Corps de l’article

Évènement planétaire majeur du début des années 2020, la pandémie de la COVID-19, caractérisée par des mesures sanitaires exceptionnelles, dont le confinement, a suscité une couverture médiatique considérable sur tous ses aspects, de l’épidémiologie à la technologie (Triquet, 2021). Les recherches sur la presse écrite commencent aussi à dégager les discours, les représentations et les images de cette pandémie dans le domaine de la thanatologie. Ces recherches prolongent les analyses du rôle des journaux dans la diffusion des informations sur des épidémies majeures depuis le 19e siècle (épidémiologie, répercussions sur le système hospitalier, les pratiques mortuaires et le deuil) comme les épidémies de choléra (Daudé et al., 2014; Pires de Almeida, 2012), de grippe russe (Mussel, 2007; Kampinska-Miroslava et WonŸak-Kosek, 2013; Vagneron, 2014), de grippe espagnole (Edwards, 2022; Diamantino Correa, 2018; Watkins, 2015) et de VIH/sida (Herzlich et Pierret, 1988; Kinsella, 1989; Odasuo-Alali, 1994; Lévy, 2013; Stevens et Hull, 2013). Dans le contexte de la COVID-19, les recherches sur les corpus d’articles parus dans les journaux ont porté sur la presse anglaise (Sowden et al., 2020; Sowden et al., 2021; Selman et al., 2021), espagnole (Edwards, 2022), brésilienne (Giamattey et al., 2022) et néozélandaise (Morgan et al., 2021). Ils traitent du contexte hospitalier, des moments de fin de vie, des rituels mortuaires, du deuil et ils montrent la désorganisation entrainée par l’épidémie. Notre démarche vise à élargir cette analyse en privilégiant l’étude d’articles sur la pandémie issus de la presse écrite de pays d’Asie et du Moyen-Orient, des régions où les conditions socioéconomiques et les fondements culturels, en particulier ceux liés aux croyances associées aux rituels funéraires, présentent des écarts importants avec ceux des cultures judéo-chrétiennes. Dans un premier temps, nous présenterons le cadre théorique choisi pour aborder les représentations sociales et médiatiques. Dans un deuxième temps, nous ferons un retour sur les recherches déjà menées sur la mort en période de COVID-19 dans la presse écrite afin de préciser les principales dimensions thanatologiques qui y sont relevées. Nous présenterons ensuite la méthodologie de notre recherche de type qualitatif et les résultats obtenus. Enfin, la discussion relèvera les thématiques communes entre notre corpus et ceux des autres recherches ainsi que les nouvelles thématiques qui émergent de notre analyse.

Cadre théorique

Nous avons privilégié la perspective théorique des représentations sociales et médiatiques, qui est l’une des approches les plus utilisées dans l’analyse de la presse écrite. Les représentations sociales sont définies par Jodelet comme « une forme de connaissance socialement élaborée et partagée ayant une visée pratique et concourant à la construction d’une réalité commune à un ensemble social » (2003, p. 45). Elles se forment au travers des communications et des interactions dans le monde social et, selon Moscovici (1961), à partir de processus d’ancrage qui permettent de relier de nouveaux concepts aux connaissances déjà existantes – donc de les rendre plus familiers – et à partir de processus d’objectification qui contribuent à rendre plus concrètes des formes abstraites et à ainsi réduire leur complexité. Ces représentations ne sont donc pas statiques : elles sont soumises à des modifications qui dérivent des modalités de communication et de négociation. Les médias en général et la presse écrite, qui nous intéresse plus particulièrement, contribuent significativement, comme le soulignent plusieurs travaux, à la diffusion et à l’ancrage des nouvelles représentations sociales par la construction discursive et narrative des thèmes et des enjeux qui interpellent la société, les groupes sociaux et les individus. Rabatel et Floréa soulignent que la « représentation » est une notion essentielle dans le champ des médias et qu’elle est à envisager

comme un procédé actif, puisque la mise en discours participe de la construction de l’évènement, et non pas passif – car la représentation n’est pas simplement considérée comme une image plus ou moins fidèle de l’évènement. […] [Elle] est la trace du point de vue de l’énonciateur, quand bien même prend-elle l’apparence d’une représentation objectivante des choses

Rabatel et Floréa, 2011, p. 8-9

Cette perspective a mis en évidence la diversité des représentations sociales médiatiques dans le champ thanatologique. Leguay montre ainsi la survisibilité de la mort pour mieux l’occulter en privilégiant la mise en scène de la violence, sa dimension dramatique, évènementielle et spectaculaire dans « les médias d’information [où] la mort est partout, les morts nulle part » (Leguay, 2008, p. 121). Rabatel et Floréa (2011) et Floréa et Rabatel (2011) ont élargi cette perspective en s’interrogeant, dans deux numéros de la revue Questions de communication, sur l’annonce et l’évocation de la mort, leurs diverses modalités représentationnelles et discursives, en particulier dans la construction de l’évènement. Des recherches empiriques présentées dans ces numéros complètent ces réflexions. Ainsi, l’analyse des nécrologies par Floréa (2011) et des faire-part des décès par Hammer (2011) montrent leurs fonctions rituelles et sociales ainsi que les modalités discursives qui y dominent (distanciation, convocation, invocation et appropriation de la mort). L’étude de Devictor (2011) sur les représentations photojournalistiques des combattants dans la presse iranienne lors de la guerre avec l’Irak et celle de Robinet (2011) sur le traitement photographique de la guerre des Grands Lacs africains dans la presse française mettent en évidence les enjeux complexes qui régissent le traitement de la mort dans les zones de conflits. Dans le contexte de la COVID-19, plusieurs recherches ont commencé à traiter de corpus d’articles de presse portant sur la mort sans préciser leur ancrage théorique, mais leurs analyses rejoignent clairement les perspectives représentationnelles que nous venons d’évoquer.

Les représentations de la mort et du deuil liés à la COVID-19 dans les médias écrits

Une première recherche qualitative menée sur un corpus de sept journaux anglais les plus lus, entre mars et avril 2020, au tout début de la pandémie (Sowden et al., 2020), indique que les médias insistent sur l’opposition entre la bonne mort et la mauvaise mort (bad death), soit la mort tragique et vécue dans l’isolement à la suite de la COVID-19, et entre le deuil normal et le deuil problématique (bad grief) attribuable à l’impossibilité de tenir une cérémonie des adieux à cause des conditions de distanciation provoquées par la pandémie.

Ce corpus est repris dans un second article (Sowden et al., 2021) qui dégage trois thématiques médiatiques entourant la mort et le deuil. La première porte sur l’imprédictibilité et l’incontrôlabilité du virus, d’où des réactions de peur face à la COVID-19. Ces aspects sont traités de façon sensationnaliste. Les médias recensés insistent sur l’augmentation exponentielle des décès et mettent en évidence le cas de personnes en bonne santé ou souffrant de maladies et qui, soudainement atteintes de la COVID-19, meurent à l’hôpital. Le caractère arbitraire des règles entourant les visites à l’hôpital et les ruptures dans l’accomplissement des rituels funéraires nécessaires au travail de deuil y sont relevés. La seconde thématique porte sur les mécanismes de gestion de l’incertitude et de la peur. L’insistance est alors mise sur l’importance du suivi des mesures de protection. Les médias recensés rapportent les exhortations formulées par des personnes ayant perdu un proche et visent à motiver des formes de solidarité et de respect à l’égard des personnes décédées et de leur entourage au moment des funérailles. La troisième thématique porte sur le deuil et la perte avec la description de cas particuliers d’infection et de décès qui se démarquent par le tragique de la situation, l’héroïsme personnel ou les ruptures survenues dans le processus des funérailles et du deuil.

