Corps de l’article

La création littéraire N’Zassa, tant dans sa dimension formelle que sémantique, dégage une esthétique qui tend à formaliser un modèle d’écriture. Une recommandation prescrite qui se justifie par l’urgence de voir émerger une littérature en dialogue avec la tradition orale qui n’a de cesse d’inspirer les artistes. Tout porte à croire que nul n’est investi de la légitimité littéraire s’il n’est point visité par les génies du terroir. Une Muse insondable autour de laquelle s’élabore une certaine dignité artistique. Pour chercher à savoir comment l’auteur, à travers son oeuvre, convoque les sédiments de l’oralité pour écrire avec tout ce que cela ordonne, nous nous permettons d’interroger le deuxième recueil de poésie D’éclairs et de foudres (1980) de l’une des figures importantes de la littérature ivoirienne des années 80 et 90, l’auteur et cinéaste Jean-Marie Adiaffi[1] (1941-1999).

Dans cet ouvrage poétique, la poésie orale, comme un pavé dans l’eau, désarticule les vieilles amarres littéraires au profit d’une intertextualité dite écriture N’zassa ; une façon pour l’auteur d’inviter le lecteur à son banquet artistique. Le chant, la danse, le mythe et le rythme oral distillent un langage émaillé de signaux et de symboles sociaux. Toute licence poétique d’obédience intertextuelle qui sert d’appui à la métatextualité qui « est la relation, on dit plus couramment de “commentaire”, qui unit un texte à un autre texte dont il parle, sans nécessairement le citer (le convoquer), voire, à la limite, sans le nommer » (Genette 1982 : 11). À cet égard, comment, à partir de la poésie N’zassa d’ordre intertextuel, la métatextualité s’élabore-t-elle ? Il sera question d’analyser l’énoncé N’zassa aux fins de mettre en lumière les modalités de communication de l’auteur avec le lecteur.

En s’appuyant sur la sociocritique, la fonction initiatique[2] et la psychocritique, l’analyse donnera lieu, respectivement, à la saisie des procédés socioculturels dans un contexte intertextuel, au décryptage de la poétisation des valeurs orales et à la mise au jour de l’inconscient social dans le verbe oraliste. Le processus d’investigation enveloppera successivement la poésie orale comme une mention de l’oralité susceptible de prescrire des indices métatextuels ; l’écriture N’zassa, un condensé métatextuel dans D’éclairs et de foudres et les enjeux à l’origine de cette occurrence poétique.

1. La poésie orale, une mention de l’oralité, source de métatextualité

La création poétique relève en général d’une sensation personnelle dans un milieu offrant tous les ingrédients favorables à l’éclosion de l’inspiration. Le poète questionne à cet effet la vie, les vestiges imputrescibles dans un contexte marqué par l’oralité. Pour le traditionaliste, l’oralité ne saurait se résumer à une simple définition de la capacité à communiquer. Elle est bien plus que le simple souffle :

L’oralité, c’est aussi et surtout un ensemble d’institutions visant à instaurer entre les membres du groupe social un type particulier de rapports (rapports communautaires), un style de relation et de vie (éthique communautariste), un art d’aimer la terre des ancêtres, le pays (intégration positive de l’intérêt particulier à l’intérêt collectif). L’oralité, c’est toute une vision du monde, tout un art de servir la cité pour le bien de tous.

Zadi 1983 : 258

Relativement à la vision du monde que dégage ce mode d’existence, se précise un ensemble de valeurs dont l’art poétique qui intervient, peut-être à coup de coude par nécessité d’assurer une continuité culturelle dynamique : « L’oralité est une poétique qui intègre des textes oraux à la poésie et, demeure une esthétique qui s’attache aux valeurs africaines afin de les préserver et assurer ainsi une certaine continuité culturelle » (Adou 2021 : 27). Réalité culturelle, la densité de cette tradition semble s’étendre au-delà du fait de la transmission de message par la parole ou par le tambour. Elle est liée, parlant de ce qui intervient dans sa manifestation, à des attitudes, des pratiques, des us et coutumes qui caractérisent les peuples ayant en partage cet héritage ancestral. Cette culture reçue et exercée s’épanouit en partie, pour ce qui est de son aspect poétique, à travers le génie des artistes, les griots traditionnels ou les oralistes qui font de la poésie orale un art. Robert Jouanny marquant une similitude entre la Parole chez Paul Claudel et chez les Négro-Africains, notamment dans la poésie de Senghor, rapporte :

Il donna l’ordre au tambourinaire de battre et il se concentra, le visage tendu, à écouter. Vous demanderez quoi ? Eh bien, le silence : le battement des tam-tams. À écouter le tam-tam majeur, qui battait le rythme de base, et le tam-tam coryphée, qui improvisait à contretemps et syncopes. L’attente, l’attention, dura cinq minutes environ. Puis, soudain, fusa une longue phrase mélodique, aussitôt reprise et répétée par la foule. Le troubadour se tut, écouta de nouveau. Trois minutes après, c’était une seconde phrase, de nouveau reprise et répétée par la foule. À mesure que l’on avançait, le poème se déroulait, soutenu par le rythme des tam-tams, et les phrases fusaient l’une après l’autre de plus en plus rapidement. Jusqu’à ce que le poème se terminât par une fusée d’images

Jouanny 2002 : 2

Ce discours laisse apparaître que la poésie orale tient sa spécificité de son caractère évènementiel avec l’apport de tout ce qui concourt à son dynamisme. Elle est pratiquée par les griots et les paroliers qui ne lésinent nullement sur leur talent pour porter haut cet art. Une parole poétique qui excède à la fois le tangible et le non tangible, pour exprimer sa propension à colmater les affects et le vide de l’âme. Lorsque le tambour s’y met, il instaure simplement la célébration de la vie :

LE DEUXIÈME TAMBOURINAIRE
Je suggère des pas de danse aux masques.

LE TROISIÈME TAMBOURINAIRE
Je susurre à leurs pieds des airs doux. Ils se trémoussent. poétique est leur langage gestuel.

LE DEUXIÈME TAMBOURINAIRE
Par ses beaux pas, le Zaouli dialogue avec nous.

ALLOULA
Le Zaouli fait des gestes félins. Chacun de ses pas est un poème. Ses pieds battent un tambour invisible auquel répondent les tambours.

YMA
Les Zaouli dictent les tonalités harmonieuses aux tambours.

