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Introduction

Comment développer des dispositifs de formation dans lesquels les apprenants sont pleinement engagés et déploient des stratégies d’apprentissage en profondeur qui les amènent notamment à faire des liens avec leurs expériences présentes et passées et leur permettent de mobiliser les connaissances et les compétences élaborées dans différents contextes? Cette question est au coeur de nombreuses recherches menées en pédagogie universitaire depuis plusieurs décennies. Nombre de travaux, notamment ceux menés par Entwistle et Smith (2002), ont montré que l’engagement des étudiants dans leurs études ne dépend pas uniquement de facteurs individuels, mais aussi de l’environnement d’apprentissage au sens large, et notamment des caractéristiques pédagogiques des cours suivis. Ainsi, les perceptions que se forge l’étudiant des tâches et des exigences attendues, mais aussi du sens et de la pertinence de l’ensemble des composantes du dispositif, notamment par rapport à ses propres attentes, s’imposent comme des variables médiatrices dans le processus d’apprentissage (Paivandi, 2015).

Dans cette perspective, l’étude dont nous rendons compte des résultats dans cet article s’inscrit dans une double finalité. D’une part, elle apporte une contribution exploratoire à l’étude de l’articulation entre intentions et perceptions pédagogiques en contexte de formation médiatisée. D’autre part, elle approfondit les travaux engagés par deux d’entre nous[4] autour de la réception médiatique des dispositifs pédagogiques particuliers que sont les capsules vidéo à vocation pédagogique.

Le terrain choisi pour mener cette étude exploratoire est celui d’un MOOC sélectionné notamment pour ses spécificités pédagogiques et médiatiques (activités réflexives et usage de capsules vidéo théoriques et narratives).

Dans un premier temps, nous allons exposer la problématique ainsi que le contexte général dans lequel s’inscrit cette recherche. Nous évoquerons ensuite les questions de recherche qui ont guidé notre travail avant de présenter le cadre conceptuel retenu pour y répondre. Nous présenterons alors la méthodologie adoptée, avant de rendre compte des principaux résultats obtenus et d’en discuter la portée et les perspectives.

Problématique

La façon dont un message émis – quelle que soit sa nature – est reçu par ceux auxquels il est destiné préoccupe de longue date les chercheurs en sciences de l’information et de la communication. Selon Fourquet-Courbet et Courbet (2009), des trois pôles communicationnels que sont la production, le contenu et la réception médiatiques, celui de la réception est toutefois le moins étudié. Pour ces auteurs, ainsi que pour ceux se réclamant de la sémiopragmatique de la communication, la réception médiatique relève d’une dynamique de coconstruction de sens entre les différents acteurs impliqués dans le processus communicationnel. Dans la perspective qui est la nôtre, cela nous amène à considérer que l’intention pédagogique d’un enseignant, exprimée à travers le dispositif de formation qu’il met en place, n’est pas nécessairement perçue comme telle par ses apprenants. Cela nous conduit, par conséquent, à nous interroger sur la perception que s’en font les apprenants.

Une perception ou une représentation (nous utilisons ici les deux termes de façon équivalente) désigne à la fois « un processus d’élaboration mentale – celui de rendre un objet présent à l’esprit – mais aussi [...] un produit – l’image mentale construite dans le cadre de ce processus » (Peltier, 2016, p. 50). Elle permet ainsi à l’individu d’établir « un cadre de significations [de] la réalité perçue » (p. 51). Le caractère éminemment subjectif des perceptions et des représentations amène à s’interroger sur les conséquences de cette subjectivité pour l’enseignement et l’apprentissage. Par exemple, Entwistle et Smith (2002, p. 328) relèvent que des étudiants peuvent percevoir un seul et même contexte d’apprentissage de différentes manières. Or plusieurs travaux, notamment ceux de Ramsden (1988), ont montré que la perception du contexte influe sur les stratégies d’apprentissage que les apprenants déploient et, in fine, sur leurs résultats d’apprentissage (learning outcomes). L’auteur y mentionne en particulier la perception des méthodes d’enseignement, de l’évaluation et du curriculum. Selon lui, « the context influences student learning indirectly through students’ perceptions of the requirements of learning tasks. Perceptions of tasks describe a relation between the student’s experience and the three domains » (p. 160). En plus de s’intéresser à ce que les étudiants perçoivent, Entwistle (2022) souligne la nécessité de considérer également les projections des enseignants (« how teachers believe students should be studying, and the feasibility of what is being recommended » (p. 17). Cette nécessaire convergence entre intentions pédagogiques (projections) et perception des étudiants est, à notre connaissance, peu abordée dans la littérature si ce n’est à travers la notion de congruence, c’est-à-dire la façon dont un même environnement d’apprentissage est perçu par les enseignants et les étudiants (Hounsell et Hounsell, 2007; Könings et al., 2014). Vermunt et Verloop (1999, p. 270) évoquent, quant à eux, les notions de frictions destructives (lorsque les stratégies d’enseignement de l’enseignant et d’apprentissage de l’étudiant ne sont pas compatibles) et constructives (lorsque l’étudiant est amené à mobiliser de nouvelles stratégies pour répondre à celles de l’enseignant).

Si cette convergence de ce que nous appelons intentions pédagogiques et perceptions des étudiants nous semble primordiale dans toute situation de formation pour favoriser l’engagement et la mobilisation de stratégies d’apprentissage en profondeur, elle apparaît encore plus nécessaire en contexte d’apprentissage entièrement ou partiellement à distance où la problématique de l’abandon constitue une préoccupation récurrente (Dussarps, 2014). Toutefois, quelles que soient les caractéristiques d’un dispositif de formation, la mise en oeuvre d’un apprentissage en profondeur implique des interactions complexes entre l’apprenant et son environnement d’apprentissage (Entwistle, 2018) et nécessite d’opérer des choix technopédagogiques susceptibles de favoriser ces interactions. Les dispositifs de formation médiatisée, comme les dispositifs hybrides de formation (Deschryver et Charlier, 2012), par exemple, offrent de nombreuses possibilités en matière d’accès à l’information, d’activités d’apprentissage en présence et à distance, de collaboration, d’interaction, de suivi et d’accompagnement, d’évaluation et autres.