Un troisième article (Selman et al., 2021) sur les mêmes journaux porte sur les modalités de la cérémonie des adieux (Saying Goodbye) et ses conséquences. Ce moment émouvant s’est heurté à des obstacles majeurs à cause de l’accès limité ou impossible des proches aux personnes hospitalisées. Le recours à des stratégies audiovisuelles avant le décès pour pallier le manque de contacts est évalué de façon ambivalente par les personnes endeuillées, qui reconnaissent néanmoins leur apport dans le maintien de la communication. L’impossibilité de funérailles normales est associée à des sentiments de culpabilité et de honte dans les familles coupées de leur réseau de support social normal et incapables de réguler leur chagrin et leur deuil en l’absence des rituels adéquats.

En Nouvelle-Zélande, Morgan et ses collègues (2021) analysent le traitement médiatique des premiers décès dus à la COVID-19 et dégagent trois thématiques dominantes : morts inattendues, décès inévitables en milieu résidentiel pour personnes âgées, justification des mesures de confinement. Les auteurs mettent en évidence la dimension compassionnelle de la couverture de presse portant sur la mort des personnes âgées.

Dans le contexte espagnol (Edwards, 2022), de nombreux journaux nationaux reprennent les cadres de référence utilisés pour le traitement médiatique de la mort lors de l’épidémie de la grippe espagnole pour les appliquer à la COVID-19 : origine étrangère des épidémies; spéculations sur la morbidité en fonction de l’âge, du sexe et de l’état de santé général; minimisation du risque d’infection et maximisation des pratiques de prophylaxie; emphase mise sur les traitements à venir pour prévenir les complications fatales. Dans le contexte de la COVID-19, la presse insiste sur plusieurs thématiques : fin de vie en milieu hospitalier surchargé; situation des malades âgés refusés dans les hôpitaux qui meurent donc à domicile; manque de cercueils; encombrement des salons funéraires; carence d’espaces dans les morgues; recours à des établissements publics pour pallier ce manque d’espace.

Au Brésil (Giamattey et al., 2022), des journaux de la région du Paraná traitent de deux grandes thématiques thanatologiques liées à la COVID-19 entre mars et mai 2020. La première porte sur les rites funéraires en contexte d’isolation. Les articles soulignent le nombre élevé de morts, les conséquences traumatiques de l’absence de la cérémonie des adieux et les difficultés vécues par les familles confrontées à des mesures sanitaires sévères et au refus des responsables des cimetières d’accéder aux demandes d’enterrement. Cette situation a entrainé la rupture des rituels entourant les veillées. L’obligation du cercueil fermé empêchait l’exposition et les rassemblements pour exprimer les condoléances de l’entourage étaient interdits, d’où le recours aux technologies de communication (veillées et prières virtuelles, groupes de support en ligne) pour pallier ces contraintes. La seconde thématique porte sur les manifestations de chagrin et de deuil intenses qui se vivent sur un mode individuel et non plus collectif, d’où, dans certains cas, l’occurrence d’un deuil anticipé et des difficultés à assurer un travail de deuil adéquat.

Ces études permettent de dresser une première esquisse des représentations thanatologiques liées à la COVID-19, mais elles se limitent aux sociétés occidentales. Selman, Sowden et Borgstrom soulignent les biais des journaux : « newspapers focused almost exclusively on Christian or secular post-death practices, with disruption to other traditions only mentioned in a global context[1]. » (2021, p. 1282) Dans cette perspective, la présente recherche vise à élargir l’analyse des représentations médiatiques diffusées dans les journaux quant aux répercussions de la COVID-19 sur les dimensions thanatologiques dans des pays de cultures religieuses variées, soit les cultures hindoue (Inde), bouddhiste (Sri Lanka, Cambodge, Myanmar) et musulmane (Indonésie et Moyen-Orient). On trouve aussi dans ces pays des minorités religieuses diverses, ce qui complique la gestion des décès dus à la COVID-19 sur le plan des traditions funéraires.

Méthodologie

Afin d’explorer qualitativement ces problématiques, une recherche a été effectuée dans la base de données ABI/Inform Dateline, qui donne accès à des articles de quotidiens de la presse internationale en texte intégral. Les mots-clés utilisés étaient les suivants : « COVID-19 », « mourning », « grief », « bereavement », « funerary », « burial ». Le corpus général d’articles portant sur ces thèmes comprenait 425 textes en anglais (après élimination des doublons) pour la période de mars 2020 à décembre 2021. Les articles qui ne traitaient pas des régions sélectionnées ont ensuite été éliminés, réduisant le corpus à 160 textes. Après une première lecture de ce corpus, 104 articles ont aussi été écartés (pays à majorité catholique, articles épidémiologiques, nécrologies, autres thèmes) pour ne garder que 56 textes sélectionnés en fonction de leur contenu détaillé des enjeux thanatologiques dans les contextes socioculturels choisis. La liste de ces articles figure en annexe.

La distribution des textes par pays était la suivante : Inde (55,3 %); pays de culture bouddhiste soit le Myanmar (8,92 %), le Sri Lanka (7,14 %), le Cambodge (1,78 %) et la Thaïlande (1,78 %); pays de culture musulmane soit le Moyen-Orient (14,28 %), le Bangladesh (3,56 %), le Pakistan (3,56 %) et l’Indonésie (3,56 %).

Les articles, rédigés pour la grande majorité par des journalistes masculins, provenaient de quotidiens basés dans ces régions, excepté pour deux d’entre eux, l’un provenant des États-Unis (Wall Street, Eastern Edition) et l’autre d’Angleterre (TheFinancial Times).

Une analyse thématique a été effectuée en utilisant les procédures suivantes : lecture des textes du corpus, puis relecture du corpus et codification manuelle du contenu à l’aide d’une grille élaborée à partir des études médiatiques sur la mort liée à la COVID-19 : hospitalisation et fin de vie, cérémonie des adieux, cimetières, rites mortuaires, processus de deuil, technologies de communication. À ces codes sont venus s’ajouter la codification des thèmes émergents du corpus d’articles retenus et absents des recherches recensées : proches aidants, travailleurs expatriés, gestion des cadavres, incinération, pratiques transgressives, tensions entre autorités, familles et minorités, formes de bénévolat intracommunautaire et intercommunautaire, coopération internationale, deuil et traitements thérapeutiques. À la suite de cette catégorisation, des sous-thèmes ont été dégagés, et les extraits ont été regroupés en fonction de ce découpage empirique. Cette étude, de nature exploratoire et documentaire, se base sur des informations provenant du domaine public et d’accès libre. De ce fait, l’approbation d’un comité institutionnel d’éthique de la recherche n’a pas été nécessaire.