Nokan, Les affres de l’existence : 98-99

La poésie orale rend compte de ce que la tradition orale thésaurise pour tenir son statut d’exégète de la parole non-verbale. Au-delà de la parole articulée, la gestuelle et le tambour revendiquent leur part de poésie pour agrémenter l’ambiance avec art. Une réalité qui fait réagir l’écrivain pensant « que le poème n’est accompli que s’il fait chant, parole et musique en même temps » (Senghor 1984 : 168). D’éclairs et de foudres n’est ni une poésie orale aux sens complet du terme ni une oeuvre poétique conformément au modèle tacite de composition poétique. La poésie orale est un art complet du fait qu’elle transcende le contexte social pour saisir l’être humain dans ses émotions sur la place publique. Elle fait vibrer les foules sans à priori. Nulle barrière ne s’oppose à son éclosion, dans la mesure où la liberté d’expression s’épanouit jusqu’au reniement de toute tendance littéraire pour toucher l’intangible. Alors, elle interpelle l’irrationnel pour combler le vide anormal. Parce qu’il y a vie lorsque celle-ci associe le réel et l’irréel, ne serait-ce que pour montrer que l’être humain est corps et esprit. Il exprime sa complétude dans ses actes artistiques en convoquant la nature sacrée. Le critique rend compte de cette approche créatrice en ces termes : « Les forêts sacrées et d’une manière générale, lieux sacrés ou interdits constituent sans aucun doute une des toiles de fond les plus vivantes, les plus actuelles et les mieux dessinées, non seulement de la spiritualité, mais aussi des littératures négro-africaines, orales et écrites » (Mboukou 1983 : 25). De façon concrète, l’interpellation du bois sacré au travers de l’art oratoire ne vise que la recherche de l’onction de Dieu que l’oraliste clame en ces termes :

Que Dieu apaise la terre,

Pour le repos des anciens intègres,

La mort consume l’homme,

Elle ne peut consumer son nom

Titinga 1991 : 6

Si l’interpellation de Dieu ne semble pas être l’apanage de la poésie orale avertie de la chose spirituelle, elle s’inscrit tout de même dans la perception cosmogonique du négro-africain qui admet le caractère unitaire de la vie :

Du coup prend fin le compartimentage de l’univers et la discrimination des objets inanimés et des bêtes par rapport à l’homme. Le principe qui en découle, c’est le principe d’universalisme de la vie, d’identité substantielle de tous les êtres ; et ce principe suppose avant tout, la fraternité entre tout ce qui est, entre l’homme et l’animal, l’animal et la plante et le minéral, la plante et l’homme

Zadi 1983 : 325

La nature reste alors le premier interlocuteur quand le souci de sonder l’ineffable se fait pressant. Le poète oral, du fait de sa maîtrise de la parole qui reste le reflet de la pensée intérieure, se voit investi de l’obligation de servir de pôle de consolidation sociale. La poésie s’érige donc en un moyen de gouvernance de la paix, ne serait-ce qu’au travers du mot. La nature végétale ou animale s’installe dans l’arène du verbe poétique pour assumer sa part contributive à la caractérisation de la société selon la manière dont le parolier l’enquête. À la question adressée à Gbazza Madou Dibero, poète traditionnel cité par Zadi Zaourou, de savoir « pourquoi le poète emprunte des chemins détournés et emploie la forme expressive des mots plutôt que le langage direct », celui-ci répond comme suit :

La raison est la suivante : c’est pour accomplir son acte de paix et d’unification parmi les hommes et toujours apaiser leur coeur qu’il fait allusion aux animaux, aux oiseaux, aux phénomènes et aux choses. Ce n’est donc pas pour ces choses elles-mêmes qu’il emprunte des chemins détournés et emploie la forme expressive des mots, mais pour s’adresser par ricochet aux hommes qui demeurent l’objet de son discours. Car s’il parlait sans détour de la laideur des oiseaux, des animaux, des phénomènes et des choses, les hommes découvriraient son jeu.

Zadi 1983 : 51

La parole revêt sa dimension poétique au profit de la nature, des choses qui environnent l’être humain. Celui-ci est la première cible du message chanté qui ne saurait être transmis dans une forme dénotée, à moins de sombrer dans la banalité du quotidien au lieu de s’en soustraire. La poésie ancestrale est dans une logique de création d’images symboliques différentes de la simple connotation liée au mot. L’oeuvre littéraire, en l’occurrence D’éclairs et de foudres qui s’en inspire, présente une écriture particulière. « Cette écriture fait état d’images élastiques qui se caractérisent par l’importance de leur expansion lexicale ou macro-images. » (Taï 2009 : 122). Un tel procédé de création littéraire ouvre, évidemment, les vannes de la métatextualité qui tire, somme toute, sa logique de la poésie orale qui a le mérite d’interroger l’homme en général et la nature dans un contexte vivant où la parole, le rythme et le spectacle font un, pour faire vibrer le corps et l’âme. Dans cet ordre, les personnages sont ceux à qui le poète s’adresse et qui entendent sa voix, mesurent la densité des mots chauffés sous l’effet incandescent du milieu où se mêlent les affects et les intellects qui s’unissent pour communier. Les personnages sont aussi le poète et ceux qui l’accompagnent pour porter haut sa parole poétique comme Dowré qui, avec le bissa[3] à la main, porte loin la voix de son maître initiateur :

Nous voici Dowré

à la racine de la nuit

et la foule est compacte

la foule (son coeur son corps et son âme en rut).

Zadi, Fer de lance : 19

Ma voix Dowré

Ma langue forgée à l’origine des temps pour labourer la

pierre et la rouge vérité des cités en dérive.

Sus à mon cri d’impénitent sorcier,

 Didiga !

Du bissa que tu tiens, flagelle ce peuple à moi et qu’il fasse

écho à mon propos souverain

Zadi, Fer de lance : 114

Il apparaît clairement ici que la poésie orale est l’art qui affectionne le contact, la gestuelle, le rythme, manifestant ainsi son accointance avec le réel. Le réel physique et le réel non-physique. À l’opposé, se conçoit le verbe écrit où se consument les mots au gré de la plume du poète entre quatre murs, lieu de prédilection. La création poétique s’exerce dès lors dans un contexte cognitif où le souci d’innover à la lumière de ce qui existe déjà s’érige en sentinelle :

Nul artiste ne peut réinventer l’art à partir d’un néant absolu, si nouveau qu’il soit, il doit intégrer de quelque façon l’art de ses devanciers, et fut-ce en les reniant. Mais par ailleurs tout en intégrant l’antérieur, l’ouvrage pour être viable, doit rompre de quelque façon avec lui, et fut-ce en le prolongeant.

Nisin 1965 : 805-810

La notion d’antériorité que Nisin évoque ici nous introduit dans le sillage de l’intertextualité dont procède la métatextualité, même si l’auteur ne semble pas ouvrir cette vanne de façon expresse. Nous nous autorisons à partir du principe de sources que D’éclairs et de foudres compulse en octroyant au verbe oral une présence marquée dans son apparition formelle et sémantique qui prescrivent les indices métatextuels. Une évidence qui semble s’inscrire dans le champ conceptuel de la fiction littéraire qui admet qu’« on peut distinguer métatextualité explicite et métatextualité implicite. » (Lepaludier 2003 : 26). En clair, en se demandant en ces termes : « ne peut-on pas envisager des procédés textuels explicites, aisément analysables, et des procédés implicites qui appellent un travail de lecture supplémentaire ? N’existe-t-il pas des degrés de transparence entre des stratégies évidentes et d’autres plus obscures ? » (Lepaludier 2003 : 26). Lepaludier force une porte déjà ouverte quant à l’option poétique des oralistes, notamment Adiaffi qui exhume les figures symboliques de sa culture dont l’analyse requiert des stratégies obscures à maints égards. L’explicite et l’implicite, dans le contexte-ci de la métatextualité, renvoient aux occurrences formelles de l’oeuvre littéraire, le paratexte et le graphique poétique, mais aussi à la sémantique dont le décryptage fait appel à une compétence initiatique. Les stratégies obscures dont parle Lepaludier corroborent plus ou moins la délicatesse de la symbolisation dans la présente investigation dont la deuxième partie tentera de cerner la métatextualité sous le prisme de l’écriture N’zassa.

