Corps de l’article

Avant l’apparition de la pandémie COVID-19, 16 % des ménages canadiens déclaraient déjà vivre en situation de précarité alimentaire (Institut Vanier de la famille 2019). Bien qu’aucune donnée précise ne soit disponible concernant la situation dans les communautés autochtones du Canada depuis mars 2020, on sait que l’insécurité alimentaire touchait, avant l’arrivée du premier variant de la COVID-19, plus de 26 % de la population autochtone (Institut Vanier de la famille 2014). Les communautés atikamekw du Québec n’échappent pas à cette réalité. En 2008, l’enquête de la Commission de la santé et des services sociaux des Premières Nations du Québec et du Labrador révèle que 34 % des adultes et 39 % des enfants atikamekw des trois communautés (Manawan, Wemotaci et Opitciwan) vivaient en situation de précarité alimentaire (CSSSPNQL 2008a et 2013). Consciente des défis d’accès à une alimentation saine et des conséquences de l’insécurité alimentaire sur la santé et le bien-être des individus, la communauté d’Opitciwan[1] (Obedjiwan) travaille sur la mise en place d’un système alimentaire territorialisé[2]. La pandémie de Covid-19 a accentué les défis en matière de sécurité alimentaire pour les autorités de la communauté. Elles ont décidé d’y faire face en implantant des projets agroalimentaires. L’agriculture ne faisant pas partie des activités traditionnelles des Atikamekw d’Opitciwan, elles ont fait appel à l’expertise extérieure du Centre d’innovation sociale en agriculture (CISA. Voir : <https://www.cisainnovation.com/>) du Cégep de Victoriaville. Le Centre accompagne et dirige depuis 2017 des projets de recherche-action visant à cocréer, avec les partenaires du terrain, des solutions novatrices dans les secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire.

Le présent article s’intéresse aux projets de recherche-action menés durant les quatre dernières années dans la communauté atikamekw d’Opitciwan. Plus précisément, il s’intéresse à la collaboration entre les partenaires de la communauté et le CISA. Cette collaboration a pour objectif le développement d’un modèle de souveraineté alimentaire reposant sur les savoir-faire atikamekw, au sein d’une démarche participative et inclusive. Cette démarche met ainsi à profit l’intelligence collective pour générer des résultats concrets. Au total, à travers cette collaboration, sept scénarios de production agroalimentaire ont été expérimentés. L’objectif est, d’une part, de contrer les effets pervers de l’insécurité alimentaire en y développant de nouvelles stratégies agroalimentaires et, d’autre part, de déterminer les facteurs de participation de la communauté afin de coconstruire des projets durables et culturellement adaptés. Une question émerge : quels éléments influencent la participation des membres de la communauté aux projets de jardin ?

Nous débuterons cet article avec une présentation du programme de recherche qui se développe depuis maintenant trois ans (nous entamons une quatrième année en 2022). Ce programme à long terme nécessite la présence récurrente des chercheures sur le terrain, qui permet l’émergence d’un lien de confiance entre les membres de la communauté et le CISA. Ce lien se traduit par l’adoption d’une approche nouvelle, nommée agriculturelle, qui favorise la collaboration entre les partenaires autochtones et allochtones. Précédemment à la description du projet, une mise en contexte de l’alimentation chez les Atikamekw d’Opitciwan sera présentée afin de dégager quelques éléments culturels nécessaires à l’émergence d’un modèle de souveraineté alimentaire, concept clé de notre démarche en recherche-action participative. Finalement, nous conclurons par une discussion sur la nécessité de comprendre les facteurs ontologiques pouvant influencer la participation citoyenne aux projets de jardin dans le développement agroalimentaire à Opitciwan.

Figure 1

La Fête des récoltes 2019

La Fête des récoltes 2019

Des jardiniers et jardinières se réunissent au jardin communautaire pour récolter leur parcelle

Photo prise par une chercheure du CISA

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Alimentation chez les Atikamekw d’Opitciwan : défis et culture

Ces dernières décennies, l’alimentation dans les communautés des Premières Nations au Québec est passée d’une alimentation traditionnelle riche et symbolique (chasse, pêche, cueillette) à une alimentation composée d’aliments transformés (INSPQ 2020). Ce changement de ressources alimentaires a entraîné nombre de conséquences, dont une augmentation considérable du diabète chez les communautés autochtones qui sont trois fois plus touchées que les allochtones au Québec (CSSSPNQL 2008b et 2013). Aujourd’hui, à Opitciwan, les produits surgelés, les plats à réchauffer, les conserves et les aliments frits sont très populaires, particulièrement auprès des jeunes générations, et la proportion d’aliments frais qu’offre l’épicerie est faible, onéreuse et peu diversifiée (Parent 2020). La livraison de produits frais (fruits et légumes) ne s’effectuant qu’une fois par semaine en raison de l’éloignement géographique, les aliments perdent bien souvent leur fraîcheur et leur appétence avant l’approvisionnement suivant. Le manque de diversité de ces produits résulte aussi de la faible demande de la communauté (Parent 2020).

Subséquentes à la colonisation, les inégalités sociales et sanitaires persistent dans les communautés autochtones et alimentent une pauvreté intergénérationnelle[3], une mauvaise santé physique et mentale, une prolifération de maladies infectieuses non transmissibles, une espérance de vie plus courte et un accès inadéquat aux soins de santé (Allan et Smylie 2015 ; Braveman et al. 2011 ; Power et al. 2020). Ayant subi plusieurs bouleversements sociaux et environnementaux à travers leur histoire (barrage, relocalisation, chemin de fer, convoitise en ressources forestières, minières et énergétiques), les Atikamekw se sont longtemps trouvés dans une situation d’instabilité sociale et économique (Allan et Smylie 2015 ; Braveman et al. 2011 ; Power et al. 2020). Chez les Atikamekw d’Opitciwan, la sédentarisation et l’intégration à l’économie de marché ont fait basculer l’alimentation et ont contribué à accentuer les disparités sociales et l’insécurité alimentaire (Ford et Berrang-Ford 2009).

L’alimentation traditionnelle chez les Atikamekw d’Opitciwan

À Opitciwan, malgré les transformations dans les habitudes de vie et l’alimentation, les activités traditionnelles telles que la chasse, la pêche et la cueillette de bleuets ou de plantes médicinales, demeurent pratiquées par une partie de la population (INSPQ 2020 ; Parent 2020) et agissent comme stratégie alternative au système alimentaire conventionnel défaillant. Au cours des années, les modes de consommation et de conservation des aliments ont évolué grâce aux technologies de réfrigération et de congélation de la viande, mais le partage demeure toujours central aux activités traditionnelles. Effectivement, avant l’arrivée des innovations technologiques, le gibier devait être consommé rapidement afin d’éviter les pertes. Ainsi, les ressources étaient partagées et un participant au projet le verbalise parfaitement : « Quand quelqu’un allait tuer un orignal pi il arrivait en canot, l’autre il disait “heille il a tué un orignal” tout le monde y allait pi ça partageait » (Parent et al. 2020). Toutes les parties comestibles de l’animal étaient consommées (ex. : coeur, rognons, foie, langue et museau de l’orignal). Les pertes étaient rares et à éviter (Parent et al. 2020).