Résultats : analyse du corpus de presse constitué

Conditions d’hospitalisation et de fin de vie en contexte pandémique 

Une profonde désorganisation hospitalière

Relatant le déferlement de malades lié à la COVID-19 dans les structures hospitalières, plusieurs articles soulignent les conditions difficiles de l’admission des patients dans leur pays d’origine ou en contexte migratoire ainsi que celles des derniers moments de la vie. Ces situations sont rapportées dans la presse indienne pour le pays en général (Mandhana, 2021) ou pour des régions particulières comme l’Uttar Pradesh (Vibuthi et al., 2021; Evangeline, 2020), le Gujarat (Chaliawala, 2021) et le Cachemire (Rashid, 2020); et dans les journaux d’autres pays comme le Myanmar (The Irrawaddy, 2021; RFA Myanmar Service, 2021; Reed, 2021).

Ces textes décrivent l’état de désorganisation du système de santé, le manque d’hygiène, les longues listes d’attente, les refus des hôpitaux d’accepter des patients sans des tests probants et à cause du manque de lits, comme le souligne, par exemple, Banerjee : « Their wives rushed them to different hospitals. But, none of the hospitals would admit them without an RT-PCR positive report. Moreover, most of the hospitals were fully occupied at that point of time. There were no beds available then[2]. » (2021)

Les carences dans les infrastructures hospitalières sont aussi signalées. Au Myanmar, face à l’effondrement du système de santé, des soins à domicile sont mis en place, mais l’unité de soins intensifs nécessite l’acquisition de bouteilles d’oxygène de plus en plus rares après l’interdiction de leur distribution par les autorités gouvernementales militaires (The Irrawaddy, 2021; Reed, 2021). En Inde, le nombre restreint d’unités de soins intensifs et le manque de matériel biomédical, comme les bouteilles d’oxygène essentielles au traitement, contribuent aux décès, une situation que confirme le témoignage d’un médecin :

“A lot of these deaths are happening because of the lack of medical infrastructure”, said Dr. Shah Alam Khan, an orthopedic surgeon at New Delhi’s All India Institute of Medical Sciences. They happen because the patient couldn’t reach the hospital, because there were no beds, because there was no oxygen. That kind of death has got another kind of brutality to it[3].

Mandhana, 2021

La désorganisation des soins hospitaliers contribue à l’état de démoralisation des patients, qui implorent leurs proches de les retirer de ce milieu iatrogénique déprimant et dangereux :

Apart from the COVID-19 complications, Vikas was also under depression due to the deplorable state of affairs at the hospital, he said. “When we spoke to him on mobile, we came to know that the situation in the hospital was pathetic. Nobody was attending to patients. People were crying for help. There was no proper sanitation or cleanliness. He said even non-COVID patients would not survive there.” Vikas continuously kept pleading to be taken out of the hospital[4].

Sajila, 2021

Le rôle essentiel des proches aidants

Dans ces conditions, comme le notent des journalistes couvrant la région de l’Uttar Pradesh, « [s]ick are left to care for sicker (ce sont les malades qui doivent s’occuper des plus malades qu’eux) » (Agarwal et al., 2021). Le rôle des aidants naturels, leur vaillance et leur résilience face à ces circonstances extrêmes sont relevés et illustrés par des cas marquants. C’est, par exemple, celui d’une femme qui prend soin à la fois de son père et de son grand-père. Multipliant les appels téléphoniques et les visites pour trouver une place dans l’un des hôpitaux bondés, avec des patients dans les couloirs ou partageant un même lit, elle a organisé une unité de soins à domicile avec des bouteilles d’oxygène payées à prix fort et s’est mise en quête de médicaments, mais, malgré tous ces efforts, ses deux proches parents sont morts à l’hôpital. Evangeline (2020a) décrit le cas d’un homme de l’Uttar Pradesh en charge de son père malade, trimballé entre trois hôpitaux qui le refusent, avant de pouvoir recevoir un test de diagnostic de la COVID-19 dans un hôpital privé pour mourir en fin de compte à son domicile.

Au Cachemire, deux frères cherchent à placer leur père malade de la COVID-19 en le transportant, sans protection personnelle, dans un chariot à bras, jusqu’à un hôpital distant où ils se heurtent à l’apathie du personnel médical qui ne réagit pas à leur demande de soins, manquant ainsi aux principes déontologiques de leur profession. Les frères ont été obligés d’assurer eux-mêmes le suivi médical de l’oxygénation du malade, qui est décédé, le médecin ayant refusé tout contact avec le patient :

Gasping for breath – as was their father – the two brothers stopped thrice before entering the designated COVID-19 ward, as patients, attendants, paramedics and doctors in the hospital corridors and on the stairs, remained silent spectators of the ordeal of this family. “Nobody came forward to help. Not even those who are assigned and paid for the job”[5].

Rashid, 2020

Cette dégradation dans le traitement des malades est aussi soulignée dans un article rapportant l’initiative d’une avocate qui a demandé au président de la Cour suprême indienne de réaffirmer le droit au respect et à la dignité des patients (Bindra, 2020).

Les travailleurs expatriés : un isolement double

Des articles illustrent aussi la situation des travailleurs étrangers tombés gravement malades en raison de la COVID-19 dans les pays d’accueil, et celle de leurs familles, quelquefois restées dans le pays d’origine. C’est le cas d’un malade en soins intensifs d’origine bangladaise expatrié à Singapour, que le reste de sa famille n’a pas pu accompagner (Mandhana, 2020). Confrontée à l’impossibilité de voyager et d’être proche de lui, l’épouse a réussi, grâce à des intermédiaires, à organiser des appels vidéo pour passer des moments avec lui. Elle était angoissée face aux procédures liées au rapatriement du corps après le décès et à l’accomplissement des rites funéraires à distance. Zaman (2020) souligne aussi l’isolement d’un immigrant d’origine bangladaise en soins intensifs à Dubaï, que la famille ne peut rencontrer avant son décès. Devant l’impossibilité de réunir la famille et les amis pour partager les derniers moments et d’accomplir les rituels funéraires, il ne reste que le recours à la prière d’un ami dans ces moments difficiles : « So we are praying for him in our own homes, asking Allah to have mercy on his soul and provide strength to his devastated family. (Nous prions donc pour lui dans nos propres maisons, en demandant à Allah d’avoir pitié de son âme et de donner de la force à sa famille dévastée) ».

La cérémonie des adieux : un moment éprouvant

Les conditions d’isolement rendent la cérémonie des adieux impossible ou limitée à un échange virtuel. Un article de Tarar (2020) décrit ce moment dans le détail, rapportant le cas d’un travailleur d’origine pakistanaise installé au Danemark avec son épouse. Atteint de la COVID-19, il est admis dans un hôpital où les médecins et les intervenants ont recours à une batterie de procédures médicales dans une des unités de soins intensifs (ventilation, oxygénation par membrane extracorporelle, bronchoscopie et tomodensitométrie, tests répétés). Les attitudes et les comportements du personnel soignant à l’égard du malade et de son épouse sont relevés (réconfort, sensibilité aux demandes religieuses musulmanes, aide pour établir des communications téléphoniques et des appels vidéos entre le malade et sa famille). Les derniers jours du malade sont décrits par son épouse restée à ses côtés et d’abord obligée de suivre des consignes très strictes, incluant le port de l’équipement personnel de protection dans une chambre isolée. Ces contraintes sont ensuite levées, ce qui permet à l’épouse de passer les derniers moments de son mari en compagnie, de lui prodiguer des gestes d’affection et d’accomplir les rites finaux, atténuant ainsi la peine de la perte :

Sheema told the doctors: “I want to be by his side when you remove him from the machines”. Sheema sat with Faisal. “I was able to hold his hand. I was able to kiss him goodbye. And I was able to recite prayers for him. I didn’t have to wear gloves to touch him. That was a huge achievement for me. The four-and-a-half-weeks’ suffocation changed into those incredible achievements for me. That I could stand near him. That became my biggest strength[6].