L’élaboration d’un dispositif de formation médiatisée offrant des possibilités d’apprentissage riches et diversifiées ne va toutefois pas de soi et demande d’aller au-delà de la simple médiatisation de contenus et de leur transmission. Il s’agit en effet de considérer l’ensemble des dimensions (ou fonctions) d’un dispositif de formation dans le choix des éléments à médiatiser (tableau 1), notamment ce qui relève des aspects relationnels (interaction, accompagnement), lesquels s’avèrent particulièrement importants en formation entièrement ou partiellement à distance (Jacquinot, 1993; Peraya, 1999, 2008).

Tableau 1

Fonctions génériques d’un dispositif de formation (d’après Peraya, 2008)

Fonctions génériques d’un dispositif de formation (d’après Peraya, 2008)

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Si la conception d’un dispositif de formation médiatisée relève de l’ingénierie pédagogique et du processus de médiatisation (Peraya, 2008), c’est-à-dire du choix de dispositifs médiatiques particuliers (Peraya et Bonfils, 2012) et de leur mise en oeuvre pour soutenir les diverses fonctions d’un dispositif de formation, l’étude de ses effets sur les différentes dimensions de l’apprentissage peut être appréhendée sous l’angle du concept de médiation tel que modélisé par Peraya (1999, 2010), puis par Peraya et Peltier (2012). La médiation, au sens où nous la mobilisons, ne relève pas de la vision traditionnelle de la médiation humaine et/ou de la médiation des savoirs ni d’une vision qui opposerait humain et technologie. Elle s’inscrit dans une perspective sociotechnique « qui désigne les objets techniques comme étant pleinement impliqués dans la construction des représentations et des relations sociales » (Peraya, 2019, p. 214) en leur reconnaissant un rôle et des effets propres dans des processus communicationnels comme ceux de l’enseignement et de l’apprentissage. Six formes de médiation ont été établies (Peraya, 1999, 2010; Peraya et Peltier, 2012) : 1) cognitive ou sémiocognitive (effets du dispositif sur les apprentissages); 2) épistémique (effets sur la connaissance de l’objet de l’activité d’apprentissage); 3) réflexive (effets sur la prise de distance de l’apprenant face à ses apprentissages); 4) posturale (effets sur la posture et l’engagement dans l’action de l’apprenant); 5) praxéologique (effets sur les pratiques de l’apprenant); 6) sensorimotrice (effets sur le plan physiologique).

Un des facteurs mis en avant pour appréhender les apprentissages réalisés est la façon dont les étudiants perçoivent l’environnement d’apprentissage (Lizzio et al., 2002). Les caractéristiques technopédagogiques de ce dernier constituent des éléments importants à cet égard. Il nous paraît donc pertinent dans cette perspective de nous interroger, d’une part sur ce que les apprenants perçoivent de l’environnement qui leur est proposé, mais également sur les effets constatés par ceux‑ci en matière d’apprentissage.

Les MOOC, un dispositif de formation médiatisée particulier

Les cours en ligne ouverts massivement (CLOM ou MOOC) sont des dispositifs de formation médiatisée d’un genre particulier apparus il y a une dizaine d’années (2008) au sein du paysage universitaire (Daniel, 2012). Bien qu’inscrits dans la continuité de la longue histoire de la formation à distance, les MOOC bénéficient, depuis quelques années, d’un engouement mondial important[5]. Pourtant, si la révolution pédagogique et institutionnelle annoncée n’a pas eu lieu (Boullier, 2014; Mangenot, 2014), les MOOC ont modifié le paysage de la formation à distance tel qu’il se présentait jusqu’alors en lui apportant une dimension supplémentaire. En tant que dispositifs de formation entièrement à distance ouverts à tout un chacun, gratuitement, et sans restriction quant au nombre de participants, les MOOC s’inscrivent en effet dans une vision humaniste de la circulation des savoirs (Achard, 2017).

De façon paradoxale, les universités en ont fait des instruments de promotion de l’innovation de l’enseignement supérieur alors que, dans leur grande majorité, les MOOC reflètent une vision de l’enseignement fondée sur le cours magistral et la transmission de contenus d’apprentissage (Campion et al., 2019; Depover, 2014; Peraya, 2017)[6]. Dans ce contexte, la médiatisation des contenus occupe une part importante du processus de conception (élaboration des scripts, tournage des séquences, etc.). En revanche, la médiatisation de la fonction d’accompagnement est sans doute celle qui fait le plus défaut, comme le relèvent en d’autres termes Margaryan et al. (2015, p. 81) dans leur étude portant sur la qualité pédagogique (instructional quality) de 76 MOOC (26 cMOOC et 50 xMOOC) analysés à l’aune des principes de Merrill. Les auteurs constatent, en effet, que sur l’ensemble des MOOC analysés, les rétroactions pédagogiques sur les activités d’apprentissage réalisées (devoirs, tâches et résolution de problèmes) sont inexistantes : « none of the MOOCs we surveyed had instructor feedback » (p. 81). Précisons toutefois que la rétroaction pédagogique ne constitue qu’une dimension spécifique de l’accompagnement et des différentes formes de présence nécessaires en situation d’apprentissage à distance (Peraya, 2014).

