Dossier : Le nouveau clivage idéologique du Québec au début du XXIe sièclePrésentation

Les idéologies et le monde que nous leur devons

  • Guillaume Lamy

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  • Guillaume Lamy
    Candidat au doctorat en science politique, UQAM

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Couverture de Le nouveau clivage idéologique du Québec au début du XXI<sup>e</sup> siècle, Volume 30, numéro 3, printemps 2023, p. 7-284, Bulletin d'histoire politique

La séparation entre les idées et la réalité fonctionne à la manière d’un mirage. Plus on tente de se rapprocher de la démarcation censée isoler l’une de l’autre, plus elle s’efface. Au XVIIe siècle, Descartes avait procédé à une distinction qui lui semblait relever de la nature des choses. L’un fait de matière et l’autre pas, le corps et l’esprit ne pouvaient être que deux substances d’origines différentes. Cette distinction, contestée par plusieurs de ses successeurs, avait permis à un certain Spinoza de se démarquer en simplifiant le sujet : l’esprit est l’expression d’un corps qui pense. La matérialité du corps est la condition de la pensée. Ce refus de la dualité s’applique avec autant de nécessité à l’endroit de la société. D’une façon similaire, les institutions, les lois et tout ce qui structure la vie politique sont les idées incarnées d’une communauté. Tant d’idées sont devenues matière, sous la forme de parlements, de cours, de douanes, d’écoles, de prisons. D’autres restent intangibles comme les lois, les règles et les conventions, mais limitent le comportement humain pratiquement aussi bien que les chaînes. Plus encore, il n’y a tout simplement pas d’« en-dehors » des idées en politique et, une fois reconnue, cette première vérité mène à une autre qui a de quoi marquer la mémoire : nous vivons plutôt à l’intérieur d’elles. De l’orientation des rues en ville jusqu’aux grands principes d’urbanisme, du sens des mots jusqu’à la grammaire, des codes de la séduction jusqu’aux voeux de mariage, des articles d’une loi jusqu’à la jurisprudence… la liste des intrications entre les idées et la réalité est si longue que le réel défi consiste plutôt à trouver des pans de la vie en société qui en sont épargnés. Même ce qui semble se rapprocher le plus de l’animalité pour les êtres humains comme l’alimentation se retrouve encapsulée par une succession de processus où s’enchevêtre une liste interminable d’idées : des normes agricoles jusqu’aux stratégies de productivité et de distributions. La semence qu’on croirait relever purement des règles de la nature est le fruit d’une sélection physique et intellectuelle et oblige à considérer ces éléments pourtant biologiques comme des artéfacts, car des idées humaines sont intervenues pour en adapter l’ADN. Les idées ont aussi ce pouvoir de relier les époques. Une quantité d’idées ont permis d’intégrer des pans du passé au présent, comme ces idées républicaines de l’antiquité qui réapparaissent en Europe après un millénaire d’hibernation. D’autres continuent d’avoir un effet déterminant sur la vie humaine, la démographie et la complexité de la division du travail, comme la vaccination à la naissance qui a épargné la mort à des millions de gens sans même qu’ils ne s’en aperçoivent. Que dire aussi de ces milliards d’algorithmes faits d’idées, de calculs et de stratégies, qui s’insèrent de plus en plus dans le quotidien de l’humanité, surveillant, conseillant, régulant toujours davantage d’activités et qui illustrent à merveille cet oxymore que sont les contraintes intangibles ? Même la nuit, lorsque les enjeux politiques et les appareils connectés sont sans prises sur ceux qui dorment, les rêves sont traversés de sentiments, de souvenirs et de projections où sont mises en scène des idées relevant du pouvoir, de la justice, de l’égalité, de la liberté, du succès, des interdits, de la dignité, du passé et de l’avenir… L’omniprésence des idées autour et à l’intérieur des êtres humains déroule un formidable tapis rouge en études politiques sur lequel se succèdent des questions qui obligent à les prendre au sérieux. D’où viennent-elles ? Qui a réussi à les incruster dans la réalité ? Qui s’y est opposé ? Comment …

Parties annexes