Tarar, 2020

Pratiques mortuaires

La gestion des cadavres : une manutention problématique

L’application des règles entourant la gestion des cadavres édictées par les instances de santé publique se heurte dans la réalité à des variations considérables, à de nombreux obstacles et à leur transgression, ce dont plusieurs articles se font l’écho. Les morgues, submergées par l’afflux incessant des corps, ne peuvent plus, dans certains cas, assurer une manutention adéquate menant à l’incinération ou à l’inhumation dans des délais raisonnables. Cette situation se retrouve aussi en Irak (Associated Press, 2020), où l’enterrement de plusieurs dizaines de corps a été retardé pendant des semaines, provoquant la colère des proches.

Dans certains cas, comme le rapporte Evangeline (2020a) dans le contexte indien, ce sont des proches parents de la personne décédée qui, après avoir obtenu les équipements de protection nécessaires, vont assurer la manutention et le déplacement du corps en ambulance jusqu’au lieu de l’incinération :

Subsequently, after endless follow ups, we were given a body bag at 7.30 pm to pack the body ourselves. With no helping hands around, I and my wife wore PPE (personal protective equipment kit) and packed the body with only the ambulance driver pitching in to help […][7].

Au Myanmar, un pays qui est confronté non seulement à la pandémie, mais aussi à une guerre civile, les conditions de vie sont tellement dégradées que des victimes de la COVID-19, âgées et isolées, décèdent à leur domicile (RFA Myanmar Service, 2021). Dans certains cas, l’odeur de putréfaction a attiré l’attention des voisins, qui ont alors alerté les autorités pour disposer des corps.

Les cimetières : des espaces surchargés

Les cimetières, confrontés à la surmortalité et à un manque de personnel, ont mis en oeuvre des solutions pour atténuer cette crise. Dans plusieurs grandes villes de l’Inde, les autorités en charge des cimetières rapportent un manque de place important, avec des parcelles dédiées seulement aux victimes de la COVID-19, une situation qui affecte les cimetières musulmans, mais non ceux destinés aux chrétiens, moins nombreux dans ce pays (Team, 2021; Saalik et Hussain, 2021). Les fossoyeurs, exténués, sont aidés par l’ajout d’une main-d’oeuvre supplémentaire et le recours à des excavatrices pour accélérer le creusement des tombes.

Ces contraintes entrainent une augmentation du coût des enterrements et du prix des parcelles achetées à l’avance à New Delhi (Porecha, 2020). Dans cette grande métropole, des consignes ont aussi été données pour interdire l’enterrement de personnes ne résidant pas dans les zones urbaines auxquels sont rattachés les différents cimetières. À Jakarta, la capitale indonésienne, la plupart des cimetières étant remplis à pleine capacité, de nouveaux espaces ont été réquisitionnés par les autorités pour assurer l’accès à un cimetière public, incluant des parcelles pour les non-musulmans, et des cimetières dans lesquels sont enterrées les victimes de la COVID-19 ont été désignés (Rahmad, 2021).

L’incinération : des délais et des adaptations

Les procédures d’incinération traditionnelles sont aussi soumises à rude épreuve par la COVID-19 dans les pays confrontés au nombre élevé de décès quotidiens. Aux Émirats arabes unis, où vit une population importante de travailleurs provenant de l’Inde (Saseendran, 2020, 2021), et à Rangoon, la plus grande ville du Myanmar (Reed, 2021), les crématoriums sont submergés par le nombre de morts, d’où un délai important, souvent de plusieurs heures, avant l’incinération (The Irrawaddy, 2021). C’est aussi le cas à Mumbai (Team, 2021), à New Delhi (Saalik et Hussain, 2021; Thaker, 2020) ainsi que dans les États du Gujarat (Chaliawala, 2021) et du Telangana (Siddique, 2021). À cause de la raréfaction du bois et du manque de personnel pour assurer la préparation des buchers, les familles sont confrontées à de longues heures, sinon à des journées d’attente avant l’incinération du corps et l’accomplissement des rites, moyennant des sommes plus élevées que dans les circonstances normales.

Les procédures de crémation ont aussi été modifiées avec le recours à des incinérations de groupe : « In Ahmednagar in Maharashtra, 22 bodies were cremated at the same time on wooden pyres at the crematorium in the city, and as the wood for the funeral pyre was not enough for all, diesel was used liberally to burn the bodies[8]. » (Team, 2021). De telles pratiques ont été rapportées également dans d’autres États indiens (Singh et Chand, 2020; Rani, 2021).

Les horaires des installations de crémation n’étant pas suffisants pour assurer un roulement adéquat, les familles, devant le refus de leurs administrateurs de les modifier, doivent assurer un service couteux de protection du cadavre pendant la nuit à cause de l’interdiction de ramener le corps au domicile pour des raisons d’hygiène et de résistance du voisinage, inquiet de la transmission possible du virus. Pour remédier à cette situation, des représentations ont été faites auprès des autorités pour exiger l’allongement des horaires de fonctionnement des crématoriums, et les familles ont reçu l’autorisation d’incinérer leurs proches sur leurs parcelles de terre lorsqu’elles sont disponibles.

Des rites simplifiés

Devant une telle désorganisation des institutions, les rites funéraires ont été réduits à leur plus simple expression, tant sur le plan des pratiques traditionnelles que sur celui de la participation de la famille et de l’entourage, une situation que rapportent Chaliawala (2021) dans l’État du Gujarat et Saalik et Hussain (2021) pour la ville de New Delhi :

Cremations are hurried. Even as the pyre is built for a person, the ambers from the previous cremation rage underneath the grill which is still hot enough to melt your skin if you touch. More than a cathartic, intimate affair, funerals have become a chaotic, undignified way to get rid of the bodies so that you can go home and mourn[9].

“The virus is swallowing our city’s people like a monster”, said Mamtesh Sharma, an official at the site. The unprecedented rush of bodies has forced the crematorium to skip individual ceremonies and exhaustive rituals that Hindus believe release the soul from the cycle of rebirth[10].