Malgré la possibilité de congélation de l’animal à des fins individuelles, la distribution de la nourriture fonctionne encore aujourd’hui sur l’échange et la réciprocité, et ces échanges dépassent les liens familiaux (amis et amies, collègues de travail, etc.) (Parent et al. 2020). Le partage de la viande et du poisson avec les aînés et aînées et les autres familles est d’ailleurs toujours très répandu dans les communautés, un orignal pouvant être partagé entre douze familles (Tanguay 2010). Ce partage d’aliments permet bien évidemment de renforcer les liens sociaux et familiaux dans la communauté, mais permet aussi de créer un filet de sécurité sur le plan alimentaire (Tanguay 2010). On retrouve aussi ce modèle d’échange informel par la vente ou le partage de repas en dehors des sentiers conventionnels commerciaux. Que ce soit par la plateforme Facebook ou directement par des affiches placardées aux fenêtres de leur maison, des membres de la communauté annoncent différents produits ou plats à vendre ou à donner (Parent et al. 2020). Cette pratique fréquente de vente et d’échanges informels de nourriture dans la communauté est une stratégie développée afin de contrer le manque de ressources alimentaires (Parent et al. 2020)[4].

Vers une souveraineté alimentaire signée Opitciwan

Mise en contexte : la situation du système alimentaire à Opitciwan

L’alimentation du marché demeure à Opitciwan une source d’insécurité constante malgré les initiatives de partage des produits de la chasse. L’éloignement géographique est à considérer comme facteur de limitation à une saine alimentation et cause, entre autres, l’échec d’un système alimentaire convenable (Avard 2015). Les membres de la communauté doivent parcourir un chemin de terre de 165 kms pour parvenir à la route goudronnée la plus proche, un éloignement qui crée une augmentation des prix des aliments dans la communauté, en moyenne 33 % supérieure aux prix observés dans les villes les plus proches (Nikaniw 2017). Tout comme les communautés inuites situées dans le Grand Nord, le transport onéreux de la marchandise alimentaire entraîne une augmentation du coût environnemental et du coût des aliments (Avard 2015). La conservation des aliments frais, en particulier des fruits et des légumes, est un défi hebdomadaire. De même, le risque de pénurie alimentaire observé à Opitciwan durant la pandémie où, tel que mentionné par un membre de la communauté, le seul magasin alimentaire était fermé durant de nombreuses semaines, entraîne une insécurité considérable. Les faibles revenus des ménages, jumelés aux prix élevés des aliments qui parcourent de nombreux kilomètres, restreignent l’accessibilité à une saine alimentation. Ces difficultés ont un impact tangible sur la santé des Atikamekw et influent sur les habitudes de vie des communautés (CSSSPNQL 2008b et 2013). Les enfants et les adultes des trois communautés atikamekw consomment fréquemment des aliments à calories vides tels que des boissons gazeuses, des sucreries et des mets de type restaurant-minute (CSSSPNQL 2008a et 2013). La consommation régulière de ces produits vides en nutriments essentiels entraîne de nombreux effets négatifs sur la santé dont l’obésité, le diabète, les maladies du coeur et l’hypertension (CSSSPNQL 2008a et 2013). En 2013, 62 % des enfants dans les trois communautés atikamekw présentaient un surpoids ou souffraient d’obésité (CSSSPNQL 2008a et 2013).

Figure 2

L’alimentation traditionnelle des Atikamekw d’Opitciwan

L’alimentation traditionnelle des Atikamekw d’Opitciwan

Une femme dépèce un lièvre trappé devant son fils qui l’observe attentivement

Photo prise par une chercheure du CISA

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Malgré ce portrait alarmant, certaines personnes ont mentionné, lors d’entrevues menées à l’été 2019 dans la communauté, avoir intégré davantage d’aliments frais à leur alimentation dans les dernières années, notamment en réponse à certains diagnostics médicaux. Une participante mentionne que son alimentation a changé à la suite de la venue d’une nutritionniste dans la communauté quelques années auparavant :

Au début j’étais pas comme ça… quand qu’il y a eu le changement ici avec la nutritionniste, j’ai beaucoup appris là-dessus, comment est-ce que j’allais faire ma cuisine, parce qu’au début c’était vraiment des patates, mais depuis un bon bout, j’ai fait la découverte d’autres légumes comme les, des courges […] faire des soupes, des potages, j’ai beaucoup appris.

Parent et al. 2021

Un autre participant fait part de l’évolution de son alimentation, mais aussi des barrières financières d’accès aux aliments frais et nutritifs :

J’essaie depuis plusieurs années d’avoir une alimentation saine. Moins de viande rouge. […] Du poulet par exemple j’en mange. C’est bon. Selon les nutritionnistes c’est bon. J’essaie aussi de manger plus de poissons quand j’ai l’occasion j’en achète aussi en ville. Du saumon pi d’autres sortes. Et du doré. […]. Des légumes également. Le plus varié, le plus varié possible, mais c’est cher, ça coûte cher.

Parent et al. 2021

Ainsi, avant la mise en place de projets agroalimentaires dans la communauté en 2019, des aliments frais étaient déjà intégrés dans les habitudes alimentaires de certains et certaines membres de la communauté d’Opitciwan.

Il va sans dire que depuis mars 2020, la pandémie de COVID-19 a entraîné des répercussions importantes sur le système alimentaire québécois, comme ailleurs dans le monde (Polsky et Gilmour 2020). Les groupes plus vulnérables au Canada n’ont pas été épargnés des conséquences subséquentes au virus (Plante et al. 2021). Bien que nous ne disposions pas encore de données pour les différentes communautés autochtones au Québec étant donné la nouveauté de la situation, nous pouvons émettre l’hypothèse que les systèmes alimentaires des Premières Nations ont été davantage fragilisés que ceux de la population allochtone en raison de leur instabilité pré-COVID (Avard 2015 ; Lamalice 2016 ; Zavaleta-Cortijo et al. 2020). C’est donc dans ce contexte que des membres de la communauté d’Opitciwan ont décidé d’intervenir et de développer des alternatives au système alimentaire actuel.

Sécurité et souveraineté alimentaire : le cas d’Opitciwan

Un survol de la situation alimentaire au Canada, principal producteur et fournisseur d’aliments au monde avec une autosuffisance nationale globale estimée à plus de 70 % (Wakefield et al. 2015), est nécessaire afin de contextualiser le cas d’Opitciwan. En 2008, 34 % des adultes et 39 % des enfants atikamekw des trois communautés du Québec et du Labrador étaient en situation de précarité alimentaire. (CSSSPNQL 2008a et 2013). Les impacts de cette insécurité alimentaire chez ces populations sont alarmants pour leur santé physique et mentale. En effet, la prévalence des systèmes alimentaires industrialisés accentue l’accessibilité à des aliments pauvres en nutriments qui créent des problèmes de santé devenant de plus en plus globalisés (pensons notamment au diabète et à l’obésité dans le cas d’Opitciwan) (Wakefield et al. 2015). La sécurité alimentaire est définie en 1974 durant la World Food Conference comme étant l’accès « […] à tout moment des approvisionnements alimentaires mondiaux suffisants en denrées alimentaires de base pour soutenir une expansion constante de la consommation alimentaire et pour compenser les fluctuations de la production et des prix » (Organisation des Nations Unies 1975). La mise à disposition des aliments nutritionnels est considérée comme un élément central à une bonne santé et est essentiel à la vie et à la croissance (Wakefield et al. 2015). Au cours des années, cette définition a été retravaillée pour y intégrer les questions économiques et physiques d’accès à la nourriture puisque, malgré la disponibilité alimentaire, la distribution des aliments à ceux et celles qui se trouvent en situation de précarité était incomplète (Wakefield et al. 2015). Durant ces dernières années, plusieurs redéfinitions de la sécurité alimentaire ont été émises par de nombreux organismes internationaux et chercheurs et chercheures (Anderson et Cook 1999 ; Hamm et Bellows 2003). Hamm et Bellows ont proposé des ajouts à la définition initiale et ont articulé le concept de sécurité alimentaire communautaire (community food security) (Hamm et Bellows 2003). Le problème de sécurité alimentaire est ici analysé d’un point de vue holistique et intègre la dimension culturelle de l’alimentation dans certaines communautés (Lutz et al. 2007).