Caractéristiques discursives des capsules vidéo et leur implication sur les plans cognitif et relationnel

Le questionnement autour de la nécessité du sentiment de présence pour établir et maintenir une relation pédagogique dans le cadre de formations à distance a amené Peltier et Campion (2017, 2018) et Campion et al. (2019) à s’intéresser aux capsules vidéo intégrées dans les MOOC. Ces travaux ont permis d’élaborer une grille d’analyse descriptive de la réalisation de telles capsules vidéo et de formuler des hypothèses quant à leurs effets probables sur la manière dont elles contribuent à construire la relation avec les apprenants. Deux dimensions ont été spécifiquement examinées : la dimension relationnelle et la dimension cognitive induites par les capsules vidéo. Il s’agissait tout d’abord de décrire leurs spécificités symboliques (langagières) en intégrant à la fois leurs caractéristiques visuelles et verbales, puis de montrer en quoi certaines de ces spécificités étaient susceptibles d’induire une relation pédagogique de même que des processus cognitifs particuliers. Ainsi, de la même manière que nous nous intéressons à la perception globale du dispositif de formation, nous cherchons à mieux comprendre et documenter la perception de ces objets médiatiques et pédagogiques sur le plan de leurs caractéristiques et de leurs effets.

Contexte de la recherche

Le MOOC choisi comme terrain de cette étude est une production conjointe de l’Université de Genève (UNIGE), de l’Université libre de Bruxelles (ULB) et de l’Université de Montréal (UdM) dans le cadre du consortium G3 (g3univ.org). Il s’adresse à tout professionnel de la santé soucieux de développer des compétences en matière de supervision du raisonnement clinique des stagiaires. Il est hébergé à la fois sur les plateformes Coursera et EDUlib (Audétat et al., s.d.). Conçu dans une perspective centrée sur l’apprenant, ce MOOC reflète une vision active et située de l’apprentissage. En effet, le MOOC Supervision du raisonnement clinique en contexte de soins (SRC) accorde à la transmission des connaissances par les enseignants une place plutôt ténue, au profit de saynètes vidéo reconstituant des situations de supervision courantes en milieu médical. L’usage de ces saynètes au sein du MOOC est scénarisé de façon à amener l’apprenant à analyser les différentes situations présentées et à développer notamment ses capacités réflexives. Dès lors, il nous a semblé intéressant de nous interroger sur : les préférences des apprenants vis‑à‑vis des deux types de capsules vidéo désignées, sur les usages qu’ils déclarent en faire, sur les effets perçus par ces différents types de capsules vidéo et notamment sur le sentiment de présence à distance.

Questions de recherche

Notre étude comprend ainsi deux volets (articulation entre intentions et perceptions pédagogiques et réception médiatique des capsules vidéo) et entend répondre aux questions de recherche suivantes :

  1. Quelle perception les apprenants du MOOC SRC ont-ils de leur environnement d’apprentissage? Plus spécifiquement :

    • Quelles sont les fonctions médiatisées perçues par les apprenants?

    • À quels dispositifs médiatiques particuliers les fonctions médiatisées perçues sont‑elles associées?

    • Quelles formes de médiations telles qu’envisagées par les enseignants sont perçues par les apprenants?

    • Le dispositif de formation perçu par les apprenants correspond-il au dispositif de formation tel qu’envisagé par les enseignants?

  2. Compte tenu de leurs caractéristiques discursives, quels sont les effets perçus différenciés selon les deux types de capsules vidéo sur les apprenants, d’un point de vue cognitif et relationnel? Plus spécifiquement :

    • Quel type de capsules vidéo les apprenants du MOOC SRC préfèrent‑ils?

    • En font-ils des usages différenciés?

    • Y a-t-il des effets spécifiques associés à chaque type de vidéos sur le plan des apprentissages perçus et de la relation pédagogique?

Cadre conceptuel

Nous retiendrons pour cette étude les concepts de médiatisation et de médiation qui permettent, d’une part, d’appréhender les intentions pédagogiques à travers l’identification des fonctions médiatisées et des formes de médiatisation choisies et, d’autre part, d’interroger et d’analyser les effets attendus et perçus, tant par le ou les concepteurs du dispositif que par ceux auxquels il est destiné (les apprenants). Les intentions pédagogiques telles que nous les traitons dans cette recherche reposent sur les caractéristiques technopédagogiques du MOOC telles qu’il est possible de les décrire à partir des informations accessibles (descriptif de cours, organisation, etc.) ainsi que sur notre connaissance du dispositif, compte tenu du fait que plusieurs d’entre nous ont été impliqués dans sa conception[7].

Afin de décrire le MOOC SRC dans ses dimensions technopédagogiques, d’interroger les apprenants sur leur perception du dispositif de formation et d’examiner la convergence de cette perception avec les intentions des enseignants concepteurs du MOOC, nous nous appuierons sur les huit fonctions constitutives de tout dispositif de formation (Peraya, 2008, p. 6).

Pour les besoins de cette étude, compte tenu des caractéristiques spécifiques de ce MOOC que nous présenterons plus bas, nous ne retiendrons que les quatre formes de médiations suivantes et laisserons de côté les médiations épistémique (effets du dispositif sur la connaissance de l’objet de l’activité) et sensorimotrice (effets du dispositif sur le plan physiologique) qui ne sont pas pertinentes dans le cadre de notre questionnement :

  • Médiation cognitive et sémiocognitive (effet du dispositif, et notamment des aspects sémiotiques, sur les apprentissages), car il s’agit certainement de la forme de médiation la plus spécifique dans un dispositif de formation fondé sur une construction sémiocognitive très particulière que nous présenterons ultérieurement;

  • Médiation réflexive (effet du dispositif sur la prise de distance de l’apprenant face à ses apprentissages), car il s’agit d’envisager les effets de ce dispositif de formation et de communication médiatisées sur la capacité de l’apprenant à prendre du recul sur sa pratique de supervision, sur ses points forts et sur ses points à améliorer;

  • Médiation posturale (effet du dispositif sur la posture et l’engagement dans l’action de l’apprenant), car il s’agit d’examiner les effets spécifiques du dispositif et de ses caractéristiques pédagogiques et médiatiques sur l’engagement de l’apprenant en matière d’apprentissage et d’élaboration des pratiques;

  • Médiation praxéologique (effet du dispositif sur les pratiques de l’apprenant), car la finalité de ce dispositif consiste bien à faire évoluer les pratiques réelles sur le terrain de la supervision.

