Hors-dossierRecensions

Catherine Larochelle, L’école du racisme. La construction de l’altérité à l’école québécoise (1830-1915), Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2021, 347 p.

  • Julien Prud’homme

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  • Julien Prud’homme
    Université du Québec à Trois-Rivières

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Couverture de Le nouveau clivage idéologique du Québec au début du XXI<sup>e</sup> siècle, Volume 30, numéro 3, printemps 2023, p. 7-284, Bulletin d'histoire politique

« Sans les sauvages ou les barbares, l’école ne pourrait pas rappeler aux enfants qu’ils font partie de la civilisation » (p. 81). C’est ce rôle actif de l’école québécoise du XIXe siècle qu’expose L’école du racisme — tiré d’une thèse défendue en 2018 —, qui a valu à l’historienne Catherine Larochelle le prix Lionel-Groulx de l’Institut d’histoire de l’Amérique française en 2022. L’argument principal est que, de 1830 à 1915, les élèves québécois sont appelés à intérioriser une représentation de soi et de l’Autre qui relève surtout de l’imaginaire colonial. L’autrice, maintenant professeure à l’Université de Montréal, nous fait régulièrement adopter le point de vue des enfants via leurs compositions ou d’autres exercices pour saisir la portée des stéréotypes ainsi inculqués en classe par la persuasion ou la répétition. L’objectif du livre est d’identifier les « représentations des Autres […] proposées aux élèves du Québec », leurs modalités et « leurs fonctions dans le curriculum scolaire » (p. 12-13) à une époque où les nationalismes intègrent la rhétorique impériale et ses principaux aliments, comme la mission civilisatrice et l’objectivation ethnographique des peuples conquis. L’ouvrage s’appuie sur un corpus de 87 manuels (dont 33 d’histoire-géographie et 53 de langue) complété par des archives institutionnelles, des archives privées et des imprimés à caractère pédagogique (comme les périodiques du département de l’Instruction publique). Outre l’introduction et la brève conclusion, le livre compte six chapitres. Le chapitre 1 présente le cadre théorique et une définition opératoire de « la construction rhétorique de l’altérité radicale » (p. 38-39). Il mobilise la tendance plus psychologisante des études critiques (E. Lévinas et S. Ahmed), dont l’objet est la relation intersubjective ou, dans le cas du rapport colonial, son déni, qui ne peut être qu’appris — à l’école, par exemple. Les chapitres 2 et 3 montrent que le « matériau scolaire » québécois fait une large part à des thèmes colonialistes à vocation universelle qui opposent le civilisé au barbare en adoptant les personnages de l’Oriental ou du Noir africain. Cela vient de ce que les enseignant.e.s s’abreuvent à une circulation transnationale des idées pédagogiques et des référents impériaux et orientalistes, via le Journal de l’instruction publique ou l’achat de manuels (notamment de géographie) venus d’Europe et des États-Unis. Le chapitre 3 montre que la construction des Autres barbares passe en partie par la représentation de leurs corps, minutieusement décrits et illustrés. Au fil du siècle, le corps des Autres, d’abord une curiosité anthropologique qu’illustrent les peuples des confins comme les Hottentots et les Esquimaux, devient une variable plus sèche qui ordonne la classification biologique des races, suivant l’évolution des idées scientifiques. C’est au chapitre 4 que l’autrice développe sa thèse principale : l’altérité autochtone est le « point central de l’élaboration de l’identité canadienne par l’école au XIXe siècle » (p. 20). Elle est, en quelque sorte, notre orientalisme à nous. C’est une thèse forte, qui implique que la construction nationale lancée de 1830 à 1910 est structurée moins par un nationalisme à l’européenne (qui oppose des concurrents blancs entre eux) que par un colonialisme génocidaire (qui valide l’effacement des indigènes). Le chapitre montre que le matériau scolaire, dont les manuels d’histoire et des projets théâtraux, essentialise les nations indigènes d’Amérique du Nord, associées à un état de nature que le progrès fera disparaître — sans bruit, prétendent les manuels, à une époque où leur élimination est pourtant violemment orchestrée sur le terrain. Les chapitres 5 et 6 explorent des pistes documentaires particulières. Le chapitre 5 porte sur l’image et ses rôles pédagogiques. Il offre une discussion plus étendue sur la méthode et l’histoire …