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Des romans sans aventures, ou presque

  • Pierre-Olivier Bouchard

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  • Pierre-Olivier Bouchard
    Memorial University

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Couverture de Madeleine Gagnon, Volume 48, numéro 1 (142), automne 2022, p. 9-206, Voix et Images

En dépit de son titre et malgré une citation de Wayne Gretzky placée en exergue, Sauf quand je suis un aréna n’est pas un imbuvable récit de hockey, mais un roman psychologique un peu décalé dont la lecture est aussi réjouissante qu’engageante. Le texte raconte l’hiver de la propriétaire d’un aréna dans une petite ville de région. Endeuillée, cette jeune femme de trente ans se remet mal de la mort d’un proche, happé à Montréal par une voiture conduite par un chanteur populaire dont la carrière n’a pas été ralentie par cet accident. Mal logée, elle habite un taudis qu’elle loue au « propriétaire des Retraites Gaïa-mazing » et qu’elle sous-loue quelques jours pendant le temps des fêtes, autant pour faire un peu d’argent que par vague désir de jouer dans le dos de son propriétaire. Outre sa mère et Merle, son ex, cette narratrice n’a que peu de relations significatives dans sa vie. La plupart de ses contacts sociaux sont liés à l’aréna. Elle connaît bien les jeunes qui font du patin artistique ou du hockey, un peu moins leurs parents, avec lesquels elle est souvent mal à l’aise. De façon générale, c’est d’ailleurs ce sentiment, le mal-être, qui caractérise la vie de la narratrice. Cette dernière est mal en point – très mal en point même –, mais d’une manière tout à fait triviale et à laquelle on peut, conséquemment, tout à fait s’identifier. Mis à part la mort de son ami, elle ne vit pas de grande tragédie qui la distingue ou qui l’érige en martyre, et bien que les difficultés s’accumulent et se recoupent au fil du texte, la narratrice n’en demeure pas moins une sorte d’archétype des problèmes ordinaires. Même lorsqu’elle provoque un accident de voiture qui la blesse légèrement, la situation s’avère plus banale que dramatique. La narratrice a trop bu, elle a percuté un arbre, et c’est tout. L’événement ne représente pas un tournant ni un électrochoc, il ne suscite pas de révélations ou de profonde remise en question. La convalescence est pénible, mais pas trop. C’est un point fort de ce texte de ne pas faire la morale à son lecteur ni chercher à l’éclairer avec des leçons de vie en lui indiquant que chaque épreuve est une occasion d’épanouissement. Ce n’est probablement pas un hasard si la narratrice, qui avoue être une grande consommatrice de livres de croissance personnelle, révèle aussi qu’elle préfère les envelopper dans du papier de Noël pour pouvoir les lire au bar ou chez l’esthéticienne. La narratrice a beau se désoler de sa condition « ordinaire » et de n’avoir rien à raconter – « je ne suis pas laide, je ne suis pas vieille, je ne suis pas droguée, je ne suis pas diplômée non plus, je pense que je suis alcoolique, ce serait déjà ça, mais je ne suis pas certaine […] » (18) – c’est précisément ce qui rend son récit intéressant et touchant. Le texte dépeint une morosité quotidienne en évitant la caricature, les exagérations ou la spectacularisation. Dès les premières pages, on est immédiatement frappé par la vulnérabilité de la narratrice et par tout ce qu’elle n’essaie pas de nous cacher : La narratrice n’est pas pudique, ce qui donne une impression de confidence, sans que l’on sente pour autant que le texte nous est véritablement ou directement destiné. Rédigé comme un long monologue mi-descriptif, mi-méditatif, le roman fait penser à une sorte de journal intime ou à un effort de retranscription d’un flot de pensées, mais il ressemble aussi à ce que la narratrice pourrait dire en s’adressant à son psychologue. …

Parties annexes