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Introduction

Qu’est-ce qu’une drogue ? La question mérite d’être posée parce que la qualification de drogue relève en général davantage d’un processus d’évaluation (subjectif) que de description (objectif) (Ruggiero, 1999) et que ses définitions sont donc davantage connotatives et culturelles (lexicographiques ou sémantiques) que désignatives ou dénotatives (terminologiques ou conceptuelles)[1]. C’est ce qui explique qu’il soit fréquemment estimé qu’une drogue ne peut pas être définie scientifiquement et qu’elle ne soit d’ailleurs souvent pas définie du tout. L’absence de définition de ce qu’est une drogue dans nombre d’écrits, même récents, semble être due non à l’inexistence d’une définition satisfaisante (elle existe), mais au fait qu’il soit souvent estimé qu’aucune définition de la drogue ne peut reposer sur des bases scientifiques (Derrida, 1989 ; Becker, 2001, p. 11-20).

Cet article propose donc un argumentaire scientifique (domaines chimique et biologique) soutenant une définition (terminologique) déjà existante de la drogue. L’article prend ainsi le contrepied de deux positions bien connues de Jacques Derrida (1989) qui affirme qu’il n’y a « pas de drogue dans la nature » (signifiant a priori à l’état naturel, Derrida ne définissant pas la « nature »), ni non plus « pour la drogue, de définition objective, scientifique ». L’un des problèmes fréquemment rencontrés dans les définitions de la drogue réside notamment dans le fait que les concepts de concept (Marradi, 2012) et de définition sont trop rarement considérés. Qui plus est, les définitions terminologiques (conceptuelles : à dimension désignative ou dénotative) de la drogue sont rares et les définitions lexicographiques (sémantiques : à dimension culturelle, témoignant entre autres des mentalités, croyances, goûts, etc.) nombreuses. C’est en partie la raison pour laquelle la drogue est qualifiée de catégorie sociale par les sociologues interactionnistes qui estiment qu’elle ne correspond pas à une « catégorie scientifique ou pharmacologique » (Becker, 2001, p. 11-20). Objet, désignation et concept n’étant pas systématiquement distingués lors de ces réflexions, les principes fondamentaux de l’élaboration des définitions sont ignorés. Par conséquent, sens propre (objet biochimique) et sens figuré (objet phénomène) peuvent être confondus. Il en résulte des définitions qui ne dissocient pas les caractères essentiels et non essentiels du concept visé, et qui mélangent différents domaines de définition et même différents concepts dans la même définition, ajoutant ainsi de la confusion à la complexité.

Pétries d’a priori moraux, politiques, sociaux et juridiques, ces définitions sont qui plus est souvent anhistoriques, c’est-à-dire qu’elles sont conçues sur la base de « présupposés plus ou moins conscients, plus ou moins exprimés et assumés, de nature fixiste, anachronique et essentialiste » (Leturcq, 2020, p. 24). Le simple usage du terme « drogue » prête en effet souvent à confusion tant il est polysémique, notamment du fait de l’évolution de ses significations depuis ses premières occurrences au XVe siècle et plus particulièrement depuis que, en dépit de toute logique scientifique, et notamment taxonomique et terminologique, seules sont généralement qualifiées de drogues les substances dont la libre consommation individuelle est illégale.

Cet article propose donc une réflexion autour du terme « drogue » et confirme qu’une drogue est une substance psychotrope (et vice versa). Cette définition on ne peut plus concise est ici construite scientifiquement (définition des termes d’une proposition soumise à démonstration) lors d’une réflexion mobilisant des données (ou des faits scientifiques) et des concepts tant philosophiques (concept de concept, classifications) que chimiques (composition et propriétés des substances) et juridiques (classifications et catégories). Elle constitue une définition au sens d’« énoncé linguistique qui décrit un concept et qui permet de le situer dans un système conceptuel » (Vézina et al., 2009, p. 36).

Nous le verrons, cette définition est de type terminologique (dimension désignative ou dénotative). Il s’agit, comme il se doit, d’une définition par intension (qui décrit l’ensemble des caractères constituant un concept) indiquant un concept superordonné ainsi qu’un ou des caractères distinctifs (Vézina et al., 2009, p. 38). En tant que discipline de la linguistique consacrée à la production et l’étude des termes et de leurs définitions, la terminologie, ou plutôt la terminographie, offre la méthode de procédé définitoire la plus scientifique et rigoureuse qui soit. En effet, « l’activité terminographique est un travail réflexif, de nature systématisante, qui implique (a) la compilation et une lecture (critique) de terminologies, et (b) une analyse historiographique et/ou méthodologico-épistémologique (cette dernière passant obligatoirement par une comparaison de terminologies) » (Swiggers, 2006, p. 13).

L’article aborde le terme « drogue » au regard des limites et des incohérences de quelques définitions existantes, avant d’établir que la classification juridique des drogues est sans fondement scientifique et qu’elle souffre à ce titre d’incohérences et de contradictions majeures (Sinha, 2001 ; Danenberg et al., 2013). Afin de penser la drogue, l’article introduit de façon détaillée la méthode terminologique au coeur du processus définitoire qui s’impose. C’est de façon inductive (empirique/taxonomique : de l’objet au concept) que sont alors entreprises la description de l’objet drogue et la définition de son concept, le terme « drogue » se trouvant comme les autres « globalement réduit, de façon plus ou moins implicite, à une relation entre objet, désignation et concept » (Depecker, 2002a, p. §8).