Percevant les échecs successifs de ces définitions sur la sécurité alimentaire et l’échec du système alimentaire présent dans la communauté, les autorités d’Opitciwan ont décidé de construire un système parallèle d’alimentation afin de contrer les déficiences du modèle actuel. Cette décision s’inscrit dans un besoin d’autogouvernance et de décolonisation pour atteindre une souveraineté alimentaire, concept complémentaire à la sécurité alimentaire. La souveraineté alimentaire est un concept qui émerge vers la fin des années 1980, période de libéralisation croissante des échanges commerciaux internationaux où les agriculteurs et agricultrices décident de se mobiliser afin de faire valoir leurs intérêts (Hrabanski 2011). La souveraineté alimentaire sera au courant des années redéfinie et appropriée par diverses communautés transnationales (Ibid. 2011). La souveraineté alimentaire vise à renforcer la communauté, les moyens de subsistance et la durabilité sociale et environnementale à travers les étapes de production, de distribution et de consommation d’aliments nutritifs et culturellement appropriés (Desmarais et Wittman 2014). Elle est, dès lors, plus holistique que la sécurité alimentaire, puisqu’elle place en son centre la nourriture et les réseaux de relation qui la relie depuis la production, distribution et consommation (Ibid. 2014). Dans un contexte autochtone (et dans le cas d’Opitciwan), cette notion holistique renvoie au territoire, à la culture, à l’identité et à la gouvernance (Ray et al. 2019). La souveraineté alimentaire autochtone (Indigenous Food Sovereignty – IFS) est un concept « qui incarne l'importance de la capacité des peuples autochtones à contrôler leurs systèmes alimentaires, y compris les marchés, les modes de production, les cultures et les environnements ») (Ray et al. 2019). Il met en exergue le territoire et les pratiques alimentaires traditionnelles d’avant la colonisation. Le territoire constitue une source importante de ressources pour la survie des peuples autochtones (Ray et al. 2019). Sa dépossession et son aliénation compromettent les moyens de subsistance. De même, la perturbation des réseaux traditionnels de connaissances des aliments et du territoire entraîne un dépérissement de la santé populationnelle, et d’un même coup de traits culturels traditionnels (Ray et al. 2019 ; Desmarais et Wittman 2014).

La souveraineté alimentaire autochtone s’inscrit donc dans un courant de gouvernance des communautés de leur propre système alimentaire, incluant les modes de production en respect à la culture et à l’environnement, et s’opère dans un mode de pensée holiste de la nourriture. Cette approche reconnaît les impacts négatifs du colonialisme sur la relation au territoire et à l’alimentation, et vise à décoloniser ces rapports afin d’accéder à une gestion alimentaire respectueuse du territoire et des individus. Évidemment, une conceptualisation universelle du concept de souveraineté alimentaire est incessamment remise en question en raison de la diversité de communautés à travers le Canada qui s’approprient sa définition (Desmarais et Wittman 2014). Dans le cadre de cette recherche, une redéfinition constante de notre compréhension du concept ainsi que de la définition qu’en donnent les membres de la communauté est nécessaire afin de respecter l’objectif d’autogouvernance et de décolonisation du système alimentaire à Opitciwan.

En conclusion de cette mise en contexte alimentaire, la culture, l’alimentation et la santé sont, chez les Atikamekw, inextricablement liées au territoire (Basile et al. 2017) et c’est dans un désir de souveraineté alimentaire que la communauté a fait appel à l’expertise du CISA en agriculture afin de développer un modèle alternatif de production alimentaire. La compréhension des facteurs culturels sur l’alimentation chez les Atikamekw par l’intermédiaire d’activités de recherche-action participatives se trouve à la base d’une relation de confiance entre les partenaires du projet et a permis le développement d’une approche mise en place par le CISA, soit l’approche agriculturelle.

Figure 3

Les activités de recherche-action

Les activités de recherche-action

Les deux chargées de projet animent un atelier de salade de fruits avec les jeunes de l’école

Photo prise par une chercheure du CISA

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Vers une approche agriculturelle : réflexion sur la méthodologie employée

Les activités de recherche-action réalisées entre 2018 et 2021 par le CISA et la communauté d’Opitciwan ont permis l’émergence d’une solide collaboration. Au cours du volet recherche, des données qualitatives ont été recueillies. Des ateliers de collectes de données[5], des entrevues semi-dirigées, des groupes de discussion (formels, informels et écrits ; conversation « Messenger »[6] liée à la page Facebook du jardin communautaire (voir : <https://www.facebook.com/jardinmiroaski>) et un documentaire vidéo (voir : <https://www.youtube.com/watch?v=FsHmjr_kbbo&t=2s>) ont été conduits avec divers groupes de la communauté (voir tab. 2). Depuis 2018, sept projets pour le volet action ont été sélectionnés et mis en place en fonction des désirs de la communauté (voir tab. 1).

Tableau 1

Scénarios agroalimentaires à Opitciwan

Scénarios agroalimentaires à Opitciwan

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Afin de recueillir ces informations nécessaires à la création d’un modèle de souveraineté alimentaire, une relation de confiance devait s’établir entre les chercheures présentes sur place et les membres de la communauté. Cette relation de confiance, jumelée aux activités de recherche, a permis de déterminer et de comprendre certains traits culturels atikamekw nécessaires à l’émergence de projets de jardins. Notre démarche est donc triple et nous en sommes aujourd’hui à l’élaboration de la troisième étape. Dans un premier temps, la compréhension des traits culturels atikamekw et leur analyse, facilitées par l’émergence d’une relation de confiance entre les partenaires, ont permis la cocréation d’activités de recherche et éducatives. Ces dernières s’appuyaient dans un second temps sur la méthode de la recherche-action participative (Gélineau et al. 2012), méthode privilégiée pour toutes les étapes du projet. À travers la réalisation de nos projets, nous avons constaté certaines limites à l’application de notre méthodologie. Leur analyse permet une réflexion sur notre méthodologie et ouvre la voie à une nouvelle approche développée par le CISA, l’approche agriculturelle, qui permettra l’élaboration d’un modèle agricole atikamekw répondant à l’objectif de souveraineté alimentaire.

Tous ces jardins se situent dans la communauté, chez les partenaires responsables. Le jardin communautaire Miro Aski se situe à l’entrée de la communauté, à une centaine de mètres de la première maison de la communauté. Il comprend deux sections : un jardin communautaire, où les jardiniers et jardinières récoltent légumes et fruits sur leur parcelle individuelle, ainsi qu’un jardin collectif nommé Sécurité alimentaire, destiné à la récolte de légumes divers à des fins de distribution aux membres les plus démunis de la communauté.

