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Si les années 1950-1960 correspondent à une période faste de connaissances nouvelles en analyse spatiale (Benko, 1998 ; Claval, 2006), les périphéries de la planète sont maintenant négligées. Certes les prospecteurs, extracteurs et courtiers sont toujours actifs dans ces contrées qui font face par ailleurs à divers facteurs de changement. Mais les analystes de l’espace braquent largement leurs projecteurs sur le phénomène urbain, soit les centres-villes et leurs aires de rayonnement continues qui s’étalent allégrement désormais dans les franges (Batty, 2013). Au sein de ces larges entités urbaines, multiformes et aux limites souvent floues, l’analyse scientifique cible particulièrement des zones spécialisées, des technopoles, des milieux innovateurs et autres écosystèmes locaux de soutien à l’innovation (Moulaert et Sekia, 2003). Au-delà de ces métropoles diffuses, métapoles (Ascher, 2001) ou global city-regions (Scott, 2012), l’espace périphérique semble moins intéressant pour la recherche.

Pourtant, les périphéries offrent un terrain de grande pertinence scientifique et sociale pour les analystes, en pointant des enjeux anciens et nouveaux qui demeurent encore trop ombragés. Avec leurs réserves de matières premières diverses et dispersées à travers d’immenses superficies, elles constituent la source principale d’alimentation du tandem industrialisation-urbanisation qui, depuis plus de deux siècles, améliore la qualité de vie générale des citoyens tout en consommant beaucoup de ressources. Hospitalières et généreuses, les périphéries sont ainsi envahies de toutes parts par des intérêts extérieurs friands de rentes. Structurellement, les villes dépendent des munificentes périphéries mises sous tutelle pour les spolier, presque aveuglément. Cela est déplorable puisque les périphéries sont nécessaires à l’équilibre écologique de la planète, ne serait-ce que sous les angles du renouvellement de l’oxygène, de la préservation de la diversité écologique, de la production d’énergie renouvelable, du défi climatique à relever et de la fourniture de minerais aux générations futures. Ces zones lointaines bien dotées sont aussi habitées, souvent par de très anciens peuples. La problématique culturelle s’y révèle variée. Innus, Chachapoyas, Pygmées, Nahuas et autres Papous possèdent tous leurs particularités en matière d’occupation territoriale.

Bref, la réalité des territoires qui composent la périphérie planétaire illustre des situations environnementales, sociales, économiques, culturelles et institutionnelles complexes. Sur la base du corpus de connaissances acquises dans le passé, nous avançons qu’il est temps de rediriger les projecteurs vers l’espace non métropolitain. Ce numéro thématique s’inscrit dans cet esprit de renouvellement. Il propose une série de textes sélectionnés pour leur apport scientifique original. Ceux-ci éclairent des composantes autant classiques (attractivité, accessibilité, domination, intégration, etc.) que nouvelles (cohabitation culturelle, droits de propriété, migrations, attraits, institutions, entrepreneuriat, appropriation, etc.). À travers les apports divers, notre compréhension des périphéries s’avère enrichie, même si d’importantes questions ouvertes demeurent toujours sans réponses satisfaisantes. En substance, ce numéro permet de constater que les enjeux des périphéries sont nombreux et importants, alimentés par des pressions diverses issues de grandes forces naturelles, culturelles et structurelles en évolution.

Nature

Du point de vue des centres urbains, les périphéries ont toujours été considérées comme des réservoirs de ressources naturelles à prélever pour satisfaire leurs besoins en matières premières (produits agricoles, bois, eau douce, minerais, énergies fossiles). Ce type d’intégration dans le giron urbain conduit souvent à l’épuisement des bassins et gisements et, inéluctablement, au délaissement de lieux d’extraction jadis prospères (Reynaud, 1981). Or, la durabilité des bassins et gisements face à la forte demande contemporaine causée par l’universalisation des critères occidentaux du développement humain est largement questionnée depuis quelques décennies (Meadows et Meadows, 1972), sans que ne s’affirme encore une vision globale partagée de l’avenir souhaitable des périphéries.

