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Si, comme l’écrit Laurent Lepaludier dans Métatextualité et métafiction, tout texte de fiction est métatextuel à partir du moment où il invite à une prise de conscience critique de lui-même (2002 : 9), cette prise de conscience ne date pas d’hier. Au contraire, cette longue tradition de réflexion sur le fait littéraire est présente dès la naissance du genre romanesque, que ce soit la formation de l’artiste chez Cervantès au xviie siècle, chez Diderot et Sterne au xviiie siècle ou bien l’oeuvre elle-même chez Gide, Rilke et Joyce à la fin du xixe siècle et au début du xxe siècle. Cette tendance au retour critique de l’oeuvre sur elle-même occupe une place de plus en plus importante dans la fiction contemporaine de ces dernières décennies, ce qui, selon Patricia Waugh, serait dû au fait que les romancier·ières sont désormais bien plus conscient·e·s des problématiques théoriques en lien avec la construction de récits fictionnels (1985 : 2). Cette prise de conscience ne cesse par conséquent d’évoluer au point de devenir un marqueur du degré de maturité de la littérature en général et du genre romanesque en particulier.

La tendance à l’autoréflexivité du texte littéraire a fait l’objet de nombreux travaux théoriques, notamment dans le domaine des littératures française et québécoise. Citons à ce propos les travaux d’André Belleau (sur les notions de réflexivité ou d’auto-réflexivité, Belleau 1999), de Jean Ricardou et de Lucien Dällenbach (sur les notions de mise en abyme, d’écriture en miroir, de spécularité, Ricardou 1967, Dällenbach 1977) ou bien encore de Gérard Genette (sur la métatextualité, Genette 1982). C’est à cette dernière notion que nous nous intéressons, non seulement au sens où l’entend Genette, à savoir toute relation de commentaire qui unit un texte à un autre texte (1982 : 11), mais aussi au sens de relation critique qu’entretient un texte littéraire avec lui-même. La métatextualité qui retient ici notre attention est celle qui se manifeste à l’intérieur de l’oeuvre littéraire et qui a pour particularité d’attirer l’attention des lecteurs·rices sur le processus de création de l’oeuvre elle-même, sur ses procédés internes ou encore sur les conditions de sa publication, de sa diffusion et de sa réception[1]. Comme l’explique Jeanne Devoize, la réflexion métatextuelle apparaît lorsque le lecteur est

invité à réfléchir sur l’auteur, sur les rapports entre auteur et lecteur, auteur et narrateur, auteur et personnages, sur l’auteur et le lecteur implicites, sur les composantes du lecteur lui-même. Cette réflexion peut l’entraîner vers une exploration des codes liés à tel ou tel genre ou à tel ou tel mode, ou des différents procédés narratifs qui président à la création littéraire.

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Nombreux sont les écrivains francophones du Maghreb, d’Afrique subsaharienne et des Caraïbes à opérer ce retour critique sur leurs oeuvres. Que ce soit la figure de l’écrivain chez Patrick Chamoiseau et Fatou Diome, le romancier fictif et l’intertextualité chez Alain Mabanckou, Mohamed Mbougar Sarr, et Dany Laferrière, le personnage lecteur chez Sami Tchak, la mise en abyme chez Ken Bugul et Marie-Célie Agnant, ou encore les jeux de miroirs chez Kamel Daoud, tous·tes ont en commun d’avoir une conscience aiguë de leur condition d’écrivain·e et, tout particulièrement, de leur condition de créateur·trice issu·e d’un pays anciennement colonisé. En effet, ces trois aires géographiques partagent un certain nombre de similitudes sur les plans historique (colonisation) et linguistique (bilinguisme, voire plurilinguisme de fait), tout en conservant leurs spécificités sur le plan culturel. Or, comme le soulignent Alexie Tcheuyap et Hervé Tchumkam, les critiques limitent trop souvent leurs travaux à l’un ou l’autre de ces espaces, « sans jamais, ou presque, mettre au miroir ces littératures qui ont pourtant en partage d’être produites dans des espaces anciennement sous domination coloniale française » (2019 : 8). Selon l’écrivain martiniquais Patrick Chamoiseau, c’est précisément ce contexte historique colonial, dans lequel leur représentation d’eux-mêmes a été élaborée par l’ancien colonisateur, qui oblige les écrivains francophones issus de ces espaces à « revendiquer le droit » de se regarder eux-mêmes, de développer leur propre discours sur eux-mêmes (Lesne 2013 : 27).