Cet effacement des rites est aussi rapporté dans le contexte musulman de la ville de Srinagar, dans la vallée du Cachemire, où Rashid (2020) constate que les mesures sanitaires contre la COVID-19 ont vidé l’enterrement de toutes ses pratiques essentielles et de ses dimensions communautaires qui assuraient un soutien dans ces moments chargés d’affectivité et de proximité sociale :

They straight headed to graveyard. There would be no mourning […]. Alone, with no traditional funeral, no final bath, no shroud, no friends, no relatives, no neighbors, the three siblings were carrying their dead father, again on their shoulders. […] Nobody was allowed to go near the dead body as per the official guidelines. “Walking with your dead father, in absence of the family, friends and relatives, is the most excruciating, itching and an alien experience of life”, said the elder son, who also led the funeral prayer. […] No hugs, no shaking of hands, no consoling of each other. It was all a mechanical act[11].

Toujours selon Rashid (2020), l’accomplissement des rites de purification (lavage du corps et son enveloppement dans un linceul) a aussi été confié à des autorités religieuses et des travailleurs de la santé, dans des conditions de protection personnelle. Il en a été de même au Moyen-Orient (Associated Press, 2020). L’autorité locale a dû s’en charger lorsqu’il y a eu refus des membres de la famille d’accomplir les rites par peur de l’infection, comme le rapporte Krishna (2020) dans la ville de Bhopal dans l’État du Madya Pradesh, où un fils a refusé d’incinérer son père, malgré l’équipement de protection personnelle qui lui était proposé.

L’impossibilité des voyages internationaux peut aussi empêcher le plus proche parent d’effectuer les derniers rites, une tâche qui alors déléguée à d’autres parents restés dans le pays. Le cas a été rapporté dans le contexte indien (Khosla, 2021) et dans le contexte cambodgien, où le fils expatrié d’un moine bouddhiste n’a pu accomplir la série de rites complexes, de l’exposition du corps aux offrandes de nourriture et de biens matériels, pour assurer la réincarnation paisible de son père (Win, 2021). Cette tâche a été confiée aux membres de la famille qui ont pris en charge la circulation de l’urne contenant ses cendres et les dons coutumiers aux moines pour qu’ils favorisent une bonne réincarnation, atténuant ainsi la culpabilité du fils face au non-respect du processus funéraire traditionnel.

Des pratiques mortuaires transgressives

Les pressions sur les cimetières et leur personnel peuvent aussi conduire à des pratiques non conformes aux prescriptions liées au respect des cadavres. Dans l’État indien du Karnakata (Evangeline, 2020b; Porecha, 2020), de l’Andra Pradesh (Sukumar et al., 2020) et du Tamil Nadu (Bindra, 2020), des cadavres ont été jetés sans ménagement dans des fosses communes, provoquant la colère des autorités et du public face à un traitement jugé inhumain et irrespectueux, en rupture avec les droits fondamentaux liés à la mort dans la dignité (Bindra, 2020; The Hindu BusinessLine, 2020). Les autorités responsables ont été suspendues et des décrets criminalisent ces conduites et établissent de nouveaux protocoles (Sukumar et al., 2020). Au vu de ces inconduites, les États du Telangana et du Karnataka ont annoncé l’attribution de nouvelles parcelles de terre à la périphérie des grandes villes pour réduire ces pratiques.

D’autres pratiques incompatibles avec les règles de manutention des corps demandées par la santé publique ont aussi été relevées dans la presse. Elles renvoient à l’enterrement des victimes de la COVID-19 près des rives ensablées du Gange, l’abandon de centaines de corps à moitié brulés ou décomposés jetés dans le fleuve et dérivant avec les courants, une situation rapportée dans les zones rurales des États du Bihar et de l’Uttar Pradesh (PBNS India, 2021; Singh, 2021; Gaur, 2021). Ces pratiques sont associées à la coutume du Jal Pravah, qui consiste à lester le cadavre de personnes mortes de maladies infectieuses pour qu’il coule au fond du cours d’eau, mais ces traditions ne sont pas suivies correctement, d’où sa flottaison. Le déni de cette situation et le silence du premier ministre indien face à cette situation sont relevés et critiqués (Singh, 2021) et une enquête est exigée (Financial Express, 2021). Pour résoudre ce problème de santé publique, les autorités ont réclamé une surveillance du fleuve et de la qualité de l’eau et fourni de l’aide aux familles concernées; les autorités ont également demandé une amélioration du fonctionnement des crématoriums ainsi qu’un renforcement des protocoles de santé publique et de la surveillance pour assurer la protection des cadavres.

Des tensions entre les instances gouvernementales et les populations

Des conflits internes

Les mesures sanitaires liées à la COVID-19 ont engendré des tensions entre les personnes endeuillées et les instances gouvernementales lorsque les exigences de protection demandées par les autorités de la santé publique se sont avérées incompatibles avec les contraintes relevant des traditions religieuses.

Dans un premier cas de figure, des citoyens appartenant à la majorité religieuse du pays se sont vus interdire d’effectuer des rites, une situation rapportée en Inde (Thacker, 2020) et en Indonésie (Arief et Difa, 2020). Selon l’article de presse indonésien, des familles se sont alors élevées contre ces règlements et se sont emparées sans autorisation du corps de leur proche dans l’hôpital pour accomplir les rites qu’elles jugeaient essentiels. Cette stratégie a aussi été rapportée en Irak (Associated Press, 2020) avant que les autorités ne récupèrent le cadavre. Des proches ont aussi refusé les parcelles de terre qui leur avaient été allouées dans des cimetières situés à la périphérie des centres urbains pour l’enterrement des victimes de la pandémie. Cette délocalisation a été considérée comme inadéquate, ces parcelles étant éloignées des sanctuaires religieux où les membres de la famille avaient l’habitude de prier et d’aller en pèlerinage sur la tombe de leurs parents. Des proches ont même falsifié le certificat de décès pour en retirer le diagnostic de la COVID-19 et obtenir un enterrement plus conforme à leurs pratiques.

Des conflits intercommunautaires

Dans un second cas de figure, les tensions proviennent des contraintes sanitaires imposées par les autorités du pays à une minorité religieuse, qui les a ressenties comme une atteinte à ses droits de pratique. Selon des articles de presse (Ganguly, 2020; Ganguly, 2021; Asia News Monitor, 2020), le gouvernement sri lankais, d’obédience bouddhiste, aurait utilisé le prétexte de la pandémie pour instituer l’incinération des victimes musulmanes de la COVID-19, contrairement à la tradition impérative de l’enterrement dans l’islam, antagonisant ainsi les relations entre le gouvernement et la minorité musulmane qui, de plus, a été accusée de diffuser le coronavirus. Le manque de soutien pour le maintien de la double pratique incinération/enterrement selon l’origine ethnique a aussi suscité des critiques que les spécialistes en droits humains des Nations Unies et d’Amnistie Internationale ont considéré comme justifiées. Cette remise en question des droits acquis des minorités s’intégrait à des conduites politiques dangereuses nourrissant ainsi les tensions intercommunautaires et l’intolérance : « discrimination, aggressive nationalism and ethnocentrism amounting to persecution of Muslims and other minorities in the country (discrimination, nationalisme agressif et ethnocentrisme qui sont une forme de persécution des Musulmans et des autres minorités du pays) » (Asia News Monitor, 2021a; voir aussi Asia News Monitor, 2020).

Formes de bénévolat pour aider à la réalisation des rituels mortuaires

La presse rapporte aussi la diversité des formes de bénévolat intracommunautaires et intercommunautaires, précieuses en temps de pandémie, qui viennent pallier les carences des familles, des administrations ou des institutions locales.