Selon le Groupe international d’experts sur les ressources de l’ONU, mandaté par l’OCDE (2018) sous la présidence d’Isabella Teixeira et Janez Potocnik, l’extraction de ressources naturelles dans les périphéries a plus que triplé en volume au cours des cinq dernières décennies, passant de 27 milliards de tonnes extraites en 1970 à près de 100 milliards en 2020. Ainsi, l’exploitation industrielle de la nature s’intensifie constamment. Tirée par l’amélioration générale des conditions de vie et par la démographie croissante, cette ponction nécessaire de matières premières devrait encore doubler avant 2060, malgré la stabilisation récente de la demande asiatique (industries et construction) et l’augmentation anticipée des activités de recyclage. Principale responsable des changements climatiques et du stress sur la biodiversité, cette pression environnementale causée par les activités extractives devient insoutenable pour la planète, selon diverses organisations internationales comme les Nations-Unies. En réalité, l’économie mondiale tourne de plus en plus à crédit sous l’angle de la disponibilité des énergies fossiles, de la biomasse, des métaux et des minerais prélevés. Une solution vigoureuse devient urgente. Malgré cet impératif, l’Amazonie, l’Asie centrale, le centre de l’Afrique, le Nord canadien, l’Outback australien et autres périphéries de la planète poursuivent actuellement leur stratégie classique en attirant des immobilisations qui accroissent les livraisons mondiales de matières premières au taux annuel moyen de 3,2 %.

Trois textes présentés dans ce numéro nous éclairent sur des aspects importants de cette nature menacée. Après une lecture historique détaillée et rigoureuse du processus d’accès à une ressource naturelle en périphérie, Marie-Claude Prémont explique comment une compagnie productrice d’aluminium primaire réussit à pérenniser ses droits à la suite de deux amendements législatifs favorables qui anémisent au passage le pouvoir de contrôle de l’État afin de maximiser les retombées économiques de la valorisation de l’hydroélectricité. Il s’agit à l’évidence, selon l’auteure, d’un recul gouvernemental considérable vers le XIXe siècle plutôt qu’une avancée vers le XXIe siècle. Malgré les difficultés de mesure des divers attributs qualitatifs que recèlent les territoires, le texte de Jean-Charles Édouard et Hélène Mainet propose une distinction claire entre l’attrait et l’attractivité en périphérie. En contexte contemporain de mobilité croissante des acteurs et des facteurs, les conditions qualitatives s’avèrent primordiales dans l’élaboration de stratégies qui permettent aux territoires de différencier leur positionnement sur l’échiquier mondial. Les auteurs plaident pour des avancées méthodologiques afin de mieux comprendre le rôle des perceptions, des représentations sociales et des éléments de la qualité de vie dans les périphéries. En examinant attentivement le cas spécifique de l’exploitation de la bauxite à Boké, en Guinée, Idiatou Bah et Mario Carrier illustrent les difficultés rencontrées dans l’application efficace de politiques publiques face aux intérêts défendus par les parties prenantes. Les asymétries de légitimité et d’information favorisent les compagnies minières et limitent la capacité gouvernementale de mettre en oeuvre ses outils de développement territorial, pourtant essentiels pour maximiser les retombées économiques et sociales au sein de cette « capitale mondiale de la bauxite ».

Culture

Depuis 2005, la population urbaine de la planète est supérieure à la population rurale, qui poursuit malgré tout une légère croissance en nombre absolu. Lorsque la population mondiale atteindra 10 milliards, vers 2060, la portion rurale s’établira à moins de 40 %. À l’exception de certaines zones et de certains lieux privilégiés, ce déclin démographique relatif en périphérie se poursuivra inexorablement, en accentuant le vieillissement de la population. L’exode des jeunes générations représente un véritable fléau socioculturel pour les zones rurales et périphériques, encore trop répulsives malgré la présence d’une très bonne qualité de vie.