La conscience critique cultivée par ces derniers est donc double car, si elle fait partie d’une tendance inhérente au genre romanesque, comme nous l’avons vu, elle fait également partie intégrante de leur histoire en raison d’une dissociation de fait sur le plan temporel (entre l’histoire coloniale et les histoires postcoloniales qui en découlent), culturel (entre le singulier et le collectif, la tradition et la modernité, l’oral et l’écrit, les marges et le centre), et enfin spatial (entre l’oeuvre endogène produite et, ce faisant, son créateur et le contexte exogène qui a rendu et rend encore possible son édition, sa distribution, sa diffusion, sa réception, voire sa légitimation). C’est au sein de cet entre-deux que se renégocie l’identité du roman francophone contemporain d’Afrique et des Caraïbes, ce dernier étant contraint de penser ces oppositions dont il a hérité bien malgré lui et de se les approprier pour leur donner un sens nouveau. On comprend donc mieux pourquoi les oeuvres littéraires issues de ces espaces accordent une place particulière aux questions suivantes : comment écrire ? Pour qui ? Pourquoi ? Dans quelle(s) langue(s) ?

L’écrivain·e francophone maghrébin·e, africain·e ou caribéen·ne est ainsi constamment renvoyé·e à son statut, un statut minoré, voire ghettoïsé, l’écrivain dit « francophone » étant bien souvent opposé à l’écrivain·e français·e, tandis que l’écrivain·e dit·e « du Sud » serait à distinguer de celui dit « du Nord[2] ». Dans des contextes locaux bien souvent incertains, la question du pouvoir de l’écrivain et, par extension, de la littérature, revêt également une importance singulière. La manière dont les romanciers·ières choisissent de se représenter dans l’espace de la fiction est ainsi lourde de sens, tout comme les difficultés auxquelles ils et elles doivent faire face dans ce cadre, ou encore les objectifs visés par leur pratique de la métatextualité, qu’ils soient d’ordre esthétique, idéologique, politique ou philosophique. Il en va de même de la langue d’écriture sur laquelle se focalisent bon nombre des réflexions contemporaines sur les littératures francophones. Lise Gauvin, la première à parler de « surconscience linguistique » pour décrire les écrits francophones émergeant de contextes de diglossie, affirme ainsi que le dénominateur commun de ces littératures « est de proposer, au coeur de leur problématique identitaire, une réflexion sur la langue et sur la manière dont s’articulent les rapports langues/littératures dans des contextes différents. » (1996 : 6) En effet, nombreux·ses sont celles et ceux à s’être interrogé·e·s sur comment écrire en français lorsqu’il n’est pas la langue maternelle ou lorsqu’il coexiste avec d’autres langues. Comment articuler les substrats linguistiques liés aux langues premières, que ce soit le bambara, le peul, le créole ou l’arabe ? Plus largement, comment l’auteur, à travers son oeuvre, traite-t-il de la question de l’écriture, tant d’un point de vue formel que du sens donné à cette pratique ?

