Dossier : Québec-Chili, 1973-2023 : mémoire d’un coup d’État et d’une expérience de solidaritéTémoignages : les amis du Chili

Ma vie au Chili et les conséquences du coup d’État

  • Yves Laneuville

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Couverture de Québec-Chili, 1973-2023 : mémoire d’un coup d’État et d’une expérience de solidarité, Volume 31, numéro 1-2, été–automne 2023, p. 7-331, Bulletin d'histoire politique

Je suis né en 1932 à Ville-Marie, au Témiscamingue, en pleine crise économique. J’étais le premier d’une famille de dix enfants. Mon père venait de la région de Nicolet et avait étudié au Collège de Longueuil, tandis que ma mère était née à Ville-Marie et avait étudié à l’école normale pour devenir enseignante. Plus tard, je suis allé comme pensionnaire au collège des Oblats, à Ottawa. J’ai fait une licence en philosophie à l’Université Saint-Paul, suivie d’une licence en théologie, et j’ai été ordonné prêtre en 1959. Depuis toujours, j’étais préoccupé par les problèmes du monde et voulais plus de justice. J’ai alors voté pour la Coopérative Commonwealth Federation (CCF) et j’ai orienté ma prêtrise vers le missionnariat. Je rêvais d’aller en Bolivie, mais mes supérieurs m’ont plutôt demandé d’aller au Chili. J’y suis parti en 1961. J’ai passé mes deux premières années dans le nord, à Antofagasta, comme enseignant dans le collège des Oblats. J’ai organisé un groupe de jeunes pour les éveiller à leur propre réalité : nous organisions des travaux les samedis pour aider des sans-logis. L’évêque me traitait de curé communiste. En 1964, j’ai été transféré à Santiago où j’ai travaillé principalement dans le quartier San Rafael, à une trentaine de kilomètres au sud du centre-ville, et où 25 000 sans-logis avaient réquisitionné un terrain, sans eau ni électricité. Je les ai aidés, entre autres, à se brancher illégalement aux lignes électriques. Je trouvais que l’Église catholique ne parlait pas au monde. En 1968, j’ai accompagné de jeunes familles du quartier qui ont fait une autre invasion de terrain. Je ne voulais plus être curé de la paroisse, je me suis donc trouvé un remplaçant et suis allé vivre avec un compagnon prêtre. En décembre 1968, j’avais appuyé la grève des travailleurs d’une usine qui fabriquait des poteaux d’électricité. Lorsque leur patron a essayé de sortir la machinerie avec l’aide de la police, les ouvriers, accompagnés de leurs femmes, ont bloqué les camions et se sont emparés de l’usine, mettant en pratique le slogan « Exproprier sans payer, justice populaire ». L’entreprise avait beaucoup de dettes et le propriétaire a décidé de la vendre dans un encan. Nous avons réuni la somme d’argent demandée et l’avons achetée légalement. Un nouveau nom a été donné à l’usine : Cootralaco (Coopérative des travailleurs de la construction). J’ai commencé à travailler dans l’entreprise comme chauffeur de camion (personne d’autre n’ayant un permis de conduire !). Ce fut une expérience extraordinaire. Dans les assemblées des travailleurs, nous parlions de l’homme nouveau, le travailleur qui prend conscience de ses droits, de ses capacités, d’être capable de faire fonctionner l’entreprise sans les patrons, de décrocher des contrats, d’établir des règlements, de s’activer dans la solidarité avec d’autres travailleurs, de former une fédération d’entreprises de travailleurs au temps du gouvernement Allende. Pendant cette période, je me suis éloigné de l’Église sans éclat. Mon engagement politique ne contredisait pas ma foi chrétienne, au contraire, cela la concrétisait. Lorsque j’ai annoncé à ma mère que je laissais la prêtrise, elle m’a écrit : « N’oublie pas de toujours travailler pour les autres ». Lorsqu’Allende a été élu, nous étions contents dans l’usine, je crois que 100 % des travailleurs avaient voté pour lui. Avec le nouveau contexte, favorable aux initiatives comme la nôtre, une soixantaine de coopératives sont nées et nous avons pu créer une fédération d’entreprises des travailleurs. Une ONG chilienne nous offrait une subvention importante, mais pour eux, l’orientation productive primait sur le social, et nous y avons renoncé. Par contre, nous avons accepté une aide de Développement et Paix, une organisation catholique …

Parties annexes