2. L’écriture N’zassa, source de métatextualité dans D’éclairs et de foudres

À cette étape de la réflexion, la logique commande que la notion de métatextualité soit saisie suivant le contexte qui est le nôtre, bien que nous ayons abordé, dans la première monture de ce travail, des sédiments possibles de sa mise en oeuvre dans l’énoncé oraliste. À maints égards, la poésie orale intervient ici comme un « virus » qui fait éclater les parois du modèle littéraire. Une défiguration de l’existant pour révéler une autre écriture qui n’échappe pas à la sagacité cognitive qui pousse l’intellectuel à parler de « nouvelles écritures africaines » (Sewanou 1986 : 5). L’intérêt ici, consiste à montrer comment s’opère cette tendance littéraire dans le contexte de l’oralité, c’est-à-dire la primauté de la parole qui n’est guère voisine de l’écriture, par son contexte, sa nature, et la représentation que les uns et les autres se font de sa pertinence littéraire ou artistique. Les auteurs d’art de langage, notamment les poètes, procèdent, à loisir, à des combinaisons morganatiques ou contre nature, qu’ils proposent aux lecteurs qui découvrent avec stupéfaction la nouvelle donne littéraire désignée par l’expression « écriture N’zassa ». À quoi renvoie le lexème N’zassa ? Partant du principe que tout énoncé à une signification, ce que Paveau et Sarfati appellent « le postulat fondamental de la linguistique » qui implique que « chaque forme linguistique a une signification constante et spécifique » (2010 : 145), N’zassa, dans sa représentation originelle, se réfère à un pagne constitué de plusieurs morceaux de tissus de couleur différentes. L’auteur en fait un référent esthétique dans sa volonté à se saisir des vestiges de son terroir pour innover. L’idiome se conçoit donc comme :

Une étoffe constituée, grâce à l’assemblage de plusieurs morceaux de pagnes de motifs et de couleurs divers […] Ce qui caractérise le N’zassa originel, c’est sa portée, à la fois fonctionnelle et esthétique. Fonctionnelle, parce qu’à l’origine, il est question de petits morceaux de tissus qui, pris isolément, ne servent plus à grand-chose. Ce sont des restes de tissus, des morceaux de différents pagnes, qu’on devrait utiliser comme des chiffons, mais que le couturier, comme un artisan créateur, se donne le plaisir et la joie de reconstituer en un nouveau pagne […] La beauté de cette nouvelle création, de ce pagne, apparaît, grâce à l’assemblage harmonieux tant au niveau des motifs que des couleurs.

Bosson 2017 : 72-83

La valeur discursive du vocable prend son essence dès son usage en littérature par Jean-Marie Adiaffi. L’écrivain a qualifié l’une de ses oeuvres romanesques de « roman N’zassa ». C’est-à-dire « [l]e genre sans genre qui rompt sans regret avec la classification classique, artificielle des genres : roman ; nouvelle, épopée, théâtre, essai, poésie » (Adiaffi 2000 : 5). Cette option créatrice se présente comme une innovation littéraire. Tant dans sa conception que dans son application, l’écriture N’zassa se veut l’expression d’une forme de liberté de l’écrivain vis-à-vis de la norme. Un type d’écriture qui peut être entendu également sous le vocable d’anti-générique précisée en ces termes :

En se fondant sur l’étymologie du préfixe « anti », la forme anti-générique définit un procédé de brouillage du code générique d’une oeuvre. Chez Nokan, li s’agit d’une technique de convocation d’un ou de plusieurs genres et formes littéraires, et même non littéraire à l’intérieur des structures de textes poétiques où ils n’étaient point attendus.

Angoho 2021 : 63-76

La vision du monde incarnée par la formalisation de cette écriture se comprend au travers du souci du poète de conformer la littérature aux valeurs traditionnelles de nature pluriforme. L’art d’écrire devient donc un moyen opératoire de mise en éveil de la façon de penser et d’agir. L’artiste, à sa guise, rabat les cartes de la conscience populaire, sans à priori se demander comment l’oeuvre littéraire, sans genre, sera perçue par le lecteur qui

est amené à s’arrêter pour s’interroger sur un élément privilégié de la chaîne de communication que constitue le texte littéraire […] Cette réflexion peut l’entraîner vers une exploration des codes liés à tel ou tel genre ou à tel ou tel mode, ou des différents procédés narratifs qui président à la création littéraire.

Lepaludier 2003 : 19

Il ne s’agit pas pour le lecteur d’explorer des codes liés à tel ou tel genre, mais plutôt de réfléchir sur une « chose » contre nature, dont le décodage contraint le lecteur à consulter les pratiques sociales, l’environnement spirituel de la communauté de l’auteur, etc. ; le tout dans un paratexte approximatif ou une structure incongrue. Aucun sommaire ou autre esquisse paratextuelle, sauf une épigraphe, à la troisième page de titre en guise de boutade : « Chant de braise pour une liberté en flamme » (Adiaffi 1980 : 3). Cette épigraphe semble annoncer une parole lourde[4] qui obéit à un principe qui est que ce qui va être dit n’est nullement connu d’avance, si ce n’est au travers d’un proverbe dont le locuteur se sert pour baliser sa pensée. La structure externe de l’ouvrage oraliste est unique, un poème à long cours qui s’écoule comme une parole. La structure interne en revanche, est un processus initiatique qui laisse apparaître trois étapes auxquelles se soumet l’initié. Ici, à la lumière de la fonction initiatique déterminant le rapport critique lié à la symbolisation, le poète introduit le lecteur dans une arène imaginaire réservée aux seules personnes aguerries à la pratique et à la compréhension de l’existence qui prend ses sources dans les méandres cosmogoniques. Le mot est un fétiche[5], la parole un vent insaisissable, pour le poète, ce qui revient à dire que la parole poétique n’est pas donnée à tout le monde. Seul l’initié est appelé à décrypter le langage poétique qui est, du reste, une somme de mots chargés, alimentés par les pratiques ancestrales. Et c’est dans ces pratiques ancestrales, à juste titre, que le poète puise son souffle, pour peindre les mots à connotation initiatique.

L’initiation poétique du poète commence par une étape assimilée à la nuit et à la mort qui, bien que donnant l’impression d’une abstraction de tout mouvement, mobilise l’initié dans une perspective de révision de conscience et de remise à niveau de la pensée débarrassée de toute scorie. C’est aussi l’instant de rechargement spirituel assorti d’acquisition de valeurs positives rendant l’impétrant apte à aller à la conquête du savoir, une aventure sans limite au gré de la crise marquée par les images de la Nuit et de la Mort. Adiaffi écrit :

La longue nuit des caresses maléfiques des vautours

La nuit

Des vautours

Des hyènes

Des chacals

Des charognards

La nuit aux perfides appétits

Qui se repaissent des yeux crevés des vierges violées.

Adiaffi, D’éclairs et de foudres : 33

Chacals, hyènes et vautours sont des animaux qui vivent de la mort des autres. L’énumération qui les met dans le même voisinage décrit le champ lexical de la mort. L’association du substantif « nuit » à ce champ lexical, autorise à l’interpréter comme étant le temps de l’insécurité. L’insécurité de la nuit est le fait des charognards, ceux qui exploitent le malheur des autres.