Le terme « drogue » est ensuite défini de façon générique et au regard de ses caractères essentiels (indispensables pour la détermination du concept traité), notamment intrinsèques (constitution, forme, dimensions, composition) et extrinsèques (destination, emplacement, fonction, provenance, utilité) (Vézina et al., 2009, p. 35). Drogue et aliment, concepts connexes de même niveau de généralité, et donc comparables à divers égards, sont alors confrontés à l’aune de leurs similarités et de leurs différences, permettant ainsi de les distinguer de façon formelle et d’établir qu’ils constituent deux concepts exclusifs du point de vue biochimique : drogue et aliment diffèrent. Mais, nous le verrons, drogue et médicament, eux, peuvent parfois correspondre dès lors que cet autre concept connexe partage certaines de ses caractéristiques essentielles avec celles de drogue et d’aliment et que le procédé définitoire du terme « drogue » implique de le mentionner.

En conclusion, le texte confirme d’une part qu’une drogue peut être définie en tant que substance psychotrope et, d’autre part, qu’aucun critère moral, politique, social ou même juridique, ne peut entrer dans une définition de la drogue sans remettre en question le principe d’adéquation des définitions par intension, et donc sans compromettre le concept de drogue et sa définition.

Limites et incohérences des définitions existantes

Les définitions modernes du terme « drogue » sont souvent approximatives, telles celles proposées par le Centre national de ressources textuelles et lexicales (www.cnrtl.fr) qui, parmi d’autres acceptions, fait mention de « substance naturelle ou fabriquée dont l’absorption produit un effet sur les organismes vivants » et de « produit stupéfiant ou hallucinogène (comme la marijuana, la mescaline, le LSD, le haschisch, l’héroïne, l’opium, la cocaïne) dont l’usage peut conduire à l’intoxication, l’accoutumance et la toxicomanie ». De telles définitions justifient à elles seules l’effort de définition qui est au coeur de ce texte.

Elles montrent en effet dans quelle mesure le terme (ou plutôt le mot : Ali Khan, 2016) est polysémique et pourquoi ces définitions sont problématiques : la première est imprécise (substance non qualifiée) et la deuxième donne des exemples plus qu’elle ne définit et elle répartit les drogues entre stupéfiants, une catégorie juridique[2], et hallucinogènes, une catégorie pharmacologique (largement galvaudée d’ailleurs). Qui plus est, la définition recourt aux concepts controversés d’intoxication, d’accoutumance et de toxicomanie qui sont des caractères non essentiels de la drogue et qui ne permettent donc pas de la définir par intension.

Le dictionnaire Le Robert[3], lui, ne propose aucune définition à proprement parler de la drogue. Il se contente de mentionner « substance toxique » et « stupéfiant », en dépit du fait que si toutes les drogues contiennent des substances « toxiques »[4], celles-ci ne sont pas toutes des drogues (et vice versa). Qui plus est, les stupéfiants ne sont qu’une des catégories juridiques des drogues visées par les « conventions internationales relatives au contrôle des drogues » (Office des Nations unies contre la drogue et le crime [ONUDC], 2014), lesquelles ne réfèrent jamais nommément aux drogues (en dépit du titre ci-dessus) dès lors qu’elles ne correspondent pas à une catégorie juridique. De fait « aucune convention internationale ne prohibe la “drogue” » dès lors « que le mot “drogue” n’existe pas du point de vue du droit international » (Dudouet, 2017, p. 64).

Quant à la Mission interministérielle (française) de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca), elle précise, de façon plus adéquate cette fois, que l’on « appelle “drogue” toute substance psychotrope ou psychoactive qui perturbe le fonctionnement du système nerveux central (sensations, perceptions, humeurs, sentiments, motricité) ou qui modifie les états de conscience » (Mildeca, sans date), sans distinction juridique. Cette définition est adéquate notamment parce qu’elle a l’avantage d’être davantage terminologique que lexicographique. C’est pour remédier aux nombreuses approximations, erreurs méthodologiques, et incohérences classificatoires de certaines définitions et conceptions de la drogue que cet article a été rédigé.

Classification juridique arbitraire des drogues

Si la terminologie française réserve le terme « stupéfiants » (problématique étymologiquement et sémantiquement) aux « substances ou plantes classées comme stupéfiants » (tautologie) et dont « l’usage » est « illicite » (article L3421-1 du code de santé publique), le terme « drogue », lui, peut d’autant plus être défini sans référence au contexte législatif qu’il n’a pas toujours été associé à des critères juridiques. Nombre de produits psychotropes consommés légalement devraient ainsi être qualifiés de drogues : en particulier l’alcool, le tabac, le thé, le café et le cacao.

