables liées à ces outils demeurent tout de même au centre des discours du personnel enseignant des quartiles les plus élevés relativement au SEP en FAD, bien que les aspects pédagogiques liés à différentes facettes de l’enseignement et de l’enseignement à distance deviennent de plus en plus présents. Ces outils possèdent des fonctionnalités pédagogiques assez sophistiquées. C’est un peu comme si les enseignants et enseignantes apprenaient à maîtriser d’abord ces ENA, puis à leur greffer progressivement des éléments pédagogiques. L’ENA n’est plus la finalité, mais le moyen de l’évolution des pratiques pédagogiques.

Conclusion

Finalement, le dispositif développé par le CPU de l’Université de Montréal se situe plutôt dans le modèle malléable dans la typologie de Kennedy. Comme nous l’avons mis en évidence plus tôt dans le texte, il répond à plusieurs des caractéristiques établies par Desimone (2009) pour un développement professionnel efficace. Il a été repris à l’Université de Moncton avec des résultats semblables. Bref, il restera important pour les centres de soutien pédagogique d’offrir des dispositifs de développement professionnel transformateurs, mais aussi de trouver une manière d’évaluer les impacts audelà de la satisfaction, non seulement sur le personnel enseignant, mais aussi sur les étudiants et étudiantes.

Cette recherche réalisée autour des activités d’un centre de soutien pédagogique universitaire est l’une des rares qui approchent le troisième niveau du modèle de Guskey et qui dépassent largement l’étude de l’efficacité au travers des inscriptions et de mesures sommaires de la satisfaction. Elle a été réalisée auprès d’un nombre conséquent de membres du personnel enseignant. Par ailleurs, le contexte pandémique a sans aucun doute affecté la méthodologie du projet qui aurait pu être davantage encadrée en situation « normale », et nous n’étions pas en mesure de comparer des enseignantes et enseignants ayant suivi les programmes de formation du CPU à ceux qui ne les avaient pas suivis. Enfin, le processus utilisé pour analyser les résultats des analyses produites par IRaMuTeQ est prometteur et mériterait d’être confirmé par des méthodes d’analyse de contenu classiques. De plus, la variabilité de l’échantillon entre les temps T0, T1, T2 et T3 constitue une autre limite de l’étude. Le nombre limité de personnes participantes au T0 s’explique essentiellement par le fait qu’il fallait répondre au questionnaire une seconde fois à la fin du T1 en se positionnant « avant la pandémie ». Quant à l’attrition au T3, plusieurs répondants et répondantes n’ont pas donné suite à notre consultation. Enfin, une étude longitudinale permettant d’opérer des comparaisons intragroupes et intergroupes aurait amélioré l’étude. Cependant, disposer d’informations personnelles suffisamment fiables pour suivre les profils individuels au fil des mois n’était guère réaliste dans le contexte pandémique.

Les résultats de la présente recherche démontrent l’intérêt, pour les services pédagogiques en enseignement supérieur, de prendre les moyens pour que leurs formations et dispositifs de développement professionnel soient plus transformateurs. Les stratégies malléables semblent particulièrement prometteuses pour à la fois rejoindre un grand nombre d’enseignants et enseignantes et intégrer des éléments permettant d’en arriver à une transformation des pratiques pédagogiques pour qu’elles deviennent davantage centrées sur les étudiants et étudiantes.

Les recherches futures devraient porter sur les manières plus spécifiques de développer de tels programmes, incorporer des mesures à long terme et proposer des moyens d’évaluer plus formellement les apprentissages réalisés par les enseignants et enseignantes ainsi que ceux qui sont transférés dans leurs pratiques. Nous suggérons par ailleurs de prolonger des travaux comme ceuxci en s’appliquant à étudier l’impact de facteurs sociodémographiques (p. ex. le genre ou le statut professionnel). En outre, des recherches pourraient être menées dans l’étude de l’autoefficacité et ses sources, notamment afin de discuter de la façon dont les différentes formations ont eu ou non une influence sur les différentes sources de l’autoefficacité.