Si le départ initiatique du poète est truffé de douleurs issues des méfaits de la nuit et les convoyeurs de la mort, le poète est déjà visité par la capacité surnaturelle qui lui donne la même sensation que la nature. Sans aucune disposition en la matière, le commun des mortels ne saurait éprouver le même hoquet, les mêmes vomissures sanguinolentes et les mêmes excréments que des choses de la nature provoquent :

Terribles volcans quels pesants secrets vous fait gémir ainsi ?

J’ai le même hoquet de colère que vous les mêmes nausées

Les mêmes vomissures sanguinolentes

Et les mêmes excréments à foutre à la face

Du CIEL et de la TERRE »

Adiaffi, D’éclairs et de foudres : 13

Après l’étape de turbulence morale assimilable à la mort, commence l’initiation dans sa matérialisation proprement dite : « Ô terre tiens bon sur tes racines et enracine moi à ton rocher Sisyphe je recommence l’histoire des tâches impossibles » (Adiaffi, D’éclairs et de foudres : 22). « Ô terre » : modalité poétique d’interpellation. Le poète interpelle la terre qui est ici un symbole cosmogonique représentant l’ancêtre du poète. Il invoque la terre ou l’ancêtre aux fins de bénéficier de ses grâces. Une des grâces sollicitées est son enracinement : « enracine-moi ». C’est-à-dire, le pouvoir de résistance à toute épreuve de la vie. Le rocher Sisyphe dans lequel le poète veut être enraciné, symbolise l’armature mystique que couve l’esprit initiatique.

Terre et ciel, symboles mythiques, sont des référents insondables qui commandent l’oeuvre initiatique. Ils polarisent la communauté du poète qui voit en ce mythe le fondement de la naissance du monde, d’où son ascendance spirituelle dans tout exercice de ce genre. De cet engagement succède un acte fondamental à accomplir pour accéder à un état susceptible d’engendrer un ordre plus digne des êtres humains : « Ô terre baptiste-moi donne-moi un nom un nom de serpent un nom de pierre un nom de volcan un nom de ciel… Un nom d’homme… » (Adiaffi, D’éclairs et de foudres : 22). « Ô terre baptise-moi » : L’auteur interpelle la terre afin qu’elle le rende spirituellement fort par l’acquisition des noms de baptême initiatique que sont « serpent », « pierre », « volcan », etc. Ces noms initiatiques réclamés sont symbolisés comme suit :

Figure 1

La symbolisation des noms de baptême initiatique

La symbolisation des noms de baptême initiatique

-> Voir la liste des figures

Chaque particule symbolique, à savoir, volcan, homme, pierre, ciel et serpent, dresse un champ sémantique correspondant à la puissance spirituelle qu’elle sustente. L’initié est alors revêtu des pouvoirs reçus par acquisition des noms initiatiques. Le troisième niveau de l’initiation ou la troisième articulation de la structure interne de l’oeuvre poétique parachève la fiction poétique, marquée par l’acquisition de la part de l’initié et/ou du poète, de la capacité additionnelle qui le rend apte à la lutte pour la liberté. Il revendique, à cet effet, des valeurs initiatiques qui sont fondamentalement la somme d’une prise de conscience de l’être vis-à-vis des contingences existentielles. Elles sont des sources de pouvoir que seul l’initié détient :

Figure 2

La symbolisation des valeurs initiatiques acquises par l’initié

La symbolisation des valeurs initiatiques acquises par l’initié

-> Voir la liste des figures

Pour diriger un peuple, il faut être un initié. Chez les Agni[6], selon Adiaffi : « nul ne peut prétendre à un pouvoir de roi ou de chef s’il n’a été soumis au feu de l’initiation » (Adiaffi 1997 : 12). Auréoler de toutes ces capacités surnaturelles transmises, le poète peut se targuer de disposer de coffre nécessaire pour une prise de pouvoir par la force, dans le feu de l’action. Car, pense-t-il, ce n’est que par la violence qu’il accèdera, avec l’aide du peuple, au pouvoir politique sous la foudre des mouvements insurrectionnels, à l’origine, sans doute, du titre de l’ouvrage : D’éclairs et de foudres. L’extrait ci-dessous en donne l’expression :

Guérison Guérison Guérison
Miracle Miracle Miracle
Guerre Guerre Guerre
Peuple Peuple Peuple
… GUERILLEROS…
Guérison Guérison
Miracle Miracle
Guerre Guerre
Peuple Peuple
GUERILLEROS
Guérison
Miracle
Peuple
 Peu
 p
 l
 e

Adiaffi, D’éclairs et de foudres : 106

À la forme d’un révolver dont la gâchette est tenue par le peuple, la poésie oraliste est, pour le poète, le moyen par lequel il tente de pousser le lecteur et/ou le peuple à une prise de conscience du fait qu’il est le seul maître de son destin. Seule la force des armes lui permettra de recouvrer sa liberté. Une approche littéraire que corrobore l’assertion de Charles Nokan citée par Diama, selon laquelle : « La substance d’un poème ne réside pas que dans la musique des mots, le rythme, la profusion d’images. Elle est aussi dans les idées exprimées, l’idéologie, la beauté de son contenu, c’est-à-dire la positivité de celle-ci » (Diama 2013 : 9). À l’analyse, la poésie oraliste parachève sa propension à valeur sociale en se positionnant comme le creuset de la lutte pour la liberté des hommes et des femmes.

Contrairement ou à la différence du rappel de Kristeva, citant Bakhtine en ces termes : « tout texte se construit comme une mosaïque de citations, tout texte est absorption et transformation d’un autre texte » (Kristeva 1969 : 145-146), au lieu d’un autre texte, Adiaffi ausculte l’oralité dans sa manifestation ésotérique et profane, pour communier avec le lecteur sur des valeurs qui ne relèvent pas toujours de l’esprit cartésien : « La symbolisation du troisième degré (elle est la plus complexe et a en général une portée ésotérique. La connaissance de ce troisième niveau de symbolisation exige nécessairement une initiation) » (Zadi 1994 : 42). Ce processus cognitif métatextuel procède évidemment de l’intertextualité selon Anne-Claire Gignoux qui stipule que « [l]a métatextualité […] s’appuiera le plus souvent sur des citations de l’oeuvre étudiée et de ce fait sur l’intertextualité » (Gignoux 2005 : 48).

Partant de ses connaissances du terroir, le poète transcende la création poétique de consignes pour faire monter, comme une guirlande bigarrée, le verbe sans genre que l’analyse ci-dessus a peu ou prou dégagé. Les éléments que thésaurise cette relation intertextuelle sont libellés comme suit :

Tableau 1

Éléments constitutifs de l’intertextualité, une métatextualité en éveil

Éléments constitutifs de l’intertextualité, une métatextualité en éveil

-> Voir la liste des tableaux

Le processus intertextuel est divisé en trois colonnes : A, B et C. La colonne A présente des valeurs sources, issues de la tradition orale dont la connaissance ou l’acquisition relève des pratiques quotidiennes. La colonne B rend compte du genre poétique assorti de consignes conformes aux valeurs qu’il revendique, susceptibles de servir de modèle. Tout art poétique est supposé se conformer à ces considérations formelles. La colonne C renvoie à une structure poétique autre que celle qui est établie en termes de conception référentielle.