Certains de ces produits ont d’ailleurs été, ou sont toujours, en certains lieux, d’usage illégal : il en fut ainsi du café à la Mecque au XVIe siècle, et de l’alcool, selon différentes modalités dans le monde musulman jusqu’à nos jours, et aux États-Unis pendant la prohibition de 1919-1933 (Sherratt, 2007, p. 20). En anglais, la restriction de l’emploi du mot drogue (précédé de narcotic : narcotic drug), en tant que « construction juridico-réglementaire inventée » (Seddon, 2016, p. 411), à certains produits et substances ne date que du début du XXe siècle et cet usage restreint a été entériné par les différentes réunions et conventions internationales relatives, justement, aux drogues (depuis 1909). Si « drogue » n’est pas une catégorie juridique en français, il n’en reste toutefois pas moins que le terme est associé sémantiquement à « illégal » et que seuls les « stupéfiants » et les « substances psychotropes » sont perçus comme des drogues dans les représentations collectives. Pourtant, si l’alcool n’est pas une drogue, alors, par définition, une drogue n’est pas un produit psychotrope.

Limiter l’acception du mot drogue aux drogues dont l’usage est illégal ou à celles que certaines règles morales condamnent, pose un problème scientifiquement et notamment en termes de définition et de classification. Cela amène en effet certains auteurs à estimer, à l’instar de Jacques Derrida (1989), qu’il n’y a « pas de drogue dans la nature » (à l’état naturel ?), ni non plus « pour la drogue, de définition objective, scientifique, physique (physicaliste), “naturaliste” ». L’auteur estime en effet « que le concept de drogue est un concept non scientifique, institué à partir d’évaluations morales ou politiques ». Ici, Derrida semble ne pas distinguer objet, désignation et concept pour, en conséquence, faire primer certaines définitions lexicographiques de la drogue sur sa définition terminologique : il privilégie en effet les représentations morales ou politiques de la drogue (et donc ses usages) au détriment de sa réalité chimique et biologique (alors qu’il estime paradoxalement qu’il y a des « poisons “naturels” »[5] et alors que toutes les drogues étaient pourtant naturelles avant la création en 1832 de la première drogue de synthèse). De fait, qualifier un produit de drogue de cette manière relève davantage d’un processus d’évaluation que de description (Ruggiero, 1999), fonction de contingences historiques et culturelles qui peuvent bien sûr changer et donc affecter l’usage du terme pour tel ou tel produit (Seddon, 1996, p. 394).

Si certains estiment qu’il ne peut y avoir de définition scientifique de la drogue, c’est justement parce que la répartition des drogues telle que construite dans les conventions internationales repose sur des critères moraux et subjectifs, et non sur des critères scientifiques et objectifs : nulle description ni classification (ni taxonomie ni typologie[6]) dans ces conventions. Ainsi, aucune définition de ce qu’est un stupéfiant n’est proposée dans la convention unique de 1961 qui se contente d’indiquer : « Le terme “stupéfiant” désigne toute substance des Tableaux I et II, qu’elle soit naturelle ou synthétique » (article 1.j). Aucune définition de ce qu’est une substance psychotrope n’est non plus proposée dans la convention unique de 1971 qui se borne à indiquer que « l’expression “substance psychotrope” désigne toute substance, qu’elle soit d’origine naturelle ou synthétique, ou tout produit naturel du Tableau I, II, III ou IV » (article 1.e : UNODC, 2014)[7]. Aussi incohérent cela soit-il, les substances psychotropes que sont les opioïdes, la cocaïne, et les dérivés du cannabis ne sont pas des psychotropes au regard de la convention de 1971.

La dimension juridique du terme « psychotrope » n’aurait donc jamais dû supplanter sa définition scientifique qui repose, elle, sur la catégorisation des principes actifs (chimie) et de leurs actions physiologiques (biologie). Le terme « psychotrope » désigne en effet toute « substance chimique d’origine naturelle ou artificielle, qui a un tropisme psychologique, c’est-à-dire qui est susceptible de modifier l’activité mentale, sans préjuger du type de cette modification »[8] (Richard et Senon, 1999, p. 162).

L’existence des notions de stupéfiant et de psychotrope n’interdit donc pas, bien au contraire, de se pencher sur le concept de drogue. Et ce d’autant plus que la notion de stupéfiant est strictement juridique et sans base scientifique. Quant à « psychotrope », le terme est polysémique (terme juridique erroné, terme biochimique valide, terme médical restrictif). Le recours par le droit aux termes de stupéfiant et de psychotrope est problématique et devrait être abandonné, que ce soit pour des raisons étymologiques ou scientifiques. Le terme « drogue », en revanche, est valide dès lors que l’on peut, comme nous allons le voir, faire correspondre objet, désignation et concept, ce qui n’est pas le cas des stupéfiants qui, paradoxalement, n’intègrent pas les psychotropes. 

La terminologie au coeur du processus définitoire

Pour répondre aux questionnements qui précèdent, nous pouvons recourir à la description de l’objet drogue et à la définition terminologique de son concept de façon inductive en partant de l’objet pour aller vers le concept. En effet, comme tout terme (au sens de signe linguistique spécialisé désignant un concept), celui de drogue se « trouve globalement réduit, de façon plus ou moins implicite, à une relation entre objet, désignation et concept » et c’est par conséquent « toute la question du rapport de la langue au réel qui se trouve ainsi posée » (Depecker, 2002a : §8).