Les initiatives intracommunautaires 

Dans le contexte intracommunautaire, des personnes étrangères à la famille ont aidé à effectuer les rites de purification liées au lavage des corps, lorsque les parents refusaient de les effectuer par peur de l’infection. Cette situation est rapportée dans un article de presse égyptien où une volontaire, minimalement protégée, est passée de village en village pour accomplir les derniers rites pour des femmes décédées (Al Bawaba, 2020). Ce type d’intervention se retrouve aussi au Bangladesh dans la ville de Dhaka, où des bénévoles d’un organisme assument gratuitement l’organisation des rituels de purification musulmans, permettant à des membres des familles d’y assister à distance (The Financial Express, 2020). Au Pakistan (Jamal, 2020) et dans les Émirats arabes unis, des organisations bénévoles semblables sont présentes et remplissent les mêmes fonctions (Tabrez, 2021).

Ce type d’actions communautaires se retrouve également au Myanmar. À cause de la situation politique marquée par le coup d’état militaire et la désobéissance civile intense qui s’est élargie aux intervenants en santé, les hôpitaux ne pouvaient assumer le soin des patients lors des différentes vagues de COVID-19 (RFA Myanmar Service, 2021; The Straight Times, 2021), d’où le recours à des associations bénévoles. Dans le canton de l’est de Dagon, ces tâches ont été assurées par une association de 20 bénévoles, la Metta Thingaha Free Funeral Aid Association, qui a assuré la collecte des certificats de décès, le transport des cadavres au cimetière et leur protection avant leur incinération, et ce, malgré les conditions difficiles et les risques de contagion (Asia News Monitor, 2021b).

Les initiatives intercommunautaires 

Ces conduites altruistes se retrouvent aussi dans le contexte intercommunautaire. Dans des régions de l’Inde, malgré la stigmatisation des musulmans considérés comme les propagateurs du virus de la COVID-19, des musulmans ont assuré les rites funéraires de personnes de religion hindoue (Siddique, 2020, 2021; Evangeline, 2020c) et inversement (Krishna, 2020). Des actions semblables sont aussi rapportées au Bangladesh (The Financial Express, 2020). En Inde, des bénévoles ont mis sur pied des organismes comme Mercy Angels ou Last Ride à Bangalore et dans d’autres villes pour aider les familles dans le besoin et assurer les rites funéraires, indépendamment de l’origine religieuse des victimes :

Across cities, strangers have stepped in to take their place [families], part of volunteer-led efforts to ensure a dignified final journey, at no cost to the families. They pick up the bodies, transport them in an ambulance and assist in the cremation or burial, in accordance with the protocol laid down by the government[12].

Aravind, 2020

Ces interventions, qui ne sont pas sans avoir des répercussions physiques et affectives sur ces bénévoles qui sont eux-mêmes confrontés à de multiples situations déchirantes au contact de personnes d’âge et de conditions variés, sont motivées par leur sens des responsabilités, comme le rapporte la journaliste Aravind : « But wherever they are based, the volunteers give the same reason for coming forward to help total strangers: because someone has to. (Mais les bénévoles, peu importe leur provenance, donnent tous la même raison de se manifester pour aider de parfaits inconnus : parce que quelqu’un doit le faire.) » (2020)

La coopération internationale : assurer le rapatriement des corps

Dans plusieurs cas, la coopération internationale est nécessaire pour assurer le rapatriement des corps de nationaux provenant de pays étrangers décédés de la COVID-19, comme c’est le cas des travailleurs philippins ou indiens en Arabie Saoudite (Asia News Monitor, 2020f) et aux Émirats arabes unis (Tabrez, 2021). Les autorités policières, sensibles aux besoins des différentes communautés culturelles présentes dans ces États, sont intervenues pour simplifier les démarches administratives pour les familles restées dans le pays d’origine qui ne peuvent voyager pour récupérer le corps. Ce transport transnational peut cependant se heurter à des difficultés lorsque la mort d’un émigré n’est pas rapportée aux autorités consulaires du pays d’origine (Gulf News, 2020).

Recours aux technologies de communication et processus de deuil complexifiés

Maintenir les rites funéraires et le support familial

Les contraintes exercées par la pandémie sur l’accomplissement des rites mortuaires peuvent aussi être en partie contournées par le recours aux technologies de communication numériques. Cette stratégie a été relevée dans le contexte thaïlandais, où les cérémonies funéraires ont pu être retransmises en flux continu pour la famille (Thoopkrajae, 2021), ainsi qu’en Inde (Bora, 2020; Banerjee, 2021), où les familles, souvent dispersées à l’étranger, ont pu assister aux cérémonies funéraires et aux moments de deuil en distanciel. Les applications et les plateformes disponibles sur Internet (Google Meet, Zoom, WhatsApp) sont utilisées directement par la famille, qui peut faire appel à des services technologiques en ligne (online service technology) ou à des compagnies spécialisées dans l’organisation de services religieux funéraires en ligne (e-Puja, Virtual 'Shradhanjali' & More; MyPanditG.com; Mokshshil) qui assurent, pour un prix variable (soit à la carte, soit selon des forfaits prédéterminés), les cérémonies funéraires liées à l’incinération et aux rites de deuil ainsi que la rédaction d’une nécrologie en ligne. Le site Tributes.in du Pan India Network permet ainsi de mettre en ligne une page personnelle présentant le profil de la personne décédée et accueillant les contributions de la famille et de l’entourage amical et professionnel sous forme de messages, photos, vidéos, fleurs ou lampes, comme le décrit un utilisateur :

It is like paying a virtual tribute to the deceased. […] it is an interactive platform to pay tributes. People have been writing about their memories with the departed person, and sometimes the departed person’s families hear new things about him/her. This helps the families in this emotional period[13].

Bora, 2020

Mais le recours à ces pages reste limité chez les personnes endeuillées à cause du stigma attaché à la COVID-19.

Un deuil amplifié par l’absence de la famille et l’omission des rites

Des articles de presse traitent aussi des répercussions psychologiques de la COVID-19 et de ses conséquences sur les processus de deuil. En Inde, Altaf (2020) relève dans les premiers mois de la pandémie l’impact intense de la rupture des rites qui a empêché d’inscrire le deuil dans un processus significatif :

Days, months and weeks past this coronavirus breakout, the lives of humans, who survive, will slowly but surely trail back. But what can’t be brought back are the lives lost and the pain of the families of the deceased who were denied the right to mourn their dead, and sit by their graves to cry. They would not only be remembered for being the victims of the deadliest pandemic in human history, but also the ones whose rights were denied even as dead[14].