À ces questions s’ajoute l’opposition conventionnelle, voire éculée entre langue(s) écrite(s), portée(s) par un individu, et langue(s) orale(s), portée(s) par le collectif. Comment faire entendre sa voix et celle de sa communauté sans pour autant être soumis aux diktats de cette dernière ? Cette question porte en elle celle du poids de l’écrit et de l’imprimé dans des espaces où les politiques publiques en faveur du livre sont parfois peu nombreuses, voire inexistantes, où le lectorat reste encore limité et où une industrie locale du livre peine à exister dans un marché hautement concurrentiel dominé par des enseignes étrangères. Dans ce cadre, comment l’écrivain francophone (re)pense-t-il sa relation à l’éditeur et, plus largement, aux grands centres d’édition francophones que sont la ville de Montréal au Canada ou Paris en France ? Comment l’oeuvre aborde-t-elle la question de son lectorat dans l’espace de la fiction ? Comment joue-t-elle avec l’horizon d’attente de ses lecteurs ? En effet, comme le résume bien Graham Huggan à propos des littératures africaines, ces dernières sont souvent accusées d’être « un produit d’exportation visant un public largement étranger » (2001 : 34), la même critique pouvant être adressées aux littératures caribéennes et maghrébines. Dans ces conditions, l’écrivain originaire de ces espaces se voit contraint de réfléchir aux conditions de son appartenance à un champ littéraire exogène, mais aussi à l’histoire littéraire qui s’y rapporte. Quelles sont les stratégies déployées par l’oeuvre littéraire francophone pour interroger son inscription dans une tradition (théâtre, poésie, roman, etc.) dont il a hérité[3] et vis-à-vis de laquelle il doit prendre ses distances pour exister ? Comment l’oeuvre redéfinit-elle, ou non, le genre auquel elle appartient ? Au-delà de la question du genre, comment l’oeuvre littéraire francophone pense-t-elle sa relation à la littérature en général et aux autres oeuvres en particulier, que ce soit à l’échelle locale, régionale, (sous-)continentale ou mondiale ? C’est la question de la visibilité de l’oeuvre et, par extension, de sa reconnaissance qui est en jeu ici, en particulier la manière dont celle-ci envisage les relations de pouvoir qui l’unissent aux acteurs institutionnels, de la critique universitaire à l’Académie française, en passant par les prix littéraires et les programmes scolaires.

Il n’est donc pas étonnant, au vu de ce qui précède, que cette tendance à l’autoréférentialité dans les littératures francophones se soit amplifiée au cours des dernières années (Gauvin 2019 : 8). Et pourtant l’exploration de ces pratiques métatextuelles reste limitée dans le champ des littératures maghrébines, africaines et caribéennes de langue française par rapport aux études de même nature portant sur les littératures française, québécoise ou franco-canadienne. Prenant l’exemple des littératures africaines, Kodjo Attikpoé et Josias Semujanga soutiennent ainsi que la figure de l’écrit « semble avoir échappé à la vigilance de la critique » (2018 : 5). Les spécificités de la métatextualité, ses causes et les types d’autoreprésentation qui en découlent restent donc à interroger. C’est précisément cette lacune que nous souhaitons combler dans ce numéro thématique dédié aux pratiques métatextuelles dans les littératures francophones du Maghreb, d’Afrique subsaharienne et des Caraïbes. Alors que la légitimation institutionnelle de ces littératures ne va toujours pas de soi, dans quelle mesure le recours à la métatextualité permet-il aux écrivains issus de ces espaces de (re)définir les modalités de leur écriture et les fonctions de la littérature ? Quels sont les stratégies et les modes de lecture métatextuels auxquels ces derniers ont recours pour (re)négocier leur rapport au champ littéraire, aussi bien au niveau local que mondial ? Quels procédés sont mis au service de la métatextualité au niveau des thèmes choisis, des styles cultivés et des genres adoptés ? Autant de questions auxquelles les contributions que rassemble ce dossier cherchent à apporter des éléments de réponse.

En effet, comme le précise Nathalie Ferrand, c’est dans le « savoir métalittéraire [que] se joue une évaluation esthétique du roman face à d’autres romans ou face à d’autres genres » (2002 : 249), ce à quoi nous ajoutons une évaluation historique, linguistique, culturelle, voire politique puisqu’il s’agit d’une véritable forme d’autonomisation de littératures auxquelles on a trop longtemps accolé l’étiquette de « mineures ». Sur le plan formel, l’étude des pratiques métatextuelles permet non seulement une relecture originale des oeuvres, bon nombre d’études ne prenant pas en compte ce deuxième niveau de lecture ou cette « histoire dans l’histoire », mais elle permet aussi d’étudier la manière dont lesdites pratiques contribuent au renouvellement des littératures francophones contemporaines. Sur le fond, une telle analyse donne lieu au développement d’une nouvelle forme d’ontologie, par le biais de la figure du « créateur » (le romancier, le poète, le dramaturge, etc.) et la relation qui le lie à sa « créature » (l’oeuvre), mais elle génère aussi de nouvelles formes d’épistémologie, de nouveaux savoirs, en dehors d’un cadre strictement occidental, la métatextualité s’ingéniant « à parcourir en les reliant de nombreux champs du savoir pour les problématiser les uns par rapport aux autres », comme le rappelle Jacques Sohier (2002 : en ligne).