C’est donc grâce à la terminologie, cette discipline linguistique qui a « pour objet l’étude théorique des dénominations des objets ou des concepts utilisés par tel ou tel domaine du savoir »[9], que l’on peut définir le concept de drogue. L’approche terminologique implique en effet de mettre « en correspondance des désignations autour du concept qu’elles désignent » en recourant nécessairement à sa définition (« microsystème composé de caractères du concept décrit » (Depecker, 2002b : §225) : c’est par la définition que la terminologie « peut déterminer que le concept décrit correspond à l’objet visé, et que les désignations renvoient bien à cet objet par l’intermédiaire du concept » (Depecker, 2002a : §12).

Le terme « drogue » est ainsi formé, comme tout terme, « d’une désignation et d’un concept », la désignation étant « un signe linguistique à sens spécialisé » référant à un concept et même à un objet ou une entité (objets, évènements, phénomènes, abstractions) ayant des caractéristiques (« particularités de l’objet auquel correspond le concept décrit dans la définition ») (Depecker, 2002a : §16). Au final, « le terme, élément fondamental de la terminologie, est pris entre la pensée constituée (le concept), la langue (le signe linguistique), le réel (l’objet) » (Depecker, 2002a : §17). L’effort ici entrepris ne vise pas à remettre en question le signe (désignation) « drogue », dont l’usage, certes problématique, est établi, mais à préciser l’objet « drogue » (approche taxonomique) auquel le signe fait référence et à définir le concept de drogue, et ce, afin de « faire la part de ce qui relève du signe, du concept et de l’objet » (Depecker, 2002a : §18).

À la description d’un objet doit donc correspondre la définition d’un concept, le concept s’analysant selon les deux axes de l’intension et de l’extension, c’est-à-dire par l’ensemble des caractères qui constituent un concept (intension) et par l’ensemble des objets auxquels s’applique un concept (extension). Loïc Depecker (2002b : § 50) explique ainsi que « la définition inclut une somme de caractères (intension), et délimite l’ensemble des objets auxquels ceux-ci s’appliquent (extension) ». La question se pose bien sûr de la distinction qui doit être faite, « parmi les caractères d’un concept, entre caractères essentiels, et caractères non essentiels ». Ainsi, « un caractère est considéré comme essentiel s’il est indispensable pour la détermination du concept traité » (Depecker, 2002b : § 66).

Cette contribution à une définition de la drogue a été entreprise selon une approche terminologique et non lexicographique : elle est conceptuelle, pas sémantique. Le but était « d’expliciter le sens d’une unité ou d’un groupe d’unités », à savoir « drogue », en s’attachant au concept davantage qu’au signifié, donc à une dimension désignative ou dénotative davantage que connotative et culturelle (laquelle est problématique puisque de « plus grande richesse sémantique dès lors qu’elle témoigne entre autres de la mentalité, des croyances, des attitudes, des goûts ou des us et coutumes des locuteurs d’une langue ») (Vézina et al., 2009, p. 4-5).

Procédé de définition de « drogue »

Pour définir ce qu’est une drogue, il faut décrire l’objet, ici en l’occurrence un objet matériel, physique (ou plutôt chimique), et définir son ou ses concepts. Un objet peut en effet correspondre à des concepts (et des définitions) différents selon les domaines considérés, physique et chimie pour l’eau par exemple. Il convient donc de déterminer le domaine d’appartenance de la drogue par la description de l’objet et, ce faisant, d’affirmer ou d’infirmer sa réalité matérielle.

Une drogue doit être qualifiée de substance (chimique) et non de corps (physique) et son domaine de définition est donc celui de la chimie[10] : définir la drogue en termes physiques n’aurait que peu de sens. De fait, ce qui caractérise une drogue, ce sont ses effets plus que son aspect ou sa matérialité. Un effet ayant une cause, ce qui caractérise avant tout une drogue est la structure chimique qui détermine son mode d’action et ses effets sur le cerveau de l’usager (psychotrope). Pour décrire l’objet « drogue » et définir le concept de drogue il faut donc préciser leurs caractères essentiels autour des concepts de substance chimique et d’effet. Si la drogue peut être qualifiée de substance chimique, elle doit toutefois aussi être définie dans d’autres domaines que celui de la chimie, notamment, et principalement, celui, connexe, de la biologie (effets, métabolisme, etc.). La biologie permet en effet de déterminer ce qui fait qu’une substance est psychotrope (caractère essentiel extrinsèque), qu’elle ait ou non été consommée (elle existe en soi), et aussi de préciser quels sont les différents types de drogues (caractère non essentiel). Chimie et biologie permettent donc de produire une définition par intension, au vu des caractères essentiels intrinsèques et extrinsèques, et même non essentiels, de « drogue ».

Une définition constitue « un élément fondamental dans l’acquisition et la diffusion de connaissances scientifiques et techniques ». Sa rédaction doit se faire avec méthode et dans le « respect de conventions de base » afin, ainsi que l’expliquent Robwwert Vézina et ses coauteurs (2009, p. 34), « d’éliminer le flou conceptuel qui entoure parfois les termes ». La définition du terme « drogue » proposée ci-après a donc été élaborée en observant les principes et les règles terminologiques exposés par Loïc Depecker (2002a & 2002b) ainsi que par Robert Vézina et ses coauteurs (2009).