Cette relation tripolaire semble ouvrir une brèche sur ce que Genette nomme « hypertextualité » : « J’entends par là toute relation unissant un texte B (que j’appellerai hypertexte) et un texte antérieur A (que j’appellerai, bien sûr, hypotexte) sur lequel il se greffe d’une manière qui n’est pas celle du commentaire » (Genette 1982 : 13). Le contexte qui est le nôtre nous oblige à distinguer le mode d’apparition du référent. La parole qu’Adiaffi appelle « chant de braise » n’est pas figée. Elle est mouvement et elle est variable, donc insaisissable. Le poète ne peut que saisir les valeurs qu’elle convoque, les richesses qu’elle sustente pour les soumettre à la vérité poétique. Le résultat donne une relation théorique qui est : A + B = C. Ce bouclage contextuel donne à voir une esthétique que Christian Rivoire cité par Adou, corrobore à la lumière de ses travaux sur l’oeuvre oraliste de Toh Bi Emmanuel. Il énonce en ces termes :

Je partage avec Toh Bi Tié Emmanuel le goût de ces longs textes où la Poésie se donne le droit de réintroduire la narration, où la Poésie s’autorise le mélange des différents registres de notre vie, où la poésie s’offre le bonheur d’accueillir d’autres genres, comme le conte, sans plus se soucier de restrictions venues d’un lointain xixe siècle.

Adou 2021 : 29

Rivoire fait sans doute allusion aux courants littéraires occidentaux de consignes, parlant « d’un lointain xixe siècle », même si le romantisme semblait briser les vielles amarres du classicisme. Abondant dans le sens, Diama Kmonti dans sa thèse de doctorat consacrée à Charles Nokan affirme ce qui suit :

Avec Charles Nokan, l’on découvre que la parole poétique s’enracine dans l’esthétique akan et spécifiquement baoulé. Selon Charles Nokan, cette esthétique, à l’image de celle de l’Afrique noire, ne fait pas de distinction très nette entre les genres littéraires, comme c’est le cas dans la culture occidentale.

Diama 2013 : 9

Cette occurrence poétique sans genre, retrouve toute sa dynamique esthétique dans la convocation d’une rythmique qui transcende le cadre formel de la création poétique.

2.1. Le rythme oral, une esthétique N’zassa, objet de métatextualité

La création poétique dite poésie oraliste, tout en cherchant à créer sa propre structure, développe une esthétique qui fait appel aux valeurs sociales et artistiques. Les instruments musicaux traditionnels s’invitent dans le texte pour assujettir le verbe au diktat des sonorités diverses qui surgissent çà et là, mettant aux prises deux réalités : la culture orale et l’écriture. Il en ressort une conjugaison inappropriée des formes. Le poète en fait une raison littéraire.

Le texte oraliste se laisse sonoriser pour se faire entendre comme si l’artiste cherchait à transformer son environnement cognitif en un lieu de spectacle. Il frappe l’instrument pour éveiller les esprits :

Frappe-moi ça tam-tam

Frappe-moi ça balafon

Frappe-moi ça cora

Adiaffi, D’éclairs et de foudres : 5

Après avoir entonné le tam-tam ou le balafon, le poète énonce ce pourquoi, il interpelle ses pairs :

Parole de pierre

Parole d’épine

Parole de fleuve

Parole de lion

Adiaffi, D’éclairs et de foudres : 5

La parole annoncée par le tambour convoie un message grave, comparable à une pierre par son caractère blessant, à une épine par son apparence piquante, à un fleuve par son immensité et à un lion par sa dangerosité. Au travers de ces instruments, l’artiste exprime sa peine au milieu de ses frères et soeurs qu’il interpelle. La sonorité ambiante assure une rythmique qui négocie sa place dans le texte poétique là où le mot ou la syllabe devrait porter le son ronflant ou aigu. Le critique explicite cette tendance littéraire traduisant l’inconscient social de l’auteur, dans les limites de l’intertextualité : « Le champ ouvert est celui d’une sociologie de l’écriture, collective et individuelle, et d’une poétique de la socialité. La sociocritique ne saurait ignorer les apports parallèles des démarches sociologiques situées en amont et en aval des oeuvres littéraires » (Duchet 1979 : 4). Cette instance intertextuelle conforte l’imaginaire onirique où le plaisir de lire un son, d’entendre une intonation instrumentale entre les lignes par une lecture vivante, donne envie, suscite une communication sensorielle entre l’auteur et le lecteur. Mais aussi, il s’opère une mise en relation avec l’implicite qui se découvre dans le lien étroit qui lie le lecteur à ses valeurs traditionnelles qu’il découvre en dehors de leur cadre naturel. Il se souvient, revisite de façon tacite sa culture. À ce titre, sur la base des travaux de M. Picard, Vincent Jouve voit dans chaque lecteur, trois instances : « le lectant (qui s’investit de manière intellectuelle) se subdivise en lectant jouant (qui se passionne pour les jeux narratifs) et lectant interprétant (celui qui s’intéresse au sens global) », « le lisant (partie du lecteur piégé par l’illusion romanesque) » et « le lu (le rapport pulsionnel à l’oeuvre) » (Lepaludier 2003 : 26). Dans ce cas d’espèce, le lecteur opérera une double attitude de rétrospection mentale et d’approche intellectuelle. Face à l’écriture N’zassa, sa compétence en matière de connaissance des valeurs du terroir de l’auteur est requise, car il ne saurait en être autrement. La simple évocation du tambour, un symbole, mobilise un ensemble de considérations implicites comme le laisse entendre Lepaludier. La métatextualité recommande, à priori, une analyse à la fois du contexte et du dedans de l’inconscient social que couve l’énoncé poétique.

Si la rythmique instrumentale emporte toute la poéticité du discours, l’usage qu’en fait le poète reste tout aussi significatif. Le vers, tel qu’il est lâché, n’est pas un écrit formel ou scripturaire, mais plutôt un jet de son émis par le tambour. À ce propos, l’oraliste, relativement au langage littéraire du tam-tam, précise que « tout d’abord sa phrase, même utilisant les mots courants, ne relève pas des mêmes règles grammaticales de confection et d’utilisation ; il ne s’agira pas ici d’un langage, mais plus, d’un langage des langages » (Titinga 1991 : 22). Ces phrases ainsi formulées, sont juxtaposées, semblables à des puzzles lâchés par le tam-tam dont l’agencement non articulé donne des sons qui accompagnent la parole chantée. Cependant, si cette parole est psalmodiée au souvenir des peines intarissables, la réitération des termes grammaticaux en rythme le souffle :

… LE SANG

 D’un peuple

Le peuple d’amour

 De terre

 De forêt

 De savane

 De désert

 De ciel

 Le sang noir qui verse

Adiaffi, D’éclairs et de foudres : 32

Le retour anaphorique du partitif « de » instaure une sonorité incantatoire qui prend toute sa valeur symbolique dans l’usage des référents naturels associés que sont la terre, la forêt ou bien la savane. Ces éléments naturels relèvent en général du sacré. Tout porte à croire que le poète se transforme en maître initiateur qui fait de son écriture poétique le lieu d’expression de valeurs imputrescibles.

