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David Sanschagrin, Le nationalisme constitutionnel au Canada, Québec, Presses de l’Université Laval, coll. « Études constitutionnelles et fédérales », 2022, 308 p.

  • Samuel Lemire

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  • Samuel Lemire
    Docteur en droit du Trinity College de Dublin

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Couverture de Québec-Chili, 1973-2023 : mémoire d’un coup d’État et d’une expérience de solidarité, Volume 31, numéro 1-2, été–automne 2023, p. 7-331, Bulletin d'histoire politique

Bien malin qui peut définir univoquement les concepts de nation et de constitution. Cela dit, ils s’avèrent effectivement indissociables afin de structurer les liens sociétaux. En effet, afin d’être puissante et légitime, une constitution doit être au diapason des citoyens en ce qui concerne la nation. Des débats, souvent houleux, sur la substance et l’essence d’une constitution s’avèrent incontournables, particulièrement au sein d’entités complexes telles que celles qui constituent le Canada. Dans un ouvrage éclairant reprenant les constats qu’il a tirés dans sa thèse doctorale, David Sanschagrin met en lumière l’évolution du constitutionnalisme canadien à l’aune de l’édification d’une nation unitaire niant son caractère multinational. En présentant les origines d’une révolution tranquille du droit et de l’identité canadienne, la transformation des mythes fondateurs de l’ensemble canadien et l’importance du droit pour concrétiser ces réformes colossales, il démontre l’existence d’un choc des nationalismes qui pourrait ébranler les fondations de l’État canadien. La partie la plus fascinante de l’ouvrage est l’analyse de l’histoire canadienne telle que vue par ceux que Sanschagrin qualifie de « nationalistes constitutionnalistes ». Des éléments souvent négligés des premières décennies de l’État canadien contribuent à démontrer que, même sans qu’une majorité de citoyens s’en aperçoive, les fondements constitutionnels et idéologiques originaux et contemporains de cet État s’avèrent fort distincts. À cet égard, notamment en appliquant avec rigueur et clarté une approche bourdieusienne, Sanschagrin souligne brillamment que les luttes idéologiques peuvent façonner, voire dévier le cours de l’histoire (p. 13). Ce qui fut ni plus ni moins qu’une révolution constitutionnelle, malgré son caractère tranquille et même indiscernable, n’a relevé ni de l’évidence ni de la coïncidence. Le nationalisme constitutionnel a émergé dans les années 1920 à l’initiative de juristes tels que Francis Scott et d’élus tels que J.S. Woodsworth, qui désiraient une réforme constitutionnelle fondée sur la centralité d’un État fédéral interventionniste et sur la primauté des droits individuels (p. 97). Leur projet d’émancipation non seulement de la tutelle impériale britannique, mais aussi des dogmes constitutionnels d’alors, recueillait toutefois peu d’appuis initialement. Il s’opposait d’ailleurs frontalement à la jurisprudence conservatrice, formaliste et favorable à l’autonomie des entités fédérées du Comité judiciaire du Conseil privé, laquelle avait façonné le droit canadien depuis 1867 (p. 190). En effet, l’ordre politico-juridique canadien, soutenu tant par les libéraux que par les conservateurs, s’appuyait sur un pacte entre deux peuples fondateurs, la suprématie parlementaire et le partage de compétences législatives exclusives (p. 97). Cependant, plusieurs événements tels que la Grande Dépression, les dérives autoritaires de certains gouvernements fédérés et l’invocation de l’état d’urgence pendant la Seconde Guerre mondiale ont remis en question les fondements de cet ordre politico-juridique. L’approche rationaliste et constructiviste des nationalistes constitutionnalistes parut opportune afin de solutionner des problématiques sociétales émergentes. D’ailleurs, le Rapport Rowell-Sirois préconisa une approche plus fonctionnelle du fédéralisme au détriment de la protection de l’autonomie des entités fédérées (p. 104). Ainsi, même sans en retirer tous les fruits politiques ou juridiques escomptés, les nationalistes constitutionnels s’imposèrent dans le cadre de la bataille des idées. Ils révolutionnèrent, certes tranquillement, un Canada plus unitaire, libéral et critique des nationalismes minoritaires (p. 185). Au tournant des années 1960, lorsque John Diefenbaker devint premier ministre, le nationalisme constitutionnel put être articulé d’une manière davantage assumée et formalisée. L’adoption de la Déclaration canadienne des droits et la promotion d’une unité sociale moins centrée sur un pacte entre deux peuples fondateurs marquèrent un tournant dans l’histoire canadienne (p. 124). Les fondements de ce qui peut être qualifié de rêve canadien furent alors remis frontalement en question et appelés à évoluer considérablement. Même sans rupture radicale, le Canada délaissa de plus en plus le …

Parties annexes