Pour mener à bien un processus de définition, il convient en effet de respecter plusieurs principes et notamment ceux de concision, de clarté, d’explicitation et d’adéquation, de substitution (l’incluant permet de remplacer le terme par sa définition), de non-tautologie, de généralisation et d’abstraction. Parmi ces principes, que l’on ne peut pas tous expliciter ici, il convient de prêter une attention particulière à celui d’adéquation qui veut, dès lors que la définition énonce avec précision les caractères essentiels d’un concept, que celle-ci ne s’applique qu’au concept défini et à lui seul (Vézina et al., 2009, p. 12-16).

Il s’est donc agi de déterminer le définisseur initial (qui doit être de même catégorie grammaticale que le terme défini) de « drogue », qui sert à situer le concept à l’étude par rapport aux autres dans un système conceptuel. Qualifier une drogue de substance plutôt que de produit présente l’avantage taxonomique d’opter pour un genre prochain (l’incluant se situe immédiatement au-dessus du défini dans un système conceptuel donné) plutôt que pour un genre éloigné. « Substance » a aussi l’avantage (l’inconvénient diront peut-être certains) de présenter une certaine richesse sémantique dès lors que le mot désigne autant une substance au sens chimique qu’une substance au sens courant de « ce dont un corps est fait » (CNRTL : substance).

Ici, le définisseur initial (substance) est idéal dès lors qu’il est un incluant que l’on peut qualifier d’adéquat pour définir « drogue » : il est de fait un concept générique plus englobant que le concept défini et il influence directement les éléments à énoncer par la suite, notamment le type de substance (cohérence avec le domaine premier de la définition : chimie). Puisqu’elle débute par un incluant (substance) constituant un genre prochain, la définition de « drogue » est dite générique : elle vise à placer le concept dans une classe d’objets, puis à le distinguer des concepts connexes, ici d’autres substances.

Drogue et aliment : psychotrope et nutriment

Il existe bien sûr parmi les substances d’autres concepts, connexes, qu’il convient de distinguer de celui de drogue : particulièrement celui d’aliment, c’est-à-dire toute substance fournissant aux êtres vivants les éléments nécessaires à leur croissance ou à leur conservation (besoins physiologiques ou primaires). Drogue et aliment sont souvent définis par le même définisseur initial, « substance » (voir tableau 1). Il faut ensuite déterminer les caractères dont la somme contribue à définir le concept, donc tout élément de la pensée qui reflète une propriété attribuée à un objet donné et qui sert à en former et à en délimiter le concept. Il importe alors de distinguer d’une part les caractères essentiels des caractères non essentiels et, d’autre part, les caractères intrinsèques des caractères extrinsèques.

Les concepts connexes et de même niveau de généralité[11] de drogue et d’aliment présentent selon cette approche des caractères essentiels qui, nous le verrons en détail plus tard, permettent de les comparer en termes de similitudes et de différences et qui permettent de déterminer que drogue et aliment sont des catégories exclusives : une drogue est une substance psychotrope alors qu’un aliment est une substance nutritive (nutriment). Le principe d’adéquation est donc ici respecté, ainsi que l’indique le test de vérification (X = Y + Z) suivant (Vézina et al., 2009 : 13) qui veut que drogue (X) = substance (Y) + psychotrope (Z).

(1) Toutes les drogues (X : objet représenté par le terme) sont des substances (Y : objets désignés par l’incluant) qui ont comme caractéristiques (Z) d’être ou de comprendre des molécules psychotropes, et (2) toutes les substances (Y) qui ont des caractéristiques psychotropes (Z) sont des drogues (X). Les drogues ne sont pas des aliments (X) parce que ces derniers, bien qu’étant des substances (Z), ont comme caractéristiques d’être ou de comprendre des nutriments[12] (Z) et non des psychotropes (Z). Nulle mention de consommation requise ici dès lors qu’une substance est psychotrope (en tout cas potentiellement) qu’elle soit consommée ou pas. Les définitions de drogue et d’aliment sont dites adéquates dès lors que les deux affirmations (1 et 2) sont vraies et qu’elles permettent d’isoler de façon distinctive les classes des objets auxquelles renvoient les termes (Vézina et al., 2009, p. 13).

Certes, une drogue a en commun avec un aliment de pouvoir être consommée. Mais une drogue se distingue d’un aliment par le fait que sa consommation ne répond pas à des besoins physiologiques ou primaires. On classe ainsi les nutriments en trois catégories (fonctionnels, bâtisseurs, énergétiques) qui n’ont rien en commun (fonction/effet) avec celles des substances psychotropes (dépresseurs, stimulants, perturbateurs : classification de 1991 d’Yves Pélicier et Guy Thuillier (Carcel, 2006, p. 13-14). La biologie renforce d’ailleurs la distinction entre drogue et aliment, une drogue ne remplissant de fonction essentielle (vitale) ni pour les plantes[13] qui les produisent ni pour les humains qui les consomment : ce sont dans leur immense majorité (à au moins une exception près : éthanol) des métabolites secondaires[14] qui sont consommés sans être des nutriments essentiels (protéines, glucides, acides aminés, etc. : métabolites primaires[15]). Ainsi, à la différence des nutriments, une substance psychotrope n’est ni un métabolite primaire ni un élément[16]. Étant toujours (à l’exception de l’éthanol) des métabolites secondaires, les substances psychotropes naturelles ont cette particularité, ce caractère distinctif, quasi définitoire, de n’être nécessaires ni aux organismes qui les produisent (hors éthanol, qui n’est pas un métabolite), ni à ceux qui les consomment. Il convient toutefois de mentionner la création d’innombrables drogues de synthèse (qui, n’étant pas naturelles ou ne l’étant pas entièrement, ne sont donc pas des métabolites), depuis celle, en 1832, de l’hydrate de chloral, la première drogue de synthèse. L’héroïne, drogue semi-synthétique, a quant à elle été synthétisée en 1874 à partir de la morphine.