Nous ouvrons ce dossier avec un article d’Olga Hel-Bongo qui se livre à une relecture du premier roman d’Édouard Glissant, La Lézarde (1958), récompensé par le prestigieux prix Renaudot l’année de sa publication. Ce dernier, nous rappelle l’autrice, n’a jamais fait l’objet d’une étude métatextuelle approfondie, alors même que cette pratique d’écriture y est omniprésente. C’est à cette tâche que s’attelle Hel-Bongo en examinant la nature, les manifestations et les fonctions du métatexte dans l’oeuvre de Glissant, notamment par le questionnement des personnages, de l’écrivain ou du lecteur, qui jouent tous un rôle fondamental dans ce cadre. Son étude démontre ainsi que la complexité du roman de l’écrivain martiniquais s’articule autour d’un élément central, la filiation, qui réunit à la fois la fiction et la métafiction, Aimé Césaire et Édouard Glissant, le singulier et le collectif, l’histoire et la mémoire, autour d’une problématique commune, celle de la quête existentielle, nationale ou poétique.

Maeva Archimède prolonge la réflexion sur les littératures caribéennes en examinant l’emploi de l’autométatexte, à savoir tout commentaire qu’un individu formule sur son propre texte, dans les recueils Gerbe de sang (1946) du poète haïtien René Depestre et Cette igname brisée qu’est ma terre natale (1971) du poète guadeloupéen Sonny Rupaire. La mobilisation de ce concept permet à Archimède d’interroger de manière originale ce que peut la poésie, mais aussi le rôle du poète dans un contexte d’urgence sociale. L’autométatexte, explique l’autrice, constitue un véritable outil rhétorique grâce auquel le poète balise la lecture, infléchit la réception et l’interprétation de son texte, amenant ainsi le lecteur à considérer les problématiques sociopolitiques qui constituent son quotidien. Plus encore, la présence de l’autométatexte au sein du poème élève au rang de motifs littéraires les questions d’ordre idéologique, politique et esthétique que sont le langage, la structure, la fonction et la genèse du texte poétique. Enfin, au-delà de sa valeur argumentative, l’autométatexte peut être vu comme un procédé esthétisant par lequel le poète lie poésie et pressions sociales.

C’est également sur la parole poétique que se concentre Germain Guehi dans son analyse de D’éclairs et de foudres (1980) de l’écrivain ivoirien Jean-Marie Adiaffi. Dans cet ouvrage, la poésie orale, comme un pavé dans l’eau, désarticule les vieilles amarres littéraires au profit d’une intertextualité appelée « écriture N’zassa ». En plus de servir de vitrine à la manifestation de l’art oratoire dans le milieu traditionnel, cette dernière a également pour particularité de comporter une forte dimension métatextuelle. En mobilisant les outils méthodologiques de la sociocritique et de la psychocritique, l’analyse à laquelle se livre Guehi met en évidence la manière dont l’écriture N’zassa, une esthétique littéraire à connotation subversive, donne lieu à une redéfinition de la création poétique dans l’oeuvre d’Adiaffi. La pratique métatextuelle développe ainsi un double enjeu de quête de dignité culturelle et de construction d’une écriture tirant sa source des valeurs traditionnelles.