Le concept de médiation permet à la fois d’aborder les effets attendus à l’aune des choix de médiatisation et les effets perçus du point de vue des différents acteurs (enseignants et apprenants) à différents moments du processus d’apprentissage. Par la suite, nous parlerons de perception des intentions pédagogiques pour désigner la perception, par les apprenants, des médiations attendues (telles qu’envisagées par les concepteurs du MOOC), et d’effets perçus pour désigner les médiations perçues par les apprenants à l’issue de leur parcours d’apprentissage.

Méthodologie générale

Pour répondre à nos questions de recherche, nous avons mis en place un dispositif de recueil de données longitudinal sous la forme de plusieurs questionnaires en ligne adressés aux apprenants à plusieurs moments spécifiques du déroulement du MOOC.

Le MOOC SRC est composé de huit modules correspondant à huit semaines de cours. Il est accessible en continu sur les plateformes Coursera et EDUlib mais propose une nouvelle session à chaque achèvement de la précédente. Quatre questionnaires ont été proposés à différents moments du déroulement de chaque session :

  1. Un questionnaire (Q1) sur les pratiques de supervision (proposé au début et à la fin du MOOC pour évaluer la progression des apprenants). Il a été élaboré sur la base du questionnaire validé de Stalmeijer et al. (2010) complété par d’autres (Audétat et al., 2017; Bearman et al., 2018; Irby, 2014). Les résultats de ce questionnaire, qui porte plus spécifiquement sur les pratiques de supervision déclarées avant et après le MOOC, ne seront pas présentés ici.

  2. Un questionnaire (Q2) sur la perception du dispositif (perception des intentions pédagogiques, des fonctions médiatisées et des dispositifs technologiques associés);

  3. Un questionnaire (Q3) sur la réception des capsules vidéo (perception, préférences, usages);

  4. Un questionnaire (Q4) sur les pratiques de supervision et les effets perçus en matière d’apprentissage (médiations).

Les questionnaires consistaient en une série d’affirmations par rapport auxquelles les répondants devaient se situer sous la forme d’échelles de Likert ainsi que de questions à choix multiples. Composés respectivement de 24, 27, 52 et 36 questions, ceux-ci ont été implémentés dans le logiciel LimeSurvey et proposés aux participants du MOOC sous la forme d’URL externes accessibles directement depuis Coursera ou EDUlib. Les questionnaires étaient bien évidemment identiques sur chaque plateforme, mais étaient adaptés dans leur formulation à la nomenclature des outils propre à chacune[8]. Ils ont fait l’objet d’une analyse spécifique en fonction des dimensions étudiées, sur lesquelles nous reviendrons plus précisément ci‑dessous. Le mode de traitement des données, qui varie selon les questionnaires et questions, sera exposé dans la section suivante en même temps que les résultats.

Résultats

Analyse descriptive du terrain étudié

La plupart des MOOC produits par les universités s’adressent à une large audience dont les besoins et les attentes ne sont pas toujours bien identifiés (ni identifiables). Dans le cas du MOOC SRC, le public visé est à la fois très spécifique (il vise avant tout les acteurs du monde médical : médecins, personnel infirmier, soignant, thérapeutique, etc.), mais suffisamment large (ces acteurs sont nombreux et diversifiés et aucun prérequis particulier en matière de connaissance des modèles de supervision n’est nécessaire) pour correspondre aux critères d’ouverture relatifs aux MOOC. Le MOOC SRC a été conçu pour répondre aux besoins de formation de professionnels exerçant en milieu hospitalier ou en cabinet et amenés à encadrer des stagiaires, mais aussi de formateurs ou d’universitaires chargés de former des professionnels de la santé à ce type de supervision. Il s’agit d’un public dont les disponibilités sont très restreintes et qui éprouve des difficultés à suivre un cours selon des modalités présentielles ou hybrides classiques. De plus, selon leur contexte institutionnel, certains praticiens n’ont pas accès à ce type de formation. Le « format » MOOC, ouvert et gratuit, s’avère donc particulièrement pertinent pour ce type de public.

L’objectif général du cours est d’amener les apprenants à développer des « scripts pédagogiques » (Irby, 2014), c’est-à-dire des réseaux de connaissances organisées tournées vers l’action (Charlin et al., 2007) dans le but d’améliorer leurs pratiques de supervision (diagnostic pédagogique, remédiation, suivi des stagiaires, etc.).

Tout au long des huit modules du MOOC, les apprenants sont amenés – à travers le visionnement de différentes saynètes, des questions à choix multiple portant sur les situations présentées dans les vidéos et des questions de réflexion qui leur sont adressées[9] – à développer un regard critique sur des pratiques dont ils sont spectateurs. Ces différents exercices sont complétés par des activités d’autoévaluation destinées à s’interroger sur ses pratiques actuelles et à les mettre en regard des connaissances acquises.

Intentions pédagogiques à travers les choix de médiatisation et les médiations attendues

Dans le MOOC SRC, les fonctions médiatisées sont les suivantes (tableau 2).