À titre d’exemple d’érosion nouvelle, la formule de la migration alternante entre le domicile et le lieu d’emploi des travailleurs de la forêt, des mines, du secteur pétrolier, des pêches, de la construction et du transport s’étend lentement, selon diverses modalités, à d’autres champs d’activités tels que les professions de la santé, du droit, du génie, de l’éducation supérieure, de l’administration publique et privée. Les sièges sociaux localisés en périphérie se font rares, comme le sont les détenteurs d’expertises pointues qui, de plus en plus, n’y séjournent que selon les besoins spécifiques ponctuels. En rendant possible l’exercice à distance de nombreuses tâches, les technologies de l’information viennent en appui à ce vaste phénomène de dislocation. Toutes ces personnes qui oeuvrent en périphérie, sans y résider sont à la source de trois importantes conséquences négatives sur la dynamique communautaire. D’abord, elles ne contribuent pas, ou si peu, à la masse salariale versée dans les circuits économiques locaux. Ensuite, elles sont à peu près absentes de la demande globale pour des services publics en ne participant pas, ou si peu, au maintien de la qualité de l’offre. Aussi, leur engagement social et culturel s’avère évidemment limité par la durée de leurs séjours intenses en travail. Signalons en revanche que les populations autochtones, largement sédentarisées, participent désormais de plus en plus activement à la dynamique sociétale des périphéries.

Trois textes éclairent certains éléments importants de cette culture en évolution au sein des périphéries. Avec sa longue expérience d’analyste du comportement migratoire interrégional des jeunes au Québec, Madeleine Gauthier offre une lecture éclairante des tendances sur une longue période. Son interprétation fine est basée sur les motivations des migrants. Inspirée par les travaux de Manuel Castells sur la société en réseaux, l’auteure demeure optimiste face à l’exode des jeunes. Elle signale à ce propos la diminution des taux de migration au cours des deux dernières décennies. Elle indique de surcroît des cibles pour éclairer l’intervention gouvernementale ainsi que des voies de recherche future pour mieux comprendre l’attractivité des périphéries. Se penchant sur les relations au quotidien entre les autochtones et les allochtones, c’est-à-dire le vivre-ensemble, Laurie Guimond, Nathalie Lapierre, Yvonne Mesténapéo et Marianne Couture-Cossette, pour leur part, placent au coeur de leur analyse le concept de cohabitation interculturelle, lequel apparaît pertinent pour mieux comprendre le facteur humain dans les périphéries où les populations ancestrales doivent partager les territoires avec les nouveaux arrivants. Elles examinent un cas particulier de la Côte-Nord, au Québec, par une approche ethnologique tout à fait originale en confrontant notamment les facteurs de proximité, de distance, de conflits, de respect et de partenariats. Dans son texte, Pierre-André Julien présente un ensemble de variables quantitatives et qualitatives pour expliquer les différences interterritoriales de l’entrepreneuriat à l’échelle des municipalités régionales de comté (MRC) du Québec. Il utilise une méthode originale qui donne sens à ses données comparatives, en illustrant que le dynamisme entrepreneurial différencié à travers l’espace s’explique largement par des subtilités territoriales que seule l’analyse qualitative peut saisir et mettre en exergue.

Structure

Mis à part l’aménagement physique de l’espace périphérique par un semis de lieux et de milieux dispersés, de tailles inégales et plus ou moins interreliés par des infrastructures de transport étendues, deux champs de recherche en sciences sociales sont considérés dans ce numéro, soit l’économie et la gouvernance des territoires.

Le fonctionnement des activités économiques en périphérie illustre clairement la domination de grandes entreprises qui sont souvent des géants financiers de stature mondiale. Les implantations d’activités extractives par des immobilisations généralement importantes stimulent fortement le décollage industriel des lieux, alimentant de petites grappes de PME qui gravitent autour de la principale industrie selon le modèle bien connu du « moyeu et rayons ». L’effet multiplicateur structurant pour le territoire s’avère limité par les importantes fuites financières hors des circuits économiques locaux. Les territoires d’accueil demeurent en conséquence constamment dépendants de nouvelles immobilisations pour conserver leur rythme de croissance. De fait, le modèle idéal du « district industrialisant » qu’on trouve dans les grandes zones métropolitaines s’avère rarissime hors de ces régions centrales.