Les répercussions physiques et psychologiques multiples des vagues de COVID-19 sur les personnes endeuillées sont aussi recensées (Mohan, 2021; Khosla, 2021) et détaillées : nervosité, irritabilité, insomnie, manque de concentration, attaques de panique, appréhensions et anxiétés anticipatrices d’une infection qui les atteindrait personnellement, sentiment de perte et crainte d’autres pertes, tristesse profonde, difficultés à gérer le chagrin omniprésent, désespoir et culpabilité du survivant, incapacité à compléter le processus de deuil et impuissance nourrie par les nouvelles diffusées par les médias et les réseaux sociaux et l’atmosphère lourde de menaces et d’incertitudes pour l’avenir, ce que Mohan (2021) illustre à l’aide du témoignage suivant :

A friend who recently recovered, while his young daughter is still sick tells me in desolation, “I cannot see so much suffering around and be helpless. What pains me is that the government is not doing anything. It is a free for all. People helping each other. We are walking the deathly hallows.” […] Where do we go from here? Our grief is not an island, but it is a stark reality that this virus also emphasises loneliness. You are left alone with your thoughts and fear. The dead are left alone at the crematorium. The survivors left without a closure[15].

Les enjeux de la gestion du chagrin et de l’anxiété ainsi que celle des traumatismes liées aux fortes impressions laissées par l’accompagnement des malades, à la privation des rites consolateurs, aux pertes successives sont soulevées dans le contexte, tout comme le nombre insuffisant d’intervenants en santé mentale nécessaires pour traiter ces tragédies à long terme (Ghosh, 2021; Khosla, 2021) : « The pandemic is scarring us emotionally in ways that are yet to be fully grasped because we are still in the middle of it. We would need many more mental health professionals than we have[16]. » (Ghosh, 2021) La nécessité d’un soutien psychologique est aussi soulignée par les travailleurs de la santé, qui sont confrontés à des conditions de travail exigeantes et éprouvantes à cause du sentiment d’impuissance face aux pressions liées au soin des patients atteints de la COVID-19 (Khosla, 2021).

Les difficultés dans la gestion du deuil sont aussi rendues plus prégnantes à cause du confinement et des interdictions de voyager qui empêchent les rencontres en présentiel des personnes endeuillées, ce que rapporte un article provenant des Émirats arabes unis (Chaudhary, 2021). Ces ruptures du tissu social contribuent à réduire le soutien que procure l’entourage non seulement sur le plan psychologique, mais aussi sur celui de la proximité physique essentielle dans le travail de deuil, et rendent difficile la clôture de celui-ci :

Through the various emotions we may experience during the loss of a loved one, we often seek solace, support, comfort and strength from family and friends. With the current physical-distancing measures, we are not able to connect physically, leaving many feeling extremely isolated and alone. Although we understand that death is inevitable and one has to expect this final separation from a loved one, we are still trying to find closure as we never got the chance to grieve with our loved ones[17].

Chaudhary, 2021

Cependant, malgré les situations tragiques et les nombreuses pertes, des témoignages comme celui de monsieur Sayed, un résident de l’Égypte qui a vu une grande partie de sa famille atteinte par la COVID-19 et plusieurs en mourir, font état d’un optimisme et d’un espoir que le tissu social en sortira renforcé : « We will come out of this pandemic more resilient, empathic, and appreciative of each other than we have been in a long time[18]. » (cité dans Salama, 2020)

Orienter vers une thérapie

Dans ce contexte émotivement chargé, l’importance d’avoir accès à des interventions thérapeutiques pour faire face à la réalité de la mort et aux émotions profondes qui l’accompagnent, est soulignée. Une psychologue clinicienne indienne insiste sur la « fatigue compassionnelle » qui peut annuler la capacité d’empathie et de compassion pour les autres (Khosla, 2021). Face à ces bouleversements émotifs et au chaos intérieur qu’ils provoquent, on s’attend à une augmentation marquée des demandes de consultation en counseling et en thérapie associées à l’impact de la COVID-19 pour traiter des traumatismes, trouver des solutions aux tensions rencontrées dans le quotidien ou atténuer l’intense culpabilité des survivants qui se blâment parce qu’ils n’ont pas été capables de prendre suffisamment soin de leurs proches malades et de leur éviter la mort.

Recourir aux outils technologiques de relation d’aide

Le recours aux technologies de communication numériques (cyberthérapie, relation d’aide téléphonique ou messages sur l’application WhatsApp) pour réduire l’isolement et la solitude est aussi relevé. Citons par exemple la fondation MPowerMinds, qui propose des services et organise des sessions en ligne pouvant regrouper jusqu’à 100 personnes pour aider au travail de deuil, ou encore la plateforme Human of 2020, développée sur l’initiative d’une femme d’origine indienne vivant à Dubaï pour partager les expériences de deuil (Nag, 2021). Expatriée, elle avait pu assister aux funérailles de sa mère grâce à une vidéo qui retransmettait la cérémonie en ligne pour les parents et elle avait ensuite partagé souvenirs et anecdotes sur la défunte, d’où l’idée d’offrir ce service en ligne accessible à tous.

Discussion

Cette recherche qualitative exploratoire a privilégié l’analyse de thèmes thanatologiques repérés dans un corpus d’articles en anglais issus de quotidiens d’Asie et du Moyen-Orient, où les visions religieuses du monde (hindoue, bouddhiste et musulmane) continuent de structurer significativement les croyances et les traditions entourant les pratiques et les rituels mortuaires, considérés comme essentiels à la fois pour les vivants et les morts. À l’instar des études sur les représentations des dimensions thanatologiques en Grande-Bretagne (Sowden et al., 2020; Sowden et al., 2021; Selman et al., 2021), en Nouvelle-Zélande (Morgan et al., 2021), en Espagne (Edwards, 2022) et au Brésil (Giamattey et al., 2022), les articles de notre corpus font une place importante aux représentations des répercussions de la COVID-19 sur les systèmes hospitaliers locaux, déjà lacunaires en situation normale, mais submergés par l’afflux constant des malades, souvent dans un état grave. Ces textes relèvent la désorganisation, particulièrement accentuée dans les zones de conflits. La chaîne de soins est compromise à cause du manque de personnel, il y a pénurie du matériel médical essentiel et le nombre d’unités de soins est insuffisant. On observe un bris des exigences déontologiques, car les intervenants de la santé sont effrayés par les risques d’infection. Les malades, placés en isolement et quelquefois même abandonnés, sont coupés de leur famille qui, sidérée par la situation et impuissante à se rendre à leurs côtés, maintient des liens par téléphone et par l’intermédiaire des plateformes de visioconférence. Dans ces conditions, les moments de fin de vie sont marqués par une intense solitude, l’ensemble des corpus soulignant les difficultés ou l’impossibilité de la tenue de la cérémonie des adieux (saying good bye), à cause des obstacles administratifs et sanitaires à la présence de la famille, pourtant essentielle dans l’expression du lien familial avant le décès.

Les conséquences de la surcharge des décès sur les espaces de gestion des cadavres constituent un second thème commun. Dans la presse espagnole et brésilienne, des articles relèvent la pression exercée sur les morgues et sur les cimetières débordés, une situation critique rapportée et détaillée dans notre corpus qui souligne la diminution des espaces d’enterrement dans les cimetières musulmans et chrétiens, des zones d’incinération en Inde et dans les pays de tradition bouddhiste, ainsi que la quête de solutions pour récupérer des espaces et assurer la gestion des morts. Les articles de presse mettent aussi en évidence les problèmes liés à l’accomplissement des pratiques d’incinération traditionnelle qui reposent sur l’usage des buchers, limitées par la pénurie de combustible. Les crématoriums n’arrivent pas non plus à maintenir la cadence, malgré la construction de nouvelles installations, d’où des délais importants dans le traitement des cadavres. Des articles relèvent les carences administratives et opérationnelles, le manque de personnel et ses répercussions sur la gestion des cadavres et les difficultés de maintien des règles sanitaires. L’épuisement des proches est aussi souligné, tout comme l’augmentation du coût de ces opérations, qui vient grever le budget des familles.