On le voit, tant du point de vue chimique que biologique, une substance psychotrope n’est pas un nutriment. C’est ce que Louis Lewin (1998, p. 1) écrivait déjà en 1924 dans son ouvrage Phantastica : « Dès le début de notre connaissance de l’homme, nous le voyons consommer des substances sans valeur nutritive, mais prises dans le seul but de produire pendant un certain temps un sentiment de satisfaction, d’aisance et de confort ». Drogue et aliment sont clairement deux concepts connexes de même niveau de généralité dont les intensions et extensions respectives sont mutuellement exclusives (Bailey, 1980 ; Marradi, 1990). Les molécules psychotropes[17] qui font l’intérêt et l’attrait des drogues ne sont pas des nutriments et aucun nutriment n’est une substance psychotrope (un gramme d’éthanol contient toutefois 7 calories, confirmant la spécificité de ce psychotrope).

Tableau 1

Arborescence taxonomique des concepts connexes de drogue et d’aliment

Arborescence taxonomique des concepts connexes de drogue et d’aliment

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Drogue et médicament : vertus curatives de certains psychotropes

Dès lors que la distinction entre drogue et aliment (et psychotrope et nutriment) a été faite et que l’on peut affirmer que drogue et aliment sont des catégories exclusives l’une de l’autre, il convient de distinguer drogue et médicament, cet autre concept connexe dont certaines des caractéristiques essentielles sont communes avec celles de drogue et d’aliment. Le concept de médicament s’applique à nombre d’objets, parmi lesquels figurent certaines drogues (substances psychotropes) : selon l’article L5111-1 du Code de la santé publique français, « on entend par médicament toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines ou animales ». On comprend aisément que certains médicaments (barbituriques, kétamine, etc.) sont des drogues et vice versa.

Nombre de médicaments sont en effet constitués de substances psychotropes, notamment les opioïdes, les dérivés synthétiques de la cocaïne, les cannabinoïdes, et bien sûr les médicaments que la médecine classe en tant que psychotropes (catégorie médicale qui diffère des catégories juridiques et chimiques/biologiques), c’est-à-dire ceux qui permettent de traiter les troubles psychiques : les anxiolytiques, les hypnotiques, les antidépresseurs, les antipsychotiques, les psychostimulants… Mais toutes les substances psychotropes ne sont pas utilisées comme des médicaments et les médicaments ne comprennent bien sûr pas tous des substances psychotropes : si le caractère essentiel d’une drogue est d’être une substance psychotrope, celui d’un médicament est d’être une substance ou composition thérapeutique. Une drogue perturbe le fonctionnement du système nerveux central, un médicament prévient ou agit sur une maladie, l’un n’excluant certes pas l’autre. Une drogue n’est ainsi considérée comme un médicament que lorsqu’elle a des vertus curatives reconnues et acceptées. Le cas des cannabinoïdes est intéressant dès lors que leur potentiel thérapeutique a longtemps été ignoré et même refusé, le statut de stupéfiant du cannabis étant considéré contradictoire avec celui de médicament, à la différence pourtant d’autres drogues qualifiées, elles, et de stupéfiant et de médicament (diacétylmorphine parmi de nombreux autres exemples) en fonction de l’usage et de l’usager.

À ce propos, il convient encore de rappeler que seuls certains usages de certaines drogues sont illégaux, la politique internationale des drogues n’ayant « jamais eu pour but d’interdire les drogues, mais celui de limiter leur offre aux seuls usages médicaux et scientifiques » et que « la distinction entre drogues licites et drogues illicites ne repose pas sur les propriétés des substances, mais sur les conditions sociales de leurs usages » (Dudouet, 2009). Il n’y a donc pas à proprement parler de drogues illégales et de drogues légales, mais des usages légaux et illégaux de drogues et même de médicaments.

La définition de drogue ne doit pas souffrir d’a priori moraux, politiques, sociaux et juridiques

Le terme drogue est donc défini ici (substance psychotrope), à l’aune de ses caractères essentiels, et hors dimensions juridiques ou morales (ou addictives) dès lors que celles-ci n’ont pas lieu d’être. En effet, conceptuellement, une drogue ne peut pas être définie par son illégalité ou même son immoralité dès lors que celles-ci n’appartiennent pas aux intensions du concept de drogue, mais à ses extensions : s’il existe des drogues dites légales et illégales, l’illégalité, caractère non essentiel et clairement non intrinsèque, ne peut être un critère définitoire de la drogue. Aucun critère moral, politique, social ou même juridique ne peut donc entrer dans une définition de la drogue sans remettre en question le principe d’adéquation des définitions par intension, légalité et moralité n’étant pas des caractères de l’objet drogue.