Une relation de confiance développée sur le temps

Opitciwan se situant à plus de dix heures de route du CISA à Victoriaville, plusieurs séjours prolongés de collecte de données ont été nécessaires afin de recueillir suffisamment de données. Ces séjours prolongés dans le temps ont permis de solidifier la relation avec la communauté. Les participants et participantes rencontrés par l’équipe de recherche étaient composés d’une variété de personnes volontaires, dont des dirigeants et dirigeantes communautaires des représentants et représentantes des différents services (Centre de la Petite Enfance, épicerie, école, etc.). Ces échanges sur le long terme ont permis d’explorer les possibilités d’un système agroalimentaire à Opitciwan. L’équipe du CISA présente sur place était composée, de manière paritaire, d’étudiantes formées en anthropologie à l’Université Laval et à l’Université de Montréal, ainsi qu’en Gestion et technologies d’entreprise agricole (GTEA) au Cégep de Victoriaville. L’équipe était formée de quatre personnes la première année (2018-2019) et de deux personnes la deuxième (2019-2020) et la troisième année (2020-2021). Celles-ci supervisaient l’entretien des jardins et assuraient le transfert de connaissances directement (volet action) à la population d’Opitciwan. Leur rôle était aussi de compléter la collecte de données en sciences sociales (volet recherche) par des entrevues et des groupes de discussion. Les étudiantes ont assuré presque quotidiennement une permanence au jardin communautaire et ont animé des ateliers agroalimentaires. Plusieurs étudiantes ont séjourné à Opitciwan plus d’un été, ce qui a considérablement favorisé l’émergence d’une relation d’amitié entre les membres de la communauté et les chercheures. Lors d’une entrevue menée en 2021, une participante mentionne que le départ des chercheures à l’automne 2020 s’est fait grandement ressentir par les gens de la communauté, corroborant la forte relation d’amitié. L’équipe sur place était portée par les chargées de projet du CISA basées à Victoriaville qui visitaient au minimum trois fois par année la communauté d’Opitciwan, assurant ainsi une continuité et un support constant à la communauté.

La COVID-19 : un frein à la collaboration ?

La pandémie de la COVID-19 et les mesures sanitaires décrétées tôt au printemps 2020, alors que la planification et la logistique agroalimentaire de l’été à venir se concrétisaient, auraient pu altérer le partenariat entre la communauté d’Opitciwan et l’équipe du CISA. La situation sanitaire a rendu incertaine la présence du CISA sur le terrain pour la saison 2020. Face aux restrictions d’accès au territoire décrétées en mars 2020, le comité des mesures d’urgence (CMU) de la communauté a dû évaluer la pertinence de la présence de l’équipe pour la saison. Néanmoins, la pandémie ayant exacerbé la crise alimentaire à Opitciwan, les jardins sont apparus comme une solution partielle à ce problème. Le comité a ainsi pris position et affirmé que les étudiantes du CISA étaient des travailleuses essentielles. Celles-ci ont alors accepté de se soumettre aux différentes mesures préalables à leur arrivée, à savoir s’isoler dans les jours précédant leur venue et passer un test de dépistage de la COVID-19. Ces deux membres de l’équipe ont donc eu la chance de se rendre sur les lieux en cette période d’urgence sanitaire.

Ces difficultés auraient pu nuire à la collaboration entre le CISA et la communauté d’Opitciwan, mais cette dernière s’est au contraire renforcée. Les échanges et l’accompagnement avec les chargées de projet, bien qu’à distance, ont été maintenus. Les membres de la communauté ont montré une confiance et un intérêt grandissant pour les projets par une prise en charge de leur gestion et de leur coordination. À titre d’exemple, la distribution des légumes dans la section Sécurité alimentaire du jardin communautaire est réalisée par une participante qui implique, année après année, des bénévoles afin de récolter puis de partager les légumes aux membres de la communauté qui sont plus défavorisés. Également, à la suite du départ des chercheures en août 2021, trois jardiniers et jardinières se sont entraidés afin de poursuivre les activités d’arrosage de la section Sécurité alimentaire. Chaque année, nous observons de nouvelles initiatives des jardiniers et jardinières qui sont de plus en plus à l’aise dans leur connaissance de la gestion d’un jardin.

Un lien de confiance s’est développé entre les jardiniers et jardinières et les étudiantes ayant séjourné dans la communauté pendant trois mois depuis deux saisons. Leur retour et leur participation à des activités culturelles et sociales ont favorisé la construction de ce lien fort. Celui-ci s’est beaucoup développé et a été favorisé, entre autres, grâce à l’approche informelle de l’équipe de recherche qui participait aux différentes activités avec des membres de la communauté. Du journal de bord d’une étudiante chercheuse du CISA sur place :

Notre lien avec les membres de la communauté a beaucoup évolué au cours de ces deux étés. La première année, les liens ont commencé à se construire vers la fin de l’été. Des membres de la communauté venaient au jardin presque tous les jours pour discuter. Les liens se sont créés surtout lors d’activités sortant du cadre professionnel : spectacle de musique dans la communauté, tournoi de pêche, barbecues, etc. [...] Puisque nous sommes revenues [à Opitciwan l’année suivante], le regard des gens de la communauté sur nous a évolué. Nous sommes aussi entrées dans un réseau d’entraide. Effectivement, vu le manque de ressources dans la communauté, les gens de la communauté s’entraident beaucoup et partagent leur matériel, leurs outils, etc. Maintenant, nos liens avec certains membres de la communauté sont renforcés et dépassent largement des relations professionnelles.

Ainsi, la présence sur le long terme, l’insertion dans la communauté et les liens d’amitié développés au courant des années sont, sans contredit, des éléments ayant favorisé le développement de la relation de confiance entre l’équipe du CISA et la communauté d’Opitciwan. Cette relation de confiance a contribué à recueillir de nombreuses données sur les traits culturels atikamekw propres à la communauté qui sont essentiels dans le développement d’un système agroalimentaire local. Plusieurs activités ont été par la suite mises en place en fonction des spécificités culturelles atikamekw.

La recherche-action participative

L’approche méthodologique privilégiée par le CISA au courant de ces nombreuses années de recherche est celle de la recherche-action participative, où les personnes sont activement impliquées dans le processus de recherche (Gélineau et al. 2012). Cette approche méthodologique et pratique du CISA repose sur la coconstruction des connaissances et sur la responsabilité partagée du projet entre les chercheures et chercheurs et les usagers et les usagères de la recherche (Anadon 2007 ; Blangy, McGinley et Lemelin 2010). Ceux et celles-ci participent non pas uniquement à la collecte de données, mais aussi aux différentes phases du projet, de sa conception à sa publication (Chevalier et al. 2013). Au sein de ce type de recherche, les chercheurs et chercheures ont donc davantage un rôle d’accompagnement que de « savant et savante ». Cette approche favorise ainsi la valorisation du savoir et de l’expérience de toutes les parties prenantes du projet (Chevalier et al. 2013). Les réflexions collectives qui en émergent permettent de répondre à des problématiques complexes. Par ailleurs, une recherche-action permet de lier le savoir scientifique développé dans la recherche à des actions transformatrices sur le terrain (Chevalier et al. 2013). Dans le cadre des présents projets menés à Opitciwan, la recherche permet de repenser la structure des projets, de faire émerger des idées d’activités et de faire naître d’autres initiatives agroalimentaires. Les activités de recherche et les analyses subséquentes reposaient sur l’approche à « deux yeux », développée par les aînés et aînées de la Première Nation mi’gmaq Albert et Murdena Marshall (Peltier 2018). L’analogie des « deux yeux » renvoie à la rencontre entre le regard autochtone et occidental quant aux méthodes de construction de la connaissance, afin de tendre vers un équilibre et une compréhension mutuelle des conceptions du monde. Dans le cadre de notre recherche, nous avons développé et mis en place des ateliers de collectes de données diversifiés et adaptés au public cible. Les données recueillies ont servi à l’écriture d’un rapport qui sera évalué par un comité scientifique autochtone et allochtone. Chaque donnée a été constamment confirmée ou retravaillée par les membres de la communauté à travers les entrevues semi-dirigées ou des activités de recherche.