Un troisième thème présent tant dans les études anglaises que brésilienne regroupe les représentations des répercussions des mesures sanitaires et du confinement sur les pratiques et les rituels funéraires, dont le déroulement est réduit à sa plus simple expression en matière de contenu et de participation en présentiel. Ces pratiques et rituels sont relayés par le recours à des initiatives en ligne (veillées et prières en distanciel). Notre corpus relève les mêmes conséquences et stratégies pour maintenir l’essentiel des rites, avec le déploiement, surtout en Inde, d’une véritable industrie de services thanatologiques en ligne pour assurer l’organisation des cérémonies funéraires, soutenir la participation des familles (souvent dispersées) et préserver la mémoire des disparus sur des sites nécrologiques.

Un dernier thème commun est la problématique du deuil. L’omission d’accomplir des rites jugés essentiels pour le bien-être des disparus et pour les vivants, n’est pas sans avoir des conséquences sur la santé mentale des personnes endeuillées. Les représentations répertoriées dans la presse brésilienne et anglaise ainsi que dans notre corpus le confirment. Le bris des processus de gestion traditionnelle du deuil chez les proches parents, privés des dispositifs rituels et du soutien familial et social habituels dans ces circonstances, entraine des perturbations dans l’expression du chagrin et du deuil, qui peuvent aller jusqu’à des formes de deuil anticipé, au surgissement d’affects de culpabilité et de honte et à d’autres symptômes physiques et mentaux. La presse brésilienne mentionne le soutien disponible en ligne pour aider les personnes endeuillées à rétablir leur mieux-être, une perspective qui est amplifiée dans notre corpus qui traite du recours à des thérapies et à d’autres modalités d’aide en ligne. Ces approches sont susceptibles d’atténuer les effets des situations traumatiques et de permettre une clôture adéquate du deuil. Ces services sont cependant davantage disponibles pour les personnes provenant de milieux socioéconomiques aisés, à même de pouvoir y accéder et d’en payer les frais.

À ces représentations communes viennent s’ajouter un ensemble de thèmes propres à notre corpus et qui s’inscrivent dans les contextes sociétaux et politiques des pays cités. Ainsi, les articles soulignent le rôle des proches aidants qui compensent pour les carences des systèmes de santé et assurent, souvent avec résilience dans ces conditions difficiles, le soutien de leurs parents malades, condamnés faute de traitement. Ce rôle est aussi important dans un contexte socioéconomique où la forte migration vers des pays du Moyen-Orient et de l’Europe pour répondre à une demande de main-d’oeuvre, pose problème en période pandémique à cause des interdictions de voyage. Les familles séparées doivent alors gérer des situations extrêmes liées à la maladie ou au décès d’un proche expatrié et faire appel à des soutiens externes et à la collaboration des autorités des pays concernés pour assurer le rapatriement des corps. Un second thème regroupe des représentations liées aux associations d’aide bénévole déjà existantes ou créées dans le contexte pandémique, qui assument des fonctions intra et intercommunautaires de soutien aux populations démunies, en particulier dans la réalisation des rites mortuaires spécifiques à chaque groupe religieux, brisant ainsi les barrières confessionnelles.

Les articles montrent des formes de transgression des pratiques mortuaires, comme l’abandon des cadavres, des enterrements sommaires, des incinérations de groupe, des refus d’assurer les rituels même réduits à un minimum ou des conduites portant atteinte au respect traditionnellement requis à l’égard des morts dans ces sociétés. Les craintes d’infection peuvent aussi donner lieu à des stratégies de résistance comme des émeutes de la part d’opposants aux enterrements dans leur localité.

Les mesures sanitaires interférant sur les pratiques et les rituels font aussi l’objet d’un traitement médiatique qui révèle les tensions entre les instances étatiques et les personnes endeuillées frustrées par ces règlements, qui refusent de s’y plier pour revendiquer les droits religieux et le maintien des traditions. Ces protestations sont illustrées dans le cas du Sri Lanka, où les antagonismes politiques sont déjà bien présents entre les autorités majoritairement bouddhistes et les minorités musulmanes : ces dernières refusent l’incinération contraire à leurs croyances, une mesure considérée comme une entorse aux droits de ce groupe religieux et une forme de discrimination à leur égard.

Conclusion

Cette recherche exploratoire qualitative sur les représentations dans un corpus d’articles de presse provenant de pays d’Asie et du Moyen-Orient a permis de dégager des convergences avec des thèmes provenant d’autres études sur la presse écrite européenne et brésilienne quant aux répercussions de la COVID-19 dans le champ thanatologique : système hospitalier, conditions de fin de vie, cérémonie des adieux, état des installations funéraires, pratiques et rituels funéraires, usages des technologies de communication, processus de deuil, santé mentale et perspectives thérapeutiques. À ces thèmes communs viennent s’ajouter ceux qui sont propres à notre corpus : rôles des proches aidants, associations bénévoles, transgression des pratiques mortuaires, conflits intra et intercommunautaires liés au suivi des mesures sanitaires.

Mais si l’on considère cet ensemble de thèmes, on peut dégager comme méta-représentation deux dimensions présentes dans notre corpus. La première porte sur la dérégulation de ce que l’on peut nommer la chaine thanatologique, provoquée par l’ampleur du nombre de malades de la COVID-19 et par les mesures de distanciation sociale et physique qui ont déstabilisé les systèmes institutionnels et sociaux habituels ainsi que leurs interrelations et les normes qui les encadraient : système hospitalier, relations familiales et sociales en fin de vie, institutions funéraires, pratiques et rituels funéraires, réseaux transnationaux et, sur les plans familial et personnel, processus de deuil et santé mentale.

La seconde dimension porte sur les stratégies personnelles et sociales pour contrer cette dérégulation extrême et permettre de rétablir des ilots de normalité : implication des proches aidants, interventions des associations bénévoles, coopération internationale, stratégies thérapeutiques, et usage des technologies de communication qui permettent de contourner les contraintes liées aux mesures de distanciation, d’assurer le maintien des relations interpersonnelles, d’accomplir des rituels, d’exprimer les solidarités nécessaires dans ces moments et de recevoir de l’aide psychologique.

Il serait important de continuer à explorer les représentations thanatologiques dans les médias écrits sur des corpus plus larges et provenant des différentes régions du monde afin de cerner plus précisément les dimensions socioculturelles et religieuses des répercussions liées à la COVID-19 sur les chaines thanatologiques. Dans une perspective plus pratique, ce type de recherche pourrait aider à cerner les chainons les plus fragiles et à illustrer les zones de rupture où il serait essentiel d’intervenir pour atténuer les problèmes rencontrés, et ce, en collaboration avec des acteurs impliqués dans différents milieux pour développer et établir de bonnes pratiques qui pourraient servir dans le cadre d’autres épidémies ou désastres.