En revanche, dans le cadre d’une définition par extension, il est possible de mentionner des drogues (certaines, pas toutes, ce qui compromet justement le principe d’adéquation) dont la consommation est considérée comme amorale, ou dont la production, le commerce et la consommation sont sujets à des restrictions juridiques et font l’objet de politiques et d’actions d’interdiction. En effet, la façon dont quelque objet que ce soit, drogue y compris, est considéré selon des critères socioculturels donnés participe de caractères non essentiels extrinsèques et ne constitue pas un caractère essentiel intrinsèque (caractère de nature descriptive qui est inhérent à un objet : Vézina et al., 2009, p. 35) de définition de l’objet en question, ce qui contrevient à la définition de la drogue en tant que catégorie sociale.

De la même façon, si les classifications des drogues en fonction de leur dangerosité et des facteurs conditionnant celle-ci peuvent tout à fait être pertinentes, elles n’en relèvent pas moins de définitions par extension et non par intension et ne permettent pas à ce titre de définir « drogue » de manière générique : aussi pertinents et utiles soient-ils, les critères retenus par exemple par le rapport Roques (dépendance physique, dépendance psychique, neurotoxicité, toxicité générale, dangerosité sociale : Roques et al., 1998) ne constituent en effet pas des caractères intrinsèques, mais des caractères extrinsèques qui permettent de distinguer différents types de drogues d’un point de vue pharmacologique (médicaments), biologique, social, davantage que chimique. L’addiction n’est donc bien sûr pas non plus un caractère essentiel de la drogue (ce qui pose la question de la pertinence de la notion de « drogué(e) »).

Le fait que la définition d’un terme se fasse par intension et non par extension implique logiquement que l’objet drogue doive être distingué des usages et des représentations qui en sont faits, mais aussi des addictions aux drogues. C’est d’ailleurs ce que la complexification du rapport usager-produit (das Neves Ribeiro, 2018) par la prise en compte interactionniste de l’environnement de l’usager, opérée dès 1938 par le sociologue Alfred R. Lindesmith, puis par Howard Becker (1963), impliquait en tranchant avec l’approche pharmacologique qui attribuait aux « seules propriétés de la substance le pouvoir de contraindre les conduites » (Ogien, 1992, p. 64). Mais les sociologies dites de la drogue étant en fait des sociologies de la production, des échanges et des usages des drogues, et notamment des conduites addictives et des logiques et représentations sociales qui sous-tendent ces conduites, elles évacuent trop souvent la question de la définition de ce qu’est une drogue en qualifiant l’objet drogue de catégorie sociale sans en proposer de définition, voire en niant qu’une définition scientifique soit possible (Becker, 2001, p. 11-20). L’absence de définition permet une confusion terminologique et notamment la confusion entre la drogue, substance psychotrope (et non catégorie sociale), et l’addiction, phénomène ne pouvant être restreint à l’expression généralisante de « la drogue » (catégorie sociale). L’addiction n’est en effet pas un caractère essentiel de la drogue (nombre d’addictions se développent sans substance psychotrope) et elle ne peut donc pas la définir : c’est ce qu’une définition scientifique et terminologique de la drogue permet de mettre en évidence et qui confirme le bien-fondé de l’approche interactionniste. Les termes de drogue, de stupéfiant, d’aliment, de médicament, bénéficient donc à faire l’objet de processus de désignation plutôt que d’évaluation : il importe de les définir en faisant correspondre objet, désignation, et concept.

Nombre d’auteurs font en effet référence aux désignations et aux représentations des objets plus qu’aux objets eux-mêmes, assimilant les substances (ou produits) à leurs usages. Il est par exemple incorrect d’affirmer que la drogue est une « catégorie sociale » et non une « catégorie scientifique », que des drogues « deviennent des médicaments » et vice versa, ou encore que des drogues sont des aliments (Becker, 2001). Comme nous l’avons vu, certaines drogues sont qualifiées de médicaments et utilisées comme tels pour leurs vertus curatives, mais elles n’en restent pas moins des drogues. Et, par définition, drogue et aliment, ou substance psychotrope et nutriment sont intrinsèquement différents. De telles comparaisons ne résistent pas au distinguo objet/désignation/concept et aux définitions qui les sous-tendent.

Ainsi que les conceptions et définitions de la drogue susmentionnées en témoignent, le concept de drogue pâtit donc toujours de la confusion qui existe entre désignation, objet et concept, le manque de processus définitoire et éventuellement de positionnement philosophique (nominalisme, réalisme, etc.) laissant nombre d’auteurs enfermés dans un flou sémantique et conceptuel, loin du réalisme scientifique qui s’impose pourtant.

Conclusion : définition scientifique de « drogue »

Il ressort de ce qui précède que le terme « drogue » peut bel et bien être défini scientifiquement, en l’occurrence par le recours à une classification taxonomique résultant d’un raisonnement par induction et aboutissant à l’élaboration d’une définition terminologique par intension : « Drogue (chimie, biologie) : substance psychotrope (qui provoque des effets en perturbant le fonctionnement du système nerveux central des organismes vivants) ». Cette définition concise respecte notamment les principes de clarté, d’adéquation, et de substitution (la définition peut remplacer le terme sans aucune ambiguïté) qui font le bien-fondé et la rigueur d’une définition.