Le portrait initial de la gouvernance en périphérie bénéficie d’un cadre classique d’analyse prenant la forme d’une structure matricielle composée de secteurs d’activités (verticalité) exercées sur diverses aires de gestion (horizontalité) correspondant à des échelles territoriales. On y classifie quatre groupes d’organisations qui exercent de manière fragmentée une pluralité de fonctions privées, publiques et collectives. Il s’agit des entreprises, des agences des gouvernements supérieurs, des groupes de la société civile (intérêts, pressions, services, coopératives) et aussi des autorités publiques locales, qui sont les seules unités multifonctionnelles présentes. À travers l’exercice des diverses fonctions sectorielles de manière indépendante en santé, agriculture, éducation, commerce, sécurité publique, voirie, emploi, hygiène publique, etc., la gouvernance territoriale dans les périphéries s’avère surtout concernée par la mise en coordination, en cohérence, en convergence, en synergie, voire en solidarité, des diverses organisations. La prise en main communautaire de leviers de développement local et régional représente aussi un enjeu important. Dans cet esprit non exclusif de gouvernance, diverses formules institutionnelles sont proposées. Notons que la planification territoriale est très largement utilisée comme méthode de travail collectif.

Dans ce numéro, quatre textes abordent cette double dimension structurelle des périphéries. Par une méta-analyse appuyée sur un important exercice de recension des écrits, Amélie Dumarcher propose de redonner de l’importance à la recherche concernant les périphéries, en l’ancrant solidement dans l’empirisme qui permettra le renouvellement théorique. Il importe de réinjecter de l’économie politique dans la géographie économique, tout en veillant à l’ancrage local, ce qui pourrait conduire à un virage de la théorisation vers une géographie économique institutionnelle. Michel Roche nous livre une lecture de la transition capitaliste en Russie depuis 1991, à la lumière d’un cadre d’analyse inspiré de l’oeuvre de David Harvey, menant à « l’accumulation par dépossession », avec l’aide de l’État russe lui-même. Il présente la périphérie russe comme un exemple contemporain de retour à un régime économique qui génère des inégalités dans l’espace, ce qui accentue le dépeuplement des régions éloignées. Son analyse l’amène à tirer des leçons générales concernant les modalités de l’accumulation du capital à travers l’espace. En conséquence, le rôle redistributif de l’État, qui a bien fonctionné au cours des bonnes décennies du régime communiste, apparaît essentiel à l’intérieur du régime capitaliste. Par ailleurs, la difficile catégorisation de l’Outaouais, au Québec, à l’intérieur du binôme centre-périphérie, amène Mario Gauthier, Guy Chiasson et Anne Mévellec à proposer une solide explication au statut particulier revendiqué par cette région. Les auteurs y avancent que le phénomène de métropolisation exige en soi de revoir le modèle polaire pour y préférer un modèle hybride. Selon eux, la solidarité régionale globale s’exprime davantage en Outaouais que la domination du centre sur les territoires hors centre. Enfin, l’application concrète du modèle centre-périphérie en contexte québécois est au coeur de l’analyse de Marc-Urbain Proulx qui effectue un ancrage dans la réalité des territoires en périphérie en utilisant la théorie des grands cycles structurels. L’auteur s’appuie sur une perspective historique, pour ensuite scruter attentivement le contexte contemporain. Il conclut par l’examen des options stratégiques qui s’offrent pour accompagner la transition nécessaire des périphéries.

Analyse transversale

Attentifs à ce qui se passe actuellement au sein des territoires périphériques, plusieurs auteurs y discernent une mutation en déploiement, illustrée par des révélateurs tels que la migration des jeunes (Gauthier), les interventions étatiques (Prémont), les marchés internationaux (Roche), l’érosion croissante de la rente (Proulx), les avancements technologiques (Dumarcher). En toile de fond se pose la question de l’intensité des divers changements en cours et anticipés. Selon la plupart des auteurs, le cadre théorique disponible actuellement apparaît insuffisant pour bien comprendre la réalité des périphéries en mouvement.