Tableau 2

Fonctions médiatisées et choix technopédagogiques dans le MOOC SRC

Fonctions médiatisées et choix technopédagogiques dans le MOOC SRC

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On le voit, la totalité des fonctions du dispositif de formation fait l’objet d’une médiatisation, ce qui fait du MOOC SRC un dispositif de formation médiatisée riche et diversifié. Compte tenu de ces choix et des objectifs généraux du MOOC[10], les médiations attendues sont les suivantes (tableau 3).

Tableau 3

Médiations attendues et articulation médiatisation/médiations

Médiations attendues et articulation médiatisation/médiations

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Capsules vidéo à vocation pédagogique conçues pour le MOOC SRC

En éducation médicale, l’usage de vignettes cliniques sous diverses formes (textuelle, vidéo, illustrées ou non) est courant de longue date (Depaigne‑Loth et al., 2021). Dans le cas du MOOC SRC, nous distinguons toutefois deux types de capsules vidéo : 1) narratives (saynètes); 2) théoriques.

Les premières sont des reconstitutions de situations de supervision emblématiques, illustrant différentes pratiques de supervision telles qu’elles peuvent être observées sur le terrain[11]. Ces saynètes ont fait l’objet d’un scénario écrit et ont été jouées par de véritables médecins-superviseurs et, pour la plupart d’entre elles, par de véritables médecins-stagiaires. À l’inverse des séquences vidéo que l’on trouve habituellement dans les MOOC, ces capsules présentent une particularité dans leur construction sémiotique (recours à la narration, posture spécifique de réception face au récit, etc.) qui offre un potentiel particulièrement intéressant du point de vue cognitif[12].

Les secondes se rapprochent de la plupart des capsules vidéo que l’on peut trouver dans les autres MOOC en privilégiant avant tout la transmission d’un contenu, d’une information. Elles présentent toutefois une différence notable sur le plan relationnel par des interpellations verbales fréquentes (« je », « vous », « nous », etc.) destinées à impliquer le destinataire dans la situation de communication (Meunier et Peraya, 2010)[13]. De plus, la scénarisation des capsules théoriques est souvent pensée en articulation avec les saynètes qu’elles introduisent ou complètent.

Analyses des données récoltées par questionnaires

Les données sur lesquelles se fonde cette analyse ont été récoltées auprès des participants ayant suivi le MOOC SRC entre janvier 2019 et juillet 2020. Du fait des spécificités du MOOC et de son public, énoncées plus haut, notamment la disponibilité continue du cours et la possibilité de suivre les différents modules à son propre rythme, il n’est pas possible de centrer l’analyse sur une cohorte déterminée, des participants pouvant commencer et terminer le processus en permanence. Cette caractéristique, sans doute associée à l’important taux d’abandon caractéristique des MOOC évoqué plus haut, explique vraisemblablement le fait que tous les répondants ayant rempli le questionnaire 1 n’ont pas nécessairement rempli les questionnaires suivants au moment où nous avons analysé les données et entraînant un taux important de « perte » en cours de route. De plus, les dispositions destinées à garantir l’intégrité des données personnelles des apprenants ne nous ont pas permis d’établir la traçabilité des réponses.

Nous pouvons résumer ainsi les données collectées (tableau 4) :

Tableau 4

Nombre de répondants ayant rempli totalement chaque questionnaire (état en juillet 2020)

Nombre de répondants ayant rempli totalement chaque questionnaire (état en juillet 2020)

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Perception du dispositif

Perception des intentions pédagogiques (médiations attendues) et effets perçus par les apprenants (médiations perçues) (questionnaires 2 et 4)

Dans le cadre du questionnaire 2 (N = 64), les participants ont notamment été interrogés sur leur perception des intentions pédagogiques (médiations attendues). Les intentions pédagogiques déclarées par les apprenants relèvent de l’ensemble des formes de médiations interrogées à travers le questionnaire (tableau 3). Dans leurs réponses, les participants semblent très majoritairement capables d’établir les intentions de différentes natures puisque le degré d’accord (cumul des réponses « d’accord » et « plutôt d’accord ») est également élevé pour chacune des formes de médiations (figure 1).

Si l’on compare à présent la perception des intentions pédagogiques telles que déclarées au début du parcours de formation aux effets perçus à la fin du MOOC (figure 2), on constate une convergence des différentes formes de médiations perçues. D’un point de vue pédagogique, cela témoigne d’un bon alignement constructif entre les intentions des enseignants et les perceptions des apprenants.

Figure 1

Perception des intentions pédagogiques sur le plan des médiations (N = 64; les nombres affichés ici résultent de l’agrégation des réponses aux différents indicateurs employés pour mesurer ces médiations)

Perception des intentions pédagogiques sur le plan des médiations (N = 64; les nombres affichés ici résultent de l’agrégation des réponses aux différents indicateurs employés pour mesurer ces médiations)

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Figure 2

Comparaison des réponses concernant la perception des intentions pédagogiques (médiations attendues) au début du parcours d’apprentissage (gauche) et les effets perçus (médiations perçues) (droite) par les apprenants à l’issue du parcours d’apprentissage (= 61, chiffres agrégés, cf. fig. 1)

Comparaison des réponses concernant la perception des intentions pédagogiques (médiations attendues) au début du parcours d’apprentissage (gauche) et les effets perçus (médiations perçues) (droite) par les apprenants à l’issue du parcours d’apprentissage (N = 61, chiffres agrégés, cf. fig. 1)

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Que ce soit à travers la perception des intentions pédagogiques ou des effets perçus à l’issue du parcours d’apprentissage, les médiations réflexive et praxéologique sont celles qui ressortent le plus des réponses apportées par les répondants. Globalement, la distribution des réponses aux deux questionnaires est très similaire pour l’ensemble des médiations. On note, toutefois, une différence entre les deux : dans le dernier questionnaire (Q4), on constate parmi les répondants en désaccord un degré de désaccord plus important. Une explication possible pourrait être que les attentes sont plus marquées en matière d’identification des compétences à renforcer (réflexivité) qu’en matière de nouvelles connaissances à acquérir (les participants au MOOC étant des professionnels déjà en activité). Cette hypothèse ne trouve pas de confirmation dans les données d’entretien récoltées puisque les répondants interrogés évoquent plutôt le besoin de disposer d’une synthèse et d’une modélisation du processus, ainsi que la nécessité d’harmoniser les pratiques de supervision sur les différents lieux de stage. On observe donc une contradiction non résolue entre les réponses apportées aux questionnaires et les quelques éléments présents à travers les entretiens menés.