À cette définition par intension correspond une grande extension, la somme des caractères susmentionnés (intension) délimitant un ensemble large et varié de drogues auxquels ils s’appliquent (extension). Il existe ainsi une multitude de drogues, d’origines diverses et aux effets variés (mais tous psychotropes) selon que la drogue considérée appartient aux dépresseurs du système nerveux central (alcool, analgésiques (dont opioïdes), hypnotiques, neuroleptiques), aux stimulants (café, tabac, amphétamines, cocaïne, ecstasy, antidépresseurs…), ou aux perturbateurs (cannabis, solvants, LSD, champignons hallucinogènes, kétamine…). La complexité apparente du concept de drogue, qui fait parfois penser qu’il n’en existe aucune définition scientifique, impose donc que la définition élaborée susmentionnée soutienne la version concise suivante : substance psychotrope.

In fine, pourquoi avoir cherché à valider une définition de la drogue ? Par souci de précision terminologique, par souci de faire correspondre objet, désignation, et concept, par souci de cohérence scientifique et taxonomique, par souci, enfin, de dédiabolisation d’un objet et de sa désignation (drogue définie hors valeurs morales, critères juridiques ou même de dangerosité ou de santé publique) : en effet, aucune drogue n’est problématique en soi, seuls certains usages peuvent l’être (comme montré par la sociologie interactionniste). D’où l’intérêt de bien distinguer la drogue, substance psychotrope, de ses phénomènes de consommation et de ses représentations.

Glossaire

Principalement d’après Depecker, 2002a et 2002b, et Vézina et al., 2009.

Caractère distinctif : Caractère essentiel qui permet de distinguer un concept de ceux qui lui sont proches.

Caractère essentiel : Qui est indispensable pour la détermination du concept traité.

Caractère intrinsèque : Propre à l’objet et y est irréductible, comme, le plus souvent, sa matière, sa constitution, etc.

Caractère extrinsèque : Généralement plus aléatoire qu’un caractère intrinsèque, et éventuellement variable, comme la couleur, la texture, la fonction, etc.

Concept : Unité structurée de pensée par laquelle nous nous formons une connaissance du réel, qui revêt uniquement une dimension désignative ou dénotative.

Connotatif : Un sème (unité minimale de signification) connotatif détermine le sens d’un signe de façon relativement instable, virtuelle, situationnelle, voire individuelle, en évoquant des images et des représentations structurées dans et par la langue, la société, les individus.

Dénotatif : Un sème dénotatif détermine le sens d’un signe de façon stable en renvoyant généralement à un référent relativement situable.

Définition : Énoncé linguistique qui consiste à déterminer les limites et le contenu d’un concept en le décrivant et en permettant de le situer dans un système conceptuel. L’action de définir vise à déterminer par une formule précise l’ensemble des caractères qui appartiennent à un concept.

Définition lexicographique : Vise à décrire le ou les sens (signifié) d’une unité lexicale, un signifié comportant souvent une dimension connotative et culturelle qui lui confère une certaine richesse sémantique.

Définition terminologique : S’attache à décrire, à énoncer un concept désigné par un terme, à le caractériser par rapport à d’autres concepts à l’intérieur d’un système organisé appelé système conceptuel.

Désignation : Signe linguistique à sens spécialisé référant à un concept et même à un objet ou une entité.

Extension : Un des deux axes de définition d’un concept, réunissant l’ensemble des objets auxquels s’applique un concept. La distinction entre extension et intension est une forme moderne de celle qui avait été établie par la logique classique, et exprimée comme une opposition entre extension (ou « étendue ») et compréhension dans La logique ou l’art de penser (ou la Logique de Port-Royal) d’Antoine Arnauld et Pierre Nicole (1662). La distinction entre extension et compréhension a ensuite, semble-t-il, été relayée par celle qui fut introduite par Stuart Mill entre connotation et dénotation pour qui « le mot blanc dénote toutes les choses blanches » et « connote l’attribut blancheur. »

Intension : Un des deux axes de définition d’un concept, réunissant l’ensemble des caractères qui le constituent.

Principe d’adéquation : Principe qui veut, dès lors que la définition énonce avec précision les caractères essentiels d’un concept, que celle-ci ne s’applique qu’au concept défini et à lui seul.

Principe de substitution : Principe qui veut que l’incluant puisse remplacer le terme par sa définition.

Objet : Terme utilisé en terminologie pour désigner un objet entendu au sens large (chose, entité, phénomène).

Terme : Réunit désignation et concept, renvoie à un objet. Indissociable d’un concept. À tendance monosémique (ou monosémantique) et monoréférentielle : dans son domaine propre (technique ou scientifique), c’est-à-dire dans un domaine de spécialité, une nomenclature, un terme n’a qu’un seul sens ou en tout cas un sens spécialisé restreint. Se distingue du mot (dont il n’existe pas de définition linguistique), à tendance polysémique et pluriréférentielle, non lié à une nomenclature.