À la demande des jeunes Nations-Unies dans le contexte stimulant de l’arrivée de nouvelles comptabilités nationales, dans les années 1950, les efforts de théorisation du phénomène de développement ont généré l’approche centre-périphérie permettant de saisir et analyser les échanges internationaux entre pays centraux (développés) et non centraux (en développement ou sous-développés) désormais bien distingués. Devenu formalisé et reconnu, le modèle fut amplement utilisé pour expliquer les relations interterritoriales (échanges, intégration, disparités, dépendance, partenariats, domination, exclusion) qui se tissent entre les métropoles et leurs zones de rayonnement, entre les capitales régionales et leur hinterland, et aussi entre tous les pôles, petits et grands, et leur zone polarisée. La lecture centre-périphérie est ainsi devenue multiscalaire et relativement sophistiquée. Les textes présentés dans ce numéro abordent la question des relations internationales (Roche ; Bah), mais se concentrent surtout sur l’analyse intra-étatique des territoires périphériques (Gauthier et al. ; Proulx ; Julien ; Édouard et Mainet ; Prémont ; Guimond et al.).

Or, plusieurs auteurs soulignent les limites de ce modèle trop binaire (Gauthier et al.), qui met surtout l’accent sur les règles du marché (Dumarcher; Prémont) et qui postule à tort les vertus égalitaires du marché (Roche), qui est incomplet à moins qu’on lui adjoigne d’autres grilles d’analyse complémentaires (Proulx). En outre, plusieurs textes signalent que le modèle en question demeure myope devant certains facteurs importants comme les relations interculturelles (Guimond et al.) ou la collaboration intersectorielle sur le territoire (Gauthier et al.).

On propose dans cet esprit d’explorer toutes les dimensions de l’attrait des périphéries (Édouard et Mainet) ou encore de bonifier l’intervention salutaire de l’État à la hauteur de la contribution territoriale consentie (Bah et Carrier). D’autres considèrent que les États doivent mieux négocier l’octroi de bassins de ressources en fonction de redevances compensatoires ou de structuration socioéconomique accrue des lieux d’extraction (Prémont ; Proulx). Julien rappelle le rôle primordial que joue l’entrepreneuriat pour dynamiser les territoires périphériques. D’autres encore suggèrent de s’intéresser à de nouvelles approches de mise en valeur (Guimond et al. ; Dumarcher). Pour plusieurs, une clé importante pour assurer la vitalité réside dans les populations locales (Guimond et al. ; Dumarcher ; Julien ; Édouard et Mainet ; Bah et Carrier ; Gauthier et al.). Concernant ce dernier point, nous avançons que de nombreuses expériences du passé récent, dans le contexte québécois et celui d’ailleurs, peuvent offrir des leçons pertinentes pour l’analyse de la faisabilité de nouvelles approches de mise en valeur territoriale des périphéries.

Certains auteurs posent directement la question sensible du rôle de l’État. Qui profite des interventions publiques en périphérie ? Les gouvernements s’engagent-ils suffisamment ? L’intérêt public en général est-il recherché ? Désirant laisser à César ce qui lui appartient, Proulx estime que les autorités publiques du Québec et du Canada se sont tout de même préoccupées des périphéries par la construction d’infrastructures adéquates, la mise en place d’équipements publics fonctionnels ainsi que la desserte de services sociaux de qualité, sans compter les nombreux programmes ponctuels d’aide au développement. Sur cette question, Prémont. Prémont conclut sur l’insuccès de l’État à garantir des retombées collectives adéquates en juste retour des ressources livrées en pâturage aux extracteurs. Bah et Carrier décrivent les efforts importants de l’État guinéen pour que l’extraction massive de la bauxite laisse des bénéfices tangibles sur le territoire, tout en demeurant sceptiques quant aux résultats.

Riche de l’actualisation de plusieurs concepts et modèles ainsi que de l’apport réel de nouvelles connaissances, ce numéro thématique s’inscrit surtout dans un appel au renouvellement théorique concernant les périphéries. Ce renouvellement doit nécessairement passer par la saisie de la réalité évolutive devenue très complexe sous les angles de l’environnement naturel menacé, de même que par la saisie du contexte culturel en évolution et de la structure territoriale pressurée. Le devenir de cet espace non métropolitain au cours du XXIe siècle suscite encore de nombreuses questions en manque de réponses. Vivement des hypothèses, des thèses, des antithèses et des synthèses sur le sujet.