Cependant, l’aspect participatif de la recherche demeure en tous points un idéal à atteindre en ce qui a trait à la présente recherche. Une discussion sur les différentes activités réalisées est de mise afin de faire ressortir les limites de la méthodologie employée.

Nous avons tenté de rejoindre une grande diversité de population à travers différentes activités telles que des ateliers de cuisine au CPE (Centre de la petite enfance), à l’école secondaire et à la Maison des aînés, des activités de récoltes avec les jeunes élèves du primaire ainsi que des soirées barbecue ouvertes à toute la communauté (où des hot-dogs et salades de micropousses et de légumes gratuits étaient offerts), des entrevues semi-dirigées et des cercles de discussion.

Les ateliers de collecte de données ont permis d’ouvrir la recherche à une clientèle considérée comme « non experte ». Les soirées barbecue au jardin communautaire, notamment, ont été grandement populaires et plusieurs familles, moins nanties, ont profité de cette occasion pour visiter le jardin et discuter avec les chercheures sur place. Ces soirées permettaient de discuter dans un contexte décontracté d’une panoplie de sujets et étaient très riches en données. Plusieurs amenaient, durant ces événements, leurs chaises pliantes afin d’y passer une bonne partie de la soirée pour socialiser et manger. Ces activités réalisées avec différents types d’usagers et usagères permettaient de recueillir une diversité de données. Elles permettaient le croisement des regards entre les différentes conceptions d’un sujet donné, par exemple le territoire comme facteur ontologique (discuté dans la prochaine section).

Plusieurs entrevues semi-dirigées, des cercles de discussion et des ateliers de collecte de données étaient réalisés avec différents membres de la communauté provenant de cercles sociaux divers. Lors de ces activités de recherche, nous avons tenté de rejoindre des personnes vivant en situation d’exclusion dans la communauté (des personnes en situation de précarité financière ou des individus présentant des difficultés au niveau moteur et cognitif), de même que des personnes ayant des postes d’importance pour favoriser le droit de parole au plus grand nombre d’individus. Durant les cercles de discussion, plusieurs acteurs et actrices partageaient la salle avec des non-expertes et experts afin de favoriser les conversations et produire des connaissances qui se veulent démocratisées. Lors d’une entrevue avec un acteur de la communauté, il prenait grand plaisir à nous raconter les techniques agricoles utilisées par son grand-père sur la fameuse Île aux patates[7]. Il nous racontait comment l’aîné fertilisait la terre avec des têtes de poissons qu’il enfouissait dans le sol, par exemple : « Tu sais dans une patate tu peux avoir 3 morceaux. Il m’a montré comment faire. Là il plantait. Il mettait une arête de poisson en dessous. C’était juste un morceau de poisson frais. Il le laissait là. Au bout de deux semaines on retournait. On allait voir et les fleurs étaient sortie ». Cette donnée est d’une grande richesse pour nous qui valorisons cette expertise et cette mémoire de l’aîné et de son petit-fils qui nous relate les événements comme il s’en souvient. Cette mémoire collective de l’Île aux patates est présente et renforce son importance pour les Atikamekw d’Opitciwan, autant d’un point de vue culturel que technique. Une réflexion sur ces techniques de fertilisation a été entamée avec quelques acteurs et actrices de la communauté qui possèdent cette mémoire de l’Île aux patates dans un but de les intégrer aux différents projets. Cette réflexion s’inscrit dans un désir de rétablir un rapport égalitaire entre les savoirs expérientiels des Atikamekw et les connaissances scientifiques en agriculture. Plusieurs retours sur nos démarches en recherche et en éducation agroalimentaire ont été réalisés afin d’actualiser la progression du projet.

Une faille à l’application de la méthodologie

Néanmoins, malgré l’insertion dans nos réflexions de ces connaissances expérientielles soulevées lors des activités de recherche, une certaine faille à notre méthodologie peut être observée. Bien que le projet ait été copensé et cocréé avec certains et certaines acteurs et actrices de la communauté, nous percevons certaines carences qu’il est nécessaire de combler pour tendre vers l’approche méthodologique souhaitée. Effectivement, les activités de recherche n’ont pas impliqué les partenaires du projet à toutes les étapes. Bien que les savoirs expérientiels étaient considérés et reconnus, aucune activité en agroalimentaire n’utilisait ces connaissances. Nos activités agroalimentaires et les techniques agricoles utilisées et transmises étaient celles privilégiées par la science occidentale. En plus de ce déséquilibre dans la production des connaissances, qui indirectement avantagent les méthodes agricoles employées par le CISA, cela crée une dépendance des savoirs et du matériel nécessaires à une bonne mise en marche des projets. Ce clivage entre « expert et experte » et « non-expert et non-experte » entraîne une réflexion sur nos propres biais et notre rôle dans le projet. Évidemment, cette limite dans la mise en oeuvre de notre approche peut être expliquée par le manque de temps des partenaires qui doivent gérer ce projet et, en même temps, soutenir de nombreuses autres obligations. Cette absence de ces derniers et ces dernières créent un espace qu’il nous est possible d’exploiter à notre guise. Il arrivait que les acteurs et actrices ne puissent pas se libérer pour certaines phases du projet et nous donnent le feu vert pour poursuivre les projets. Une confiance est donc nécessaire entre les différents partenaires, confiance qui est présente et réciproque.

Tableau 2

Activités de recherche-action réalisées entre 2018 et 2021 par le CISA et la communauté d’Opitciwan

Activités de recherche-action réalisées entre 2018 et 2021 par le CISA et la communauté d’Opitciwan

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Ce déséquilibre dans la production du savoir peut également être perceptible lorsque nous nous penchons sur les définitions ou les visions d’un objet précis, notamment sur le concept d’un jardin communautaire en milieu autochtone. Malgré la vision de nos partenaires et leur objectif d’autonomie dans le domaine de l’alimentation, le modèle de jardin communautaire ne correspond peut-être pas à la solution idéale vers une souveraineté alimentaire, puisque celui-ci nécessite des interventions qui ne sont pas dans les habitudes des membres de la communauté. Tandis que plusieurs voient le jardin comme une extension au territoire, d’autres le voient autrement. La vision du territoire et du jardin comme espace de production diverge considérablement : le territoire s’organise indépendamment, alors que le jardin nécessite la présence constante des participants. L’analyse des spécificités culturelles propres aux Atikamekw d’Opitciwan est nécessaire afin de combler ces manques au sein de notre méthodologie et d’adapter nos propres méthodes et visions des concepts. Ces manques permettent un travail réflexif de notre part pour finalement développer une approche qui respecte davantage les spécificités culturelles propres aux Atikamekw d’Opitciwan, soit l’approche agriculturelle.