2.2. Le proverbe, le conte, le mythe, de l’explicite à l’implicite métatextuel

S’il est admis, sous le couvert de la sociocritique, une lecture de « l’explicite et de l’implicite » (Duchet 1979 : 4) du texte littéraire, l’idée qui effleure l’esprit ici est celle qui cherche à comprendre la portée de ces valeurs orales qui ne semblent nullement militer dans la même arène que la poésie. Comme nous l’avons déjà mentionné, la poésie orale procède de la tradition orale dont elle assure l’essence artistique. Jean-Marie Adiaffi, dans cette perspective, recense ces sédiments culturels au profit d’une invention qui a tout l’air d’un ramassis de bribes de pensée et d’agir, pour en faire un met à papier sur une table de nuit. L’on imagine la passion qui a guidé le poète à la recherche de l’inimaginable. D’éclairs et de foudres est une oeuvre tissée de réalités du terroir chantées et adorées. L’oeuvre poétique les énonce en les installant dans un milieu dans lequel elles ne sont pas attendues. Elles y viennent avec toute leur richesse possible, comme une greffe pour opérer une race d’écriture nouvelle au gré du vers proverbial, une esquisse métatextuelle :

Le griot :… Et le mal qui frappe le village de ses griffes de dragon ? De lépreux ? Le roi a-t-il une solution, un remède dans son sac à miracle ?
Le roi : Continuez, notables continuez. L’éléphant met deux ans pour mettre bas… Ainsi en est-il de la parole du roi.
Le village : Parole de roi taille d’éléphant force d’éléphant.
Notable : On n’a jamais vu un lion mettre bas un mouton
Le village : On n’a jamais vu un lion mettre bas un mouton
Notable : On n’a jamais vu un aigle prendre peur de cheminer aux cieux son royaume.

Adiaffi, D’éclairs et de foudres : 79

Dans cet extrait, Adiaffi a recours à des proverbes qui observent les principes de base régissant le proverbe, à savoir le binarisme ou le mouvement à deux temps : « On a jamais vu un lion mettre bas un mouton ». Ce proverbe, tout comme les autres, présente un mouvement à deux temps explicitement disposés : premier temps « On a jamais vu », suivi d’un deuxième temps « un lion mettre bas un mouton ». On observe dans ce proverbe un mécanisme de double dénotation que le schéma suivant tente de représenter. Pour ce faire, nous mobilisons le principe de l’homothèse qui, selon Jean Cauvin cité par Ipou (1996 : 43) admet des notions de relation, à savoir la relation d’origine, la relation de sens et la relation d’emploi » :

Figure 3

Processus de symbolisation du proverbe

Processus de symbolisation du proverbe

-> Voir la liste des figures

Le proverbe repris entièrement donne :

Figure 4

Processus de symbolisation du proverbe

Processus de symbolisation du proverbe

-> Voir la liste des figures

En d’autres termes, la parole du roi doit être digne de son rang. Comme nous pouvons le constater dans ce proverbe, la double dénotation est apparente, ce qui a amené le chercheur à l’appeler « La symbolisation de la double dénotation » (N’Cho 1989 : 119). Il convient de noter en substance que ce n’est pas de la double dénotation que naît le caractère symbolique du proverbe. C’est plutôt de la relation du proverbe avec ses emplois possibles, de sa capacité à signifier non un dénoté second unique, mais toutes les situations à travers lesquelles le procès se manifeste selon la même structure symbolique. Dans ce cas, Adiaffi met au centre du procès le roi autour duquel se sclérose la pensée des personnages. Le symbole que représente le roi dans la société africaine donne un caractère sérieux, solennel, au discours en encodant l’énoncé. La symbolisation du proverbe s’effectue ici à la lumière de « la fonction initiatique » (Zadi 1994 : 33-54) servant d’outil d’analyse. Elle procède, au-delà de la caractérisation du mot, à l’analyse des figures de style ou images du reste « qui se caractérisent par l’importance de leur expansion lexicale ou macro-images » (Taï 2000 : 122) que donnent à voir le proverbe.

L’apparence dialogique de l’extrait ci-dessus renforce le processus intertextuel, tout comme la symbolisation du conte. Notons que la représentation du conte dans la tradition orale, à laquelle la poésie oraliste s’associe, « varie d’un peuple à un autre » comme le stipule N’Guessan (1987 : 23-38), au regard des diverses appréciations que chacun se fait de son rôle et de ses origines. L’image que le conte renvoie est celle d’un monde qui s’inscrit dans un cadre à la fois ludique, didactique, magique, fictif ou réaliste. Son encodage dans la poésie procède d’une saisie par analogie, notamment le faire des personnages. Le personnage du conte se voit ici coopté, pris dans son contexte naturel pour régenter une autre arène de turbulence langagière où tout est voué à l’imprévisibilité. Mais ce qui retient l’attention est l’identité culturelle à laquelle se réfèrent les actants de la prose poétique. D’éclairs et de foudres manifeste à ce titre un accaparement du rituel consacré à la dénomination des personnages dans l’ère culturelle Akan d’où le poète est originaire.

Dans cette ère culturelle, comme dans beaucoup de communautés africaines, l’attribution d’un nom n’est jamais fortuite. La parole traditionnelle dont elle procède ne se soustrait pas en général des valeurs qui traduisent au mieux sa logique ancestrale. La pratique est placée dans un contexte anthroponymique qui est un véritable genre littéraire dans l’Afrique ancienne. « Il est fondé sur la pertinence stylistique d’un type particulier de nom que les anciens attribuent aux nouveau-nés » (Zadi 1987 : 277). Suivant cet esprit, le nom attribué à un personnage est sensé porter la charge émotionnelle et justifier la pertinence du rôle incarné. Kakou Anazé (araignée), un mythe inamovible de la ruse intelligible dans le conte Akan, s’érige, à l’insu de son rôle naturel en une esthétique poétique :

Akissi : Ah ! ah ! Malheur à vous village panthère châtrée […] Le vieil Anazé est partout. Le vieil Anazé ne veut pas aller au cimetière, Est-ce ma faute à moi ? Vous avez peur de ses yeux, ah ! ah ! Vous voulez sa peau… Tenez sa tête puisque vous la voulez aussi… Caressez-la caressez-la souillons elle vous délivra de vos odeurs de soufrière que vous répandez alentour…

Adiaffi, D’éclairs et de foudres : 84

Par analogie, Adiaffi attribue le statut social de Kakou Anazé, considéré comme un personnage pétri de ruse capable de tourner en bourrique n’importe quel adversaire, au Vieil Anazé, personnage historique ayant combattu le colonialisme. Sa capacité à déjouer les complots ourdis par le colon et ses complices locaux lui vaut cette anthroponymie. Il est écrit à ce propos que « L’analogie est aussi à l’oeuvre par l’intertextualité puisqu’une comparaison est instaurée, suggérée ou implicite entre le texte lu et ceux auxquels il réfère ou fait allusion, ses hypotextes » (Lepaludier 2003 : 32). Cet exercice nullement innocent explicite un autre cadre conforme à l’idéologie poétique de l’artiste. Il en est de même pour la « Folle Akissi » dans le rôle de devin, appelée à la mise en lumière de l’obscur :

Notable : Folle AKISSI.. Tu l’auras…
Le village : Parle ! Parle ! Parle ! Folle
AKISSI,
AKISSI qui revient du pays des morts…

Adiaffi, D’éclairs et de foudres : 84

La caractéristique de ce référent est qu’il symbolise le versant complexe que dévoile l’analyse stylistique, notamment la symbolisation au troisième degré mettant au jour l’impertinence de la corrélation entre la poésie et l’oralité (« AKISSI qui revient du pays des morts »). Si la syntaxe de ce terme est irréprochable, il s’impose cependant, dans le fond, une considération des choses introduisant l’esprit cartésien au seuil de l’impensable. La poésie oraliste ne s’offusque pas outre mesure à l’appel de cette composition, parce que l’auteur est conscient de l’indélicatesse de la piste sur laquelle il s’ébranle. Comme un initié, il lit au travers des signes pour dire l’implicite métatextuel que le mythe peut se targuer de dégager.