Perception des fonctions médiatisées

Le questionnaire 2 avait également pour objectif d’identifier les fonctions médiatisées perçues par les apprenants à travers les choix technopédagogiques opérés par les enseignants. Ainsi, à travers les réponses apportées, les répondants ont identifié l’ensemble des fonctions et les ont associées comme suit (tableau 5) aux différents dispositifs technologiques embarqués sur les plateformes hébergeant le MOOC.

Tableau 5

Associations faites par les apprenants entre fonctions pédagogiques et dispositifs technologiques (en % d’accord) avec mise en évidence (en gras) des chiffres commentés ci‑dessous

Associations faites par les apprenants entre fonctions pédagogiques et dispositifs technologiques (en % d’accord) avec mise en évidence (en gras) des chiffres commentés ci‑dessous

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Nous allons à présent rendre compte de ces résultats en les détaillant fonction par fonction.

Fonction d’information (être informé). La fonction d’information est perçue par les répondants comme étant médiatisée, d’une part, par les messages hebdomadaires automatiques (9,8 % d’accord[14]) et, d’autre part, par les lectures proposées (36,4 % d’accord) et les capsules vidéo théoriques (31,5 % d’accord). Ces résultats mettent en lumière un élément intéressant relatif aux messages hebdomadaires dont la vocation (liée à l’intention pédagogique) consiste généralement plus à soutenir l’engagement des apprenants en les appelant à poursuivre leur parcours d’apprentissage dans le MOOC (fonction d’accompagnement et d’awareness) qu’à leur fournir des informations propres à enrichir cet apprentissage (ce qui, en revanche, est le cas des lectures et des capsules vidéo théoriques). Une explication possible est que les apprenants ont conscience du caractère automatique de ces messages et n’en perçoivent pas l’intention motivationnelle sous‑jacente.

Fonction de gestion (organiser ses apprentissages). Les résultats liés aux perceptions de cette fonction et à sa médiatisation ne sont pas très « parlants ». Comment comprendre en effet que la fonction de gestion soit perçue à travers la médiatisation des capsules vidéo théoriques (27,9 % d’accord), des capsules vidéo situation (26,4 % d’accord) et des lectures (22,1 % d’accord)? Cette discordance remet en cause la pertinence des questions telles que formulées et, par conséquent, leur validité, et incite à revoir les items concernés à des fins d’amélioration de l’instrument de recueil des données.

Fonction d’interaction (communiquer avec les enseignants et/ou les autres apprenants). De manière attendue, les répondants désignent les demandes de discussions et les forums comme dispositifs médiatisant la fonction d’interaction (pour chacun, 34,6 % d’accord). Il s’agit en effet d’activités d’échanges entre pairs propices aux interactions. En revanche, il est plus intéressant de noter l’association fonction d’interaction/messages hebdomadaires comme relevant de la communication interpersonnelle. Cette association est plus difficile à interpréter puisque, comme nous l’avons souligné plus haut, il s’agit de messages automatisés et unidirectionnels.

Fonctions d’évaluation formative (exercer ses connaissances) et d’évaluation certificative (valider les connaissances acquises)[15]. La perception de la médiatisation de la fonction d’évaluation formative (39,1 % d’accord) et certificative (37,3 % d’accord) à travers les questions à choix multiple constitue également un résultat attendu. En revanche, l’association évaluation formative et certificative avec les capsules vidéo situation (39,1 % d’accord) nous semble particulièrement intéressante. Il s’agit là, selon nous, d’une manifestation représentative d’une congruence dans le sens où les intentions pédagogiques et l’expérience d’apprentissage (y compris sur le plan des perceptions) semblent converger parfaitement. En effet, la visée des capsules vidéo situation, c’est-à-dire la façon dont leurs concepteurs les ont pensées (médiations attendues), consistait bien à amener les apprenants à autoévaluer leurs propres pratiques.

Fonction de production (produire des connaissances). Comme pour la médiatisation de la fonction de gestion (voir plus haut), les réponses apportées par les apprenants en lien avec la médiatisation de la fonction de production ne permettent pas de dégager une interprétation susceptible d’être étayée. Si nous pouvons éventuellement comprendre la perception de produire des connaissances à travers les demandes de discussion (8,1 % d’accord) ou les questions à choix multiple (12,1 % d’accord), il est plus difficile d’effectuer ce même raisonnement en ce qui concerne les capsules vidéo théoriques (21,2 % d’accord) et situation (23,2 % d’accord), à moins d’interroger les participants sur ce qu’ils entendent par « produire des connaissances ».

Fonction de soutien et d’accompagnement (être soutenu et accompagné dans ses apprentissages). Les résultats concernant la perception de la médiatisation de cette fonction ne nous semblent pas particulièrement révélateurs. En effet, le pourcentage d’accord est à peu près similaire pour tous les dispositifs proposés, aucun ne se détachant véritablement dans les réponses (tous les dispositifs recueillent entre 12 et 18 % d’accord), à l’exception des messages hebdomadaires (8 %) pour les raisons déjà évoquées plus haut. Les forums (9,8 % d’accord) ne semblent pas remplir cette fonction pour les répondants. Ce résultat gagne à être comparé à ceux qui concernent la fonction d’awareness que nous allons évoquer à présent.