Approche agriculturelle : un concept en développement

Un retour réflexif sur notre travail nous a permis de cibler une tension persistante entre les conceptions atikamekw de l’agriculture et les nôtres, ainsi que l’absence de l’épistémologie atikamekw dans plusieurs phases des projets. Cette prise de conscience a initié des changements importants dans notre démarche afin de tendre vers une approche inclusive des savoirs expérientiels autochtone.

Figure 4

L’approche agriculturelle

L’approche agriculturelle
Source : Équipe du CISA

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L’agriculture n’étant pas une activité culturelle traditionnelle, toute tentative d’approcher l’objectif de souveraineté alimentaire en y intégrant une agriculture occidentale est probablement vouée à l’échec. Actuellement, les activités agroalimentaires et les projets accompagnés par le CISA ne rejoignent pas l’ensemble de la population. Certains groupes ne connaissent pas encore l’existence de ces projets. Consciente de ces divergences dans les définitions de certains concepts et d’activités traditionnelles et culturelles, le CISA élabore une approche agriculturelle qui repose largement sur la vision à « deux yeux » et la recherche-action participative, mais qui également intègre l’accompagnement des communautés partenaires dans la redéfinition des concepts centraux en agroalimentaire. Cette approche laisse place à une conception atikamekw des pratiques agricoles. La réflexion pousse plus loin le croisement des mondes ontologiques autochtones et allochtones pour assurer l’émergence d’un modèle atikamekw d’agriculture pérenne.

Les réflexions sur notre méthodologie nous permettent de tracer les contours d’une approche agriculturelle décolonisée qui consiste à baser nos projets sur les définitions locales des concepts et sur les ontologies relationnelles. La décolonisation renvoie, entre autres, au processus visant à mettre fin au monopole eurocentré des savoirs (Wildcat et al. 2014), à renverser le pouvoir colonial dans les sphères bureaucratiques, culturelles, linguistiques et psychologiques ou encore, à mettre en place une résurgence des savoirs inhérents aux communautés autochtones émergeant du territoire (Simpson 2001). Ces assises théoriques nous permettent de développer cette nouvelle approche que nous souhaitons développer en tant que méthodologie principale. Pour ce faire, nous allons approfondir quatre dimensions ontologiques atikamekw dans les prochaines années de recherche, soit le rapport au territoire, le lien à la famille, le souci de bien-être personnel et de la communauté ainsi que le respect de la saisonnalité. Ces quatre données sont ressorties de l’analyse des données de recherche durant les trois dernières années.

Nos remises en question nous permettent de réfléchir à des façons de décentrer nos savoirs sur l’agriculture avec les communautés en favorisant des espaces de rencontre et d’échange. Par exemple, en 2021 a eu lieu un jumelage entre des étudiantes et étudiants de l’école secondaire Mikisiw et des stagiaires en agriculture biologique du Cégep de Victoriaville. De même, a été mis sur pied un cercle de réflexion autochtone et allochtone pour penser les concepts et les différentes phases des projets. Aujourd’hui, nous articulons un projet proposé par des membres de la communauté de forêt nourricière sur les territoires de chasse familiaux atikamekw afin d’intégrer à la recherche les dimensions ontologiques atikamekw. Cette approche est toujours en développement et en réflexion. Il s’agit d’un processus à long terme. Nous trouvons primordial d’actualiser constamment nos façons de faire de la recherche en contexte autochtone dans l’objectif d’un modèle agroalimentaire viable et durable. Pour ce faire, une discussion des facteurs ontologiques pouvant influencer la participation citoyenne aux projets de jardin est fondamentale à la bonne mise en oeuvre de l’approche agriculturelle. Cette discussion permet d’établir les assises à un modèle agroalimentaire atikamekw.

Analyse de développement agroalimentaire à Opitciwan

Les différents projets réalisés sur le terrain durant les dernières années nous ont permis d’identifier de nombreux liens entre la culture atikamekw et le développement agroalimentaire. Effectivement, les résultats de nos analyses ont fait ressortir différents facteurs qui influencent la participation citoyenne aux activités de jardinage. La compréhension de ces facteurs permettra l’émergence d’un modèle adapté à la culture atikamekw. Dans un premier temps, un savoir-faire dans le domaine de la culture de légumes qui était présent avant la sédentarisation de la population ressort de l’analyse de nos données. Ce savoir-faire s’est raffermi par la présence des chercheures sur le terrain. Ensuite, la saisonnalité, la relation au territoire ainsi que le sentiment de bien-être, particularités ontologiques de la culture atikamekw, exercent une grande influence sur le succès des projets proposés. Finalement, leur succès a été favorisé par l’émergence ou le renforcement de relations sociales positives parmi les membres de la communauté qui prenaient part aux activités.

Savoir-faire agroalimentaire

Il a été identifié qu’un facteur pouvant freiner le potentiel de développement agroalimentaire dans la communauté est l’absence de connaissances techniques et agronomiques (variation météorologique, insectes ravageurs, animaux, problèmes phytosanitaires, etc.).

Je suis allé voir pendant deux-trois semaines voir si elles [les patates] avaient poussées, moi je pensais qu’elles allaient pousser en trois semaines comme ça. À un moment donné j’ai su ça que ça pouvait pousser jusqu’à l’automne. Septembre. C’est là que j’ai commencé à découvrir comment ça marche, que ça ne pousse pas si vite que ça. Qu’il faut arroser, faire l’entretien pour le jardin ! Il ne faut pas lâcher comme ça, surtout avec une semaine avec du soleil.

Parent et al. 2021

Malgré un savoir-faire qui était présent, quoique limité, la collaboration entre le CISA et Opitciwan permet aujourd’hui aux Atikamekw d’acquérir des connaissances de plus en plus structurantes en agriculture. Effectivement, les ateliers proposés par les chercheures durant les étés ont permis, petit à petit, de renseigner les participantes et participants sur les différentes techniques de jardinage, autant d’un point de vue des connaissances théoriques que pratiques (pensons notamment aux façons de semer les graines dépendamment des types de légumes, à l’arrosage des semences, à la cueillette des différents légumes, etc.). La continuelle présence des chercheures au jardin communautaire a permis d’offrir un soutien lorsque cela était nécessaire et de favoriser les échanges de connaissances sur l’agriculture et les techniques utilisées dans le passé par les familles cultivant des légumes sur le territoire. Une actrice de la communauté nous éclaire sur l’importance de ce savoir-faire dans la participation des individus aux activités. Après lui avoir demandé si elle avait de l’expérience de jardinage, voici sa réponse : « Non. [Une chercheure] était là et [elle] m’avait bien expliqué. Les distances, comment planter. Pis là je me suis dit : ah je pense être capable de faire ça chez nous toute seule ». Cette situation n’est pas unique. Plusieurs jardiniers et jardinières, une fois les techniques de jardinage apprises, ont décidé de se construire des jardins à leur domicile.