La contribution de Morgan Faulkner se penche également sur la question du genre dans les littératures africaines en analysant la pièce de théâtre Le petit frère du rameur (1995) de l’écrivain togolais Kossi Efoui. L’autrice souligne la double interrogation que génère l’association du métathéâtre, ce voisin de la métatextualité qui décrit tout retour du théâtre sur soi-même : l’une sur l’invisibilité sociale, l’autre sur l’auteur et la capacité de son oeuvre à en rendre compte. Faulkner dévoile ainsi la manière dont l’écrivain entremêle réflexions sur l’exil et réflexions sur la représentation, la métathéâtralité s’imposant, dans ce contexte comme un outil de connaissance sur les pouvoirs et les limites de la dramaturgie. En analysant les formes et fonctions de la métathéâtralité dans Le petit frère du rameur, en particulier « l’oeuvre dans l’oeuvre » et l’élaboration du chantier de l’écrivain, l’autrice montre comment Efoui éclaire la violence de l’invisibilité sociale, mais aussi les possibilités créatrices émergeant des marges.

Lisa Romain aborde quant à elle une autre forme d’engagement en explorant l’oeuvre de l’écrivain algérien Boualem Sansal. En effet, nous rappelle l’autrice, Sansal est confronté à une équation complexe : comment dénoncer fermement l’autoritarisme idéologique du pouvoir algérien et des islamistes sans tomber lui-même dans l’autoritarisme idéologique et, ce faisant, comment promouvoir l’autonomie et la réflexion du lecteur-citoyen tout en cherchant à le convaincre de ses propres opinions. C’est pour tenter de résoudre ce paradoxe, nous dit Romain, que l’écrivain expérimente l’hybridation de deux logiques a priori antagonistes : celle du roman à thèse et celle de la métafiction postmoderne. De la fusion de ces deux ennemies naturelles naît l’idée de l’espace romanesque comme champ d’entraînement à la pratique démocratique, idée que Romain explore en profondeur à travers une série de stratégies cherchant à impliquer le lecteur et à redéfinir la place qui est la sienne.

Du lecteur au personnage lecteur il n’y a qu’un pas, que franchit Charlène Walther dans son article qui vient clore le présent dossier. L’analyse de Walther se concentre plus précisément sur les romans Chemin-d’école (1994) du Martiniquais Patrick Chamoiseau et Demain j’aurai vingt ans (2010) du Franco-Congolais Alain Mabanckou, les deux romanciers ayant la particularité de créer chacun un personnage-enfant ambivalent, construit à partir d’une tension entre la biographie de l’auteur et un ancrage dans la fiction dévoilant son caractère artificiel. En explorant plus avant la dimension métatextuelle du personnage-enfant dans ces deux oeuvres, l’autrice développe l’idée selon laquelle l’enfant constitue avant tout un porte-parole des écrivains dans l’espace de la fiction. Chamoiseau et Mabanckou se servent ainsi du métatexte pour faire de leurs personnages à la fois lecteurs et « écrivains-en-devenir » une mise en scène fictive d’eux-mêmes leur permettant de passer de la théorie, en représentant leur vision de la littérature, à la pratique, en déployant cette dernière dans l’écriture romanesque.

Enfin, c’est également au lecteur-chercheur et à la lectrice-chercheuse que s’adressent les contributions figurant dans ce numéro ou, plus exactement, au « lectant interprétant », pour reprendre l’expression de Vincent Jouve, qui appréhende les éléments métatextuels à l’oeuvre dans l’oeuvre « comme l’indice d’un projet sémantique » (1992 : 92). En effet, par leurs pratiques métatextuelles, les écrivain·es francophones du Maghreb, d’Afrique subsaharienne et des Caraïbes invitent la communauté de lecteur·trices à (re)considérer ses propres pratiques de lecture en l’obligeant à réfléchir à la figure de l’auteur·trice et à problématiser les rapports qu’elle entretient avec cette même figure, mais aussi avec le personnage lecteur auquel il lui est facile de s’identifier en tant que cocréattrice du sens de l’oeuvre. Ils l’amènent enfin à réfléchir aux fonctions et aux procédés qui sous-tendent la création littéraire, notamment la relation qui unit les chercheur·euses, en tant qu’auteur. trices d’un autre type de littérature, à leur propre travail d’écriture et, au-delà, au champ de la recherche dans lequel ils et elles s’inscrivent.