Fonction d’awareness (ressentir la présence des autres). Les dispositifs médiatisant la fonction d’awareness sont, selon les réponses obtenues, principalement les demandes de discussion (29,9 % d’accord), les forums (26,4 % d’accord) et les messages hebdomadaires (13,8 % d’accord). Ces résultats sont intéressants car ils montrent que les dispositifs de communication mis en place par le MOOC contribuent à la manifestation des signes de présence à distance, qu’elle soit unidirectionnelle (descendante) ou bidirectionnelle (interactions), même en mode asynchrone. La perception de cette fonction d’awareness à travers les capsules vidéo sera plus particulièrement abordée dans le point suivant, consacré aux résultats concernant la réception des capsules vidéo. Ce résultat permet de définir un axe de recherche intéressant en matière d’analyse du sentiment de présence à distance dans des dispositifs de communication asynchrones.

Réception des capsules vidéo

Le questionnaire 3 (S4) se centrait sur la manière dont étaient perçues les capsules vidéo du MOOC, en particulier par rapport à leurs usages, au mode d’interpellation perçu, à la préférence exprimée par les apprenants et aux effets perçus. Ces dimensions ont également été mesurées par des affirmations portant sur les deux types de vidéos (« théorique » et « mise en situation ») par rapport auxquelles les répondants devaient mentionner leur degré d’accord sur une échelle allant de 1 (pas du tout d’accord) à 4 (d’accord).

Usages, préférences et effets perçus

On constate pour chaque question que la distribution des réponses est similaire, quel que soit le type de capsules vidéo, avec néanmoins une nuance (figure 4). Les répondants « plébiscitent » légèrement plus les vidéos théoriques pour les items relatifs à l’usage et aux modes d’interpellation, tandis que les vidéos de mise en situation ont un score légèrement supérieur pour ceux qui sont relatifs aux préférences et effets perçus. Il est à noter, enfin, qu’à l’une ou l’autre exception près sur lesquelles nous reviendrons plus bas, la distribution des réponses sur l’échelle d’accord est assez similaire pour chaque indicateur d’une dimension donnée. Il y a donc une très faible variation entre les différents indicateurs d’une même dimension.

Compte tenu de la longueur du questionnaire 3 et afin de présenter les résultats de manière globale et synthétique, nous avons, pour chaque type de vidéos et chaque dimension, calculé la moyenne du niveau de préférence des différents indicateurs y référant, donnant ainsi un score moyen (sur la même échelle de 1 à 4) permettant de faire ressortir ces constats, comme en témoigne la figure 3.

Figure 3

Comparaison des résultats usages/préférences/effets perçus (scores moyens) (N = 46)

Comparaison des résultats usages/préférences/effets perçus (scores moyens) (N = 46)

-> Voir la liste des figures

Pour chacun de ces cas de figure, nous avons mené un test de khi carré indicatif visant à évaluer la significativité des différences observées dans la réception des deux types de vidéos.

Il ressort de cette analyse complémentaire que les vidéos de type « mise en situation » se démarquent sur plusieurs aspects : tout d’abord le plaisir ressenti par les apprenants lors de leur visionnement (q37PreSit et q38PreTheo; p = 0,01), ensuite la perception d’effets particuliers sur la réflexivité (q31PreSit et q32PreTheo; p = 0,006) et la mise en oeuvre de nouvelles pratiques (q334mpt et q335mps; p = 0,04). Les vidéos de type « théorique », quant à elles, sont reconnues dans leur capacité à soutenir l’élaboration de nouvelles connaissances (q330mct et q331mcs; p = 0,08). Les autres tests ne montrent aucune différence significative entre vidéos de type « théorique » et de « mise en situation », même au seuil 𝛼 = 0,1 habituellement retenu pour les études exploratoires au nombre relativement faible de répondants.

Les médiations réflexive et praxéologique étaient déjà désignées par les répondants au questionnaire 2 comme étant les plus prégnantes à travers leur perception globale du dispositif. Les résultats sur le plan de la perception des effets en lien avec les capsules vidéo (plus particulièrement les vidéos de type « mise en situation ») s’inscrivent dans cette continuité.

Discussion

Les résultats dont nous venons de rendre compte répondent à notre double questionnement initial. D’une part, celui des perceptions d’un dispositif de formation et de communication à travers la médiatisation de ses différentes fonctions et des choix technopédagogiques associés. D’autre part, celui de la perception différenciée de dispositifs médiatiques tels que des capsules vidéo de différentes natures sur le plan discursif.