Les jardiniers et jardinières ont développé au courant des années un sentiment d’appartenance envers le jardin et en assurent la protection et la réparation lors de périodes de vandalisme. Effectivement, lors d’épisodes de grabuges, les individus ont exprimé colère et déception et se sont rapidement mobilisés afin de réparer les dégâts commis. Lors d’un épisode de grabuge au jardin communautaire, de nombreux et nombreuses volontaires ont pris en photo les dégâts et les ont partagés sur le Messenger du jardin communautaire, proposant de réparer temporairement la clôture avec des planches de bois. Malgré plusieurs intrusions au jardin communautaire, ces actes n’ont jamais été majeurs, ces visites étant probablement davantage motivées par la curiosité que par la malveillance. L’approche participative employée a donc permis de sensibiliser les membres de la communauté au jardinage et à ses défis.

De plus, les membres de la communauté voyagent fréquemment dans la province. Ces déplacements réguliers permettent d’observer ce qui se fait ailleurs dans l’univers du jardinage et de l’agriculture. Cela leur donne l’occasion de voir plusieurs jardins ou installations agricoles, mais aussi d’éveiller leur curiosité et d’inn6over. Plusieurs participantes et participants ont mentionné vouloir prendre part à des projets de jardin communautaire à la suite d’une visite en ville, là où ces projets se développent (Parent 2020). Ces observations, jointes à la participation au jardin communautaire à Opitciwan, permettent de renforcer l’expérience des jardiniers et jardinières. Il est possible d’observer, à travers les échanges sur le groupe des jardiniers et jardinières sur Messenger, la confiance grandissante des participants et participantes quant à leurs connaissances et leurs capacités. Plusieurs d’entre eux et elles partagent même des photos de leurs recettes traditionnelles en y intégrant des légumes du jardin.

L’impact de la COVID-19 sur le développement de ce savoir-faire aurait pu être important. Les membres de la communauté d’Opitciwan, comme à travers le Québec, étaient vivement encouragés à limiter les rassemblements afin d’éviter la propagation et la contamination du virus. À l’été 2020, la communauté était toujours partiellement fermée aux visiteurs et aux visiteuses. Cependant, les activités en groupe à l’extérieur étant permises, les jardins ont été considérés comme un bon prétexte pour sortir prendre l’air et entretenir des contacts sociaux sécuritaires.

Dimensions ontologiques : saisonnalité, relation au territoire et sentiment de bien-être

La saisonnalité, la relation au territoire et le sentiment de bien-être exercent une grande influence sur le succès du projet. Ces notions fondamentales pour les Atikamekw, ces particularités ontologiques, déterminent qui participe aux activités agricoles, comment et à quel moment.

L’ontologie, en anthropologie, fait référence à l’idée que plusieurs perspectives, visions du monde ou même, plusieurs univers, existent en même temps et se chevauchent de différentes manières. Les humains peuvent exister dans une ou plusieurs ontologies (ou mondes) en fonction de leur histoire, de leur politique, de leur économie et de leur expérience personnelle (Ramirez 2017). L’approche ontologique questionne alors la manière dont le monde est vécu par chaque individu puisqu’il n’est pas le même pour chacun (Alberti et al. 2011 ; Vigh et Sausdal 2014). Aucune ontologie n’est vue comme un simple système de connaissances : c’est également le récit d’une manière d’être au monde, d’une conception de celui-ci et d’une description de sa constitution (Clammer et al. 2004). L’approche ontologique peut d’ailleurs s’inscrire dans une perspective de décolonisation de la recherche en milieu autochtone. Effectivement, elle permet de mettre en exergue les dires des informateurs et informatrices en évitant de les considérer comme de simples « croyances », « opinions » ou « points de vue » (Poirier 2016). Dans ce projet de recherche-action, nous considérons que les spécificités des ontologies atikamekw, telles les relations entre les humains et la nature, les façons d’être et d’exister dans le monde, la définition même de la réalité, etc., teintent la participation des membres de la communauté aux projets de jardin et les manières dont ils s’impliquent.

Figure 5

Le repas traditionnel

Le repas traditionnel

Photo prise par une jardinière présentant son repas traditionnel avec des légumes du jardin, partagée sur le Messenger des jardiniers et jardinières

Photo prise par une chercheure du CISA

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La perspective ontologique permet d’explorer les relations entre l’agriculture, l’alimentation et les groupes humains. Les Atikamekw vivent selon un cycle saisonnier culturellement défini. Durant l’été, ils pratiquent la chasse, la pêche, la cueillette de petits fruits ou bien passent tout simplement du temps sur le territoire. Durant les cinq autres saisons[8], d’autres activités sont pratiquées. Cette manière de vivre les saisons, cette ontologie, crée un décalage entre les exigences agronomiques des projets et la disponibilité ou l’intérêt de la communauté à ce moment précis de l’année. Par conséquent, la saisonnalité pourrait être un obstacle à la mobilisation de participants pour des projets de jardinage estivaux puisque durant la période de jardinage, d’autres activités culturelles sont performées (pêche, chasse sur le territoire, cueillette de petits fruits, etc.) (Parent et al. 2020). Cette période de jardinage estival, d’une durée d’environ quatre mois (début juin à fin septembre), entre donc en compétition avec d’autres activités qui nécessitent le déplacement sur le territoire.

En plus d’être une source de nourriture importante, le territoire représente une composante fondamentale de l’identité atikamekw. L’agriculture et le territoire ont des similitudes ontologiques tant du point de vue des cycles saisonniers, que de l’équilibre à respecter dans la gestion des ressources. Plusieurs participants et participantes ont souligné l’effet apaisant du temps passé sur le territoire. Ces séjours en forêt et la pratique d’activités traditionnelles stimulent le bien-être mental et physique. Il a été soulevé à de nombreuses reprises qu’une impression de liberté en émerge. Le territoire devient un lieu de connexion à soi.

Je me sens très bien quand je suis dans le territoire. Je me sens bien. Tout est déconnecté. Je vais sentir le bois, l’énergie le bois plus la communication du bois quand t’es dans le milieu de la forêt. L’hiver, l’automne, tu sens que t’es dans le bois, t’es connecté, t’es bien. T’écoutes.

Entretien avec un jardinier d’Opitciwan, été 2019

Figure 6

Le jardinage comme thérapie

Le jardinage comme thérapie

Deux jardinières préparent leur parcelle en vue de planter des légumes

Photo prise par une chercheure du CISA

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Le territoire est aussi associé à la survie de la Nation atikamekw, puisque ces moments dans la nature sont des occasions privilégiées de transmission culturelle. Bien que le jardin ne possède pas le bagage culturel et historique du territoire traditionnel, il en devient une extension avec la même signification positive. Ce contact direct avec la nature procure un sentiment de bien-être similaire à celui ressenti en forêt (Parent et al. 2020). Certains aiment tellement l’expérience de cultiver qu’ils arrosent les parcelles des autres à leur insu.

Le jardinage ça représente beaucoup pour moi, ça aide beaucoup pour les personnes qui ont des problèmes de mentalité. Au niveau de la santé aussi. Ça peut aider à améliorer sa santé s’il fait du jardinage parce que c’est là qu’on développe la vie. On plante une graine, la vie existe. La vie pousse. C’est là qu’on peut voir comment la vie agit dans notre environnement. Le jardinage fait ça.

