Comptes rendus

Cellier, Marine, Amina Damerdji et Sylvain Lloret (dir). La fabrique de la race dans la Caraïbe. De l’époque moderne à nos jours. Paris, Classiques Garnier, 2021, 258 p.

  • Virginie Belony

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  • Virginie Belony
    Université de Montréal

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Couverture de Les émotions dans l’histoire, Volume 76, numéro 3-4, hiver–printemps 2023, p. 1-278, Revue d’histoire de l’Amérique française

Les autrices et auteurs de ce collectif tentent d’interroger dans une perspective multidisciplinaire la construction, reconstruction et les réverbérations complexes de la race dans un espace caraïbe marqué par son hétérogénéité. Prendre la Caraïbe comme point d’appui pour une telle enquête se justifie, selon les directrices et le directeur de l’ouvrage, par son importance comme « lieu d’interface » entre l’Amérique, l’Europe et l’Afrique (p. 16). Les cinq premiers chapitres qui constituent la première partie s’intéressent aux « divers champs de racialisation » dans la Caraïbe, tandis que les chapitres 6 à 10 interrogent surtout sur les notions de « race et tabous ». Tandis que le chapitre liminaire écrit par Elsa Dorin cherche à monter comment la race s’est construite entre les 17e et 19e siècles notamment à travers la « médecine esclavagiste » qui servit en partie à produire toute une pathologie entourant « les maladies des nègres » dans l’espace colonial français, Haïti constitue, pour au moins deux chapitres, un terrain privilégié d’investigation de cette première partie. Dans sa contribution au volume, Carlos Célius demeure préoccupé par la manière dont au 18e siècle on voit se multiplier dans les travaux de nombreux penseurs européens une ambition de hiérarchisation des groupes humains suivant certains critères esthétiques (p. 50). Sans surprise, l’idéal de beauté promu par des intellectuels influents tels que le naturaliste hollandais Petrus Camper (1722-1789) relègue les Africains et leurs descendants au bas de l’échelle humaine, tant ils s’éloignent de prototype grec (p. 51-52). Les idées remarquablement influentes de Camper entourant la beauté des « genres humains » seront en circulation de part et d’autre de l’Atlantique, mais également en renégociation constante. En Haïti, ancienne colonie clé de l’empire français, ce type de positionnement est contesté par des figures telles que le baron de Vastey et Saint-Remy (des Cayes) au début du 19e siècle puis, de manière plus apprêtée, par Anténor Firmin à la fin du même siècle (p. 53-55). Cette riposte haïtienne n’empêchera pas tout de même, Carlos Célius le démontre, les naturalistes et artistes européens d’être fort intéressés par cette république née d’une rébellion d’esclaves. Ainsi, la figure révolutionnaire Toussaint Louverture, mais également celle de l’empereur Faustin Soulouque, seront la cible de plusieurs caricatures où l’on tentera par des représentations artistiques de dépeindre leur ressemblance avec le modèle facial établi par les travaux de Camper (p. 59). On peut, de ce fait, « mesurer » l’altérité haïtienne à travers les traits souvent peu reluisants de ses leaders. Une conception du Noir existant quelque part à l’intersection de l’homme et du singe sera en usage tout au long du siècle (p. 60) et informera la « mission salvatrice » entamée par l’Europe en Afrique. Haïti et ses ressortissants continuent, même à l’époque contemporaine, d’influencer les discussions relatives à la race. Sébastien Nicholas montre justement comment, après le coup d’État contre le président haïtien Jean-Bertrand Aristide en février 2004, on voit s’élever en Jamaïque, pays voisin, un discours de solidarité à saveur raciale, avant que le débat ne se concentre plutôt sur les dangers présentés par les Haïtiens et la nécessité de déporter ceux qui avaient trouvé refuge dans le pays (p. 70). Plus qu’un malheureux épisode des relations entre deux républiques antillaises, ce chapitre montre comment la différence se crée même dans des espaces majoritairement noirs et comment la race répond à plusieurs critères dépassant de loin la couleur de la peau pour s’insinuer à travers l’ethnicité et les phénotypes. Dans sa contribution au volume, Éric Roulet propose de retracer « la naissance de la société coloniale des Petites Antilles françaises dans …