L’emprunt du mythe opéré par l’auteur à l’oralité s’exprime en termes de transfiguration de l’expression formelle et sémantique :

LA TERRE S’OUVRE SUR LE TROU

 DU CIEL

ET LE CIEL ENFERME LA TERRE DANS

 SON TROU

Adiaffi, D’éclairs et de foudres : 5

Les termes en majuscules, « terre », « ciel », « s’ouvre » et s’enferme », attirent l’attention, le poète cherchant à présenter le mythe autour de ce qu’il proclame comme la représentation que le peuple auquel il appartient se fait du monde. À l’origine de la création de l’univers, ce mythe régente toute la conscience populaire. Un code langagier qui sert de serment au nom du ciel et de la terre, phénomène spirituel, pour traduire la véracité de la parole dite. À ce sujet, il est affirmé que le mythe admet deux pôles de réflexion : « le premier qui exprime la sacralité du mythe, faisant de celui-ci un puissant instrument religieux, et le second qui lie cette sacralité à des étangs, à des réalités concrètes » (Toh Bi 2008 : 64). Le poète, se référant à ce mythe cosmogonique, met en scelle sa poétisation à partir du processus initiatique :

Ô Terre nos patiences meurent de décrépitude : leur belle mort… des siècles de patience à vivre la mort. Aujourd’hui, Ô Terre qui s’enracine dans la terre qui s’enracine dans le ciel, donne-moi la force de mourir la mort.

Ô Terre faites qu’à présent nos mains tendues ne soient plus de prières ni d’aumônes mais de sabres...

Adiaffi, D’éclairs et de foudres : 21-22

La prière adressée à la terre, n’est pas déconcertante. Elle a pour rôle de donner à l’initié toutes les forces nécessaires dont il a besoin.

Si la poésie orale exalte le mythe par souci de consolider les consciences dans le milieu traditionnel, la poésie adiaffienne s’inspirant de ce mythe laisse entrevoir un questionnement qui ne saurait trouver de réponse que dans le saisissement qui étreint le poète, au moment précis où le prend à la gorge l’inspiration. Le mythe, ou peut-être un autre vestige de la conscience, semble ici s’imposer de bout en bout, donnant lieu à une intertextualité débordante. Tout en se remettant à la psychocritique selon Jouve (1999 : 91), la récurrence des valeurs traditionnelles dans le corpus poétique montre que Adiaffi développe un mythe personnel, au regard de son obsession à réinventer une écriture de l’oeuvre littéraire. La singularité de cette pratique intellectuelle dispense, de façon sous-jacente, une perception de l’univers qui ne manque pas d’enjeux.

3. La métatextualité, quels enjeux ?

Faut-il se demander sur cette question d’écriture qui reste pour l’écrivain le lieu de réalisation ou de décomposition de son inspiration, sa foi en sa pensée et tout ce qui suggère en lui cette force inconsciente qui le guide ? Faut-il le dire ? C’est en quelque sorte sortir de soi-même, témoigner du désir de dire, ce qui du reste ne saurait voir le jour si cette écriture derrière laquelle il installe son royaume ne lui présente pas des possibilités favorables. Mais, peu importe. Ce qui nous retient ici est cette réflexion que suscite la question qui part des ramassis cognitifs oratoires pour sonder une fiction littéraire nullement fortuite. La métatextualité s’érige donc pour l’écrivain et sa communauté intellectuelle en un manifeste de repositionnement d’une littérature qui fait de la transcendance paradigmatique et la recherche de la dignité culturelle un enjeu.

3.1. La transcendance paradigmatique, une métatextualité

Au-delà de la transcendance métaphysique, là où la philosophie entend nous inviter, la métatextualité convoque la notion de dépassement en observant en filigrane la vraisemblance, à l’appel de la rhétorique aristotélicienne qui considère l’art comme la reproduction imagée des faits de société. Le paradigme théorique ou l’apparence des consignes poétiques phagocytées par l’intertexte offrent une fiction artistique innovante. La création littéraire n’est plus celle que suggère le formalisme, mais plutôt ce que propose la pensée au contact des valeurs à la fois réalistes et abstraites. Le brassage çà et là des signes, des matériaux de récupération qui n’ont peut-être pas survécu au temps, mais qui reviennent pour meubler la parole dans toutes ses extravagances langagières, constitue pour le poète un enjeu indéniable de réarmement esthétique, voire de redéfinition de la chose littéraire. Il se donne la mission, si elle en est une, de saisir cette parole dans toutes ses dimensions poétiques au point qu’elle se présente « comme une parole terrible et inhumaine, constituée de mots-objets parés de toute la violence de leur éclatement et dont la vibration purement mécanique provoquera juste le mouvement des autres mots de la chaîne avant de s’éteindre aussitôt » (Zadi 1981 : 33). L’auteur s’abandonne à la création littéraire qui consiste entre autres, à soumettre à la langue française des idiomes ou modes de pensées issus des civilisations africaines, que l’auteur n’entend pas traduire, par peur de les dénaturer (mots-objets). Au-delà des mots, le parolier interroge également l’irrationnel, la cosmogonie, qu’il appelle parole terrible et inhumaine.

L’énoncé N’zassa est une reproduction pratique des entités matérielles qui jouent à l’imposition de la réalité socio-culturelle dans le texte. Le mot n’est donc plus ce mot froid, mais plutôt un objet qui parle ou qui résonne pour ordonner une cadence tambourinée :

Frappe-moi tam-tam

Frappe-moi ça balafon

Frappe-moi ça cora

Adiaffi, D’éclairs et de foudres : 5

Le tam-tam, le balafon, le cora constituent autant de matériels de sonorisation qui abandonnent leur milieu naturel au gré de l’inspiration poétique pour faire vibrer le papier blanc comme si la structure syntaxique et les phonèmes ne savaient plus assurer avec efficacité la séquentialisation du texte littéraire. L’intertextualité à connotation oraliste ne lésine guère sur ce qui est propre à l’environnement social, l’objet attenant à la vie, et affecte à celui-ci un rôle correspondant à son statut. La relation critique que suggère cette corrélation quelque fois inconcevable, ne s’éloigne guère du commerce spirituel. La volonté de s’élever au-dessus des méandres pour se confier à la puissance mystique dans un exercice initiatique insuffle à l’écriture une élégance sémantique qui transcende les rhétoriques ordinaires. Le texte poétique orchestre une autre façon de penser la littérature :

Ô Terre nos poings s’enracinent profonds dans tes seins nos mains coccygiennes s’enracinent au sacrum de la terre […]

Ô Terre ma mère d’orage que sur Toi mes pieds jamais ne chancellent

Adiaffi, D’éclairs et de foudres : 21-22

L’interpellation de la terre « Ô Terre », ne se réalise pas n’importe comment et n’importe où. Elle est de nature initiatique, à savoir toute prise de parole qui se manifeste dans un contexte particulier où l’initié rentre en relation avec les ancêtres pour solliciter leur pouvoir. Celui-ci implore la capacité de ne jamais faiblir. Au lieu des mots usuels, c’est la parole symbolique : « Ô Terre nos poings s’enracinent profonds dans tes seins » qui suture l’énoncé hybride pour porter la réflexion à un autre degré.