Ibid. été 2019

Avec la pandémie de la COVID-19, plusieurs personnes en ont profité pour s’isoler sur leur territoire et ont donc profité davantage des activités traditionnelles. Le territoire, considéré comme refuge, est apparu encore plus primordial. En revanche, le confinement a mis en lumière les différents problèmes socioéconomiques qui atténuent le bien-être de la communauté tel que le manque criant de logements. Plusieurs se trouvent dans une promiscuité qui va à l’encontre des mesures sanitaires préconisées. Dans la population atikamekw, le nombre moyen de personnes par logement est de 6,2, alors que ce ratio est de 2,6 dans le reste du Canada (Ducharme 2020). Selon une évaluation du Conseil, il faudrait construire 1325 logements supplémentaires dans les communautés atikamekw pour réduire ce ratio à 4. La crise pandémique met ainsi l’accent sur l’urgence d’intervenir de façon à améliorer la situation et assurer le bien-être de ces communautés. 

Relations sociales

À l’été 2019, la saison des cultures touchait à sa fin ainsi que les projets mis en place au cours de la dernière année. Une fête était donc prévue pour présenter à toute la communauté les fruits de ces projets, remercier les participants et célébrer la première récolte du jardin communautaire. Les membres de l’équipe se sont mis à la cuisson du souper barbecue (hot-dogs et légumes du jardin) et à accueillir les visiteurs. Dans le soleil couchant, la végétation foisonnante du jardin réchauffait les yeux et le coeur. Les bacs neufs regorgeaient de légumes. Ce soir-là, les enfants couraient d’une parcelle à l’autre en posant des questions sur les différents légumes. Les jardiniers et jardinières ont mangé rapidement avant de se mettre à la cueillette avec excitation. Ils ont posé fièrement avec leurs légumes pour les caméramans présents sur place pour documenter le projet (voir : <https://www.youtube.com/watch?v=FsHmjr_kbbo&t=2s>). En plus d’être un endroit où il est possible de se rassembler, les jardins créent aussi une opportunité d’échanges tout en renforçant les liens sociaux préexistants. Ces liens, formels ou informels, se vivent à travers le travail d’équipe, le soutien moral lors d’épisodes difficiles (vandalisme, météo violente, etc.), l’échange de conseils au sujet du jardinage et les activités de socialisation. Un transfert de connaissances a aussi lieu entre les participants et les participantes ayant le plus d’expérience et les novices. Les échanges sont également intergénérationnels, puisque plusieurs partagent cette expérience avec leurs enfants ou leurs petits-enfants.

À l’instar du territoire, le jardin devient un lieu de transmission de connaissances : l’ontologie relationnelle s’y transpose. Les relations sont au centre des processus sociaux de la communauté atikamekw. Les projets agroalimentaires doivent donc prendre en compte cette dimension relationnelle et comprendre comment les relations sociales sont vitales pour leur pérennité. Ces relations incluent tout autant celles entre les membres de l’équipe de recherche, que celles développées avec les membres de la communauté.

mobilisation et pérennité des projets

Le présent article s’est intéressé au projet de recherche-action mené durant les trois dernières années dans la communauté atikamekw d’Opitciwan. Entre 2018 et 2021, les chercheures de l’équipe du CISA ont collaboré avec les partenaires de la communauté afin de développer un modèle de souveraineté alimentaire reposant sur les savoir-faire atikamekw. Sept scénarios de production agroalimentaire ont émergé de cette collaboration, ayant pour double objectif de contrer les effets de l’insécurité alimentaire et de déterminer les facteurs de participation de la communauté à travers des activités agroalimentaires afin de coconstruire des projets durables et culturellement adaptés.

Nos recherches sur le terrain durant de longues périodes ont permis l’émergence d’une relation de confiance entre les membres de la communauté et les chercheures sur place, facilitant ainsi notre intégration à la communauté. Notre présence sur le long terme ainsi que notre participation aux activités culturelles dans la communauté sont des facteurs ayant favorisé le développement d’un lien de confiance. De la même façon, la COVID-19 a eu – paradoxalement − pour effet de renforcer la collaboration entre les partenaires. À travers les activités agroalimentaires et les activités en recherche-action participative réalisées durant les trois dernières années, certains facteurs ontologiques qui influencent la participation citoyenne aux projets de jardin ont été extraits des données recueillies. L’analyse de ces facteurs est nécessaire à l’élaboration d’un modèle de souveraineté alimentaire culturellement adapté à la communauté. La saisonnalité, la relation au territoire et le sentiment de bien-être sont des particularités ontologiques de la culture atikamekw qui exercent une influence considérable sur le succès des projets proposés. À ces éléments s’ajoutent deux autres facteurs qui peuvent exercer une même influence, soit un savoir-faire dans le domaine de la culture de légumes ainsi que le renforcement des relations sociales positives parmi les membres de la communauté. Les projets agroalimentaires doivent tenir compte de la dimension relationnelle afin d’assurer une participation active de la population.

Finalement, une réflexion sur notre méthodologie permet de tracer les contours d’une nouvelle approche toujours en développement. L’approche agriculturelle repose sur la vision à « deux-yeux » et la recherche-action participative, mais intègre également à son processus l’accompagnement des communautés partenaires dans la redéfinition des concepts centraux en agroalimentaires. Nos réflexions permettent de soulever des limites à notre méthodologie employée jusqu’à aujourd’hui pour pousser plus loin le croisement des mondes ontologiques autochtones et allochtones afin de développer un modèle atikamekw d’agriculture. Ce modèle culturellement adapté permettra une pérennité dans les projets, puisqu’il se basera sur les facteurs ontologiques propres à la communauté. Cette approche agriculturelle pourrait donc se transposer à d’autres projets dans d’autres communautés. Nous parlons donc d’approches agriculturelles.

Figure 7

Activité de jardinage intergénérationnelle

Activité de jardinage intergénérationnelle
Photo prise par une chercheure du CISA

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Nous pensons que l’appropriation de pratiques agricoles à Opitciwan et chez les Atikamekw repose sur des dispositifs de mobilisation adaptés à leur réalité ontologique. Afin de définir ce dispositif, le CISA et la communauté d’Opitciwan collaboreront de 2021 à 2023 à une recherche-action participative portant sur la mobilisation. Alors que le premier volet du programme de recherche portait sur le rapport des membres de la communauté au territoire, à l’alimentation et au jardinage, ce second volet explore les mécanismes par lesquels les gens se mobilisent pour participer aux activités communautaires. L’objectif est de cocréer et de tester un dispositif d’agriculture communautaire viable (sur le plan de la sécurité alimentaire, socioculturelle, écologique, autonomie alimentaire), adapté à la culture atikamekw par l’approche agriculturelle, dans le but de favoriser l’appropriation et l’adaptation du projet par les membres de la communauté afin d’en assurer la pérennité. Il consistera plus spécifiquement à impliquer les acteurs clés d’Opitciwan dans l’identification des composantes du dispositif. Le projet inclura des jumelages entre les étudiants et étudiantes en agriculture du Cégep de Victoriaville et les éleves de l’école secondaire Mikisiw à Opitciwan. Ce projet permettra de cerner les facteurs de mobilisation et ainsi de solidifier les bases d’un modèle agroalimentaire atikamekw à Opitciwan. L’identification des facteurs de mobilisation et la mise en place du dispositif permettront aux différentes actrices et différents acteurs locaux de développer des façons de faire qui assureront la pérennité des projets.

Figure 8

Arroser son jardin

Arroser son jardin

Un jeune arrose ses légumes et les semences par une journée chaude et ensoleillée

Photo prise par une chercheure du CISA

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