Sur le premier point, l’analyse des données recueillies a permis de souligner une convergence entre enseignants et apprenants en ce qui concerne les intentions pédagogiques et les effets relatifs aux médiations attendues par les enseignants et aux médiations perçues par les apprenants. Cette convergence entre l’état prescrit, l’état perçu et l’état vécu d’un dispositif, pour reprendre la déclinaison proposée par Paquelin (2009), constitue un indicateur très intéressant dans la perspective du développement de nouvelles pratiques professionnelles dans un contexte de formation médiatisée. La littérature dans différents domaines (sciences de l’éducation, psychologie cognitive et sociale, sociologie, etc.) a de longue date souligné le lien entre représentations et actions. S’agissant de l’engagement en formation, par exemple, des auteurs comme Barbier et al. (2006) ont montré que cet engagement « résulte d’une négociation, d’une transaction, d’une confrontation entre le système de représentations (croyances, connaissances, valeurs) d’un individu et l’action envisagée » (Peltier, 2016, p. 54). La question des perceptions et des représentations est donc loin d’être anecdotique et le partage d’un cadre d’interprétation et d’expérience commun (Goffman, 1991) s’avère particulièrement important dans le cas d’une relation pédagogique à distance (ou dissociée dans l’espace et le temps). La mise au jour d’une convergence entre l’intention pédagogique et la perception de celle‑ci par les apprenants constitue donc un indéniable point fort du MOOC SRC. On retrouve également cette convergence en ce qui concerne les différentes formes de médiations. Il convient toutefois de relativiser la portée scientifique de ces résultats dans la mesure où il ne s’agit que d’un constat et qu’il n’est, à ce stade, pas possible de clarifier précisément ce qui a permis de l’établir. On peut toutefois émettre l’hypothèse que parce que les concepteurs du MOOC ont eux‑mêmes une grande expérience du terrain, que ce soit dans la pratique de supervision ou dans la formation de superviseurs, ils sont au plus près des besoins exprimés quotidiennement par la population visée. C’est cette connaissance approfondie qui leur a permis de mettre en oeuvre, à travers l’écriture et la réalisation de capsules vidéo, un dispositif de formation proche des situations concrètes rencontrées par les apprenants.

En revanche, notre étude s’avère tout à fait prometteuse, sur le plan méthodologique, en vue du développement de futures recherches portant sur l’expérience d’enseignement et d’apprentissage médiatisée entièrement ou partiellement à distance. En effet, le cadre de la communication éducative médiatisée (Peraya, 1999) qui constitue le cadre de référence principal de l’une d’entre nous[16] n’avait jamais fait l’objet du développement d’instruments de recueil de données quantitatives. Le questionnaire 2 relatif à la perception des fonctions médiatisées d’un dispositif et de ses effets constitue, à notre connaissance, une démarche inédite[17] dans ce sens. À l’exception de certaines questions dont la formulation devrait sans doute être reprise (voir plus haut), ce questionnaire a fait preuve de sa pertinence à titre exploratoire. Une étude spécifique s’avère maintenant nécessaire pour en faire un instrument validé sur le plan psychométrique.

Enfin, le MOOC dont nous avons étudié la réception a la particularité de présenter deux types de vidéos susceptibles d’avoir des effets différents sur les représentations que se font les apprenants du dispositif pédagogique, mais également sur les effets de ce dernier en matière d’apprentissage. Si les résultats ne permettent pas de conclure à une importante différence de réception entre les deux types de vidéos, nous avons néanmoins observé des différences assez cohérentes permettant d’interroger plus en profondeur l’utilisation des vidéos de type « mise en situation », un modèle assez rarement mis en oeuvre dans les MOOC, qui privilégient généralement des formes de magistralité plus traditionnelles comme support à l’apprentissage. Campion (2012) note l’intérêt du récit dans ce but à condition que ce dernier soit construit de sorte à faire des connaissances un de ses ressorts (par opposition à la construction de récits-prétextes se contentant « d’encapsuler » une connaissance sans rapport avec ceux‑ci parfois trouvés dans les supports pédagogiques). En effet, dans cette configuration‑là, le travail cognitif nécessaire au suivi et à la compréhension du récit amène l’apprenant à se constituer un modèle mental de situation de l’univers mis en scène par le récit (qu’il nomme storyworld) qui constitue une ressource cognitive potentielle qu’il pourra mobiliser ultérieurement sous la forme de scénarios, d’inférences, etc. de nature à soutenir la résolution de problèmes. Or les vidéos « mise en situation » du MOOC SRC répondent potentiellement à cette contrainte. En présentant une situation concrète qui doit être observée et explorée, de même que ses variantes, elles sont de nature à fournir aux médecins superviseurs un modèle concret qui peut être exploré et décliné en fonction des cas de figure qui se présenteront et ainsi servir de support cognitif aux actions mises en oeuvre dans le cadre de l’encadrement ultérieur de leurs stagiaires. Par ailleurs, le type de compétences visées par le MOOC relevant spécifiquement de « manières de faire », on peut avancer l’hypothèse que la mobilisation d’un modèle mental concret de la situation, issu de la vidéo, s’en trouvera facilitée.

Conclusion et perspectives

Selon nous, l’étude que nous venons de présenter se démarque sur plusieurs points des nombreuses recherches déjà menées autour des MOOC dans l’enseignement supérieur. Tout d’abord, sur le plan pédagogique, elle met en lumière l’importance de travailler la convergence entre les intentions des concepteurs de dispositifs de formation et la perception que s’en font les apprenants et propose, à cet égard, de prendre appui sur les choix de médiatisation modélisés à travers une typologie de fonctions constitutives de tout dispositif de formation. Malgré son caractère exploratoire, notre étude contribue à documenter la question des interactions qui peuvent s’opérer au sein d’un environnement d’apprentissage, dans une perspective de causalité multiple et réciproque, ce qui constituait la première finalité de notre démarche. Sur le plan méthodologique, les instruments de recueil de données élaborés dans le cadre de cette étude ont montré leur pertinence et pourront être considérés comme base de travail pour nos prochaines recherches. Enfin, sur le plan communicationnel, qui constituait la deuxième finalité de notre étude, notre recherche se démarque dans un contexte où les études de réception sont rares. En effet, il existe peu d’études systématiques de réception de dispositifs médiatiques de formation sous l’angle communicationnel. Cette première démarche empirique appelle donc à être prolongée par des travaux similaires axés sur la perception des vidéos et de leurs effets au regard de la manière dont elles sont construites et mises en scène, afin de mieux documenter leurs spécificités et leur potentiel pour l’enseignement et l’apprentissage.