Si la métatextualité s’opère au crochet des velléités de dépassement ou de transgression du verbe, la vraisemblance se ressent dans la convocation de l’art oratoire. Nous appelons « art oratoire » tout ce qui semble relever de la dynamique de la parole qui fait des actes paroliers ou gestuels le lieu d’une production à la fois sérieuse et comique. Le poète introduit le lecteur dans une instance dramatique où se mêlent sonorisation, gestuelle, langage familier et poétique :

Le roi : « Annoncez parole du roi »
Le village : « Ô roi le village écoute la parole du roi, o roi le village entend la parole du roi »
Notable : « Notables parlez ! »
Notables : « Les vautours sur le village… 3
Le village : Vautou-ou-ou-ou-ou-ou-ou-ou-ou-ou-ou-ou-ours
Notables : Les vautours suspendent à leur cou tortueux à leur corps serpentant des colliers d’épines des colliers d’os. Les hyènes sur le village
Le village : Hyè-è-è-è-è-è-è-è-è-è-è-è-è-è-è-è-è-è-è-è-è-è-è-è-ènes
Notables : Les hyènes sur le village décorent leurs poils lugubres de médailles de morts nos morts nos os
Le griot : Saigne moi ça Attoungblan de pleurs et de morts…
Notables : Les chacals sur le village
Le village : Chaca-a-a-a-a-a-a-a-a-a-a-a-a-a-a-a-a—a-a-a-a-a

Adiaffi, D’éclairs et de foudres : 77-78

L’apparence dialogique de ce passage conforte l’esprit dans l’idée que le discours poétique oraliste assume une perception de l’art du langage au travers d’un ensemble de considérations actives. La métatextualité, dans ce contexte, se perçoit avec une mise en scène du pouvoir politique que l’auteur dépeint à partir des matériaux poétiques. La distanciation sémantique invite le lecteur à une rétrospection historique par le biais de la métaphore (vautour et hyènes, les fossoyeurs et bourreaux sanguinaires des peuples) et de la métonymie (le village pour les peuples en souffrance). Les peines encourues, les oppressions du passé, la colonisation, qui ont fait l’objet d’enseignement dans les écoles et refoulés dans le subconscient selon Freud, reviennent à l’esprit. Cette relation morganatique : poésie/humour/théâtre se laisse analyser au rythme d’un extra-texte qui énonce la fin d’une consigne pour développer une autre conscience créatrice. Une brèche destinée à donner, sans doute, le meilleur de soi parce que c’est en se soustrayant de l’ordinaire que l’on attire davantage l’attention. Pour peu que cette poésie ose, elle interpelle par son approche formelle certes, mais elle présente une posture qui se fait source de dignité culturelle.

3.2. La quête de la dignité culturelle, une esquisse métatextuelle

L’approche définitionnelle du terme dignité renvoie à une attitude empreinte de réserve, inspirée par la noblesse des sentiments ou par le désir de responsabilité. La notion de dignité met au jour des valeurs qui concourent à l’élévation de l’homme au travers de l’action attirant responsabilité et honneur. Adiaffi associe cette responsabilité à la pratique du « Bossonnisme », que sa poésie n’a de cesse de ressasser. Une attitude consciente tendant à faire comprendre au lecteur présumé, que sa dignité repose dans sa croyance aux dieux du terroir ou l’être suprême : « La dignité humaine requiert l’obéissance à une loi supérieure, à la puissance de l’esprit », disait Gandhi. À cet égard, l’écrivain invoque un ordre philosophique qui prend racine dans la puissance cosmogonique ; un point de ralliement de sédiments spirituels harmonieusement établi.

Voyons comment s’élabore la charpente des rapports qui unissent les éléments de ce monde qui consacre le fonctionnement de la chose spirituelle énoncée :

Figure 5

Schéma de mise en rapport des entités cosmogoniques à l’origine du bossonnisme

Schéma de mise en rapport des entités cosmogoniques à l’origine du bossonnisme

-> Voir la liste des figures

Le ciel et la terre recentrent la notion de Dieu qui se précise autour de ces deux phénomènes spirituels. Dieu, logé au ciel et créateur de la terre, est cet être suprême vers qui sont renvoyées toutes les supplications dans la forêt ou le bois sacré et au bord des eaux où sont installés les génies adorés avec les sacrifices. Les ancêtres détenteurs du pouvoir de bénédiction accompagnent ces offrandes dans la perspective d’une bénédiction. Dieu étant logé très loin au-dessus du ciel, et presque inaccessible, les offrandes à la surface de la terre dans le bois sacré sont un moyen pour communier avec le divin distributeur de paix provenant de chaque entité sacrée. Le poète énonce :

Paix à toi mon frère

Paix de source

Paix du ciel

Paix de terre

Paix de forêt

Adiaffi, D’éclairs et de foudres : 30

Le poète fixe, dans son discours poétique, sa capacité à contribuer à l’idéal social. Il s’invente un monde de paix à partir des valeurs conformes à l’émergence d’un tel ordre.

La métatextualité, dans ce cas, conserve toute son essence en ce sens que l’auteur montre sa conscience de la complexité du langage poétique fortement émaillé d’artifices culturels. Une telle option ne s’opère pas de façon fortuite. L’écrivain se saisit de la poésie, au-delà de l’honneur qu’il y a de susciter l’appropriation de la culture du terroir, pour procéder à la promotion des pratiques traditionnelles. Une valorisation de la façon de penser et d’agir des peuples qui se sont, à un moment donné de leur existence, dépouillés de leur âme.

La plus grande capitulation des africains a été le délaissement de leurs pratiques traditionnelles au détriment des religions révélées et importées comme le christianisme, l’islam et le bouddhisme etc. Si au cours de l’histoire, l’Afrique a subi plusieurs siècles de domination occidentale (esclavage et colonisation) c’est parce que l’africain en rejetant sa religion, a ainsi vendu son âme.

Nango 2020 : 1

Il faut se réveiller, eu égard à cette écorchure du destin dont l’impact est immense, parce qu’il relève de l’esprit. Un réveil pour panser la douleur morale par le biais d’une écriture qui constitue un moyen de communication. L’émetteur veut procéder à une cohésion des consciences autour de ce qui est commun à la communauté et qui peut être compris par autrui. Chacun saura y retrouver quelque chose qui coïncide avec sa représentation de l’histoire qui se restaure par la voie littéraire.

Conclusion

Au terme de la réflexion sur la métatextualité, il convient de noter que l’analyse s’est articulée autour de l’énoncé intertextuel inspiré de la poésie orale. L’écriture N’zassa, esthétique littéraire à connotation subversive, a donné lieu à une redéfinition de la création poétique dans D’éclairs et de foudres dont la structure sémantique fait appel aux valeurs traditionnelles. Le traitement que l’auteur fait de ces sédiments culturels dans le corpus énonce une vision du monde axée sur la mise en oeuvre d’un nouvel ordre artistique conforme aux réalités du terroir ; une intrigue imaginaire source de responsabilité intellectuelle.