Comptes rendus

Commend, Susanne. Vulnérables, tolérés, exclus. Histoire des enfants handicapés au Québec, 1920-1990. Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2021, 250 p.

  • Julien Prud’homme

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  • Julien Prud’homme
    Université du Québec à Trois-Rivières

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Couverture de Les émotions dans l’histoire, Volume 76, numéro 3-4, hiver–printemps 2023, p. 1-278, Revue d’histoire de l’Amérique française

L’histoire du handicap physique est un parent pauvre de l’histoire de la santé. Il faut apprécier la chance que nous offre ce livre, tiré d’une thèse. Susanne Commend analyse l’expérience des enfants au contact des institutions de réadaptation du Québec au fil du 20e siècle. Son but est de « comprendre [la] survivance de la figure du “petit infirme” » (p. 12), c’est-à-dire de l’enfant handicapé physique traité comme une victime, dont les adultes veulent le bien tout en entretenant son exclusion. Ce faisant, elle introduit au Québec les grands thèmes de l’historiographie du handicap qui s’est renouvelée au 21e siècle : le handicap est envisagé comme un marqueur identitaire (« de la même manière que le genre, l’ethnie, la classe ou l’âge », p. 12) et comme une catégorie sociale en perpétuelle redéfinition, traversée de tensions entre exclusion et intégration, mais aussi entre médecine et éducation. Le corpus documentaire repose surtout sur les archives d’établissements de soins pédiatriques, comme l’hôpital Sainte-Justine (l’autrice s’est butée au refus du centre Mackay de Montréal, qui devrait prendre plus au sérieux son statut d’organisme public). S’y ajoutent une douzaine d’entretiens visant à restituer le point de vue de parents ou d’ex-enfants infirmes. Bien qu’il couvre une période longue et chargée (1920-1990), l’ouvrage privilégie un découpage thématique plutôt que chronologique, choix qui présente certains avantages mais qui rend parfois l’analyse du changement un peu impressionniste. L’autrice dégage quand même une périodisation en fonction des acteurs qui dominent successivement l’intervention sur l’enfance infirme : des philanthropes à l’horizon socioéducatif (1920-1940), un « “âge d’or” de l’emprise médicale » (1940-1965), puis le recul (relatif) du médicalocentrisme, sous l’effet du scandale de la thalidomide en 1962 et, après 1975, du travail d’associations de personnes handicapées pour politiser les enjeux d’inclusion. Outre l’introduction, le livre compte cinq chapitres. Les deux premiers prolongent l’historiographie existante sur les acteurs et les représentations qui organisent la prise en charge des enfants infirmes. Au chapitre premier, Commend reprend les pistes ouvertes par Mona Gleason et Denyse Baillargeon sur le rôle des philanthropes. Les réseaux charitables féminins ayant fondé des hôpitaux pédiatriques, comme Sainte-Justine et l’Enfant-Jésus, cherchent durant l’entre-deux-guerres à compléter ce dispositif en fondant des camps de vacances et des écoles spécialisées. L’Association catholique de l’aide aux enfants infirmes est créée dans ce but en 1926. L’autrice montre les vicissitudes et la perte d’autonomie de ces organismes après 1940 au profit d’institutions « expertes » comme la Commission des écoles catholiques de Montréal et les hôpitaux ; elle suit les travaux de Marie-Paule Malouin et Lucia Ferretti sur les réformes institutionnelles de la période 1940-1970, puis elle esquisse l’essor, après 1970, d’un discours axé sur le droit à la « normalisation ». Le chapitre 2 analyse l’image des enfants handicapés dans le discours public, en montrant la coexistence persistante de trois figures : la victime, le futur citoyen réadapté et le monstre. Ces trois figures correspondent à des intentions divergentes (charité, réadaptation productive, exclusion), mais toutes « témoign[ent] d’une résistance à voir les personnes handicapées comme de véritables sujets de droits » (p. 91). Les chapitres 3 et 4 sont le coeur du livre. Le chapitre 3 montre l’évolution des pratiques médicales. Basé sur les archives d’établissements, il fait voir tant les clientèles-vedettes qui servent de vitrine aux institutions, comme les enfants de la polio et de la thalidomide, que les groupes-frontières au statut jugé ambigu, comme les épileptiques et les paralysés cérébraux. Commend offre un segment précieux sur la classification des incapacités, évolutive et plus floue qu’on ne le croirait. Comme dans le monde de la maladie mentale, la …